Au
commencement, Dieu
créa...
Le salut est une
nouvelle
création, tirée de l'abîme de notre
néant, ou de la poussière à laquelle
nous aura réduit de nouveau un réel
repentir.
Le salut est donc un
événement aussi important que la
création du monde. Un homme est aussi impuissant
à opérer son propre salut qu'il le serait
à se créer lui-même, ou à
créer un univers.
Et c'est bien un
monde que
Jésus-Christ prend comme terme de comparaison pour
indiquer la valeur d'une âme ou d'une vie humaine:
« que profiterait-il à un homme de gagner tout
le monde s'il perdait son âme? »
Dieu - Dieu lui-même - doit être au commencement de toute religion dans l'homme - dans chaque homme individuellement - comme il a été au commencement du monde, et comme il est au commencement dans la Bible.
La religion que nous
recevons avec
notre naissance naturelle ne peut suffire, quelque parfaites
qu'en soient les croyances, quelque correctes qu'en soient
les cérémonies.
Pendant vingt
années, moi
aussi, je possédais une religion qui avait eu pour
commencement l'homme : mes parents et mes ancêtres. Je
la recevais du dehors et non du dedans, de la terre et non
du ciel, de l'homme et non de Dieu, par ouï-dire et non
par expérience, objectivement et non subjectivement.
Je lui appartenais, mais elle ne m'appartenait pas.
C'était donc pour moi une religion naturelle, et non
surnaturelle, et quelque fidèles et saints qu'aient
été quelques-uns de ceux dont je suis
descendu, le salut de leur âme n'assurait pas le mien,
je ne pouvais pas hériter leur vie spirituelle par la
voie de la chair, car la chair et le sang n'héritent
pas le royaume de Dieu, et ne peuvent le transmettre.
Né chrétien, dans une forme de christianisme qui fut persécutée aussi bien par les protestants que par les catholiques, pure dans ses origines, mais quelque peu tombée dans la mort du formalisme, je devais devenir chrétien par le libre choix de cette âme que Dieu m'avait donnée, à moi et non pas à un autre, et dont j'aurai à rendre compte à Lui, et non pas à un autre, pas plus au plus saint de mes ancêtres dans le ciel qu'à mon propre père sur la terre.
J'avais à mon tour, comme tout vrai chrétien, à recevoir le Christ par révélation personnelle. Et tout attachement charnel que je pouvais avoir pour « la religion de mes pères », ne pouvait qu'être un obstacle à la réception personnelle de la religion de mon Père. Toute confiance reposant sur dogme ou rite, même sur la forme qui consiste à ne point en avoir, devait nécessairement affaiblir le sentiment qu'il me fallait une rencontre personnelle avec le Dieu de mes pères. Personne, ni père ni mère, n'était descendu du ciel pour m'apporter la vie du ciel, et ni père ni mère ne pouvait m'emmener au ciel dans ses bras.
Il fallait que Dieu lui-même fût le commencement de ma religion - à moi individuellement - comme il l'a été de tous ceux qui ont eu de la religion dans le vrai sens du mot, à travers les générations du passé. Aussi tout ce qui n'était pas pur Saint-Esprit dans ce que je voyais ou entendais de la religion de ma famille terrestre, ne pouvait que m'obscurcir la vérité; et plus la théologie était parfaite, et plus la moralité était haute, et plus les formes du culte étaient propres à être un bon canal pour le Saint-Esprit, - plus tout cela constituait un danger pour moi, me faisant attendre un salut quelconque en dehors du don personnel de mon âme et de ma vie à Dieu, et du don de Dieu et de sa vie à moi.
Si donc, la religion de mes
pères ne
contribuait
pas à m'accuser rapidement et sans merci à la
reddition de moi-même à Dieu, à l'union
personnelle avec lui, à la nouvelle naissance, elle
devenait - n'étant pour moi qu'une chose
extérieure - le plus grand obstacle à la
réception de la religion de mon
Père.
De même que j'avais
reçu la vie physique de mon père, je devais
recevoir la vie spirituelle de mon Père. Né
fils de l'homme, je devais renaître fils de
Dieu.
Et il en fut ainsi.
