Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

VI

L'astronomie de la sainteté

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(1)

LES ÂMES APOSTOLIQUES. - LE PRINCIPE D'ATTRACTION AUQUEL ELLES OBÉISSENT. - LE MILIEU OU ELLES SE MEUVENT.


UN PSAUME MODERNE



LA sainteté: ce qu'elle est.

La passion des étoiles et des planètes.

Vastes mondes de l'espace, et vous étoiles étincelantes qui voguez d'une vitesse vertigineuse à travers les noires profondeurs de la nuit, et l'azur radieux du jour, n'avez-vous pas quelque haute et solennelle vérité à nous apprendre ? Quel est donc votre secret? Dites-nous à quelle noble et puissante passion vous obéissez !


La foi agissant par l'amour: sa paix, sa puissance, son activité.

De patrie, de foyer, de repos, vous n'en avez point, et pourtant vous roulez et roulez encore là-haut dans une paix parfaite, emportant comme notre terre, à travers les solitudes des cieux, vos campagnes verdoyantes qui sourient dans la lumière. - Ainsi mon âme, même dans sa course rapide, peut conserver dans une inaltérable sérénité ses paysages intérieurs.

Semblables à des majestés apostoliques, vous avancez d'un pas ferme sur l'éther des cieux. Aucun tremblement ne vous saisit, aucun doute ne vous arrête, aucune appréhension ne vous fait enfoncer. - Ainsi mon âme, affranchie par la foi de toute crainte, peut « marcher sur les eaux » avec son Dieu.

On dirait que pour vous la foi et l'espérance se sont substituées à la vue. Vous n'avez aucun appui terrestre; vous n'avez rien pour vous soutenir dans votre course aérienne; et cependant vous possédez une force prodigieuse. - Ainsi mon âme, dépourvue de tout appui humain, peut de jour en jour être puissante en Dieu pour le service des autres.

Un silence solennel vous entoure. Aucun son, aucune voix ne parviennent jusqu'à vous à travers le désert illimité qui vous entoure de toute part. Aucun zéphyr ne vous murmure: « Dieu est là ». -

Ainsi mon âme, morte aux sentiments et aux émotions, sourde à la voix de la crainte, peut avancer dans la foi par l'amour.

Toujours plus avant! telle est votre loi éternelle. Au point de vue « terrestre », votre vol vertigineux à travers les régions inconnues de la nuit paraît celui d'une audacieuse témérité, et cependant vous semblez être inspirés par une joyeuse confiance. - Ainsi ma foi peut avancer sans hésitation, d'un pas régulier, vers l'invisible qui ne s'ouvre devant elle qu'un moment après l'autre.

Et tandis qu'en Dieu - le firmament, l'élément invisible de mon âme - je vis dans un abandon complet, comme vous je marcherai avec une parfaite précision, arrivant toujours à l'heure exacte au rendez-vous que m'assigne de moment en moment la volonté de Dieu. Par l'amour, j'accomplirai toute sa loi.

« Considérez-nous, » semblez-vous nous dire. Nous ne travaillons pas, nous ne nous fatiguons pas, nous ne nous inquiétons de rien, nous ne faisons que nous abandonner à l'appel d'une force mystérieuse. » C'est ainsi que, par un abandon complet à mon Dieu, j'unis ma destinée à celle de mon Créateur.

Alors même que vous planeriez pendant des années sans nombre, aucune frontière ne se dessinerait jamais dans le lointain. Ce sera toujours l'infini. - Moi aussi, « citoyen des cieux », «né d'En-Haut », j'ai cessé d'être un enfant du temps pour devenir un enfant de l'éternité.

Nous te louons, Père, Seigneur des cieux et de la terre, de ce que tu as caché ces mystères sacrés des cieux aux sages et aux intelligents, et de ce que tu les as révélés à tes enfants de céleste naissance.


L'amour: infini, insondable, insatiable.

Cette passion qui vous dévore, tandis qu'à travers les vides azurés du jour, ou à travers les déserts sauvages de la nuit, vous poursuivez votre route à une allure effrayante, elle est la fidèle image de la passion de mon âme qui s'élance vers le Dieu vivant.

Vous semblez vouloir mesurer l'espace; vous descendez toujours plus bas dans ses abîmes, ou vous vous élevez toujours plus haut dans ses régions supérieures comme pour en déterminer la largeur, la hauteur, la profondeur... Mais c'est en vain: l'espace est infini comme la grâce de Dieu; la sonde n'en touchera jamais le fond.

Et pourtant, elle est impossible à étancher, la soif qui vous consume. Vous vous enivrez d'espace, et vous buvez encore; rien ne peut vous arrêter dans la recherche de nouvelles profondeurs d'abandon et de repos. - Ainsi mon âme a une faim et une soif de Dieu toujours plus intenses; elle aspire à se perdre irrévocablement en lui.


