Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

PREMIÈRE PARTIE

UNE RELIGION ABSOLUE

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I

« Au commencement...»

 

« Au commencement Dieu... »
C'est ainsi que commence la Bible, le livre de Dieu. Et toutes choses, pour être bonnes, doivent commencer ainsi.

Si ce livre que je veux écrire doit être de quelque utilité, il faut que Dieu en soit le commencement. S'il n'en était ainsi, je ferais mieux de briser ma plume. Je suis pénétré de cette vérité à un degré que je ne saurais décrire. Entreprendre - moi, être humain, moi, ver de terre - d'écrire sur mon Dieu et mon Créateur, et de mettre en lumière sa volonté, est pour moi un acte d'une telle gravité, qu'il me semble que je m'affaisserais en sa présence, frappé d'horreur, anéanti, si je n'avais pas la conviction que c'est son Esprit qui est l'origine de ce livre, et que c'est la gloire de Dieu qui en est la fin et le but, l'objet unique, absolu.

Oui, Seigneur, toi, tu es au commencement de ce volume! Car je suis à toi sans réserve. Et ce témoignage je ne le rends pas à moi-même, mais c'est ton Esprit en moi qui le rend.



« Au commencement Dieu ... »
Ces trois mots ne doivent-ils pas renfermer le principe simple et absolu qui doit régler la vie de l'homme jusque dans les moindres détails et lui permettre de s'orienter en tout: Dieu au commencement de tout, Dieu avant tout?

Comme il est d'une importance vitale pour lui d'être dans le vrai, il doit exister un principe central unique pour le guider. Or, quoi de plus précis, quoi de plus concis que ces trois mots: au commencement Dieu.

Rien de plus simple pour savoir si tout va bien : il suffit de tout soumettre à l'épreuve de cette règle suprême et invariable.

Le Créateur occupe-t-il la première place - la seule qu'il puisse consentir à occuper - dans notre vie, dans nos mobiles, dans nos actions ? Celui qui a été notre origine est-il aussi devenu notre fin ? Est-ce sa seule gloire que nous recherchons ?




Je plaide la cause d'une religion absolue.
Je ne puis pas concevoir que la véritable religion, la religion selon Dieu, puisse être moins qu'absolue d'une part dans ses saintes exigences, et de l'autre, dans le salut qu'elle nous assure. Dieu est absolu, et nous sentons instinctivement qu'il ne serait pas Dieu, si son gouvernement était autre chose qu'absolu. Et quiconque croit véritablement en Lui, quiconque croit qu'il est parfait, dans tous ses attributs, est rempli de joie à la pensée qu'il demande une soumission et une obéissance entières, car cette âme sent instinctivement qu'un tel abandon vis-à-vis d'un tel Dieu doit nécessairement se traduire pour elle en une participation à la nature divine, par conséquent lui assurer la délivrance de tout péché, et une vie de joie et de victoire. Désirant ardemment le but, elle ne peut que désirer les moyens. Dès lors le devoir de l'obéissance absolue est pour elle une grâce suprême.




Comment illustrer le caractère pratique de cette religion absolue ?
Me voici pour quelques heures à Culoz, où se croisent deux des grandes lignes européennes de chemin de fer: celle qui va de Suisse en France, et celle qui va de France en Italie. Sur cette dernière passe la malle des Indes et de l'Extrême-Orient.

Ces grandes voies ferrées qui conduisent aux quatre points cardinaux semblent poser cette question : "Êtes-vous livré à Dieu au point d'être prêt à prendre le premier train dans n'importe laquelle de ces quatre directions pour remplir une mission quelconque que l'amour divin pourrait réclamer de vous? Êtes-vous également prêt à aller au nord ou au midi, à l'orient ou à l'occident, sur l'ordre du Maître? Et si vous filiez à toute vitesse vers le nord, et que, par un effet de sa providence, votre destination fût brusquement changée, seriez-vous libre de toute préférence et de toute répugnance au point de lui obéir sur-le-champ? »

Dois-je le confesser? - quant à moi je sens que oui, et je sens que je ne saurais éprouver la paix parfaite dans un abandon moins absolu à toute la volonté de Dieu.

