SECTION III. - Des règles d'interprétation. (Suite)

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§ 88. Quatrième règle. Il faut tenir compte du but général du livre. - Cette règle n'est que l'extension de la précédente, dans le cas où le contexte ne suffirait pas à dissiper le doute , à faire disparaître toute obscurité. Les auteurs inspirés résument quelquefois eux-mêmes les matières qu'ils traitent plus spécialement, soit dans un livre, soit dans un fragment ou dans une section de livre. (Voyez Rom., III, 27). « Nous concluons donc que l'homme est justifié par la foi, sans les oeuvres de la loi. Voyez encore une conclusion dogmatique (Ephés., Il, 11, 12), une conclusion pratique (Ephés., IV, 1- 3) , et d'autres conclusions de détail (III, 13 ; IV, 17, 25; V, 1 , 7; VI, 13, 14), qui sont toujours annoncées par donc ou c'est pourquoi.

L'objet spécial des Proverbes est indiqué Prov., I, 1-4, 6, celui des Evangiles, Jean, XX, 31, celui de la Bible, Rom., XV, 4. 2 Tim., III, 16 , 17.

Le but particulier de certains fragments résulte des circonstances dans lesquelles ils ont été écrits; ainsi pour la plupart des psaumes (Ps. XC, XVIII, XXXIV, LI, III, etc.). Les cantiques des degrés ou de Mahaloth (Ps. CXX-CXXXIV) étaient peut-être destinés à être chantés par les Juifs dans leurs voyages annuels à Jérusalem; ce fait, quand on se le rappelle, donne un sens tout nouveau et beaucoup plus clair à quelques passages qui restent obscurs sans cela.

Les épîtres aux Colossiens, aux Ephésiens et aux Galates ont été écrites pour exposer certaines doctrines de l'Evangile, et pour réfuter les idées fausses des docteurs judaïsants touchant l'Eglise. Ces trois épîtres peuvent s'expliquer en plusieurs points par la comparaison de plusieurs chapitres des Actes, et notamment du chap. XV qui renferme l'exposé historique des questions traitées dans ces épîtres.

Mais le moyen le plus sûr d'arriver à bien connaître l'objet particulier de chaque livre de la Bible , c'est l'étude constante et consciencieuse de la Bible elle-même dans toutes ses parties. Une fois cette connaissance acquise, elle facilite tout autre travail; l'intelligence de l'ensemble est assurée , non moins que celle des détails, et telle expression qui paraissait pleine d'obscurité reçoit de l'ensemble des révélations bibliques une clarté de sens tout-à-fait inattendue et riche d'édification. - Ainsi, lorsque notre Seigneur prononce ces paroles : Si tu veux entrer dans la vie garde les commandements, il semble annoncer le salut par les oeuvres; mais quand on se rappelle à qui ces paroles sont adressées, on comprend que Jésus-Christ n'a pas voulu faire autre chose qu'humilier un jeune homme orgueilleux de sa propre justice , en le ployant sous le joug de la loi.

Dans les trente-neuf premiers chapitres d'Esaïe , le sujet de chaque oracle est ordinairement indiqué. Mais il ne l'est pas dans les vingt-sept chapitres qui suivent, et ce n'est qu'à force d'étude qu'on parvient à le déterminer. On voit alors que les chap. LI à LV forment un seul tout, un ensemble prophétique des consolations données à Israël ; on y reconnaît aussi les divisions suivantes : un triple et solennel appel adressé au peuple pour l'engager à écouter (LI, 1-8), un appel à Dieu en faveur de Sion (LI, 9-LII , 12), la glorieuse description des souffrances du Messie et de son couvre rédemptrice (LII, 13-LIII); ce morceau est le centre de l'oracle, les résultats de l'oeuvre du Messie sur les destinées de l'Eglise (LIV), et enfin ses résultats pour les destinées du monde (LV).

Il faut savoir distinguer aussi, et ce n'est pas toujours très-facile, quand il faut tenir compte du sens général du livre, plutôt que du contexte particulier de la phrase.

