SECTION II. - Les préceptes de l'Ecriture.

 

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§ 132. La doctrine , principe de la sainteté. -L'étude des doctrines scripturaires a été placée en tête de ce chapitre pour deux raisons. D'abord, parce que la plupart des règles qui s'y rapportent sont également applicables à l'étude de tout le reste. Ensuite, parce que la doctrine de l'Ecriture est à la base de toute morale et de toute sainteté. L'Evangile commence en annonçant un message, une « histoire de paix, » en proclamant la miséricorde et le pardon de Dieu par la mort de son Fils. Il expose ensuite ses vérités et il les présente comme des motifs de sainteté. Quand ces vérités se sont emparées du coeur, elles nous apprennent à reconnaître dans l'Ecriture des appels à une obéissance élevée et spirituelle, et, sous leur influence, nous apprenons à servir Dieu en nouveauté d'esprit, et non plus en vieillesse de lettre. Tel est donc l'ordre, telle est la progression de développements, que nous enseigne l'expérience. La connaissance dans le coeur, ou la vérité, précède la connaissance dans la vie pratique, ou la sainteté; ou , pour emprunter à la Bible son langage, l'homme est sanctifié par la foi, par l'opération du Saint-Esprit.

Quand on fait des préceptes contenus dans l'Ecriture un soigneux examen et qu'on essaie de les classer, on est frappé de voir que ce sont plutôt des principes que des directions proprement dites; et cela sous deux rapports. Ils ont moins pour objet les actions elles-mêmes que les motifs des actions; ces motifs sont nommés principes, c'est-à-dire commencements, parce qu'ils sont le premier moment, l'origine d'une action. En outre, ces préceptes sont des maximes générales, et plutôt des principes moraux que des règles spéciales. Quand la Bible parle de sainteté, elle entend par là la foi, des affections bien réglées, la pureté intérieure , des dispositions droites et honnêtes, la droiture, et tout cela , non point comme moyen d'obtenir le salut, mais comme preuve et conséquence du pardon assuré. La loi des dix commandements qui semble, au premier coup-d'oeil, ne se rapporter qu'à la vie pratique, est résumée par notre Seigneur dans l'amour de Dieu et l'amour du prochain , deux sentiments qui, s'ils sont dans le coeur, se traduisent au-dehors par l'humilité, la foi en Dieu et toutes sortes d'oeuvres de bonté ou de justice envers le prochain. Cette particularité de la morale évangélique était rendue plus frappante encore, à l'époque de notre Seigneur, par le fait que la tradition juive avait donné une trop grande importance au zèle et à la ponctualité cérémonielle et minutieuse; elle explique aussi la résistance que rencontrèrent chez un grand nombre les premiers prédicateurs de la vérité. Du reste c'était aussi une particularité de la loi elle-même, ce que prouvent, soit l'examen attentif de ses préceptes, soit les déclarations de notre Seigneur; car lorsqu'il insiste sur la nécessité des dispositions intérieures, il ne parle jamais de la loi comme étant fautive à cet égard, mais il se borne à la dégager des gloses des pharisiens, et à en recommander l'interprétation spirituelle (voyez aussi Marc, XII, 32-34).

Alors même que les préceptes de l'Evangile semblent revêtir une forme toute particulière et spéciale, ils conservent habituellement leur caractère général sous cette forme, et l'on ne saurait s'y méprendre. Le commandement du Seigneur : « Si quelqu'un veut plaider contre toi et t'ôter ta robe, laisse-lui encore le manteau,» en est un exemple (Matth., V, 40). Il est évident que ce fait de détail se produira rarement, et qu'alors même qu'il se produirait, ce serait un bien mince détail dans la vie d'un chrétien ; mais se revêtir des dispositions qu'implique ce précepte, c'est certainement employer un des moyens les plus propres à développer la sainteté.

On a vu aussi qu'un des traits caractéristiques des préceptes de l'Evangile, c'est qu'ils sont exprimés en termes généraux, et que leur application, aussi bien que les distinctions dont ils sont susceptibles, sont laissées à la conscience éclairée du chrétien. Il est vrai que ces préceptes sont si clairs qu'une âme consciencieuse et docile court bien peu de risque de se tromper; mais il n'en est pas moins constant aussi que nous avons chaque fois un travail d'analyse à faire, et que sur beaucoup d'actes de la vie chrétienne nous devons interpréter le devoir d'après les lumières de l'Esprit. Il y a assez de clartés pour satisfaire celui qui cherche; mais quelquefois il y a telle possibilité «erreur qui peut servir d'épreuve à la foi et mettre au jour ce qu'il y a de plus secret dans nos coeurs, montrer si nous voulons bien sincèrement, oui ou non, garder les commandements de Dieu.