Il me semble aussi que les circonstances de mon compagnon de voyage peuvent également illustrer ma pensée.

Ce jeune homme de vingt et un ans s'est converti récemment.
Quoique élevé avec soin dans la religion chrétienne, il était devenu absolument incrédule et n'avait pas prié ni lu sa Bible depuis bien des années. Il fut sauvé à la suite de deux de nos réunions, puis, peu de temps après, effrayé des tentations que mettaient sur son chemin un demi-christianisme, et des influences qui tendaient à l'éloigner de Dieu, il se livra à Lui d'une manière absolue, renonçant à toute carrière terrestre pour se vouer à une vie de consécration apostolique.

Quand je lui demandai hier, en route, de me dire en un mot ce qui avait ébranlé cette incrédulité qui lui paraissait si solidement fondée, il me répondit que c'était tout simplement la manifestation dans ces deux réunions d'une religion absolue, c'est-à-dire d'une sincérité, d'une consécration, d'une paix, d'une joie et surtout d'un amour, de la réalité desquels il ne pouvait douter.

Oui, une religion absolue est la seule qui peut convertir l'incroyant. Toute autre religion n'est souvent qu'une fabrique d'incrédules.




Il ne peut y avoir au fond que deux sortes de religion: celle qui est un fardeau qu'on porte péniblement, et celle qui est une vie, qui est une force qui vous porte. C'est cette dernière qui est la seule vraie, et qui seule pourra exercer une influence salutaire sur le monde.

Si Dieu n'avait pas le pouvoir de nous communiquer sa vie et sa puissance de manière à nous rendre facile d'être bons, de rendre en un mot la sainteté aussi naturelle pour nous que le péché nous était naturel autrefois, ce ne serait pas la peine de devenir chrétien. On ne ferait que se charger d'un pesant fardeau de plus, on ne ferait qu'échanger l'esclavage du monde contre l'esclavage de la religion. Dieu n'entend nullement forcer l'homme à obéir à une loi qui lui est désagréable et gênante. Son plan, c'est de changer le coeur, de manière à le mettre d'accord avec sa sainte loi. Dès lors l'homme aime à faire la volonté de Dieu, son coeur se trouve au large, il est en liberté.

C'est ce qu'entendait Saint Augustin lorsqu'il disait: « Aime, et fais ce que tu veux. »

Dieu s'est engagé à transformer notre coeur, à le renouveler à l'image du sien, à tel point qu'il nous deviendra aussi facile et naturel de faire sa volonté qu'il l'était auparavant de faire notre propre volonté. Lorsque l'âme est livrée à Dieu par un abandon absolu, il devient plus difficile de pécher volontairement que de vivre dans la sainteté. L'amour devient la loi impérieuse et tendre tout à la fois qui règne en nous. C'est un besoin de l'âme d'aimer son Dieu et son prochain, et de lutter sans cesse pour l'établissement du règne de l'amour dans tous les coeurs.

Ce n'est donc pas un état de choses impossible à réaliser en nous-mêmes que celui qu'indiquent les paroles « au commencement Dieu ». C'est absolu, mais c'est simple, parce que c'est naturel.

La religion n'atteint son état normal que lorsqu'elle devient le plaisir de la vie.
Le vrai chrétien est aussi entier dans son domaine que le mondain dans le sien. Le mondain fait du plaisir son Dieu, et le chrétien fait de Dieu son plaisir.

La religion morne, fade, compassée, qui a cours dans le monde, religion toute d'extérieur, où le coeur n'entre pour rien, n'est qu'une contrefaçon. Que l'incrédule donc ne s'y achoppe pas.

