SECTION III. - Des règles d'interprétation.

 

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§ 85. Première règle. Il faut, autant que possible , prendre les mots dans leur sens ordinaire et usuel. Les écrivains sacrés parlaient et écrivaient pour être compris ; il est évident qu'ils ont dû se servir de mots connus, et les employer dans le sens qu'on leur donnait habituellement. Déterminer ce sens usuel des mots et des phrases est donc la première chose à faire , une première règle très-simple à observer. Cette règle s'applique au langage figuré,, comme au langage littéral.

Que les écrivains inspirés nous disent en langue vulgaire « Il n'y en a aucun qui fasse le bien , » ou en style figuré : « toute chair a corrompu sa voie sur la terre, » ils expriment une seule et même vérité sous deux formes différentes (Rom. , III, 12. Gen., VI, 12 ). Ils disent que la repentance est nécessaire au pardon (Esaïe, LV, 7) ; ils ajoutent que l'une et l'autre, la repentance et le pardon, sont des dons de Dieu (Actes , V , 31 ). Le langage du prophète et celui de l'apôtre sont également simples. En général, et pour l'exposé de toutes les grandes doctrines de l'Evangile, le langage de la Bible est remarquablement simple, clair et précis. L'existence et les perfections de Dieu , l'unité du Père , du Fils et du Saint-Esprit , la chute de l'homme; la corruption de la nature humaine , notre responsabilité morale ; la rédemption par le sacrifice expiatoire de Jésus-Christ, le renouvellement du coeur par l'influence du Saint-Esprit, la libre et souveraine grâce de Dieu , la sanctification progressive des chrétiens, leur bonheur éternel, tout est nettement exposé dans de nombreux passages , dont les termes ne peuvent signifier que cela , ou bien ils ne signifient plus rien.

Malgré la simplicité de cette règle, elle a été souvent violée dans l'interprétation des Ecritures. L'esprit humain a voulu découvrir des sens nouveaux , profonds, mystérieux. Origène, frappé de ce que le nom de Kéturah , l'épouse de la vieillesse d'Abraham , signifie « bonne odeur, » et remarquant que ces mots sont employés quelquefois en parlant de ceux qui édifient leurs frères par leur vie exemplaire, conclut que, dans sa vieillesse, Abraham devint extraordinairement saint. Coccéius, beaucoup plus moderne , pense que les brebis et les boeufs de Ps. VIII, 7, 8, représentent les chrétiens, tandis que les oiseaux et les poissons représentent les infidèles; il résulte de là, selon lui, que tous les hommes , bon gré mal gré, sont soumis à la puissance de Jésus-Christ.

Une erreur du même genre change toute l'histoire en fable, et réduit tous les miracles de Jésus à de simples faits tout ordinaires, travestis par l'ignorance ou par le fanatisme. A ce compte, l'Ecriture-Sainte n'a plus d'autre signification que celle que lui prête l'imagination de chacun. En tout cas, elle n'a. plus de sens par elle-même; elle n'a que le sens qu'on y met.

Mais si l'on doit poser en règle d'interprétation l'obligation de prendre les mots dans leur sens naturel , cela ne signifie pas qu'on doive les prendre dans un sens littéral. Au contraire, chaque langue a des locutions particulières qui lui sont propres , et les traduire littéralement serait leur ôter leur sens vrai. La langue hébraïque en avait un certain nombre dont nous allons indiquer les principaux.

Hébraïsmes.

Les Juifs remplaçaient souvent l'adjectif par un, substantif qualificatif correspondant, et les auteurs grecs du Nouveau-Testament ont conservé cette particularité de style. Ils disent ainsi : l'Esprit de la promesse, pour l'Esprit promis (Ephés., I, 13) ; - l'oeuvre de votre foi, le travail de votre charité, la patience de votre espérance, pour votre oeuvre fidèle , votre charitable travail , votre confiante patience (1 Thes., I, 3).

