Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE PREMIER

L'enfance

(1715-1728)

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Elle naquit au hameau du Bouchet-de-Pranles, dans l'actuel département de l'Ardèche, non loin de Privas.

Son père

Son père était « greffier consulaire » et remplissait à peu près les fonctions du secrétaire de mairie de nos villages d'aujourd'hui, à l'exception de la tenue des registres d'état civil réservée aux prêtres dont les procès-verbaux de « baptêmes, mariages et mortuaires », figurant les cérémonies religieuses qu'ils présidaient, tenaient lieu d'inscriptions de naissance, de mariage et de décès.

L'époque

En l'absence de tout acte concernant le baptême de l'enfant sur le registre curial de Pranles, nous ignorons donc la date de sa naissance. Cependant les déclarations diverses contenues dans les pièces judiciaires ou les listes établies plus tard en faveur des captives de la tour de Constance en fixent au moins l'année : mil sept cent quinze. Louis XIV mourut à la fin de l'été, et les rigueurs exercées contre les protestants coupables de ne pas penser comme le Prince s'atténuèrent quelque peu. On osa même espérer que l'Edit de Révocation serait rapporté. En divers lieux, les « Nouveaux Convertis » s'enhardirent et renoncèrent à recourir au clergé à l'occasion des événements survenus dans leurs familles.

 

LA MAISON NATALE
DE PIERRE ET MARIE DURAND AU BOUCHET-DE-PRANLES

 

Nous pensons qu'il faut voir dans ces faits l'explication du silence du registre. Il jetterait un jour très net sur les dispositions religieuses régnant dans la famille de la future héroïne d'Aigues-Mortes.

La famille

Etienne Durand, son chef, était âgé de cinquante-huit ans. Il avait épousé « demoiselle Claudine Gamonet », dont il avait reçu quelque bien. Mais il possédait lui-même une réelle aisance, car son père que l'on voit apparaître au Bouchet vers le début du XVIIe siècle était le gendre d'un riche propriétaire, Henry du Cros. De ce mariage étaient nées, avec un autre garçon, deux filles dont l'une, Madeleine, mourut sans enfants et légua ses biens à son frère. L'autre épousa Jean Vabre dont, elle eut une nombreuse descendance. Le ménage résida au Bouchet, mais dans ses propres domaines.

Le greffier nourrissait pour sa part de très vifs sentiments de piété dont il faut voir la preuve dans les inscriptions qu'il nous a laissées, et qui datent des pires années suivant l'Edit de Révocation de 1685. Dans la pierre dure de sa maison cévenole, il grava, « le 26 may 1694 », sur l'arc couronnant l'escalier d'accès au vieux logis : « Miserere mei, Domine Deus » (aie pitié de moi, Seigneur Dieu) ; puis, en 1696, sur le fronton de l'immense cheminée qui orne aujourd'hui encore la cuisine : « Loué soyt Dieu. »

Les épreuves des églises viraroises

On était pourtant en plein désarroi. Au XVIe siècle, la Réforme avait connu, dans le Vivarais, un magnifique essor. Mais les épreuves étaient vite venues. On se souvenait en particulier de la destruction de Privas, petite ville fortifiée laissée aux protestants par l'Edit de Nantes en 1598, comme place de sûreté, et reprise en 1629 lors des guerres de religion sous Richelieu, par Louis XIII en personne. On rappelait aussi, et combien douloureusement, les orages plus récents. Ceux-là, Etienne Durand ne manqua pas de les noter sur son « livre de raison ». Saisi Plus tard lors d'une perquisition,- en 1730, ce précieux cahier mentionne en effet avec une surprenante exactitude les incidents dramatiques dont nous allons parler maintenant avec quelque détail. Le greffier s'était sans doute servi pour le composer de notes gardées dans sa famille, car le récit commence avec les événements de 1629 et nous y reconnaissons toujours la même écriture.