A cet égard on peut appliquer à la loi morale, soit de l'Ancien , soit du Nouveau-Testament, les deux observations suivantes :

Toute chose qui est prohibée comme mauvaise dans sa plus extrême manifestation, l'est également à un degré moindre. Le meurtre et les mauvaises passions de toute nature , l'adultère et tous les péchés des sens, la fraude, le vol, le faux témoignage en justice ou en particulier, la convoitise, les mauvais désirs, sont condamnés au même titre;

Quand un péché est défendu, le devoir contraire est commandé; ou l'inverse, quand une chose est ordonnée, la chose contraire est défendue. Dieu a proscrit dans le culte l'emploi d'images représentant les êtres invisibles ; il a par cela même recommandé le culte spirituel. En excluant tout autre objet de culte et d'adoration, Dieu fait connaître qu'il veut être seul adoré, aimé, obéi. En entourant de sainteté et d'honneur les relations de famille, il condamne l'indifférence ou la fausse indépendance que l'on rencontre trop souvent dans la société. Tirer des conclusions de ce genre, ce n'est évidemment pas forcer le sens des Ecritures, s'il est vrai, comme on vient de le voir, que les Ecritures sont un livre de principes, s'adressant aux dispositions intérieures et réglant l'ensemble de la vie d'une manière directe pour n'arriver que dune manière indirecte aux détails.

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§ 133. Préceptes moraux et préceptes positifs. - Il est nécessaire, tout en maintenant que les préceptes de l'Ecriture ont une portée générale, intérieure, extensive, de faire remarquer qu'ils se divisent eux-mêmes en deux classes bien distinctes. Les uns sont appelés moraux, les autres positifs. Cette distinction est fondée sur l'Ecriture elle-même. L'évêque Taylor appelle moraux les préceptes qui reposent sur des lois naturelles, et positifs ceux qui ne reposent que sur des motifs accidentels, économiques ou politiques. Les premiers sont éternels; les seconds, temporaires seulement. L'évêque Butler et le docteur Doddridge ont adopté une autre définition; ils appellent moraux ceux dont nous pouvons reconnaître et apprécier les raisons, et positifs ceux dont les motifs nous échappent. Peut-être en combinant ces deux définitions en trouverons-nous une plus exacte et plus complète. Les préceptes positifs se rapportent seulement à des actes extérieurs, et tels que le coeur le plus soumis n'en aurait pas toujours et naturellement l'idée; les préceptes moraux, au contraire, se rapportent à la sainteté intérieure, ou à des actes qui sont l'expression naturelle d'une volonté sainte. Tous sont, dans de certaines limites, obligatoires; et la négligence des uns ou des autres entraîne des conséquences, différentes peut-être, mais toujours fâcheuses. Violer la loi morale, c'est désobéir à nous-mêmes et a Dieu. Violer des lois positives, c'est pécher là où la tentation est en général le plus faible, et où la désobéissance implique la négation directe de l'autorité de Dieu.

Quelques préceptes sont mixtes de leur nature, c'est-à-dire en partie moraux et en partie positifs. Telle est la loi relative au jour de repos. Que des créatures, telles que l'homme, soient appelées à se réunir pour rendre à Dieu un culte en commun, c'est un devoir moral; mais que ce culte doive avoir lieu le premier ou le dernier jour de la semaine, c'est à la loi positive d'en décider.

Il ne faut pas d'ailleurs se méprendre sur la portée et la valeur de cette distinction. Les devoirs moraux sont positifs en ce sens qu'ils sont expressément commandés; et les devoirs positifs sont moraux en ce sens qu'ils exigent des sentiments sérieux, une volonté morale et sainte, pour être convenablement remplis. On est coupable, soit qu'on les néglige, soit qu'on les remplisse avec indifférence et dédain.

Cependant les lois positives diffèrent beaucoup de celles qui sont strictement morales.

D'abord dans leur nature. La loi morale est par elle-même sainte et immuable; la loi positive n'existe qu'à partir du moment où l'ordre a été donné. Teindre de sang les poteaux des portes ou regarder au serpent d'airain, choses en elles-mêmes indifférentes, ne devinrent obligatoires qu'après que Dieu les eut ordonnées , et ne le devinrent que pour un temps.

