SECTION V. - Des secours extérieurs qui peuvent être employés pour l'interprétation de la Bible.

 

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§ 96. De la valeur à donner à ces secours extérieurs - Pour comprendre parfaitement les Ecritures, concilier d'apparentes contradictions , épuiser toutes les richesses renfermées dans les paroles saintes, et choisir au besoin, entre plusieurs interprétations, celle qui représente le mieux la vérité divine, il est souvent nécessaire de recourir à quelques secours extérieurs, à des études qui n'ont par elles-mêmes que des rapports bien indirects avec la Bible elle-même. Il faut connaître quelles étaient les opinions , les doctrines ou les superstitions en vigueur chez ceux auxquels différentes portions des Ecritures étaient spécialement destinées ; il faut connaître les faits généraux de l'histoire profane , la chronologie, la géographie, l'histoire naturelle , et surtout les moeurs et coutumes de l'Orient.

La valeur de ces moyens extérieurs a été tantôt entièrement méconnue , tantôt exagérée. Pour plusieurs, c'est là l'étude principale, et ils estiment que nul ne petit comprendre la Bible s'il n'est parfaitement versé dans toutes ces connaissances. D'autres, au contraire, méprisent la science. Les premiers oublient que ces secours étrangers n'aboutissent guère qu'à confirmer un fait ou une signification déjà reconnue , ou tout au plus à expliquer des faits de détail et d'une importance secondaire , puisque les grandes vérités de l'Evangile relatives au salut sont parfaitement claires et s'expliquent les unes par les autres. Les seconds oublient que ces secours sont nécessaires pour déterminer le sens des passages obscurs, et que, si nous les négligeons, nous perdons par là même une portion de vérité souvent intéressante et toujours utile à connaître.

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§ 97. Des opinions répandues chez ceux auxquels les Ecritures étaient adressées. - A l'époque où notre Seigneur parut , les Juifs étaient généralement dans l'attente de la venue du Messie ; son futur règne était appelé le monde à venir , la Jérusalem céleste , le royaume des cieux, le royaume de Dieu (Schoetgen, Horoe hebr., I, V, 6. Lyall, Propoedia prophetica, p. 270). On entrait dans ce royaume en devenant son disciple. Les Juifs avaient sur sa nature les idées les plus erronées, et notre Seigneur devait prendre à tâche de les redresser. C'est ce qu'il fit par ses enseignements et par ceux de ses apôtres. C'est donc par l'étude du Nouveau -Testament que nous apprendrons à connaître la vraie nature du royaume de Dieu, et le fait que ce nom était donné par les Juifs au règne du Messie, fait qui nous est connu par des sources étrangères à la révélation, complète nos connaissances à ce sujet, et confirme les inductions qu'on pouvait tirer des auteurs sacrés.

Les Juifs, en parlant d'un prosélyte, disaient « Il est né de nouveau; » cette expression, tout-à-fait locale, suffirait à expliquer le sens des paroles de Jésus sur la régénération (Jean , III).

Lier ou délier signifiait, chez les Juifs, défendre comme illicite, ou permettre comme légal (Lightfoot) ; c'était une déclaration de fait. Ce sens donne, d'après Wettstein , la vraie explication de Matth. , XVIII, 18.

Les préceptes du sermon sur la montagne reçoivent parfois un grand jour par la connaissance de certains détails que nous fournissent les secours extérieurs. Les pharisiens affirmaient, par exemple, que les pensées du coeur ne suffisaient jamais à constituer un péché (cf. Matth. , V, 28). Les scribes prétendaient que certaines offrandes déposées par les fidèles sur l'autel pouvaient expier tous les péchés dont la répression n'était pas de la compétence du magistrat (verset 24). Tous étaient d'accord, au dire de Maïmonides, à affirmer que des serments faits par le ciel ou par la terre pouvaient être éludés , et qu'ils n'avaient pas la solennité, ni par conséquent la valeur de ceux dans lesquels était intervenu le nom de Dieu (verset 34 ). Ils disaient encore qu'une longue prière ne revient jamais à vide vers celui qui l'a faite (Buxtorf); cf. VI, 7. - Voyez, pour d'autres et nombreux exemples , les Horoe hebr. de Lightfoot et de Schoetgen, ainsi que les Commentaires de Gill et de Koppe, et les Notes de Wettstein sur le Testament grec.