Le chap. XV de Luc, par exemple, renferme plusieurs paraboles adressées aux pharisiens, qui s'étonnaient de ce que notre Seigneur recevait avec joie les pécheurs qui venaient à lui. Au nombre de ces paraboles se trouve celle de l'enfant prodigue. Or, le but évident de saint Luc dans tout son évangile est de recommander le christianisme aux païens, et de faire comprendre que la nouvelle alliance est pour tous, sans distinction de race, sans privilège de naissance. La question est donc de savoir si dans la parabole de l'enfant prodigue le fils aîné représente les pharisiens et le second les pécheurs, point de vue adopté par quelques théologiens et recommandé par le contexte; ou si l'on doit voir dans l'un et dans l'autre l'image du peuple juif et celle des nations païennes, opinion suivie par d'autres théologiens et qui a pour elle la tendance générale du livre de Lue. Les deux opinions, du reste, sont probables, et dans les deux cas la leçon qu'on en peut tirer reste vraie. Il n'en demeure pas moins constant que l'on ne saurait trop faire attention au but que se propose l'auteur, et que c'est dans l'idée générale que se trouve l'explication de bien des doutes ou obscurités de détails.

C'est également une étude attentive du contexte qui peut seule faire comprendre si dans le repos ou sabbatisme, dont parle l'Apôtre Héb., IV, 3; IX, 10 , il est question du repos des saints dans la vie éternelle, ou de la paix que l'Evangile donne aux croyants dès la vie présente, pour durer éternellement. - Le personnage de Melchisédec n'a été longtemps revêtu d'un caractère si mystérieux (Héb., VII) que parce qu'on n'avait pas fait attention au but spécial, au point unique que Paul cherche à mettre en saillie ; le sacerdoce de Melchisédec était reconnu d'Abraham, bien qu'il fût en dehors d'une généalogie officielle; le père des croyants ne demande pas au prince de Salem quel est son père et de qui il descend, parce que son sacerdoce a des titres plus élevés que ceux de la chair. De même, ajoute l'Apôtre , on peut être un vrai descendant d'Abraham, et reconnaître cependant le sacerdoce de Jésus-Christ, quoique celui-ci n'ait pas non plus la légalité charnelle. Les mots « sans père ni mère » doivent donc se prendre dans le sens le plus restreint possible, et non dans leur sens ordinaire. C'est le contexte qui l'indique.

On résout de la même manière les difficultés que soulèvent certaines contradictions apparentes qu'on a toujours remarquées entre Paul et Jacques. L'un et l'autre apôtre, cela résulte du contexte, prennent le mot foi dans un sens différent. L'un, s'adressant à ceux qui, par tradition, attachent à la vertu humaine une idée exagérée, parle de la foi comme seule efficace pour sauver, mais pour lui l'idée de foi renferme , non-seulement celle de croyances, mais encore celles de sentiments, d'oeuvres et de pratique. Jacques, au contraire (voyez aussi 1 Jean, Il , 1), s'adresse à des Sens qui n'ont qu'un christianisme de paroles, une foi morte, et il veut leur rappeler que nul ne sera justifié par une prétendue foi qui n'aboutirait pas à la sainteté. - Saint Paul permet dans Rom., XIV, 5, des observances qu'il condamne dans Gal., IV, 10, 11 - et pourquoi? C'est encore l'étude des épîtres qui nous explique cette différence. Dans le premier cas, il s'agit de Juifs élevés dans les observances mosaïques , mais convertis à l'Evangile , et qui conservent encore des traces, des souvenirs de leur éducation première, des scrupules de conscience à l'endroit d'une rupture complète : Paul , qui n'est pas suspect d'une fausse tolérance, veut au moins qu'on respecte, et il respecte lui-même les scrupules religieux aussi longtemps que la lumière parfaite de l'Evangile ne les a pas encore dissipés. Dans les Galates, au contraire, il s'agit de païens convertis qui se laissent persuader que la doctrine de la croix ne les sauvera que s'ils se sont placés préalablement sous le joug des cérémonies judaïques.