Né le
20 février dans le monde naturel, je naquis à
la Vie dans le monde spirituel le 21 février,
à vingt ans. Cette providence de Dieu m'a
été précieuse pour fixer, une fois de
plus, dans mon esprit, l'ordre divin : d'abord ce qui est
naturel, ensuite ce qui est spirituel.
Et comme lors de ma
naissance
humaine, mes yeux s'ouvrirent sur un monde nouveau, de
même lors de ma naissance spirituelle, mes yeux
intérieurs s'ouvrirent sur un monde absolument
nouveau, monde dans lequel « ma religion »
n'aurait jamais su me faire entrer, monde qui m'était
fermé et inconnu au moment où je la pratiquais
avec le plus d'assiduité.
Oui, toutes choses étaient faites nouvelles. Il ne restait rien de ma «religion ». Il ne me restait que Dieu. Alors, et alors seulement commença la religion pour moi. C'est ainsi que LUI en fut le commencement. La Parole vivante, Jésus-Christ, naquit dans mon être humain, comme c'est le cas pour tout véritable enfant de Dieu. Dès lors, j'ai pu confesser, moi aussi, « Christ venu en chair », et dire avec l'apôtre Jean: « Ce qui était dès le commencement, ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé et que nos mains ont touché, concernant la parole de vie, - ce que nous avons vu et entendu, nous vous l'annonçons. »
La « religion de mes
pères
» étant tombée dans le formalisme, Dieu
(je dis DIEU) m'appela à en sortir plus lard
entièrement, non pas parce qu'elle n'était pas
bonne en elle-même, non pas parce que ses origines
lumineuses n'avaient pas été Dieu, mais parce
que, décidé que j'étais à
être TOUT à lui, coûte que coûte,
il vit que je ne pourrais l'être en restant où
j'étais (1).
Il a commandé, et j'ai
marché. J'ai dû aller dans l'inconnu et dans le
vide.
On ne met pas le vin
nouveau dans
de vieilles outres, disait Jésus-Christ, et il arrive
constamment que de nouveaux convertis sont obligés,
pour obéir à Dieu et pour posséder le
feu du Saint-Esprit, de faire comme Abraham. C'est ainsi
qu'encore une fois, sous une forme plus avancée et
plus en rapport avec les progrès spirituels que
j'avais faits, Dieu devenait un nouveau commencement
pour
moi en m'appelant à quitter « la maison de mon
père » au point de vue religieux, et à
m'unir au peuple le plus vivant et le plus rempli du
Saint-Esprit que je connaisse, à un peuple qui, ainsi
qu'Abraham, est étranger sur la terre, à
l'Armée des nomades de la foi qui s'en va par les
déserts de ce monde, au sein des masses
déchues, faire surgir de nouvelles créations,
et gagner par le sacrifice une postérité
nombreuse comme le sable des plages!
Lecteur, quelle que soit
la religion
que vous ayez, fussiez-vous même l'enfant d'un
salutiste, si Dieu n'a pas été le commencement
de votre religion en
votre
âme, vous n'avez aucune religion dans le vrai sens du
mot. Vous avez ce qui exista avant que Dieu
créât le monde, c'est-à-dire
BIEN.
Jusqu'à ce que vous
vous
sépariez intérieurement de tout et de tous,
pour chercher à rencontrer Dieu dans votre propre
coeur, son royaume ne pourra venir en vous. Jusqu'alors vous
l'avez cherché là où il n'est pas. Vous
l'avez cherché au dehors, tandis que le royaume de
Dieu est au dedans de vous. Et quand bien même les
1500 millions d'âmes sur toute la terre seraient
converties, et que le royaume de Dieu fût venu
partout, sauf en vous, cela ne saurait suffire, vous
pourriez mourir au milieu de l'abondance.
Lecteur, avez-vous eu
cette solennelle
rencontre avec Celui qui est? Dieu lui-même a-t-il
paru dans le vide et le chaos de votre péché;
a-t-il fait en vous un nouveau monde, une nouvelle
création en Jésus-Christ ?