Les principales sources à consulter, en ce qui concerne les doctrines et les idées superstitieuses des anciens Juifs , sont les Targums et le Talmud. Puis vient la Sohar du rabbin Siméon ben Joshai , qui vivait au deuxième siècle; ce livre, qui jouit de la plus haute vénération chez les Juifs, a servi de base à la Kabbale (voir deuxième partie, Introduction aux Evangiles). Il a pour objet la venue du Messie et les prophéties relatives à son règne. Il met en évidence le sens des Ecritures et l'incrédulité des Juifs, en établissant que , sauf deux ou trois notables exceptions , les passages prophétiques de l'Ancien-Testament que les apôtres ont rapportés à Jésus-Christ étaient généralement compris de la même manière par tous les Juifs, en particulier les Psaumes et tous les passages d'Esaïe cités dans le Nouveau-Testament. Et malgré cela, les Juifs ont rejeté le Messie qui avait été l'accomplissement vivant de tous ces oracles.

Ajoutons que l'utilité qu'on peut tirer de la connaissance des idées en circulation parmi les Juifs n'est que relative ; cette connaissance peut mettre sur la voie et suggérer un sens nouveau, mais elle ne peut l'imposer , ni même suffire à elle seule dans la plupart des cas. C'est ainsi que l'idée de la régénération d'un prosélyte s'arrêtait, chez le Juif, au fait de la circoncision ou du baptême. Si l'on peut s'expliquer par là l'usage que Jésus-Christ fait de ce mot, et même en partie le mot lui-même, il est clair cependant que son sens véritable et complet ne peut ressortir que de l'ensemble des déclarations de l'Ecriture sur ce sujet.

Ce qu'on vient de dire des Juifs n'est pas moins vrai des peuples dont les Israélites étaient entourés. Il est souvent utile de connaître les opinions religieuses qui avaient cours parmi eux.

Il est intéressant de savoir, par exemple, que chez les Egyptiens l'agneau et le chevreau étaient en grande vénération , et que le mâle, symbole et image d'Ammon , était adoré, On comprend également mieux les dix plaies, quand on sait qu'elles frappèrent toutes des objets du culte idolâtre de l'Egypte , et les changèrent en objets de dégoût pour leurs adorateurs eux-mêmes, en même temps qu'elles mirent en évidence la puissance du vrai Dieu.

Les Phéniciens avaient l'habitude dans leurs fêtes solennelles de manger crues certaines viandes de leurs sacrifices ; ils en faisaient sécher une partie au soleil, et en cuisaient d'autres pour servir à des usages magiques ; les intestins étaient employés à la divination , et d'autres portions servaient à des charmes et à des enchantements. Moïse avait défendu aux Hébreux de semblables pratiques, et si la destruction totale de la victime par le feu renfermait d'autres enseignements solennels, nul doute qu'elle n'eût aussi pour objet d'établir entre Israël et les païens une ligne de démarcation infranchissable (cf. Lév. , XI , 11 ; XIX, 28. Ps. XVI, 4. Jér. , XLIV, 17-19).