Le vieux huguenot était encore un enfant lorsque, en 1670, se firent sentir dans sa province les premiers effets de la tyrannie du roi envers ses sujets protestants : le marquis de Labret vint brûler le temple tout proche de Pranles. Les mesures se succédèrent bientôt les unes les autres, avec une sévérité froide et méthodique. Le gouvernement s'exerçait à appliquer « à la rigueur » les clauses de l'édit donné par Henri IV en 1598, « perpétuel et irrévocable ». Tout ce qui n'était pas expressément accordé par les textes était retiré ; et l'on parvenait avec un art perfide à prêter à ceux-ci un sens nouveau qui eût bien surpris leurs rédacteurs. Mais du moins la persécution gardait une apparence de légalité. Puis, comme le nombre de religionnaires chassés de leurs emplois, tracassés jusque dans leur vie familiale, et demeurant fidèles malgré tout restait en dépit de fréquentes défections trop important encore au gré du Roi, les pouvoirs en vinrent pour les réduire à utiliser les dragonnades. Ce fut la terreur. En vain des essais de résistance furent tentés ici et là. Ils ne furent qu'isolés et sans lendemain. En peu de mois les abjurations se multiplièrent. Le projet pacifique de Claude Brousson qui voulait, en 1683, que l'on prêchât partout et le même jour sur les ruines des temples, pour renseigner le Roi sur les dispositions véritables des réformés, n'aboutit point. Les derniers mois de 1685 furent marqués par une véritable débâcle et, le 18 octobre, Louis XIV signa l'Edit de Révocation. Le protestantisme n'avait plus, en France, droit à la vie.

La résistance commence

Pourtant ce coup terrible qui devait définitivement l'abattre marqua au contraire le début d'une résistance cette fois effective, et qui, après un siècle de lutte comportant les épisodes les plus dramatiques et les plus torturantes épreuves, aboutit à la liberté.

Dès 1686 d'obscurs « prédicants », dont quelques-uns étaient d'anciens « régents » (instituteurs) privés de leur emploi par la fermeture des écoles protestantes, s'essayèrent à célébrer ici et là, en cachette, le culte interdit. Les plus sévères mesures furent prises et ils durent s'exiler à leur tour, rejoignant ceux de leurs coreligionnaires qui, au nombre de 500.000 peut-être, entre 1685 et 1760, artisans, commerçants ou intellectuels, avaient pris ou devaient prendre le chemin du « Refuge » et enrichir leurs nouvelles patries des ressources de leurs techniques, de la force de leurs consciences et de l'ardeur de leur foi.

Déjà l'Intendant Bâville s'appliquait à catholiciser la province. Bien qu'il n'eût pas approuvé la Révocation, il ne s'en soumit pas moins aux ordres du Roi, qu'il fit exécuter avec une rigueur froide et cruelle durant tout son proconsulat. Celui-ci, commencé dès le lendemain des mesures prises en 1685, se poursuivit pendant 33 ans et laissa de terribles souvenirs dans tout le Languedoc protestant.

Le prophétisme cévenol

Toutes ces circonstances, jointes aux menaces de la guerre imminente qui allait mettre Louis XIV aux prises avec la Ligue d'Augsbourg, contribuèrent à éveiller chez les populations protestantes opprimées un état spirituel étrange et maladif. Le « prophétisme cévenol » apparut, avec ses manifestations désordonnées et ses phénomènes surprenants. Des jeunes gens et des jeunes filles prononçaient en dormant, parfois en patois, des appels à la repentance ou les prédictions les plus diverses. Aussitôt le bruit s'en répandait et des foules venaient contempler ce qu'elles interprétaient comme autant d'actions du Saint-Esprit. Puis des assemblées considérables se tinrent un peu partout. Il arrivait que les assistants saisis par les transes se jetaient à terre et parlaient en langage extatique.

L"Intendant lança ses troupes contre ceux qu'il appelait les « phanatiques ». D'affreux massacres eurent lieu, dont l'un non loin du Bouchet, au Serre de la Pale, en 1689. Des arrestations furent effectuées. Même les médecins de Montpellier ne savaient que conclure. Mais les méthodes de Bâville ne se départaient pas pour autant de leur sévérité. Le prophétisme devint plus sombre encore ; puis la rage vint au coeur de ceux qui, vingt années plus tôt, étaient de paisibles gens assidus aux prêches de pasteurs instruits et calmes. La révolte grondait.