Si quelqu'un avait une qualité ou un vice particulier , les Hébreux l'appelaient quelquefois le fils ou l'enfant de ce vice ou de cette qualité. - 1 Sam., II, 12. les fils d'Héli étaient de méchants hommes; en hébreu, il y a : « fils de Bélial. » - Luc, X, 6. En grec : « fils de la paix. » - Ephés. , V, 6-8. enfants de rébellion, enfants de lumière, c'est-à-dire hommes rebelles, hommes éclairés. Voyez encore Matth., XXIV, 15. Marc, XIII, 14. Rom., VII, 24. 1 Jean, III, 10. Jacq., II, 4. Héb., 1, 3. Apoc., III, 10. Dans quelques-uns de ces passages cependant, il y a peut-être quelque emphase à côté du sens ordinaire de cette locution.

Les comparaisons sont exprimées en termes extrêmement énergiques. - Si quelqu'un vient vers moi et ne hait pas son père, etc. (Luc, XIV, 26, cf. Matth., X, 37), « aime son père plus que moi. » - Voyez encore Jean, XII, 25. Rom., IX, 13. Gen., XXIX, 31. Deut., XXI, 45.

La comparaison peut se présenter sous une forme négative. Gen., XLV, 8, signifie : C'est plutôt Dieu que vous. Marc, IX, 37, signifie « Ne reçois pas seulement moi, mais celui, etc. » Cf. Exode, XVI, 8. 1 Sam., VIII, 7. Matth., V, 39. Luc, XIV, 12 , etc.

Le pluriel se rapporte souvent à un seul objet, mais en indiquant qu'il s'en trouve près de là d'autres semblables; les montagnes d'Ararat, les villes que Lot habitait (Gen., VIII, 4; XIX, 29, cf. Juges, XII, 7. Néh., III, 8, et Matth., XXIV, 1 , où probablement un seul disciple prit la parole. Luc, XXIII, 36, etc.).

Les noms des parents sont souvent employés pour désigner leur postérité. - Gen., IX, 25. Canaan, c'est-à-dire ses descendants. (La malédiction prononcée en cette circonstance ne tomba point sur ceux qui furent pieux, Melchisédec, Abimélec, la Cananéenne de l'Evangile, etc. (Gen., XIV, 18-20; XX, 6. Matth., XV, 22-28). Les noms de Jacob et d'Israël sont de même fréquemment employés pour désigner les Israélites.

Le mot fils désigne souvent des descendants éloignés, sans égard au nombre des générations intermédiaires. Cela arrive, du reste, dans presque toutes les langues. - Les prêtres sont appelés fils de Lévi. Méphiboseth, le fils de Jonathan, est appelé fils de Saül (2 Sam., XIX, 24. Voyez aussi Gen., XLVI, 22. Zach., I, 1, cf. Esdras, V, 1. 1 Chron., 1, 17).

Il résulte de là que le mot frère signifie aussi par extension une parenté collatérale quelconque. Abraham , oncle de Lot, est appelé son frère (Gen, XIV, 16; XXIX, 12, 15). On a même l'exemple des descendants de Barzillaï par sa fille qui sont appelés du nom de leur ancêtre maternel (Esdras, Il, 61. Néh., VII, 63). Notre Seigneur est aussi appelé fils de David, parce qu'il en descendait légalement par Joseph et naturellement par Marie.

La connaissance de ces diverses locutions fera disparaître souvent des contradictions apparentes; ainsi Hathalie, appelée fille d'Homri et fille d'Achab (2 Rois, VIII, 18, 26) ; Homri était son grand-père. - Voyez aussi 1 Rois, XV, 10 , et 2 Chron., XIII , 2. 1 Chron., III, 15, et 2 Chron., XXXVI , 9, 10.

Semi-hébraïsmes.

Certains nombres sont pris quelquefois dans un sens indéfini. - Dix, outre son sens exact, a un sens général et signifie plusieurs (Gen., XXXI, 7. Dan., I, 20). Quarante signifie beaucoup (2 Rois , VIII, 9. Ezéch., XXIX, 11, 13). Persépolis était appelée la ville aux quarante tours, bien qu'elle en comptât davantage. Sept et septante indiquent un nombre sans fin (Prov., XXVI, 16, 25. Ps. CXIX, 164. Lév., XXVI, 24). Nous devons pardonner soixante-dix fois sept fois. Les sept démons de Marie Magdelaine indiquent de grandes et mystérieuses souffrances et peut-être une extrême perversité (1).