Quand on se rappelle le dualisme des anciens Perses , Ormuzd et Ahriman, le principe du bien et celui du mal, deux divinités égales en pouvoir, on trouve une grandeur nouvelle à ces paroles que le Tout-Puissant adresse à Cyrus : « C'est moi qui forme la lumière et qui crée les ténèbres, la paix et l'adversité (Esaïe, XLV, 7 ). »

La philosophie orientale, dont plusieurs adeptes devenus chrétiens essayèrent de concilier les doctrines avec la doctrine de l'Evangile , est souvent utile à connaître pour l'intelligence du Nouveau-Testament. Les gnostiques , par exemple, considéraient la parole, la vie, la lumière, etc., comme autant d'émanations de la divinité , et l'on suppose que saint Jean, au commencement de son Evangile ( I, 1-18 ) n'a eu d'autre objet en vue que de revendiquer pour notre Seigneur seul tous ces titres , en montrant qu'il en était seul la vraie réalisation. - Partant des mêmes principes, les uns en déduisaient une morale de plus en plus relâchée, les autres, au contraire, des pratiques et des austérités de plus en plus sévères. La première épître de Jean semble avoir en vue ces erreurs dogmatiques et morales; plusieurs passages des épîtres de Paul paraissent également destinés à les combattre. Les « actions des Nicolaïtes ( Apoc., II, 6) » appartenaient. probablement à la même tendance philosophique.

En Europe c'était la philosophie grecque qui prédominait , et le caractère grec se révélait par les distinctions les plus subtiles. Deux sectes grecques sont seules mentionnées dans l'Ecriture , les épicuriens et les stoïciens. Les premiers estimaient que Dieu ne se mêle en rien des affaires de ce monde, et qu'il repose en paix dans quelque ciel éloigné; les autres voyaient en lui l'âme du monde , active et toujours présente. Les deux sectes étaient d'accord à placer les Grecs bien au-dessus de toutes les autres nations. L'apôtre Paul les condamne l'une et l'autre (Actes, XVII, 18-32), fait ressortir leurs erreurs et leur révèle les grandes doctrines de la résurrection et de la rédemption par Christ. La connaissance de leurs erreurs fait mieux comprendre l'appel que l'Apôtre leur adresse , et la nécessité d'annoncer l'Evangile à tous, en même temps qu'elle fait ressortir le caractère de simplicité et de dignité de la vérité.

Les épîtres de Paul proclament la divinité de Jésus-Christ et l'inutilité des observances cérémonielles pour le salut. Les Ebionites, en repoussant ces doctrines, repoussaient également les écrits de l'Apôtre et ne conservaient de tout le canon que des fragments mutilés de l'Evangile de Matthieu, confirmant, par cette exclusion, l'interprétation que les chrétiens ont toujours donnée des paroles si profondes de Paul. - Plusieurs des discours de Jésus ont un rapport direct: et clair aux erreurs et préjugés des différentes sectes juives ; on en reparlera plus au long dans l'introduction aux Evangiles.

Disons cependant que si les erreurs dont la connaissance peut servir à expliquer certains passages étaient souvent locales et temporaires, elles dérivaient cependant toujours d'une tendance naturelle au coeur de l'homme, et que sous ce rapport elles sont susceptibles de se reproduire sous mille formes diverses et dans tous les temps; leur réfutation, dans l'Ecriture, n'a donc pas une utilité temporaire seulement, mais elle renferme des vérités d'une application permanente et universelle.

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§ 98. L'histoire profane ancienne. - Quelques exemples suffiront pour montrer combien la connaissance de l'histoire peut être utile dans l'étude de l'Ecriture-Sainte.

Il est dit , Gen. , XLVI , 34 , que les bergers étaient en abomination aux Egyptiens. Moïse nous donne ce détail pour expliquer comment il se fit que les Israélites furent relégués dans le pays de Goscen, à l'extrême frontière nord de l'Egypte. Cette espèce d'exil avait l'avantage de les préserver d'un contact trop immédiat avec un peuple idolâtre. Mais Moïse n'explique pas les causes de cette horreur des Egyptiens pour les bergers. Les recherches du docteur Hales et de Faber suppléent à ce silence. Ils ont découvert, d'après un fragment de Manéthon, que, vers l'an 2159 avant Christ, l'Egypte fut envahie par des hordes de bergers cushites venus d'Arabie, qui, après quelques années d'une domination dure et cruelle, furent renversés et chassés par le soulèvement unanime des princes de la Haute-Egypte, et s'enfuirent en Palestine, le pays des bergers, où leurs descendants portèrent plus tard le nom de Philistins. Cet événement, qui arriva quelques années avant l'administration de Joseph, explique la méfiance inquiète avec laquelle furent reçus les premiers marchands israélites qui venaient de la Palestine, et la malveillance avec laquelle on regardait tous ceux qui étaient, comme eux, bergers et nomades.