L'amour: sa confiance aveugle.

Pour vous il n'est ni sud ni nord sur cet océan où vous naviguez sans trêve. Il vous importe peu où vous allez. Vous n'avez ni cadran ni boussole, ni moyen de vous orienter, et pourtant votre marche ne dévie jamais de la droite ligne. - Ainsi la barque de mon âme ne connaît pour latitude et pour longitude que l'Éternel lui-même.

Bien que vous avanciez ainsi éternellement sur cette mer sans bornes, vous ne repassez jamais par le même point. Votre sillon est toujours nouveau. - Ainsi, pour mon âme, chaque jour, chaque heure, présente un aspect différent ; chaque moment apporte avec lui des manifestations inattendues de la divine volonté, des providences d'un nouvel ordre. Elle ne peut donc se diriger d'après le chemin déjà parcouru.


L'amour ne cherche pas son intérêt.

Si je dois traverser l'épreuve, noire comme la nuit; si je dois affronter quelque lutte au dedans ou au dehors; ou si la joie, comme un ciel bleu, s'étend au-dessus de mon âme; comme vous, je poursuivrai ma route A paix, gardé du découragement comme de l'exaltation, sachant que Dieu est partout, dans la nuit comme dans le jour.

Vous ne sauriez fixer votre destination ni votre sort. Votre ciel est d'une seule teinte. Sa voûte bleue s'étend d'un pôle à l'autre, un grand tout uni et indivise. Comment en choisir une partie ? il n'y en a point... Et moi, dans la robe de Dieu je ne vois pas de couture. Sa volonté est une pour moi.

Lorsque les rayons du soleil inondent votre ciel d'azur, et que les paysages de votre monde avec toutes leurs richesses, vous deviennent visibles, souvenez-vous alors qu'au plein jour de la joie vous ne voyez pas vos semblables comme dans la nuit de l'épreuve.

C'est lorsque votre monde à vous est plongé dans les ténèbres, qu'apparaissent dans tous vos cieux une multitude de camarades. Vous voyez leur sort plus clairement; vous vous oubliez vous-mêmes dans un mouvement de sympathie, et vous fixez vos regards avec amour et admiration sur cet essaim resplendissant de vos frères.


L'amour : sa solitude, son silence.

Votre solitude, c'est votre gloire. Parmi les « terrestres », il en est peu qui vous comprennent. Dans ce firmament, vos compagnons se comptent par milliers de millions, et cependant vous paraissez toujours isolés. - Ainsi mon âme, semblable à une petite étoile, peut rayonner dans le lointain, solitaire sans être seule.

Et lorsque quelque flamboyante comète s'élève des profondeurs inexplorées des ténèbres et vous croise dans sa course rapide, vous vous inclinez un instant à son passage. - Ainsi l'âme apostolique qui en croise une autre, perdue aussi en Dieu, peut la saluer sans dire mot, et passer son chemin. Elles restent muettes, car elles se comprennent sans paroles.

Car de même que vous, planètes, et vous, étoiles, qui ne connaissez dans l'espace ni barrières ni limites, et pour lesquelles tous les lieux sont les mêmes, je n'ai pas d'habitation préférée, ni dans le temps ni dans l'éternité. Je me meus à l'aise dans les profondeurs insondables de la grâce de Dieu, ma seule habitation. Je ne connais plus personne selon la chair, bien que je salue Dieu tout à nouveau en chaque homme.

Comme vous, nous nous croisons rapidement, nous nous saluons et nous nous séparons, peut-être pour toujours, chacun poursuivant sa course dans la sainte volonté de Dieu, cherchant à accomplir fidèlement son mandat. Aucun des deux ne s'inquiète au sujet de son frère ; il le sait en Dieu qui est sa sécurité et sa très grande récompense.


L'amour : sa puissance d'attraction.

Le secret de votre énergie est dans la puissance d'attraction qui vous entraîne, à laquelle vous vous êtes abandonnés et, sans elle, vous seriez restés inertes et sans force. De même aussi mon âme, demeurant abandonnée à l'amour divin, y trouve sa force unique.

Restant soumis avec une sainte déférence à cette douce autorité, vous attirez vers vous, à votre tour, d'autres corps célestes, les assujettissant à la même loi que vous. Et ainsi, avec vous, ils obéissent tous à leur Créateur, voguant en Dieu, vers Dieu, encore, toujours .....

Autour de vous, tandis que vous brillez là-haut, ces planètes inférieures se groupent et évoluent, trouvant, grâce encore à la loi de l'attraction, l'orbite qui leur convient en raison de leur grandeur et de leur poids, se plaçant ni trop près ni trop loin. -- C'est ainsi que les saints de Dieu s'associent, trouvant chacun sous la loi de l'amour la place qui lui revient, dans l'intérêt commun et pour la gloire du Créateur.