Ces événements douloureux eurent dans notre histoire protestante une importance considérable. Beaucoup plus tard, jusque dans sa prison, Marie Durand devait encore en éprouver les effets puisque plusieurs de ses compagnes furent incarcérées comme prophétesses.

Que dut penser le greffier de tout cela ? Ses notes se bornent à mentionner les faits sans y ajouter de commentaires. Peut-être craignait-il qu'une saisie n'eût fait de ceux-ci de redoutables pièces à conviction, s'il leur avait donné plus d'importance et surtout s'il s'y était raconté lui-même. Car il n'est guère douteux qu'il n'ait ouvert volontiers son logis aux prophètes qui parcouraient le pays. Il devait être pour ce motif inquiété deux fois, en 1704 d'abord, puis en 1719.

Il faut ajouter cependant, pour être juste, que le prophétisme paraît avoir été la seule force qui durant ces sombres années put, en raison même de son caractère extrême, soulever les masses pour une action condamnée d'avance à l'échec. En sorte qu'il fit ce que la prudente sagesse se refusait à entreprendre et qu'il permit aux anciennes communautés de maintenir une manière de culte public. Dans toutes les autres provinces la piété ne s'exerçait plus que dans le secret du foyer tandis qu'on s'assurait la sécurité par une feinte obéissance aux règles de l'église catholique. S'il n'y avait pas eu dans nos provinces méridionales cette résistance désordonnée, sans forme ni cohésion, peut-être eût-il été difficile de la continuer plus tard selon des lignes très nettes et des plans définis. Toutefois, elle allait entraîner auparavant de terribles conséquences.

L'insurrection camisarde

En juillet 1702 l'insurrection éclata. L'origine en fut l'assassinat, au Pont-de-Montvert, de l'abbé du Caila, missionnaire et délateur au compte de l'Intendant. La troupe que commandait le prophète Esprit Séguier avait demandé la délivrance des prisonniers enfermés dans les caves de la vieille maison, dont le prêtre avait fait son quartier général. Un coup de feu fut tiré d'une fenêtre, et l'assaut tout aussitôt organisé.

Lorsque commença cette guerre atroce, le petit Pierre Durand, frère aîné de Marie, avait deux ans déjà. Par crainte des poursuites inévitables on l'avait fait baptiser à l'église de Pranles dès le surlendemain de sa naissance.

Les premières impressions de l'enfant durent être celles de l'angoisse générale dans laquelle on vivait alors. On commentait avec passion les nouvelles parvenues du Languedoc, et fort exactes dans leur ensemble s'il faut en juger d'après le résumé qu'Etienne Durand nous en a laissé dans son livre de raison. Les troupes que conduisaient maintenant des chefs d'une réelle valeur, dont Rolland et Cavalier furent les principaux, infligèrent aux forces royales de si graves échecs qu'on dut par deux fois en changer le commandement, et les augmenter de très nombreux renforts. Mais les héros « camisards » ne surent pas assez coordonner leurs efforts et n'évitèrent point à la longue de sanglantes surprises. A la fin, lassés, privés de leurs ressources par la dévastation systématique des villages cévenols, plusieurs consentirent à traiter avec le Maréchal de Villars, plus habile et plus souple que ses prédécesseurs. Les autres furent bientôt surpris et périrent dans d'affreux supplices tandis que les plus heureux parvenaient à s'exiler.

Le Vivarais n'avait pas été entièrement à l'abri de ces sanglantes secousses. L' « inspiré » Jean-Pierre Dortial avait tenté de soulever la région avec l'aide de quelques alliés. Successivement, ils avaient atteint Gluiras, St-Maurice, Chalençon, St-Fortunat, St-Jean-Chambre et finalement St-Sauveur-de-Montagut. Partout des églises furent incendiées et des prêtres massacrés. Mais le 23 février 1704 Dortial fut surpris par le brigadier Julien, revenu sur les lieux : on enterra 135 cadavres. Puis le commandant fit occuper et ruiner le hameau de Franchassis, non sans ordonner qu'on en mît les habitants à mort pour s'être rendus coupables d'avoir offert, la nuit précédente, l'hospitalité aux « attroupés ». Ces événements tragiques se déroulèrent à 3 kilomètres à peine du Bouchet-de-Pranles.