Si Dieu ne pouvait pas nous donner cette vie, cette force débordante, exubérante, cette innocence, ce naturel, cette aisance que nous voyons partout dans la nature autour de nous, oh! certes, il se moquerait de nous en nous donnant une religion. S'il ne nous offre pas quelque chose de meilleur que ce que le monde peut offrir, à quoi bon aller vers lui?

Mais il le fait, béni soit son nom! Il met à notre portée une nouvelle nature, une nouvelle vie qui, partout où elle se manifeste, amène le ciel sur la terre. Il y a des conditions à remplir. Elles sont simples mais invariables : un salut absolu provient d'un abandon absolu. Au commencement DIEU: telle est la loi.




Ce qu'il faut donc avant tout, c'est une rencontre avec Dieu, une de ces rencontres qui ont fait des saints d'autrefois ce qu'ils étaient. Le but unique de ce livre, c'est d'amener des âmes à rechercher cette rencontre. Tout y doit tendre vers ce but pratique, ce but glorieux.




On ne peut jamais être sûr de quelqu'un dont la religion n'est pas absolue. S'il n'est pas entièrement abandonné à Dieu pour tout supporter comme son Maître, jusqu'aux dernières injustices, aux outrages les plus infamants, le démon saura trouver le point faible et préparera devant lui une tentation qui le vaincra, ou une épreuve à laquelle il succombera.

Donc avant que notre abandon soit absolu, avant que nous possédions l'amour parfait qui bannit toute crainte (en ce qu'il nous détache de tout au point que nous ne craignons plus de perdre quoi que ce soit), nous ne sommes jamais en sécurité. Qui s'est abandonné à toute la volonté de Dieu entre dans la paix et le repos. Qui a tout perdu n'a plus rien à perdre, et dès lors que craindrait-il ?

L'homme est vulnérable quelque part tant qu'il n'est pas absolu dans sa consécration à Dieu. Mais la religion absolue est absolument invincible. L'homme ne peut rien contre une telle religion. Il est aussi impuissant à la vaincre qu'il le serait à vaincre les grandes lois de la nature. Que peut-on contre le pur amour? L'amour parfait est une forteresse, non seulement invincible, mais qui devient toujours plus forte à mesure qu'on l'assaille davantage.




Et pourquoi devons-nous être absolus dans notre soumission à Dieu? Voyons brièvement quels sont les attributs du Créateur.
Tout d'abord Dieu est bon, et parce qu'il est bon il est heureux. Les Saintes Écritures donnent en un mot l'explication de cette divine nature : « Dieu est amour. » Il est l'amour désintéressé, libre de tout égoïsme, de toute recherche d'un autre but que le bien de toutes ses créatures. Le bien, voilà sa gloire, voilà le secret de sa félicité. Là aussi gît pour l'homme le secret du vrai bonheur; aimer d'un amour pur et invariable, voilà la suprême perfection. Oh! mon âme, quel but ton Dieu d'amour te propose!

L'univers ne voudrait pas d'un Dieu mauvais, malheureux ou menteur. Même l'homme le plus dépravé qui ne se croit aucune obligation d'être bon, aimable, ou véridique, vous dirait qu'en tout cas il est nécessaire que Dieu soit bon. Et ceux qui sont le moins bons envers les autres, aiment à ce que les autres soient bons envers eux. Pour les mêmes motifs les impies éprouvent une certaine sécurité dans la pensée que l'Être suprême est à la fois parfait et immuable.