Les chiffres ne sont pas toujours indiqués avec une très-rigoureuse précision. Cf. Nomb., XXV, 9 (24,000) avec 1 Cor., X, 8 (23,000). - Juges, XI, 26. 300 au lieu de 293. - Voyez encore Josué, IV, 19. Nomb., XXXIII, 3; XIV, 33. Juges, XX, 46, etc.

Quelquefois un verbe est employé comme indiquant un fait, un état ou une action , tandis qu'il constate seulement que ce fait existe ou que cette action a eu lieu. - Il nettoiera, pour: il déclarera nettoyé (Lév., XIII, 13, hébreu). La lettre tue, c'est-à-dire elle déclare que la mort est une conséquence du péché (Rom., V, 20. Philip., III, 7. Voyez aussi Rom., IV, 15; VII, 9. 2 Cor., III, 6). Le prophète vient « pour détruire la ville, » c'est-à-dire pour annoncer sa destruction (Ezéch., XLIII, 3, cf. Jér., I, 10. Esaïe, VI , 10).

Des noms propres.

Il importe de remarquer à propos des noms propres de villes ou d'individus qui se rencontrent fréquemment que :

Différents personnages ont souvent le même nom. - Ainsi, Pharaon (le roi ou gouverneur, dérivé de phre, soleil) était le nom commun et général de tous les rois d'Egypte depuis Abraham jusqu'à l'invasion de l'Egypte par les Perses, comme Ptolémée fut leur nom depuis la mort d'Alexandre.

Abimélec (le roi mon père) semble avoir été un nom commun à tous les rois des Philistins; Agag, le nom des rois Amalécites. - Ben-Hadad (fils du soleil), le nom des rois de Damas; César-Auguste, celui des empereurs romains. Celui qui est mentionné Luc, Il, 1 était le second du nom d'Auguste. Le César sous le règne duquel Jésus-Christ fut crucifié, était Tibère.. Celui auquel Paul en appelle, et qui est désigné sous les deux noms de César et d'Auguste était Néron (Actes, XXV, 21). Les rois égyptiens et philistins semblent avoir eu, comme les empereurs romains, un nom propre à côté de leur nom général, Pharaon Nécho, Pharaon Hophra , Abimélec Akis (1 Sam., XXI, 11, cf. Ps. XXXIV) -

De même dans le Nouveau-Testament plusieurs rois apparaissent sous le nom d'Hérode; Hérode, dit le Grand , qui fit égorger les petits enfants de Bethléem; Archélaüs, son fils, qui lui succéda sur la moitié de son royaume; Hérode, le tétrarque, son fils aussi, qui lui succéda en Galilée et fit mourir Jean-Baptiste; son autre fils Philippe-Hérode, qui régna sur une partie de la Syrie et de la Galilée. Hérode Agrippa, frère d'Hérodias, neveu des précédents, réunit de nouveau dans sa main le royaume tout entier, fit périr Jacques par l'épée, et mourut misérablement à Césarée. Hérode Agrippa, son fils, d'un caractère bien différent, eut avec Paul des rapports qui semblent indiquer chez lui quelque chose de sérieux, quoique la politique l'empêchât d'arriver à une foi véritable.

Il faut distinguer encore plusieurs Jean, plusieurs Jacques, plusieurs Marie, etc.

Il y a plusieurs villes du même nom. Césarée de Philippe et Césarée en Galilée. Antioche en Syrie et Antioche en Phrygie. Mitspa de Galaad où Jephté demeurait, Mitspa de Moab, Mitspa de Guibha, Mitspa en Juda, etc.

D'autres fois un même nom sert à désigner une personne et un pays ou une ville. Magog était un fils de Japhet; c'est aussi le nom d'un pays habité par un peuple appelé Gog, duquel sont issus probablement les Scythes, les Tartares, puis les Turcs (Ezéch. , XXXVIII. Apoc., XX, 8).

Quelquefois une personne ou une ville est désignée sous deux noms différents. Le beau-père de Moïse est appelé tantôt Hobab, tantôt Jéthro (Juges, IV, 11. Exode, III, 1). Réhuel, au contraire , bien qu'appelé père de Séphora, n'était probablement que son grand-père (Exode, Il, 18). Matthieu s'appelait aussi Lévi; Thomas et Didyme sont le même apôtre. Jude s'appelait aussi Judas, Thaddée ou Lebbée.