Dans leur évidence. La loi morale est écrite, quoique souvent presque effacée, dans le coeur; la loi positive ne se trouve que dans la Bible. Cette dernière n'appartient donc qu'à la révélation , et les divergences des chrétiens en ce qui la concerne sont plus faciles, et si l'on peut parler ainsi, moins inexcusables.

Dans leurs motifs. Les préceptes moraux ont leur source dans la nature de Dieu et dans celle de l'homme, ainsi que dans les rapports qui les unissent Fun à l'autre; les préceptes positifs n'ont d'autre motif que la seule volonté de Dieu. Il est clair, par exemple, que la sagesse doit présider aux actes de la volonté; l'amour de Dieu, l'amour du prochain, sont des préceptes qui dérivent naturellement de tout ce que nous connaissons de Dieu et de l'homme. Mais quant au baptême, à la sainte cène, au jour de repos, quoiqu'on en comprenne le but spécial et l'intention sanctifiante, on peut se demander pourquoi ces ordonnances plutôt que d'autres.

Dans l'étendue de leur obligation. Les préceptes moraux sont pour tous indistinctement. On ne saurait comprendre un état ou une condition que n'atteindrait pas cette domination morale de Dieu. Mais les préceptes positifs sont restreints à des conditions particulières. La loi cérémonielle s'adressait aux Juifs, non aux Gentils. Le culte dans les bosquets ou dans les bois était permis aux patriarches (Gen., XXI, 33), il était défendu aux Israélites (Deut., XVI, 21). Sous l'Evangile il est indifférent (Jean, IV, 21). D'autres observances étaient imposées aux prêtres qui ne liaient pas le peuple. Et de même dans l'Eglise ceux-là seuls peuvent participer au repas du Seigneur, qui y sont appelés ou autorisés par l'ordre de Dieu.

Dans la manière de les observer. Des préceptes moraux , basés sur des principes, sont susceptibles d'une foule d'applications différentes. Des préceptes positifs, réglant les actes eux-mêmes, sont uniformes dans leurs applications, et doivent être observés minutieusement à la lettre, et dans tous les détails de leur prescription.

Enfin, dans leurs rapports mutuels. Les préceptes moraux sont naturellement dans la plus intime connexion les uns avec les autres. Les préceptes positifs peuvent être unis d'autorité, mais ils ne le sont pas naturellement. La foi , l'espérance , la charité, la joie vont ensemble. L'amour de Dieu fortifie la crainte que nous avons de lui déplaire et le désir que nous avons de lui obéir; l'amour pour l'homme nous porte à la fidélité et à la bienfaisance. Mais la circoncision n'impliquait aucune sainteté intérieure , et ne supposait même pas nécessairement la pureté cérémonielle. Les institutions peuvent être observées isolément, mais, comme le dit l'évêque Hall, « les vertus vont toujours par bandes. »

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§ 134. Règles d'application. - Ici encore il faut se rappeler quelques-unes des observations qui ont été faites à propos de la doctrine :

Des préceptes moraux ne peuvent jamais être contradictoires, et exclusifs l'un de l'autre. S'il y a apparence de contradiction, c'est qu'on a mal compris la portée du précepte, ou outrepassé ses limites.

Des institutions positives, étant fondées exclusivement sur la loi de Dieu, ne sont pas susceptibles «être multipliées en dehors de celles qui sont prescrites par la révélation. Pour qu'une institution soit considérée comme divine, il ne suffit pas qu'elle ne soit pas défendue, il faut qu'elle soit expressément commandée. Créer des institutions de ce genre, c'est, dit le docteur Whicheote, restreindre le nombre des choses permises, mettre la conscience sous le joug, multiplier les occasions de péché, rendre le chemin plus étroit que Dieu ne l'a fait, et diviser l'Eglise.

Quand des préceptes positifs sont rattachés à des observances morales, ils ont pour objet de faire ressortir, d'une manière extérieure et visible, une pensée morale; l'offrande du sacrifice doit rappeler la miséricorde de Dieu; l'observation du sabbat rappelle sa loi d'amour.

Dieu lui-même abroge et retire ses propres institutions positives, quand les hommes sont tentés de voir en elles l'accomplissement et le dernier mot de la loi, de les confondre avec la sainteté , ou de remplacer l'idée par la forme (Esaïe, I, 11-17; LXVI, 3. Michée, VI, 7, 8. Jér., VII, 4, 5. Amos, V, 21).


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