Dieu est bonté, Dieu est bonheur, « Dieu est amour » - et dès lors Dieu doit être puissance. Nous sentons instinctivement que cela doit être ainsi. On aime à savoir dans n'importe quel domaine que la puissance est entre les mains des bons. Nos instincts se révoltent dès que nous voyons la puissance appartenir aux mauvais, et mise au service de l'égoïsme, de la haine ou de toute autre mauvaise passion. Plus quelqu'un est bon et plus nous aimerions le voir puissant. Dieu est suprêmement bon, c'est pourquoi nos coeurs se réjouissent du fait qu'il est « tout puissant. » Oh! joie inexprimable, notre Dieu « a toute puissance dans les cieux et sur la terre ! »

En présence d'un Dieu pareil, de ce Dieu-amour, de ce Dieu-puissance, sagesse,. vérité, justice, de ce Dieu qui nous déclare qu'il veut renouveler en nous son image effacée par la chute de l'homme, et nous communiquer cette nature d'amour qui est sa suprême perfection, pourrait-on, oserait-on souhaiter que ses commandements fussent moins catégoriques qu'ils le sont? Ne serait-ce pas nous faire à nous-mêmes un tort infini? Se priver ainsi d'une union absolue avec sa volonté, ne serait-ce pas empêcher notre propre salut? Un salut parfait ne doit-il pas dépendre d'un abandon parfait à Celui qui est parfait? Et (pensée radieuse!) un pareil abandon à un pareil Dieu peut-il avoir pour résultat moins qu'un salut absolu, en d'autres termes moins que la sainteté?

Et pourrait-on craindre de s'abandonner à ce Dieu? Avoir peur de lui, se défier de lui, hésiter à se confier absolument en Celui qui nous aime d'un amour infini, ne serait-ce pas assurer notre propre perte ?




Et que demande-t-il de nous ? Quel est donc le commandement suprême de ce Dieu absolu? Nous l'a-t-il donné sous une forme nette et concise? Un enfant pourrait-il le comprendre? Oui - béni soit son nom! Le voici: « Tu aimeras » - « tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme et de toute ta pensée, et ton prochain comme toi-même. » - De TOUT ton coeur; c'est absolu.

C'est donc là la sainteté: l'amour parfait. Est-ce là un joug de fer? Est-ce là la loi d'un tyran? Est-ce là quelque chose d'effrayant?

Tout ce qui est en nous ne salue-t-il pas cette loi comme suprêmement bonne, agréable et parfaite? Certes, ce joug est aisé et ce fardeau léger. Dès lors, n'est-ce pas avec délices que nous l'envisageons comme absolu ?




Et si l'ordre est absolu, n'est-ce pas une preuve qu'il est possible d'y obéir? Un Dieu juste nous ferait-il l'injustice de nous donner un ordre dont il saurait l'exécution impossible? Pourrait-il imposer la sainteté, et en même temps refuser de la donner à ceux qui se livreraient à lui sans réserve? Non, cela est inadmissible, et dès lors la sainteté est assurée. Mais elle n'est assurée qu'à l'abandon complet. La moindre réserve, la moindre défiance à l'égard de Dieu, rendrait la sainteté impossible. Aurait-on livré les neuf dixièmes de sa volonté, ou accepté les neuf dixièmes de la volonté divine, la réserve du dernier dixième prouverait qu'on préférerait encore cette fraction de désirs propres à Dieu.

La sainteté c'est la santé de l'âme. On l'obtient par une entière consécration. Et comme il est plus facile de vivre avec une bonne santé qu'avec une santé médiocre, de même il est plus facile de vivre une vie d'entière consécration qu'une vie de demi-consécration.

Les misères de l'âme viennent toutes sans exception de ce que l'on s'est arrêté à mi-chemin au lieu d'aller jusqu'au bout dans la consécration.

Au commencement Dieu - voilà donc la seule loi que ce Dieu puisse nous donner, et la seule que nous devrions souhaiter, pour peu que nous désirions le bonheur ou le bien.

Tout rentre dans l'état normal, tout se réajuste dès que l'homme reprend sa propre place et donne à Dieu la sienne. Tout demeure bon et parfait dans la nature, parce que là, les lois divines règnent suprêmes. L'homme retrouve sa perfection normale dès qu'il prend sa position normale devant son Créateur.

Le premier mot de la Bible, le premier mot de la création est absolu, et le premier mot de la rédemption l'est également: « Cherchez premièrement le royaume de Dieu et sa justice ».


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