Horeb et Sinaï , deux pics différents d'une même masse de montagnes, sont pris tour-à-tour pour désigner la chaîne tout entière.

Césarée s'appela d'abord Laïs, puis Dan (1 Rois, XII, 29. Juges , XVIII, 29).

Le lac de Génésareth s'appela d'abord mer de Kinnéreth, puis mer de Galilée et mer de Tibériade.

L'Abyssinie moderne s'appelle tantôt Ethiopie, tantôt Cus. La Grèce porte le nom de Javan (Ionie), l'Egypte ceux de Ham et de Rahab.

Jérusalem s'appelait d'abord Jébus. La mer Morte, la mer salée, la mer de la campagne, la mer orientale, désignent la même mer (2 Rois, XIV, 25. Gen., XIV, 3).

Le Nil est appelé Sihor (Josué, XIII, 3), ou quelquefois, avec emphase, le fleuve; deux noms qui, ailleurs, sont donnés à d'autres fleuves encore.

La mer Méditerranée a différents noms, mer des Philistins (Exode, XXIII, 31), grande mer (Nomb., XXXIV, 6, 7), mer d'Occident (Deut., XI, 24).

La Terre-Sainte enfin s'appelle tour-à-tour Canaan, Israël, Judée, Palestine , pays de la promesse, pays des bergers, etc.

De même des noms d'hommes. Achaz, fils de Joram, s'appelle encore Hazaria et Jéhoachaz (2 Rois, VIII, 29. 2 Chron., XXII, 6; XXI, 17). Jéhoachaz , fils de Josias, s'appelle Johanan et Sallum (2 Rois, XXIII, 30. 1 Chron., III, 15. Jér. , XXII, 11). Jéhojadah, le sacrificateur, s'appelle Johanan, et probablement Barachie, autant de noms qui ont la même signification ( 2 Chron. , XXIV, 20. 1 Chron., VI, 9. Matth. , XXIII, 35 ). Hosias s'appelle Hazaria, Nathanaël Barthélemy, etc.

Il est très-important, comme on voit, d'étudier au lieu de se contenter d'une lecture superficielle, et de se rendre bien compte, soit de l'identité, soit , au contraire , de la différence des noms, des personnes, et des localités indiquées.

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§ 86. Seconde règle. Il faut prendre les mots dans le sens indiqué par l'ensemble de la phrase. - Le sens d'un mot peut varier en effet suivant le sens général d'une phrase ou d'un raisonnement; il importe donc de bien déterminer toujours quelle est l'idée particulière que l'écrivain peut avoir en vue, et de se guider d'après cela pour la détermination du sens que le mot peut avoir. Ainsi le mot chair est pris tantôt en bonne, tantôt en mauvaise part; un coeur de chair au lieu d'un coeur de pierre, c'est-à-dire un coeur docile; la chair convoite contre l'esprit, c'est-à-dire les affections sensuelles contre les aspirations spirituelles (voyez Ezéch., XI, 19. Rom., VIII, 5. Ephés., II, 3). Il signifie aussi la nature humaine, sans l'intervention d'aucune autre idée (Jean , I, 14. Rom., I, 3; IX, 3), ou bien encore ce qu'il y a d'extérieur ou de cérémoniel dans la religion (Gal., VI, 12; III, 3. Cf. Philip., III, 3).

- La foi signifie l'Evangile, les grandes doctrines évangéliques (Gal., I, 23. 1 Tim., III, 9; IV, 1. Actes , XXIV, 24) ; - la fidélité (Rom., III, 3. Tite, II, 10, grec; et probablement Gal., V, 22).

- Une preuve (Actes, XVII, 31 , grec) ; - la conviction du devoir (Rom., XIV, 23) , d'une manière générale la confiance de coeur et d'esprit aux promesses de Dieu (Héb., XI), et d'une manière plus spéciale l'assurance du salut qui est en Jésus (Rom. , Ill , 28).