- Ce fait d'une invasion de bergers, attesté par les archéologues égyptiens, Champollion, Rosellini, Wilkinson, est révoqué en doute, mais sans motifs suffisants, par Hengstenberg , qui conteste toute cette partie du récit de Manéthon.

On peut remarquer en passant que l'histoire d'Assyrie et les antiquités de l'Egypte, après avoir paru fournir d'abord aux incrédules leurs plus forts arguments, sont devenues au contraire les plus puissants témoins en faveur de l'authenticité des livres saints.

Le meilleur commentaire de Deut., XXVIII, et des prophéties de notre Seigneur relativement à la destruction de Jérusalem, se trouve dans l'Histoire des guerres des Juifs, par Josèphe. Il était lui-même Juif de naissance, né à Jérusalem vers l'an 37 , et il fut témoin oculaire du siège qu'eut à éprouver la capitale de la Judée. L'exactitude de son récit est confirmée par les écrivains contemporains et par le témoignage de l'empereur Titus.

Matth, II, 2, 3, s'explique par ce fait bien connu , que, lorsque Jésus naquit, il y avait dans tout l'Orient comme le pressentiment qu'un grand prince devait apparaître et gouverner le monde (cf. Tacite, Rist., I, 5. Suet., Vie de Vesp., 4).

Notre Seigneur exhorte ses disciples (Matth., XXIV, 15, 16) à quitter Jérusalem avant le commencement du siège, et l'histoire profane nous apprend qu'ils mirent à profit ce conseil , et qu'avant que la ville fût entièrement bloquée par les armées romaines, ils se retirèrent à Pella , sur la rive orientale du Jourdain.

La tranquillité dont les Eglises jouirent pendant quelque temps et dont il est parlé Actes, IX, 31, s'explique par l'histoire contemporaine. Elle ne fut pas due à la conversion de Saul, comme on l'a pensé quelquefois , car la persécution recommença trois ans après , mais au fait que vers cette époque (an 40) l'empereur Caligula eut la prétention de placer sa statue dans le lieu très-saint. La consternation des Juifs, en présence d'une tentative aussi sacrilège, détourna un moment leur attention de dessus les chrétiens, qui purent s'édifier en paix dans la crainte du Seigneur. »

Actes, XVII, 16, il est dit d'Athènes qu'elle était entièrement adonnée a l'idolâtrie ; une variante porte même « pleine d'idoles. ). Elien, qui vivait en 140 , l'appelle l'autel de la Grèce, et Pausanias l'historien (en 170) ajoute qu'elle renfermait à elle seule plus d'idoles que tout le reste de la Grèce. Toute l'antiquité est d'accord à la représenter comme étant le siège des sciences et des arts, et l'école du monde entier. Quel rapprochement! Le plus grand développement pour l'esprit, et la plus grossière idolâtrie pour l'âme !

Il n'y a besoin d'aucun commentaire pour admirer la grandeur de la conduite de Paul en présence de Félix (Actes, XXIV, 25, 26). Paul ne songe pas à se défendre; il n'attaque pas directement Félix. Il parle en général de la justice, de la chasteté, du jugement à venir. Mais combien son discours parait plus incisif, combien aussi son tact parait plus admirable, quand on lit dans Josèphe que Félix était connu pour ses Concussions et pour sa vénalité, et qu'il avait vécu en adultère avec Drusille, la femme du dernier roi d'Edesse. Félix n'avait aucun motif pour interrompre Paul, et cependant il sentit dans sa conscience la puissance de ses pressants appels.

