Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

TROSIÈME PARTIE

FEU DIVIN

ET COMBUSTIBLE APOSTOLIQUE

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I

Pierre et le Coq.

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Ah! Pierre, que le souvenir de ce moment-là a dû être cruel pendant tout le reste de ta vie! Mais n'est-ce pas précisément ce moment, où tu as dû constater d'une manière si terrible et si décisive la mortelle faiblesse de la nature humaine, qui t'a préparé pour l'acte définitif d'abandon par lequel tu devais mourir pour toujours au monde et à toute force charnelle, et devenir l'apôtre chargé de proclamer quelques semaines plus tard, à tout Jérusalem, que le Galiléen crucifié avec des brigands était réellement le Roi des Juifs, le Fils de Dieu, le Sauveur du monde?

Quoi qu'il en soit, c'est cet incident, plus que toute autre chose, qui, par contraste, a permis au monde de mesurer toute l'étendue du miracle moral accompli le jour de Pentecôte, et que Dieu peut encore accomplir pour quiconque se renie soi-même aussi complètement que Pierre renia son Maître, et cesse à tout jamais de faire reposer sa confiance en une force quelconque ne procédant pas directement du Saint-Esprit.
Il n'y a rien dont l'Éternel soit jaloux comme de sa propre gloire, et l'honneur qui est dû au Saint-Esprit, unique puissance pour convertir le monde, il ne veut, en aucune façon, la partager avec l'homme. Il n'a pas donné à notre pauvre nature déchue la moindre capacité pour se relever par elle-même; il n'a pas donné à une seule de nos forces, de nos facultés naturelles, le pouvoir de sauver les âmes. Tout ce qui est né de la chair est chair, et seul ce qui est né de l'Esprit est esprit. C'est à ceux qui font banqueroute de toute autre puissance que Dieu donne la puissance de la Pentecôte.




Mais Pierre était sincère, Et il y a toujours espoir pour ceux qui sont sincères. C'est de tout son coeur qu'il s'était mis à suivre le Maître. Il avait cru en lui avec une entière simplicité, avec toute la naïveté du pêcheur du lac de Galilée. Sa tête n'avait pas été remplie de toutes les discussions théologiques dont vivait la société religieuse de Jérusalem. Lorsque Jésus demanda aux disciples: « Qui dites-vous que je suis? » c'est Pierre qui répondit: « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant » ; et c'est à lui que Jésus annonça immédiatement après, que, sur cette vérité divine, à lui révélée par le Père, il bâtirait son Église, et que « les portes » du « séjour des morts » ne prévaudraient pas contre elle. En effet, comme Fils de Dieu, il devait ressusciter, triomphant des portes du séjour des morts, venir vivre en ses disciples, répandre sur eux la puissance de Pentecôte qui les rendrait, eux aussi, plus que vainqueurs.

Oui, c'était sur la nature divine en l'homme, et non sur sa pauvre nature humaine, que devait être bâtie, comme sur le roc, l'Église de Dieu sur la terre.
Et dans cette dernière soirée, ou plutôt dans cette matinée où il devait monter à Golgotha, Pierre devait constater encore une dernière fois que l'homme laissé à lui-même n'est que sable.




Dans ce coq, qui chantait auprès de Lui, Pierre pouvait saisir, par contraste, toute l'indignité de notre nature déchue: il voyait qu'un simple oiseau était infiniment plus fidèle que lui.
L'aube du jour le plus solennel qui se soit jamais levé sur la terre, commençait à poindre, ce jour vers lequel les patriarches et les prophètes avaient porté avec espoir leurs regards à travers quarante siècles; ce jour vers lequel les rachetés regarderont, en arrière, du sein de l'Éternité. Et dans la souffrance, la solitude, l'ignominie de cette nuit et de cette matinée, chez le grand prêtre, - le représentant officiel de la religion, à Jérusalem, - le Seigneur, abandonné par les onze, devait encore entendre Pierre, resté le dernier, le renier trois fois. Et alors ce pauvre oiseau, dont l'espèce était restée dans son état normal, fidèle à sa mission instinctive depuis la création du monde, annonça par trois fois que le jour allait se lever.