Je vous pose cette
question au nom
de Celui qui est en moi et qui vous parle par moi! Je vous
la pose ayant autant le droit et le devoir de le faire pour
vous, même si vous étiez un théologien
érudit, que pour le dernier débauché de
la rue: Êtes-vous sauvé?
Le miracle de la
conversion a-t-il eu
lieu chez vous?
Le prodige de la
nouvelle
naissance, ce mystère qui confond l'homme charnel,
a-t-il en lieu pour vous?
L'événement de
grandeur indicible : la création d'un monde du sein
du rien, a-t-il eu lieu en vous?
La rencontre avec
Dieu doit
être si personnelle
qu'en
dernier lieu, il faut que même l'âme apostolique
qui amène quelqu'un à Christ, se retire pour
ainsi dire pour le laisser n'entendre et ne voir que
Lui.
Vous êtes-vous
renfermé ainsi dans le silence du sanctuaire de votre
propre âme pour Le rencontrer, et là, le sang
du Souverain-sacrificateur a-t-il été
appliqué à votre âme ?
Avez-vous osé dans
de
pareils moments chercher la vie par une théorie
quelconque ?
Répondez! Répondez,
si vous aimez votre propre âme immortelle!
Répondez!
CONNAISSEZ-VOUS
Dieu? Est-il LA RÉALITÉ SUPRÊME pour
vous, une réalité si vaste, si infinie, que si
toute la terre, toutes les choses visibles disparaissaient,
cela ne vous troublerait en rien, puisque Lui
resterait; -
Lui, dont tout est sorti et qui pourrait tout créer
à nouveau?
Lui! Lui! LUI!
L'avez vous rencontré? Et le
glaive de son regard vous a-t-il anéanti? Et sa main
créatrice vous a-t-elle formé de nouveau du
sein de la poudre où l'âme repentante laisse
tomber toutes choses et elle-même, sous le coup de
l'éclatante pureté de ce regard?
Vous êtes-vous
condamné à mort vous-même devant lui et
devant les hommes? Avez-vous eu l'honnêteté de
prendre devant tous cette position que vous aviez de fait
devant Lui?
En un mot, avez-vous été
vrai dans votre repentir? Ou bien avez-vous encore, à
la dernière minute, préféré
ménager cette hydre d'orgueil et
d'égoïsme qui devait mourir: votre
péché, votre moi?
Votre « repentir »
a-t-il été faux, en n'étant que remords
ou crainte ?
L'immense sacrifice du Calvaire doit-il ne produire que des « conversions » si médiocres que c'est à peine si le « converti » ou son entourage s'en aperçoit! La mort de Christ au Calvaire, cet événement le plus gigantesque de l'histoire du monde a-t-il eu pour résultat un événement d'une importance proportionnée dans votre vie? Ce n'est pas un incident banal quand le Roi de gloire fait son entrée dans un coeur. Votre conversion, si elle a eu réellement lieu, a dû avoir pour résultat un bouleversement dans votre âme, dans votre vie et dans votre milieu correspondant à la grandeur du drame du Calvaire.
Sinon! sinon! sachez
qu'un
désastre vous attend dont la grandeur ne peut se
mesurer que par la grandeur de Dieu lui-même. Et
sachez encore que plus sont grands votre savoir religieux,
votre attachement à votre « Eglise », la
satisfaction que vous procure votre état actuel, et
plus sera épouvantable la ruine qui fondra sur vous.
Tout l'univers est contre vous si vous êtes contre
Dieu.
Comme un ver sur
lequel tomberait
une montagne, comme une mouche entre deux planètes
qui s'entrechoqueraient, tel serez-vous, pauvre
créature dont la vie ne tient qu'à un souffle,
si vous ne vous abandonnez à votre Dieu.
Et encore, je vous demande: qu'est-IL pour vous? Est-il TOUT, ou bien n'est-il rien?
Si Dieu mourait demain et disparaissait de l'univers moral, si toutefois cela était possible, remarqueriez-vous son absence? Est-il TOUT pour vous à un tel point que votre monde intérieur serait plongé dans une aussi grande désolation que si le soleil s'éteignait subitement dans un cataclysme sans nom, et que notre terre, devenue orpheline, rompît le saint cercle de son orbite pour s'en aller errer dans les solitudes désertes des ténèbres du dehors?