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§ 89. Cinquième règle. Il faut expliquer l'Ecriture par l'Ecriture. - Cette règle est à la fois simple, facile et naturelle. Les choses de Dieu ne peuvent se comprendre que par l'Esprit de Dieu (1 Cor., II, 10-13). Ce n'est que de cette manière qu'on peut arriver, non-seulement à l'intelligence de certains passages en particulier, mais encore à la certitude quant à la doctrine des Ecritures sur les points de foi et de morale.

Une doctrine n'est véritablement scripturaire que lorsqu'elle renferme et résume toutes les déclarations de l'Ecriture en ce qui la concerne ; un devoir n'est véritablement scripturaire que lorsqu'il renferme, en motifs, mobiles et réserves, toutes les prescriptions et tous les enseignements de la Parole de Dieu. Il en est de l'étude de l'Ecriture-Sainte comme de l'étude des oeuvres de Dieu dans la nature; on examine d'abord chaque fait, chaque phénomène en particulier, et l'on cherche à se rendre compte des détails; puis on classifie les observations recueillies, on compare les phénomènes semblables ou dissemblables, et l'on en tire des conséquences qui s'appellent alors des lois générales.

L'importance d'étudier l'Ecriture-Sainte de cette manière ressort des malentendus nombreux dont l'absence de cette précaution fat la source chez les Juifs contemporains de notre Seigneur. « Nous avons appris de la loi, disait la foule, que le Christ demeure éternellement; » ils faisaient allusion à Ps. LXXXIX, 36, 37. Esaïe , IX, 7. Dan., VII, 14; mais ils n'auraient pas ajouté: « Comment dis-tu qu'il faut que le Fils de l'homme soit élevé? » s'ils avaient étudié ces passages à la lumière spirituelle et vive de Esaïe , LIII. Dan. , IX , 26 , etc.

On peut désigner sous le nom général de recherche des parallèles le travail que nous recommandons ici, mais il importe de bien distinguer différents genres de parallélismes : celui des mots et des noms , celui des idées , et celui de la vérité considérée , non dans certains détails , mais dans son ensemble, ce qu'on est convenu d'appeler l'analogie de la foi.

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§ 90. Parallélisme des mots et des noms. - Lorsqu'un mot a dans une phrase un sens que l'ensemble de la phrase laisse douteux, on cherche à l'expliquer par le sens plus clair qu'il peut avoir ailleurs. - Si David est appelé un homme selon le coeur de Dieu (1 Sam., XIII, 14, cf. Actes, XIII, 22), on se demande si, en effet, Dieu a voulu nous le présenter comme un modèle de perfection. Ces deux passages, déjà parallèles, laissant la question douteuse, on recourt à un troisième (1 Sam., II, 35) où Dieu se sert d'expressions analogues : « Je m'établirai un sacrificateur assuré; il fera selon ce qui est cri mon coeur, et selon mon âme, » paroles qui confirment le sens probable, quoique douteux , qu'on était porté à donner aux paroles des deux premiers textes , c'est-à-dire que David, dans sa conduite publique, officielle, accomplirait la volonté de Dieu et maintiendrait intactes les lois dont Dieu lui aurait confié la garde. Les Psaumes et l'histoire nous disent d'ailleurs combien David fat un homme pieux ; et si la phrase citée se rapporte essentiellement à son ministère comme roi théocratique , elle peut S'étendre aussi à sa carrière tout entière, à l'esprit de piété dont il se montra constamment animé, et à la franche et humble repentance qu'il témoigna après sa chute.

L'expression « revêtir Christ », est employée, Gal., III, 27, en parlant de ceux qui ont été baptisés pour Christ; - Rom. XIII, 14, en opposition à ceux qui ont soin de la chair, pour en satisfaire les désirs; - Col., III, 10 , revêtir le nouvel homme, implique le renouvellement en connaissance, selon l'image du Rédempteur, c'est-à-dire, versets 12-14 , en miséricorde, bonté, douceur et surtout en charité, car la charité est le lien de la perfection. Ces expressions s'expliquent les unes par les autres.