Oui, le jour allait se lever, pour les plus faibles parmi les plus faibles de cette race humaine, descendus plus bas, infiniment plus bas que toute la création animale, dont ils faisaient leurs serviteurs.




Telle est notre nature sans le Saint-Esprit. L'expérience de Pierre doit être tenue pour décisive. Qui, dorénavant, osera penser que cette nature humaine déchue va porter un renfort quelconque au Saint-Esprit ? Osera-t-on s'appuyer d'une façon quelconque sur le bras de la chair ? Plaira-t-on encore à la chair, même en religion, ou bien la laissera-t-on dans le tombeau que Jésus-Christ allait préparer à Pierre et à tous ceux qui, en tout temps, devaient le servir en nouveauté de vie, par la seule force de cette vie nouvelle ?




Et qu'y a-t-il de comparable à la fidélité du pur amour divin ? Au moment où l'amour humain (et certes, Pierre, qui l'avait connu pendant des années, aimait Jésus!) montrait les abîmes de lâcheté dont il est capable, même dans son expression la plus haute, en ce moment même la force sublime, la fidélité inaltérable, le dévouement au devoir, qui sont le propre de l'amour divin, se montraient en Jésus-Christ dans toute leur majesté et leur tendresse indicible. Il se retourna et regarda Pierre.
C'était un regard de pitié et d'amour inexprimables. Jésus ne prononça pas un mot: ç'aurait été trahir son pauvre disciple et l'exposer à partager une mort pour laquelle il n'était pas encore prêt; et malgré son affreuse solitude Jésus ne songea pas à l'appeler à lui pour sa propre consolation. Ce même Sauveur qui avait étendu la main vers Pierre quand il enfonçait dans les eaux, ne voulait pas que Pierre lui tendit alors la main. Et lui, son Sauveur, son ami fidèle, ne pouvant lui parler, lui tendit encore la main, pour ainsi dire, par un seul regard. Et un regard de notre part peut sauver, s'il vient de Dieu en nous.

Oh! la miséricorde insondable de Dieu! où y a-t-il place pour le désespoir ? Y a-t-il lieu même de se décourager au sujet de la faiblesse humaine? S'agirait-il de notre force ou de notre faiblesse dans la question de la conquête du monde? Le découragement ne vient-il pas précisément de ce qu'on regarde à soi d'une manière quelconque ?
Regarder à nous-mêmes si peu que ce soit, n'est-ce pas là l'erreur suprême ?
Oui, la question est réglée à tout jamais!
Et maintenant, fixons les yeux pour un instant sur le nouveau Pierre.

0 merveille de puissance divine! - ce même homme devient le représentant de Jésus-Christ, le représentant du Ciel, le représentant de tout l'univers du bien, lorsqu'à l'aube de la Pentecôte il descend de la Chambre haute, à la tête des cent vingt, pour entreprendre la conquête du monde.
Et cette même puissance est pour nous, - pour chacun de nous.




Une leçon impérissable se dégage de l'histoire de Pierre: pour l'âme sincère, il n'y a jamais lieu de désespérer. S'il y a eu dans l'histoire du monde deux hommes qui semblaient avoir le plus de droit à un désespoir éternel, c'étaient Adam et Pierre. Représentez-vous l'immensité des conséquences de la chute d'Adam et d'Ève, - le nombre incalculable d'êtres humains qui ont existé dans les cinquante siècles de l'histoire du monde, - et qui tous ont subi les conséquences fatales de cette chute première. Et si nos premiers parents, pas plus que Pierre, ne se sont pas abandonnés à un désespoir éternel, si la grâce de Dieu est immédiatement intervenue, leur ouvrant la voie du salut, leur annonçant le Christ, où peut-il se trouver,' sur la face de la. terre, une âme qui ait le droit de désespérer, si elle veut sincèrement le salut.
« La miséricorde de Dieu dure à jamais. »
David répète Vingt-six fois en un seul psaume que la miséricorde de l'Éternel dure à toujours.




Je rencontrai un jour, en chemin de fer, un homme de Dieu, un missionnaire qui revenait de l'Afrique; au cours de la conversation, je lui demandai: « Selon vous, quel est le plus grand des péchés? » - « Le désespoir, me répondit-il, car il méconnaît le plus grand des attributs de Dieu, l'amour. »


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