- Les mots salut et délivrance, qui se rendent souvent dans l'original par le même mot, se disent tantôt d'une délivrance extérieure et terrestre (Exode, XIV, 13. Actes, VII, 25, grec), tantôt §une guérison (Jacq., V, 15), plus habituellement de la justification des pécheurs complètement achevée dès ici-bas (Ephés., II, 8. Luc, I , 77), ou de l'ensemble des bénédictions accordées au croyant , depuis le pardon assuré jusqu'à la jouissance de la gloire éternelle (Rom., XIII, 11); quelquefois ils désignent simplement l'Evangile lui-même (Héb., Il , 3).

Le sang ne signifie pas la même chose dans la phrase « que son sang soit sur nous et sur nos enfants (Matth., XXVII, 25), » que dans cette autre : « Dieu a fait d'un seul sang tout le genre humain (Actes, XVII, 26). » Il a encore une autre signification dans Rom., V, 9. Héb., IX ,14 , etc.), où il indique l'obéissance de Christ jusqu'à la mort de la croix.

Grâce signifie dans son idée générale faveur. Appliqué à Dieu, ce mot désigne sa bienveillance envers des hommes qui ne l'ont pas méritée (2 Tim. , I, 9); ou bien les différents dons qui procèdent de la grâce, la justification (Rom., V, 15), la force et la sainteté (2 Cor., XII, 9), la gloire éternelle (1 Pierre, I, 13). La Parole de sa grâce (Actes, XIV, 3), c'est l'Evangile. Ce sont aussi les doctrines de l'Evangile (Héb., XIII, 9), en opposition avec les rites cérémoniels.

On pourrait multiplier ces exemples.

La même règle qui nous oblige à tenir compte du contexte nous aide à décider si un mot doit être pris au propre ou au figuré. C'est ainsi que l'on comprendra dans quel sens les chrétiens sont appelés des pierres vives (1 Pierre, II, 5), ce que signifient les armes de lumière (Rom., XIII, 12), ce que c'est que ceindre les reins de son entendement (1 Pierre, I, 13) , quel est le lavage dont les chrétiens sont lavés (1 Cor., VI, 11) , ce que signifient les mots de Christ : Ceci est mon corps, ou ces autres : Laisse les morts ensevelir leurs morts.

Les figures employées par les écrivains sacrés sont en général empruntées à l'analogie des faits ou des phénomènes matériels. Les changements et bouleversements politiques sont représentés par des tremblements de terre, des tempêtes , des éclipses, etc. (Jér., IV, 23-28. Esaïe, XIII , 10, 13. Matth., XXIV, 29. Actes, Il , 19). Les rosées fertilisantes, les pluies , les rivières représentent des bénédictions spirituelles (Esaïe, XXV, 6. Jean, IV, 13, 14). Les bêtes féroces, les aigles et les autres oiseaux de proie représentent des oppresseurs. Une corne désigne la puissance , une verge un châtiment, la lumière la joie, et les ténèbres le deuil ou l'ignorance ( Esaïe, V, 20. Ps. XCVII, 11. Ephés., V, 14). La communion avec Dieu est représentée sous l'image d'un mariage; l'adultère c'est la violation de cette alliance par l'idolâtrie. La vigne, c'est l'Eglise (Esaïe, V, 1-7).

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§ 87. Troisième règle. Il faut tenir compte du contexte. - Quelquefois, en effet, l'ensemble de la phrase ne suffit pas pour déterminer le sens d'un mot; il faut remonter plus haut, et voir ce qui précède et ce qui suit. On trouve alors :

Des mots ou des passages dont le sens est expliqué par les écrivains eux-mêmes, soit par des définitions, soit par des exemples, soit par des expressions qui en précisent la signification et la portée. - Par exemple, la foi, dans le chap. XI des Hébreux, est d'abord définie une substance des choses qu'on espère, une démonstration de celles qu'on ne voit point; puis l'écrivain sacré montre par des exemples ce que la foi est véritablement dans la pratique. Aucun passage dans la Bible ne prouve mieux que ce chapitre combien il doit nous être précieux que le livre de Dieu soit un livre, non de systèmes et de théories, mais d'exemples et d'actions. Les faits expliquent les définitions. Le mot substance du verset 1 (en grec, hypostase) désigne proprement toute chose qui, placée sous une autre , sert à la maintenir. La foi est le soutien, le piédestal, le porteur des choses qu'on espère. Aucun mot ne pouvait mieux que celui de substance, adopté par la version anglaise et par celle de Lausanne , rendre l'idée exacte de l'original, et cependant ce mot n'est pas clair. Les autres versions traduisent : La foi rend présentes les choses, etc. En Héb. , 1, 3, elles le traduisent par personne, et en 2 Cor., XI, 17, par sujet (de se glorifier). La version de Lausanne elle-même dans ce dernier passage s'est servi du mot sujet.