Quand saint Paul dit, Gal., VI, 17: Je porte en mon corps les flétrissures du Seigneur Jésus, - ou , 2 Cor., IV, 10, l'état de mort du Seigneur Jésus, il ne veut pas parier, comme l'ont prétendu certains théologiens , des stigmates et des plaies de la croix que l'Apôtre aurait eu reproduites en son corps, «une manière miraculeuse ou autre; mais, comme on peut s'en convaincre par 2 Cor., Xl, 23 et suiv., des peines et des souffrances qu'il endure pour la prédication de l'Evangile.

Quant aux noms propres, ce parallélisme est souvent très-important, et il rend sensibles ou fait ressortir des faits et des vérités qui perdraient sans cela de leur importance et de leur signification. La mention que fait le Psalmiste, Ps. CVI, 19, du veau que les Israélites firent en Horeb, est rendue plus frappante encore par cette circonstance mentionnée Exode , XXXII, que ce fut dans le lieu même où Dieu avait fait alliance avec eux, et où ils venaient à peine de renoncer solennellement à l'idolâtrie, qu'ils commettaient cet acte d'idolâtrie et de rébellion. - Le caractère de Balaam (Nomb., XXII-XXIV) laisse du vague dans l'esprit; on se demande s'il fut véritablement prophète et, dans ce cas, quels furent les causes de sa chute : la réponse à ces questions se trouve dans les passages parallèles du Nouveau-Testament ( 2 Pierre, II, 15. Jude, 11. Apoc., II , 14); il aima le salaire d'iniquité; il était avare, et ne recula devant aucun crime pour satisfaire sa passion.

On distingue au moins trois espèces différentes de parallélisme dans les mots :

Quand la même chose est exprimée dans les mêmes termes; ainsi Exode, XX, 2-47, et Deut., V, 6-18. Ps. XIV et LIII. Esaïe, Il, 2-4; et Michée, IV, 1-3. Dans ce cas un passage vient à l'appui de l'autre et peut servir à jeter du jour sur son sens exact. Esaïe, VI, 9, 10, par exemple, est cité six fois dans le Nouveau-Testament , et la comparaison de ces six passages ne peut qu'aider à faire comprendre la pensée du prophète;

Quand les mêmes faits sont racontés à peu près de la même manière, avec la reproduction d'expressions parfois identiques , comme cela a lieu dans l'Exode, le Lévitique et le Deutéronome , pour l'histoire de Moïse ; dans les livres de Samuel, des Rois et des Chroniques, pour l'histoire de la royauté; dans les Evangiles, pour la vie et les enseignements de Jésus-Christ. Un récit en complète alors un autre, ou l'explique. Les mots difficiles sont rendus clairs par les mots parallèles de l'autre version. Parfois ils se modifient l'un l'autre (voyez Matth., II, 1 ; et Luc, II, 1-4);

Enfin, quand les mêmes mots ou locutions sont employés dans des contextes différents. L'expression « la saine doctrine, » qui se retrouve 1 Tim. , I, 10; VI, 3. 2 Tim. , 1, 13; IV, 3. Tite , I, 9; Il, 1 , 2, 8, signifie évidemment, par la comparaison de ces passages, les simples et grandes doctrines de l'Evangile , par opposition aux subtilités de l'école, et considérées dans ce que leur influence a de sanctifiant. Dans des cas de ce genre, si le sens d'un mot est déterminé par Son contexte en un passage, il peut servir à déterminer le sens qu'il doit avoir là où rien ne vient aider à le fixer. Ainsi le mot chair, qui est vague Rom., VII, 18, doit être pris dans le sens qu'il a VIII, 8: état naturel de péché.

Quelquefois deux phrases, quoique parallèles, et en elles-mêmes identiques, ont des significations différentes (Jean, I, 21. Matth., XI, 14. Jean, V, 31 ; VIII, 14. Actes, IX, 7; XXII , 9. Luc, I, 33. 1 Cor., XV, 24).