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§ 99. L'histoire ecclésiastique. - L'étude de l'histoire ecclésiastique est utile en ce que parfois elle raconte des faits sur lesquels les écrivains sacrés gardent le silence ; quelquefois elle donne à connaître l'état de l'opinion dans l'Eglise elle-même, la date d'une erreur et son développement, les vues des hommes pieux sur certains points de doctrine, leur manière d'interpréter certains passages , etc. Sans doute, l'histoire ne sera pas une autorité, mais elle sera souvent une présomption , et même une preuve de fait.

C'est l'histoire ecclésiastique seule qui nous apprend ce que sont devenus la plupart des apôtres dont il n'est plus reparlé dans le Nouveau-Testament. Elle nous montre qu'avant la destruction de Jérusalem, et dans les trente années qui suivirent la mort de notre Seigneur, l'Evangile fut prêché en Macédoine et en Syrie par Jude; en Egypte et dans les contrées voisines de l'Afrique, par Marc, Simon et Jude; en Ethiopie, par l'officier de la reine Candace et par Matthias; dans le Pont, par Pierre; dans les sept Eglises apocalyptiques, par Jean; chez les Parthes , par Matthieu; en Scythie , par Philippe et André; en Perse, par Simon et Jude; en Médie, par Thomas; en Italie et en Grèce, par Paul. Dans la plupart de ces contrées des Eglises se fondèrent vers cette époque, tant avait été. rapide la propagation de l'Evangile, commandée et ordonnée par Jésus-Christ Marc, XVI, 15-20.

D'un autre côté l'histoire nous fait connaître ce que croyaient les premiers chrétiens. Dans une lettre encore existante, écrite par les chrétiens de Smyrne, et racontant le martyre de Polycarpe, ils disent, en réponse aux Juifs qui leur reprochaient d'être sur le point d'adorer Polycarpe au lieu de Jésus-Christ : « Hé 1 comment cela serait-il possible? Christ seul est, et seul peut être l'objet de notre culte; c'est lui seul que nous adorons : quant aux martyrs nous n'éprouvons pour eux que de la reconnaissance et de l'amour. » - Les Pères des trois premiers siècles tiennent tous le même langage relativement à Christ, et Eusèbe ajoute (Hist. eccl., V, 27 , 28) - « C'est aussi pour cela que les psaumes et les hymnes, composés depuis le commencement par les hommes pieux et fidèles, célèbrent les louanges de Christ, et proclament sa divinité (cf. Matth., XXVIII, 17)! »

De même quant au devoir de sonder et d'étudier attentivement les Ecritures. Il est clairement tracé dans la Bible elle-même (2 Tim., III, 15. Jean , V, 39 ; XXI, 30 , 31. Matth. XXII, 29. Luc,, XVI, 29. Actes, XVII , 11 , 12. 1 Thes., V, 27. 2 Pierre , I, 19. Apoc., I, 3). Il est intéressant de voir avec quelle énergie les écrivains des premiers siècles insistent sur l'accomplissement de ce devoir, Chrysostôme et Jérôme, Origène et Augustin tiennent le même langage. Ils n'hésitent pas à dire que tous les maux dont ils ont à se plaindre viennent « de ce que les Ecritures ne sont pas assez connues. » (Cf. § 46.)