Etienne Durand emprisonné pour la première

Des arrestations eurent lieu quelque temps après, dont celle, nous l'avons déjà dit, d'Etienne Durand lui-même. Il fut incarcéré dans les prisons de Pont-St-Esprit, « parce que », selon la lettre de Julien datée du 21 juin 1704, et qui relate ces faits, « il avait été souvent prophétisé dans sa cave ». Le greffier, qui fut sans doute bientôt libéré, ne crut pas devoir noter dans son registre ses propres épreuves qui lui paraissaient peu importantes au regard de la mort ou de la ruine souffertes par ses voisins.

Le calme revint. Les difficultés provoquées par la guerre de Succession d'Espagne et le souvenir des horreurs de l'insurrection incitèrent les pouvoirs à relâcher quelque peu leur surveillance. Les plus courageux se hasardèrent à réunir de nouveau des assemblées dont plusieurs furent assez nombreuses. Des prédicateurs les présidaient en vertu d'une vocation toute personnelle. La plupart étaient d'ailleurs des prophètes ou des prophétesses, dont quelques-unes gagnèrent bientôt une grande renommée.

La double éducation

Cependant on affectait presque partout la soumission aux ordres des autorités civiles et religieuses. C'est ainsi que se poursuivait cette double vie qui fut alors le fait de presque tous les foyers protestants méridionaux. Les enfants se rendaient avec leurs parents aux instructions, et suivaient les services divers de l'église. On avait aussi recours au prêtre à l'occasion des naissances et des mariages ; mais plus rarement, il est vrai, quand il s'agissait des « mortuaires », le risque à courir étant sans doute beaucoup moins grave que dans les deux premiers cas.

En même temps l'instruction se poursuivait ou se refaisait à l'ombre du foyer. On avait gardé quelques livres, les psautiers tout d'abord avec les 150 psaumes qui constituaient les seuls cantiques de cette époque, et les pages finales comportant les textes de la liturgie, la confession de foi de La Rochelle, le catéchisme (de Calvin, le plus souvent), et des prières à dire en diverses circonstances. Puis quelques excellents volumes de sermons ou de controverse. Au Bouchet-de-Pranles une perquisition permit de saisir, en 1730, plusieurs de ces ouvrages : Les « Moyens pour parvenir à la félicité », le « Combat chrétien » de Du Moulin, un recueil de sermons de Daillé, enfin. Il n'est pas douteux qu'Etienne Durand n'ait utilisé ces livres pour l'éducation de ses enfants. Il consentait en outre à recevoir des prédicateurs errants ; n'y avait-il pas dans les soubassements de la vieille maison une « cache » toute prête pour eux, dont l'orifice, maintenant fermé, était situé devant l'unique fenêtre de la cuisine ? Le réduit lui-même se voit aujourd'hui par une brèche pratiquée près de l'étable aux moutons.

Naissance de Marie

Marie naquit sur ces entrefaites. Au même moment, un incident sans importance visible marquait la vie du protestantisme languedocien. Un jeune prédicant, Antoine Court, né en 1695 à Villeneuve-de-Berg, venait de rassembler au hameau des Montèzes, près de St-Hippolyte-du-Fort, quelques prédicants dont certains étaient des « inspirés ». Il rendit à la petite réunion le nom et les prérogatives d'un synode. Celui-ci interdit aux femmes de prêcher et décida de tenir l'Ecriture « comme seule règle de foi ». Cet essai timide de retour à l'ordre était le début d'un immense et périlleux labeur qui allait sauver la réforme française en la rendant à ses véritables traditions de discipline, de sobre mysticisme, et d'attachement primordial à la Bible.

La réorganisation des églises commence.