L'examen fait ordinairement disparaître les contradictions apparentes qui se rencontrent dans des passages parallèles. Les sept années de famine (2 Sam., XXIV, 13), qui comprennent l'année courante, et les trois qui ont précédé (XXI , 1), sont réduites à trois 1 Chron., XXI, 12, parce que ce dernier passage ne concerne que les années de l'avenir , sans mention du passé. Cf. encore 2 Sam., XXIV, 24, et 1 Chron., XXI, 25.

Il faut en général se rappeler les deux règles suivantes :

examiner le sens qu'un mot a dans un livre et chez un auteur, celui qu'il a dans les autres écrits de la même époque et celui qu'il a dans le reste de la Bible;

n'admettre , pour un passage en apparence parallèle, aucun sens qui ne soit en rapport avec le contexte ou avec l'objet, que traite et que se propose l'auteur. Le mot oeuvres n'a pas le même sens chez Jacques que dans les épîtres aux Romains et aux Galates. Le mot parole n'a pas le même sens Jean, I, 1 que 2 Tim., IV, 2, où il signifie l'Evangile.

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§ 91. Parallélisme des idées. - On compare entre eux des récits différents d'un même fait, ou des faits de même nature, ou des passages différents, mais relatifs à une même doctrine, pour obtenir une, idée exacte et complète de la vérité telle qu'elle est contenue dans l'ensemble des Ecritures. Voici deux exemples empruntés à la controverse. Veut-on savoir si la coupe de la communion appartient à tous les fidèles, ou si elle doit être donnée au prêtre seul? On trouve d'abord le commandement du Sauveur : Buvez-en tous (Matth., XXVI, 27). Si l'on prétend qu'il ne s'agit là que des apôtres, il faut examiner 1 Cor., XI, où le même sujet se trouve traité au point de vue de l'Eglise et des fidèles; là, dans six versets consécutifs (22, 25, 26, 27, 28, 29), les expressions manger et boire sont réunies, en parlant de la communion, comme étant inséparables; manger le pain et boire la coupe sont donc deux actes commandés à tous les chrétiens sans distinction. Que chacun s'examine soi-même, et après cela qu'il mange de ce pain, et qu'il boive de cette coupe. - Second exemple (Matth., XVI , 18) : Tu es Pierre et sur cette pierre j'édifierai mon Eglise. Nous voyons par 1 Cor., III , 11 qu'il ne peut y avoir pour l'Eglise d'autre fondement que Jésus-Christ; et ce fait ôte au premier passage un sens qu'il pourrait avoir s'il était pris littéralement. D'un autre côté , il résulte de Actes, II, 41 ; X , 15, etc., que les prédications de Pierre furent les premières qui furent adressées aux païens, et dans ce sens on peut dire que c'est lui qui a le premier fondé l'Eglise parmi les païens. Enfin, l'on peut ajouter avec Augustin, Luther, etc., que les paroles de Jésus se rapportent non à saint Pierre , mais à la confession qu'il vient de faire; et ce point de vue s'autorise des idées parallèles exprimées Gal. , I, 16. Jean , VI, 54. 1 Jean, III, 23; IV, 2 , 3.

Une règle importante à rappeler ici , c'est que les passages obscurs doivent être interprétés d'après les passages plus clairs, les mots difficiles et figurés par les mots propres plus faciles, et les déclarations abstraites ou sommaires par les parallèles plus explicites ou plus développés. La doctrine de la justification par la foi, brièvement énoncée Philip., III, 9, est pleinement exposée dans les épîtres aux Romains et aux Galates. L'expression figurée , « une nouvelle créature, » employée Gal., VI, 15, est expliquée V, 6, et 1 Cor., VII, 19. La charité dont il est parlé 1 Pierre, IV, 8, est l'amour fraternel, et s'il est dit qu'elle couvre une multitude de péchés, ce n'est pas en ce sens qu'elle justifie le pécheur, mais parce qu'elle évite les occasions du mal et qu'elle apaise les querelles, ainsi qu'on le voit par le passage parallèle Prov., X, 12.