L'histoire , en nous faisant connaître la date exacte des pratiques diverses qui s'introduisirent à la longue dans l'Eglise, nous met en garde contre elles, et nous engage à en examiner sérieusement la légitimité. C'est ainsi que nous voyons apparaître pour la première fois en 606 le titre d'évêque universel réclamé par l'évêque de Rome. L'autorité canonique des apocryphes, de la Vulgate et des traditions, ne date que du concile de Trente, au seizième siècle. L'usage de la langue latine au lieu de la langue vulgaire pour le culte, date de 666. La transsubstantiation ne fut enseignée qu'au huitième siècle. Au onzième le repas du Seigneur fut mutilé par la suppression de la coupe. Les sept sacrements sont du douzième siècle. Les mérites de la pénitence, le purgatoire, les prières pour les morts, apparaissent vers le septième siècle, mais ne furent affirmés d'une manière positive qu'en 1140. Les papes ne réclamèrent pas avant le douzième siècle le droit et le pouvoir d'accorder des indulgences. La confession auriculaire ne fut rendue obligatoire qu'au concile de Latran, c'est-à-dire au treizième siècle. Le célibat forcé des prêtres fut proposé et discuté vers la fin du quatrième siècle (décret de Siricius, 388), et ne triompha définitivement que sous Grégoire VII à la fin du onzième (cf. Col., II, 23. 2 Thes., II, 7-12).

L'origine relativement récente de toutes ces erreurs n'est sans doute pas une autorité décisive contre elles, mais elle prouve le sens que jusqu'alors on avait donné aux Ecritures. Elle prouve que la papauté est une nouveauté, et que ses dogmes n'étaient pas enseignés par ceux qui vivaient dans des temps plus rapprochés de l'époque apostolique, et qui étaient mieux placés pour comprendre la vraie signification des passages contestés ou douteux.

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§100. La chronologie. - Il est toujours utile, souvent intéressant, quelquefois nécessaire, pour comprendre certaines portions des Ecritures, de connaître l'ordre des événements, et de se rappeler les intervalles de temps qui les séparent; sous ce rapport l'étude de la chronologie acquiert une valeur et un intérêt tout particulier.

Quel jour ne jette pas sur la dépravation de la nature humaine ce fait que déjà la seconde génération depuis Adam avait tellement corrompu sa voie , que Dieu se repentit d'avoir fait l'homme.

Les crimes de Sodome et de Gomorrhe paraissent plus criminels encore quand on se rappelle qu'à l'époque de leurs plus hideux débordements, il y avait cent ans à peine que Noé, leur aïeul, était descendu dans la tombe.

Le jugement prononcé contre la maison d'Héli, à Siloh, reçut un premier accomplissement par la mort de ses deux fils, mais il ne fut pleinement exécuté que quatre-vingts ans plus tard, par la solennelle destitution d'Abiathar (1 Rois, II, 26, 27). Les jugements de Dieu peuvent être lents à venir, mais ils sont sûrs.

David était âgé de cinquante ans quand il commit le crime qui a le plus déshonoré son caractère, triste exemple du pouvoir de la tentation, et de l'insuffisance d'une longue fidélité chrétienne, quand la vigilance se relâche un seul instant.

Les hauts lieux que Salomon bâtit à Hastoreth subsistèrent, d'après 2 Rois, XXIII, 13, jusqu'aux jours de Josias, c'est-à-dire pendant trois cent cinquante ans; il est probable que Salomon mourut repentant, mais les conséquences de ses péchés lui survécurent et furent un objet de scandale et de chute pour plusieurs générations.

Si, comme on le pense, la première épître aux Thessaloniciens est la plus ancienne en date, la recommandation faite par Paul (V, 27), qu'elle soit lue dans toutes les Eglises, à tous les saints frères, semble prendre le caractère d'une direction générale relative aux écrits du même genre, et les marquer §avance du sceau de la canonicité.

La déclaration de Paul qu'il se considère comme le premier des pécheurs (1 Tim., I, 15), est remplie d'enseignements; mais elle devient plus sérieuse encore quand on sait que l'épître dans laquelle il parle avec tant d'humilité fut écrite vers l'an 64, c'est-à-dire près de trente ans après sa conversion. On voit que ni ses succès dans l'Eglise, ni ses progrès en sainteté et en connaissance n'affaiblirent jamais le sentiment profond qu'il avait de sa mission et de son état de péché.