Toutes ces traductions sont exactes, autant qu'une traduction peut l'être; mais il n'en est pas moins vrai que la force et la plénitude du mot original ne peuvent être rendues dans notre langue. La définition serait donc incomplète pour nous, si l'apôtre ne rendait sa pensée claire dans toutes les langues, en la traduisant en exemples.

Le mot perfection est également défini plusieurs fois. Il signifie (Ps. XXXVII, 37) un coeur intègre, droit, bienveillant, sans fraude, comme (1 Chron., XII, 33, 38) un coeur assuré, de bon coeur; c'est le sens qu'il a généralement dans l'Ancien-Testament. Dans le Nouveau , il signifie, on bien la connaissance claire et parfaite de la vérité révélée (Héb., V, 14. 1 Cor., Il, 6. Philip., III, 15), ou la possession plus ou moins complète de toutes les grâces que Dieu accorde au caractère chrétien (Jacq., I, 4. 2 Pierre, I, 5-7).

Le mot mystère (Ephés., III, 4, 5) s'applique à la participation des Gentils aux bienfaits de l'Evangile; ailleurs nous avons le mystère de la piété, le mystère «iniquité, le nom mystère ! de la grande Babylone. Le contexte est dans ce cas nécessaire à l'interprétation du mot.

Les éléments du monde ont pareillement des sens différents, qui sont expliqués par le contexte (Gal., IV, 3, 9, 10. Héb., II, 5; VI, 5. 1 Cor., X, 11).

Il arrive souvent aussi, même dans le style de la narration, que certains détails obscurs sont expliqués ou complétés par d'autres détails; ainsi les paires d'animaux qui entrèrent dans l'arche (Gen., VI, 19, 20; VII, 2, 3; la cécité de Jacob n'était que partielle (Gen., XLVIII, 8, 10); la fidélité dans l'accomplissement des promesses faites à Jacob ne fut pleinement révélée aux Israélites que lors de la sortie d'Egypte (Exode, VI, 3, cf. Gen. , XIII , 4) ; le mot tout (Exode, IX, 6) est expliqué au verset 20 par quelques réserves. D'après Nomb., VIII, 24, cf. IV, 3, les lévites passaient par un noviciat de cinq ans avant d'entrer en fonctions; Nomb., XIV, 30, se complète de même par Josué, XIV, 1 ; - et Josué, XI, 19, par XV, 63.

En l'absence d'une définition Positive le sens d'un mot est quelquefois déterminé, soit par l'emploi d'un mot synonyme, soit par l'opposition d'un mot contraire. - Gal., III, 17, le testament fait avec Abraham est expliqué par la promesse que Dieu lui fit. - Rom., VI, 23 , la mort, salaire du péché, a un sens profond que fait ressortir dans la phrase suivante la vie éternelle, don gratuit de Dieu. - Les mots « enracinés et édifiés en Christ » sont expliqués par ceux qui suivent, « affermis dans la foi (Col., II, 7). » - Rom., IV, 5, s'explique par l'ensemble du chapitre, et notamment par verset 2, où l'apôtre expose ce qu'on doit entendre par la foi qui justifie. De même Jacq., II, 14, s'explique par le contexte en ce qui concerne les oeuvres véritables , bien distinctes des oeuvres de la loi. Notre Seigneur dit de même : Qui croit au Fils a la vie éternelle (Jean, III, 36) , et le mot qui suit : « Celui qui ne croit pas, » signifie littéralement en grec celui qui n'obéit pas, notre Seigneur voulant faire bien comprendre que la foi qui sauve, c'est le principe d'une obéissance sans réserve.

On peut comparer encore 1 Jean, III, 9, avec I, 6; II, 4, 9, 15, où les mots « ne pèche plus » s'expliquent de l'habitude du péché.