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§ 92. L'analogie de la foi. - On désigne sous ce nom le parallélisme appliqué, non à quelques mots ou à quelques idées seulement, mais à l'ensemble des vérités évangéliques et à la teneur générale des Ecritures. Nous en avons quelques exemples Gal., V, 14, et 1 Cor., XV, 3-11 , où l'Apôtre , après avoir exposé les faits et les doctrines qui se rapportent à la mort et à la résurrection de Christ, en déduit «autres faits et d'autres doctrines comme des conséquences naturelles.

Cette analogie de la foi est appelée dans la Bible les Ecritures (1 Cor., XV, 3, 4), toute la loi (Gal., V, 14), la bouche de tous les prophètes (Actes, III, 18). Saint Paul se sert même du mot analogie de la foi (Rom., XII, 6) quand il exhorte ceux qui prophétisent à le faire d'une manière conforme à la révélation , sans rien ajouter, en fait de doctrine, à ce qu'il a plu à Dieu de nous faire connaître.

Une doctrine n'est dans l'analogie de la foi que lorsqu'elle résulte de tous les textes des Ecritures relatifs au même sujet et soigneusement examinés, les termes d'un passage servant à contrôler , parfois à modifier ceux d'un autre, toujours à les expliquer et à les rendre plus clairs.

Exemples:

Le Dieu nous est représenté dans l'Ecriture comme un esprit pur, saint, présent partout et connaissant toutes choses. Les déclarations à cet égard sont catégoriques. Tous les passages donc qui sembleraient renfermer une idée contraire , matérialiser , localiser, limiter Dieu ou ses attributs , doivent être interprétés dans le sens de l'analogie de la foi, d'une manière spirituelle et en laissant intacte la doctrine d'un Dieu esprit.

L'Evangile nous appelle à la sainteté. Toute conséquence contraire qu'on voudrait faire découler de la doctrine de la justification par la foi doit donc être rejetée comme fausse, n'étant pas dans l'analogie de la foi.

Le passage (Prov., XVI , 4) « l'Eternel a fait tout pour soi-même, et même le méchant pour le jour de la calamité, » ne peut pas signifier que Dieu a créé le méchant tout exprès pour le condamner; quoi qu'en disent certains théologiens , cette interprétation ne saurait être admise, elle est contraire à l'analogie de la foi (voyez, par exemple, Ps. CXLV, 9. Ezéch., XVIII, 23. 2 Pierre, III, 9). L'auteur vent dire seulement, d'une manière générale , absolue , que toutes choses contribuent à la gloire de Dieu et à l'accomplissement de ses adorables desseins.

La théologie procède , à cet égard, comme la philosophie et comme les sciences naturelles. Quand une loi générale est établie, les faits particuliers lui sont subordonnés, et, s'ils paraissent contradictoires, ils sont l'objet d'un examen spécial; puis, parmi les explications qui ont pour but de rendre compte d'une apparente anomalie , celle-là est préférée qui s'accorde le mieux avec la loi générale.

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§ 93. Le parallélisme appliqué au style figuré. - La recherche des parallèles est très-importante lorsqu'il s'agit de déterminer, par exemple, si un passage doit être pris au propre ou au figuré. Dieu est quelquefois représenté comme tenant en sa main une coupe qu'il donne à boire à ceux qu'il veut frapper, et ils tombent saisis d'étourdissement; cette image que nous rencontrons sans autre explication, Nahum, III, 11. Hab., II, 16. Ps. LXXV, 8, etc., est pleinement expliquée par le parallélisme de Esaïe LI, 17-23. La coupe, c'est la fureur de l'Eternel et sa juste indignation; l'ivresse étourdissante, c'est une désolation et une détresse au-delà de ce que l'homme peut supporter. - De même, nous lisons Actes, Il, 21 , que « quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé; » mais nous lisons, dans saint Matthieu , que tous ceux qui diront - Seigneur! Seigneur! n'entreront pas au royaume des cieux; d'où il résulte que le passage des Actes ne doit pas être pris dans un sens littéral et restreint. Il s'explique par Rom., X, 11 -14, et 1 Cor., I, 2. Nous y voyons, en effet, que ces paroles, empruntées au prophète Joël, II, 32, doivent s'entendre d'un acte de foi , de l'acceptation de Jésus comme Messie et de l'adhésion aux doctrines révélées par lui.