Quelques commentateurs ont cru que 2 Cor., XI, 25, et suiv., les souffrances nombreuses de l'Apôtre, se rapportaient à Actes, XXVII; mais avec un peu plus de connaissances chronologiques ils auraient évité cette méprise, car la seconde aux Corinthiens fut écrite avant le voyage de Paul à Rome.

Grotius et quelques autres ont rapporté à Caligula ce que Paul dit de l'homme de péché 2 Thes., Il , 3 , mais Caligula était mort depuis douze ans quand cette lettre fut écrites.

Le précepte de Pierre : « Honorez le roi (1 Pierre, II, 17), » reçoit une nouvelle force du fait qu'à l'époque où l'apôtre parlait ainsi, c'était l'infâme Néron qui tyrannisait l'empire romain.

L'examen du chap. V de la Genèse montre que Noé a pu connaître les détails de la création et l'histoire des premiers jours du monde, sans autre intermédiaire entre lui et Adam, qu'Enos ou Lémec son propre père. Lémec vécut en effet cinquante-six ans avec Adam, et cent ans avec Sem. Sem à son tour fut pendant quelques années contemporain d'Abraham et d'Isaac, et les rapports entre Adam et Isaac purent s'établir directement au moyen de deux hommes seulement, Lémec et Sem, de sorte que la transmission de la vérité divine put se faire pendant de longs siècles sans être exposée à beaucoup d'altérations. On comprend la tradition dans des conditions pareilles.

Plus de quatre mille ans s'écoulèrent entre la première promesse et sa réalisation. Plus de quatre cents entre la promesse faite à Abraham et son accomplissement sous Josué. Plus de quatre cents entre les oracles de Malachie et leur accomplissement dans la personne de Jean-Baptiste. Mille ans sont devant le Seigneur comme un jour; ses promesses semblent tarder quelquefois, mais elles se réalisent en leur temps.

L'étude de la chronologie est essentielle surtout pour l'étude de la prophétie, soit pour fixer le sens précis des oracles, soit pour se rendre compte de leur accomplissement. Les paroles de Esaïe, XXXVII, 22-34 sont expliquées par le chap. XXXVI. Les premières annoncent une délivrance remarquable dans un danger pressant; l'autre nous montre en Ezéchias et Sanchérib les hommes en qui la prédiction s'est accomplie.

Tous les peuples ont une date particulière à laquelle ils rattachent toutes les autres dans le passé et dans l'avenir, et de laquelle ils partent dans leurs calculs. Les chrétiens datent de la venue de Jésus-Christ ; les Romains, de la fondation de la ville de Rome; les Grecs comptaient par olympiades, et la première était de sept cent soixante-seize ans antérieure à la venue de Christ, de cinquante-cinq ans antérieure à la captivité, contemporaine d'Hosias. Ces dates sont appelées ères ou époques; nous en consignerons ici les principales.

L'année grecque, de la création du monde.

1 septembre 5598 av. C.

L'ère de Constantinople ecclésiastique et civile.

1 avril, 1 septembre 5508 avant Christ.

L'ère juive, ecclésiastique et civile.

Avril, sept. 3761 av. C.

L'ère d'Abraham ou d'Eusèbe.

1 octobre 2015 av. C.

L'ère de la prise de Troie.

12 (ou 21) juin 1184 av. C.

L'ère du temple de Salomon.

Mai 1015 av. Christ.

Les olympiades.

Nouvelle lune du solstice d'été, 776 av. Christ.

L'ère romaine (l'année consulaire commençait au 1er janvier).

21 avril 753 av. Christ.

L'ère de Nabonassar.

26 février 747 av. Christ.

L'ère des Séleucides.

1 septembre 312 av. C.

L'ère pontificale et constantinopolitaine.

1 janv., 1 sept. 3 av. C.

L'ère chrétienne commune.

1 janvier an 1 de Christ.

L'hégire, ou ère mahométane.

16 juillet 622 après Christ.

L'ère persane.

16 juin 632 après Christ.


Table des matières

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