Le parallélisme de plusieurs passages des Ecritures sert souvent, quand on l'examine de près, à faire mieux ressortir la portée de certaines expressions. On distingue le parallélisme par gradation, le parallélisme synonymique et le parallélisme par antithèse.

Le parallélisme par gradation consiste dans l'emploi successif de mots à peu près synonymes, mais de plus en plus précis et énergiques.

On a souvent cité sous ce rapport l'exemple du psaume 1.

 

Bienheureux est l'homme qui

Ne vit point

selon le conseil

des méchants.

Ne s'arrête point

dans la voie

des pécheurs.

Ne s'assied point

sur le banc

des moqueurs.

On y remarque tout à la fois progression dans l'idée de la persévérance dans le mal, depuis la simple habitude jusqu'au parti pris de s'arrêter et de se fixer, et progression dans la perversité depuis l'indifférence naturelle, en passant par la méchanceté, jusqu'à l'incrédulité profane et moqueuse. Les termes de nos versions françaises ne rendent qu'imparfaitement l'énergie de la gradation de l'original. - Cf encore Ps. XXIV, 3, 4. Esaïe, LV, 6, 7.

On trouvera (Prov. XVI, 32) un exemple de parallélisme par voie de synonymie, c'est-à-dire deux membres de phrase s'expliquant l'un par l'autre, sans que la pensée en soit sensiblement modifiée. - Quelquefois le parallélisme s'étend sur un chapitre tout entier, ou sur une portion considérable de chapitre; ainsi au psaume CXXXII,

Les versets 1-6

correspondent

au verset 12,

Le verset 7

au verset 13,

Le verset 8

au verset 14 ,

Le verset 9

aux versets 15, 16,

Le verset 10

aux versets 17, 18.

Voyez pareillement Ps. CXXXV, 15-18.

L'Ecriture met souvent en saillie, au moyen du parallélisme, une idée que l'expression simple ne ferait pas ressortir. Ainsi (Luc, XII, 47, 48) l'opposition entre celui qui a connu et celui qui n'a pas connu la volonté de son maître, met en évidence ce fait que, plus un homme a de lumières, plus il est responsable aussi de l'usage qu'il fera des grâces qu'il a reçues.

Quant au parallélisme par voie d'antithèse, on en trouve quelques exemples Prov., X, 7 ; XI, 24. Osée, XIV, 9. «Les voies de l'Eternel sont droites ; aussi les justes y marcheront, mais les rebelles y tomberont. »

Notons encore le parallélisme métrique ou synthétique; il ne se rapporte qu'à la forme, à la construction de la phrase, et il suffit de le mentionner (Ps. XIX, 7-11 ; CXLVIII, 7-13. Esaïe XIV, 4-9).

Quelquefois un mot, exprimant une idée générale et absolue, doit être pris dans un sens particulier, restreint, que détermine, soit une circonstance particulière, soit l'ensemble des déclarations de l'Ecriture sur un point de doctrine. Quand David s'écrie : Fais-moi droit, ô Eternel, selon ma justice et mon intégrité (Ps. VII, 8), il ne parle que de son droit dans ses rapports avec Cus, benjamite. La qualité de juste, ou homme de bien, est ainsi attribuée à des hommes injustes et méchants, mais innocents dans un cas particulier (1 Rois, II, 32. 2 Sam., IV, 11); même à Sodome et à Gomorrhe dans un sens relatif (Ezéch., XVI, 52. Le conseil d'Achitophel est appelé bon, la conduite de l'économe infidèle est approuvée, mais toujours à un point de vue seulement, et non d'une manière générale. - Jean, IX, 3, signifie que la cécité de l'aveugle-né ne peut être attribuée, comme le croyaient les disciples , à un péché commis. - Jacq., V, 14, s'explique par les versets 15 et 16 ; il s'agit de la guérison du corps, et non du salut de l'âme, comme le prétendent les catholiques-romains, qui croient trouver dans ce passage de quoi justifier leur cérémonie de l'extrême-onction.

L'ironie de certains passages est évidente, et dans ce cas les mots signifient, le contraire de ce qu'ils semblent exprimer (1 Rois, XXII, 15; XVIII, 27. Nomb., XXII, 20 (cf. les versets 12 et 32.). Juges, X, 14. Marc, VII, 9. 1 Cor., IV, 8).