Chaque jour vous
rencontrez dans la
rue des hommes qui sont dans cette situation: sans Dieu. IL
n'est pas dans « toutes leurs pensées ».
S'il cessait d'exister, ils ne le sauraient que lorsque
quelqu'un le leur apprendrait. Et pourtant ils « ont
leur religion », eux aussi!
Dites-moi, y a-t-il en
fait un abîme entre ces hommes et
vous, dans
le but et l'esprit de votre vie, aussi grand que celui qui
devrait exister entre un homme qui possède Dieu, et
celui qui ne le possède pas?
Et Dieu est-il ce qu'un tel Dieu doit être pour vous, au point que l'état de ceux qui ne le possèdent pas soit la préoccupation constante de votre vie? Ou bien, tout en étant fort « religieux », avez-vous un a coeur de pierre »; pouvez-vous croiser dans la rue ces univers morts, ces mondes de ténèbres et de désolation, sans que leur vue ne vous trouble ni ne vous émeuve outre mesure ? Êtes-vous un de ceux qui peuvent, au retour de quelque lieu de culte à la mode, passer auprès de ces foules d'âmes perdues, trop absorbé par quelque dogme sec que vous méditez, ou quelque projet mondain que vous Caressez, pour vous émouvoir de leur présence? Passez-vous en prêtre sans pitié « de l'autre côté » du chemin, quand vous voyez ces blessés de la vie, ces victimes de mille péchés, qui gisent là, et y resteront toujours si quelque bon Samaritain (que vous méprisez peut-être) ne vient à leur secours, en les aimant plus que lui-même, et plus que son temps, et plus que son argent, et plus que sa vie?
Je vous demande tout
cela pour savoir
si vous êtes sauvé.
Ce sont autant de
signes auxquels
vous pouvez reconnaître votre état.
Et je vous dis - moi
qui ai connu
sous tant de formes les épreuves que l'on rencontre
au service de Dieu : déchirements,
séparations, mépris, malentendus, coups de
langue, coups de bâton, de pierre ou de couteau,
dangers, expulsions, emprisonnements - je vous dis qu'en Lui
il y a un univers de joie, de paix et de puissance qui vous
suffirait quand même ni un monde, ni un homme
n'existeraient plus!
Celui qui est le commencement est aussi la fin. Et comme il constituait TOUT le passé avant la création du monde, il constituera TOUT votre avenir dès que vous serez tout à lui.
Oui, Dieu ne commence
que là
où l'homme finit. Il ne peut
commencer
que là. Il lui faut toujours le vide pour faire une
création. Car Dieu ne crée que du sein du
néant et ne forme ses créatures que de la
poussière de la terre. C'est là où
l'homme se quitte, qu'il trouve son Dieu. C'est là
où, lassé de lui-même,
désespéré, il en finit avec
lui-même, qu'un nouveau commencement a lieu. Et ce
commencement, c'est DIEU.
Il me semble voir
Dieu se pencher
sur le néant de ce monde, sur ses
ténèbres, sur cet océan de
péché, sur cet immense effondrement, sur ce
chaos où grouillent des millions d'hommes en lutte
les uns avec les autres, cherchant avec ardeur le bonheur ou
le bien et n'arrivant qu'à s'entr'égorger dans
les ténèbres, à blasphémer
contre les cieux, ou à s'épuiser en vains
efforts pour éclairer leur monde sans son Soleil,
pour le sauver sans son Sauveur; - je vois Dieu, dis-je, se
pencher sur cette horrible scène et dire aux hommes:
« j'attends que vous ayez cessé, alors je
commencerai. »
Tant que l'homme conserve un espoir quelconque de pouvoir se suffire, de pouvoir se guider ou se sauver lui-même, Dieu ne peut pas commencer.
Avant donc de chercher à devenir un « plus que vainqueur », il faut vous demander comme dans la présence de Dieu si réellement vous avez jamais passé par une réelle conversion. Nous avons souvent eu connaissance de personnes qui s'occupaient de la question de la sanctification sans être même converties; elles ont dû le reconnaître. Oui, la conversion est un événement dont l'importance surpasse celle de la création d'un monde.
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