SECTION III - Introduction spéciale aux Epîtres , depuis la première aux Thessaloniciens jusqu'à Jude. ( Suite)

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 § 186. Première épître à Timothée (Macédoine, an de J.-C. 64 ou 57). - Les deux épîtres à Timothée et l'épître à Tite ont été appelées épîtres pastorales. Elles abondent en instructions relatives à la conduite de l'Eglise et aux autres devoirs du ministère chrétien. Elles renferment en outre des instructions nombreuses concernant les Eglises elles-mêmes.

Timothée habitait Lystre, peut-être sa ville natale (Actes, XVI, 1, 2). Son père était grec, sa mère et sa grand'mère de pieuses Juives qui l'avaient soigneusement élevé dans la connaissance des Ecritures (2 Tim., I, 5; III, 14). Il fut probablement converti par Paul, lors de sa première visite à Lystre (Actes, XIV, 6. Voyez 1 Tim., I, 2. 2 Tim., 1, 2. 1 Cor., IV, 17); et à sa seconde visite, l'Apôtre le choisit pour être le compagnon de ses voyages et de ses travaux. Il est parlé de lui partout dans les termes les plus élogieux (II Thes., III, 2. Philip., II, 20), et il est un noble exemple de dons éminents et de grandes grâces chez un homme jeune encore et d'une santé délicate (IV, .12; V, 23).

Il est difficile, peut-être impossible, de déterminer à quelle époque cette épître a été écrite. Elle fut évidemment adressée à Timothée à Ephèse, pendant que Paul était en Macédoine, ou lorsqu'il s'y rendait pour la troisième fois (voyez I, 3). Nous apprenons par Actes, XX, 1 que Paul quitta Ephèse après le tumulte causé par Démétrius, et qu'il vint de là en Macédoine; quelques critiques supposent que ce fut vers cette époque que Paul écrivit cette première lettre. Il y a pourtant de sérieuses difficultés à opposer à cette hypothèse.

Avant que Paul quittât Ephèse, il avait envoyé devant lui Timothée et Eraste en Macédoine, se proposant de les y suivre (Actes, XIX, 22) ; il est très-invraisemblable que Timothée fût déjà de retour de ce long voyage avant le départ de Paul d'Ephèse.

Pendant la période dont nous parlons, Timothée était avec Paul en Macédoine (voyez 2 Cor., I, 1) , tandis que lorsque Paul écrivit cette épître, il paraît que non-seulement Timothée était à Ephèse, mais que Paul désirait qu'il y demeurât pendant quelque temps encore (voyez III, 15; IV, 13). Nous retrouvons ensuite Timothée derechef avec l'Apôtre à Corinthe, lorsque celui-ci écrivit son épître aux Romains (Rom., XVI, 21); de même lorsqu'il quitta la Grèce pour retourner en Syrie (Actes, XX, 4). - Quoique Paul ait pu s'arrêter quelque temps en Macédoine et écrire la seconde épître aux Corinthiens peu avant de quitter cette contrée, on peut difficilement supposer qu'il ait été rejoint là par Timothée aussi promptement, puisqu'il l'avait prié de demeurer à Ephèse.

De plus Paul exprime son intention de venir bientôt à Ephèse (III, 14). Mais dans la période en question, on voit d'après Actes, XIX, 21 et XX, 3 que Paul avait l'intention, après avoir passé par la Macédoine et l'Achaïe, de se rendre à Jérusalem, non par la' route détournée de Troas et d'Ephèse, mais directement de Grèce en Syrie.

Ces considérations, avec d'autres encore, ont conduit beaucoup d'interprètes à conclure que cette épître devait avoir été écrite à une époque plus récente, après le premier emprisonnement de l'Apôtre à Rome, pendant un voyage qu'il est supposé avoir accompli peu de temps avant sa dernière captivité. La principale difficulté dans cette hypothèse est la déclaration de l'Apôtre aux anciens de l'Eglise d'Ephèse, lorsqu'il les réunit à Milet (Actes, XX, 25); mais ce qui nous montre que c'était une appréciation de son propre esprit, ce sont les versets 22, 23, où il dit qu'il ne connaît pas ce qui doit lui arriver, qu'il est assuré seulement par le Saint-Esprit que « des afflictions et des liens l'attendent » (voyez aussi Philip., 1, 25; comparé avec II, 17, 23, 24). - En résumé cette question doit être considérée comme douteuse encore. Mais les difficultés qui s'élèvent touchant la date la plus récente, paraissent moins fortes que celles qui se rattachent à la date plus ancienne.