Il faut encore apporter une grande attention, soit aux parenthèses qui interrompent le sens de la phrase, soit aux particules qui servent, au contraire, à relier, mais dans un sens et avec une idée particulière , différents membres de phrase, ou les différentes parties d'un argument.

Si la parenthèse est courte, elle ne fait point de difficulté (Philip., III, 18, 19. Actes, I, 15). Mais quand elle est longue, comme cela arrive souvent dans les lettres de Paul, elle peut embarrasser la phrase, et faire oublier le point de départ; ainsi Ephés., III, 2-IV, 1 ; dans ce cas on reproduit volontiers à la fin de la parenthèse les mots qui l'avaient précédée (Philip., I, 27-II, 16; et peut-être III, 2-XIV, fin). Les mots donc ou c'est pourquoi indiquent souvent la fin de la parenthèse, comme les mots car ou parce que en indiquent le commencement (Rom., II, 11-16 , ou 3-15. 2 Cor., VI , 2. Ephés. , II, 14-18).

Quant aux particules, il suffit de jeter les yeux sur un dictionnaire quelconque pour se convaincre du grand nombre de sens particuliers dont elles sont susceptibles : alors, donc, par, pour, etc. Le mot donc, qui annonce une conclusion dans la plupart des cas, n'indique quelquefois que la reprise d'une pensée abandonnée, ou la récapitulation d'un certain nombre d'idées (Matth., VII, 24 ; voyez 21. 1 Cor., VIII, 4; voyez 1. Marc, III, 31 ; voyez 21. Jean, VI, 24; voyez 22. Gal., III, 5; voyez 2.

La relation des idées est quelquefois obscurcie par l'emploi de la forme dialoguée, que rien n'indique ou ne fait pressentir; les objections et les réponses ne sont pas aussi nettement indiquées dans l'Ecclésiaste, par exemple, que dans le livre de Job (voyez aussi Rom., III, 4 et suiv. Esaïe LII , 13 et suiv. Ps. XX, 15; CIV, 1 et suiv. ; CXVIII, 1 et suiv.).

La succession des temps , des moments, des époques, n'est pas toujours bien précisée dans les narrations historiques, bien moins encore dans la prophétie, où les divers horizons se confondent fréquemment.

Ou bien les prémisses d'un raisonnement sont indiquées, et la conclusion manque; parfois l'inverse a lieu. Quelquefois l'auteur aborde la réponse à une objection, sans avoir prévenu le lecteur de ce fait nouveau de son argumentation. L'apôtre Paul surtout présente de nouveaux exemples de ces infractions à la logique vulgaire et de ces entraînements de la pensée (voyez, par exemple, Rom., III, 22-21; VIII, 17, 18; IX, 6, etc.).

Ajoutons enfin que le contexte peut quelquefois seul déterminer si une expression doit être prise au sens littéral ou au figuré, et ce point de vue est en certains cas fort important. - Ainsi le baptême (1 Pierre, III , 21) doit être pris dans un sens moral et intérieur , non dans le sens matériel littéral. De même porter les péchés ou la peine des péchés (Jean, I, 29. Exode , XXVIII, 43. Lév., XIX, 8).

L'esprit de fornication( Osée, IV, 12, et souvent dans Ezéchiel), s'expliquent par les mots qui suivent : les sacrifices aux faux dieux.

Manger le corps du Seigneur (Jean, VI, 57, et ailleurs), doit s'entendre spirituellement, comme le contexte l'indique. Si le vin est appelé le sang du Nouveau-Testament (Matth., XXVI , 28), les mots fruits de la vigne (29) impliquent que l'expression était figurée.

Le feu (1 Cor., III, 15), sur lequel Rome a fondé son purgatoire, est pris dans un sens spirituel, comme l'or, l'argent, le bois, le chaume, au verset 12. L'union de Christ avec l'Eglise, et non pas le mariage , est appelée un mystère (Ephés., V, 32. - Voyez encore Esaïe , LI , 1. 1 Cor. , V, 8. Matth., XVI, 6, 12).


Table des matières

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1) Voyez notre Dictionnaire de la Bible, pour les nombreux détails indiqués dans cette section tout entière. (Trad.)