Il faut remarquer aussi que si le sens figuré doit présenter certaines analogies avec le sens littéral, il n'est pas nécessaire , comme il n'est pas possible non plus, que tout ce que suppose la figure soit renfermé ou se retrouve dans le sens littéral. Il suffit de quelques rapports évidents pour que la métaphore soit justifiée. Si Christ appelle ses disciples ses brebis, la comparaison porte sur son affection pour eux, sur les soins qu'il leur donne et sur l'affection confiante qu'ils lui portent en retour. Le bon sens le plus ordinaire suffit pour déterminer le terme et les limites de la comparaison. C'est ainsi que l'on comprend que Christ n'est appelé un agneau que par rapport à son caractère et à son sacrifice. C'est ainsi encore que le péché est appelé une dette, l'expiation une rançon et le pardon la quittance de la dette. Mais il est évident qu'on ne peut pas pousser trop loin ces analogies; s'il est dit que Christ est mort pour les péchés de tous, il n'en résulte pas que tous seront sauvés; si son obéissance couvre nos transgressions, il n'en résulte pas que nous puissions vivre dans le péché; s'il est dit que les hommes sont morts dans le péché, il n'en résulte pas qu'ils soient tellement morts que leur responsabilité morale soit entièrement dégagée.

Ces principes sont assez clairs quand il s'agit de figures empruntées aux objets matériels. Ils sont plus importants et peut-être d'une application plus difficile quand les figures sont tirées de la nature humaine ou de la vie ordinaire. Bien des erreurs sont résultées d'une trop grande recherche des analogies, et l'esprit de l'homme, l'esprit dans son acception la plus vulgaire, est quelquefois trop enclin à prendre pour des travaux sérieux de pareils jeux de mots. Celui qui veut étudier véritablement la Bible doit le faire avec sobriété sous ce rapport et se tenir en garde contre cette tendance.

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§ 94 Conclusion. - Pour déterminer le sens exact d'un passage de la Bible et jusqu'à quel point les mots doivent être pris dans un sens figuré, il faut donc se demander avant tout quel est le sens des mots employés. S'ils n'ont qu'un sens, il n'y a aucune difficulté. S'ils en ont plusieurs, il faut rechercher celui que recommande plus particulièrement le reste de la phrase. Si là encore on en trouve plusieurs, on examinera celui qui s'accorde le mieux avec le contexte ; puis celui que réclame le but général de l'auteur ou du fragment que l'on étudie, puis enfin celui qui concorde le mieux avec le reste des Ecritures , celui qui est le plus conforme à l'analogie de la foi. Si alors il reste encore deux sens possibles, c'est qu'ils sont vrais tous les deux, ou bien il faut attendre d'ailleurs et du temps des lumières ultérieures.

Ces règles doivent être observées partout et toujours, non-seulement pour le style figuré, mais encore pour le style ordinaire et littéral; qu'il s'agisse d'histoire ou de prophétie, §allégorie ou d'enseignement, peu importe. Il n'y a pas à cet égard deux règles d'interprétation différentes. On s'attend , sans doute , à rencontrer plus de figures dans le langage poétique que dans le style simple de la narration; mais les règles restent les mêmes, à cela près qu'on a plus souvent, l'occasion de les appliquer dans un cas que dans l'autre.

Ajoutons que ces règles sont les mêmes qui président à toute espèce d'interprétation, soit qu'il s'agisse d'une langue étrangère quelconque ou même de notre propre langue; on cherche à fixer la valeur et le sens exact des expressions par le sens ordinaire du mot, par le sens que Von suppose être dans l'intention de celui qui parle, par l'ensemble de son discours ou de sa disposition d'esprit.


Table des matières

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