Bientôt Court se mit en relations avec le prédicant Pierre Corteiz. Celui-ci, né vers 1682 au hameau de Nojaret, près de Vialas, en Lozère, avait été mêlé aux affaires camisardes, puis il était revenu à de plus sages opinions. Mais il s'était réfugié durant 2 années en Suisse, et là il avait pu suivre l'action d'églises fortement organisées. Moins bien doué que Court il mit toute sa conscience à bien exécuter ce que son jeune ami concevait. Ils installèrent des « anciens » dans les églises locales et leur donnèrent des règlements très stricts ; puis ils éliminèrent peu à peu les prophètes et les prophétesses. En 1718, Corteiz alla se faire donner à Zurich la consécration pastorale qu'il conféra dès son retour à son compagnon d'oeuvre. Le peuple huguenot reprit confiance. Il délaissa toujours davantage l'église catholique et reprit le chemin des assemblées. Celles-ci, d'abord peu nombreuses, en vinrent à grouper assez vite des auditoires très considérables. Cette restauration du protestantisme s'accomplissait sans violences et sans révolte, mais elle n'en était que plus assurée du succès. Avec le Languedoc, le Dauphiné se réveillait lui aussi sous l'énergique impulsion du pasteur Jacques Roger.

Pierre Durand se met à l'oeuvre

Pierre Durand s'était déjà mis en relations avec celui-ci. Un très long mémoire de Daniel Vouland nous montre le jeune homme passant le Rhône dès la fin de 1716, pour aller le trouver en Dauphiné. Peut-être une vocation s'éveillait-elle déjà dans l'âme de Pierre. Il était alors commis chez un notaire de Privas, après avoir étudié « la pratique » en quelque école de cette petite ville.

On ne peut guère admettre que dès cette époque il ait apporté une aide très appréciable aux ministres réguliers, et moins encore qu'il ait eu, ainsi qu'on le lui a prêté, le dessein de ramener les églises à l'ordre. Mais il était un jeune garçon fort bien disposé, acceptant de se faire à l'occasion le complice des prophètes et des prophétesses qui couraient le pays. Nous en verrons la preuve dans l'événement dramatique qui vint en 1719 bouleverser à tout jamais son foyer du Bouchet-de-Pranles.

Une assemblée

A peu de distance du hameau, dans les escarpements aux lignes austères si caractéristiques de ces régions, le promeneur peut trouver un petit ravin très étroit et très profond, débouchant dans une vallée plus évasée. Il était et il reste connu de nos jours sous le nom de « Combe du Navalet ». On s'y réunit dans la nuit du 22 au 23 janvier, et l'on y tint une assemblée prophétique clandestine.

Puis, une semaine après, tandis que la messe paroissiale éloignait du Bouchet certains habitants malintentionnés, Etienne Durand groupa chez lui, sans qu'il soit possible de dire s'il s'agissait de sa propre maison on, comme nous le verrons, d'une autre toute proche appartenant à sa femme, une vingtaine de personnes auxquelles Pierre Rouvier, le fils d'un notaire royal de Craux et l'ami de Pierre Durand, fit la lecture tandis que Pierre lui-même prêcha.


PAYSAGE DU VIVARAIS
PRÈS DE LA COMBE DU NAVALET

On convint ensuite de tenir une autre assemblée le soir, toujours à la Combe, dont l'escarpement et la situation retirée faisaient un lieu de prédilection pour de tels « exercices ». Dans la journée, les deux jeunes gens parcoururent les environs qu'ils connaissent parfaitement, afin d'inviter le plus grand nombre possible de religionnaires à la réunion.

La surprise

Mais ils ne se doutaient point, tandis qu'ils erraient ainsi dans ces âpres montagnes ardéchoises, qu'un de ceux qui avaient assisté au culte du matin se rendait à Vernoux pour les trahir et que la soirée passée dans la vieille maison du Bouchet-de-Pranles devait être la dernière avant les séparations définitives. Marie, âgée de quatre ans à peine, était-elle alors avec ses aînés ? Quand le moment fut venu, on se dirigea vers la Combe. Hélas ! les deux compagnies du Régiment Royal-Comtois étaient en route, elles aussi, venant de Privas ; et lorsque vers minuit elles arrivèrent sur les lieux ce fut au ravin une affreuse confusion marquée par les cris des femmes et des enfants fous de terreur, et les détonations des coups de fusil tirés dans la nuit par les soldats. La plupart des fuyards purent, grâce à l'épaisse obscurité, échapper aux poursuites, mais cependant trois jeunes filles furent rejointes. Nulle pièce ne subsiste malheureusement, qui nous fixe sur les mesures prises plus tard contre elles.


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