Je ne connais aucun lien plus puissant que celui qui vous maintient ainsi toujours à votre place, vous préservant de chute, de collision et de catastrophe. - Ainsi, pour nos âmes, le lien invisible de l'autour est le seul qui, à travers l'espace, peut nous garder comme vous, fidèles, chacun à son poste.

Vastes mondes de l'espace, vous vous passez de toute sympathie « terrestre ». Vous n'en réclamez aucune. Une telle indépendance ressemble à de l'insensibilité. Mais votre temps est trop précieux pour le perdre à consulter des désirs égoïstes. - Ainsi mon âme, divorcée à tout jamais du moi, peut se vouer sans entrave à l'accomplissement de la loi de l'amour divin. Et si elle en assemble d'autres autour d'elle, ce n'est que pour mieux les entraîner avec elle autour de son centre : Jésus-Christ.

Oui, sagesse éternelle, tu as su établir ici-bas un centre unique d'où l'amour exerce son attraction toute-puissante, amenant captifs tous les tiens, et les tenant assujettis à sa douce contrainte. Ce centre, c'est le Christ et la croix du Calvaire.

Et quel pourrait bien être ce point lointain de l'espace infini vers lequel s'élancent par myriades les constellations et les systèmes planétaires avec leurs soleils autour desquels gravitent des mondes sans nombre?

Quel est donc ce point infiniment lointain de l'illimité ?

Nous ne le savons. - Mais pour les âmes apostoliques nous savons que le point vers lequel elles gravitent sans cesse, c'est le coeur de Dieu.
 

La sainteté : comment y parvenir, comment y en attirer d'autres ?
En mourant à notre « terre » (la vie propre) nous entrons dans le ciel de l'amour.

« Tel est le terrestre, tels sont aussi les terrestres », ceux qui marchent selon leurs propres voies et n'ont pas encore livré entièrement leur volonté à Dieu. « Tel est le céleste, tels sont aussi les célestes », ceux qui ont répondu à l'appel du ciel par un abandon complet. Mourant ainsi à leur « terre », ils s'élèvent « aux lieux célestes en Jésus-Christ ».

Alors, - paradoxe merveilleux de la grâce! - lorsqu'ils sont ainsi lancés dans le vide, et perdus en Dieu, lorsqu'ils sont ainsi devenus faibles, c'est alors qu'ils sont forts, lorsqu'ils sont incapables de faire d'eux-mêmes un mouvement dans cet élément impalpable, où la foi les a jetés c'est alors que saisis par la loi de l'amour, ils se mettent en mouvement, une armée glorieuse, géants par l'humilité.

Comme une étoile diffère en éclat d'une autre étoile, ainsi en est-il des fils de Dieu; chacun à son rang, ils brillent comme des soleils; héros embrasés, ils luttent par leur rayonnement contre les ténèbres, le péché et la mort, - puissants par la lumière, l'amour et la vie.

Et pendant que du chaos, du néant et des ténèbres, chaque nouvelle création spirituelle, née de l'amour, surgit dans la beauté, la vie et la lumière, « les étoiles du matin éclatent en chants d'allégresse et tous les fils de Dieu poussent des cris de joie » (2).

L'amour : sa puissance pour sauver, pour sanctifier, pour unir les fils de Dieu et pour en accroître le nombre.

Je chante l'Amour ; l'Amour, c'est mon thème. Voilà la sainte et toute-puissante passion qui me contraint à m'élancer à toute vitesse, revêtu de sa force divine, pour arracher les pécheurs à leur sort affreux, pour les entraîner vers la Croix afin qu'ils soient mis au large à leur tour dans la glorieuse liberté des enfants de la lumière.

0 Amour! pur océan sans fond ni rivage; ciel bleu sans limites; ceux qui s'élèvent ou qui s'enfoncent en vous estimeront toujours n'avoir pas atteint le but. Et bien que délivrés de tout péché et marchant dans la sainteté, après mille siècles ils avanceront encore en vous comme dans l'infini.

0 Amour ! il n'est aucune autre puissance qui puisse vous être comparée dans les cieux ou sur la terre. Vous seul vous avez le pouvoir d'unir tous les hommes par des liens indissolubles. Vous seul vous pouvez rompre toute chaîne d'égoïsme, et convaincre chacun que toute perte faite à cause de vous est un gain incalculable.

0 Amour! vous qui créez, vous qui rachetez, vous qui pardonnez, vous qui purifiez, vous qui vivifiez, vous qui multipliez, en vous seul nous avons la vie, le mouvement et l'être. Vous êtes notre origine et notre fin. Vous êtes Dieu, car Dieu est amour.

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(1) Ces pensées ont paru d'abord en anglais sous forme de poème (The Astronomy of Holiness). Je conserve ici la division en strophes. 

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(2) Job 38. 
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