L'épître paraît avoir en vue deux objets principaux :

I. De combattre les fausses doctrines des docteurs juifs, qui, tout en professant un attachement excessif pour la loi, enseignaient des doctrines en contradiction avec ses saintes exigences. Leurs erreurs et les vérités contraires sont exposées avec force dans les chapitres I; IV, 7-10; VI, 3-5, 20, 21. Comparez Actes, XX, 27-32. 2 Cor., IV, 4-7.

Il. De guider et d'encourager Timothée dans les devoirs de sa charge; de le diriger par exemple :

1° pour ce qui concerne les services publics (II, 1-8) ;

2° quant aux devoirs et à la conduite des femmes chrétiennes (II, 9-12. Comp. 1 Cor., XI , 3-16; XIV, 34-40. 1 Pierre, III, 1-6);

3° quant aux devoirs des fonctionnaires de l'Eglise (III, 1-13);

4° dans son propre enseignement (III, 14; IV) ;

5° dans sa sainteté personnelle (IV, 11-16), et

6° dans l'administration de l'Eglise au sujet des personnes à censurer, des veuves, des bons et des mauvais anciens, des esclaves et des riches ; et des devoirs de certaines classes de personnes (V, 6. Comp. Tite, I, 10; III, 10). A ces conseils se mêlent de pressants et d'affectueux appels, de tendres allusions à la propre conversion de Paul et de solennelles perspectives ouvertes sur l'apparition du Sauveur Jésus-Christ.

L'objet de l'épître est établi dans les passages suivants : I , 3, 4; III , 15; VI, 20, 21.

Lisez encore et comparez : I, 1, 3, 5, 18; II, 1, 9; III, 1, 8, 14; IV, 1, 6, 12; V, 1, 3, 17, 19, 20, 22, 23, 24; VI, 1, 3, 6, 11, 17, 20. -

Voyez A. Saintes, Etudes critiques sur les lettres pastorales.

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§ 187. Epître à Tite (Macédoine, an de J.-C. 64 ou 57). - On ne connaît rien de plus sur Tite que ce que nous en savons par les épîtres de Paul. Quelques-unes des allusions passagères à son sujet nous apprennent qu'il était Grec de naissance (Gal. , II, 3), et qu'il avait été converti au christianisme par le ministère de Paul (Tite, I, 4.). Il vint avec Paul et Barnabas à Jérusalem (Gal. , II, 1), et dans la suite accompagna Paul dans ses voyages. Celui-ci fait plusieurs fois mention de lui dans des termes d'approbation et d'affection (2 Cor., II, 1, 2, 13 ; VII , 5, 7; VIII, 16-24; XII, 17-21).

Etant né de parents gentils, et placé par conséquent dans d'autres circonstances que Timothée, il n'était pas circoncis. La circoncision dans sa position aurait été , suivant le raisonnement de Paul , une désertion de ses principes (Gai. , II, 5).

A l'époque où cette épître fut écrite, Tite avait été laissé par l'Apôtre dans l'île de Crète , pour y établir et organiser les Eglises (1, 5). Il n'est pas facile de déterminer à quelle époque cela eut lieu , aucun renseignement n'étant fourni par la seule et unique mention de la Crète, indiquée Actes , XXVII, 7, 8; car à ce moment Paul était en route pour Rome comme prisonnier; son séjour ne fut qu'un passage, et ce n'est pas alors qu'il pouvait espérer de passer l'hiver à Nicopolis (Tite, III, 12).

Quelques-uns supposent que Paul a pu se rendre en Crète lors de son voyage de Corinthe à Ephèse, mentionné Actes, XVIII, 18 , et qu'il aura ensuite écrit cette épître d'Ephèse, avec l'intention de passer l'hiver dans une ville nommée Nicopolis , située entre Antioche et Tarse (voyez III, 12). - D'autres ont placé la visite de Paul en Crète entre son départ d'Ephèse pour la Macédoine et sa seconde visite à Corinthe , mentionnée Actes, XX, 2. - Mais l'opinion la plus générale est que la visite en Crète rapportée ici eut lieu dans un voyage que Paul fit après sa première captivité à Rome , lorsqu'il fit voile pour l'Asie; il aura touché Crète en passant, il y aura laissé Tite , et il lui aura écrit cette lettre de Macédoine en se rendant à Nicopolis.

On suppose de plus que Tite, suivant le désir de Paul , le rejoignit à Nicopolis, l'accompagna dans son dernier voyage à Rome, passa quelque temps avec lui dans cette ville pendant sa seconde captivité (2 Tim., IV, 10) , et se rendit de là en Dalmatie, probablement pour y prêcher l'Evangile ou pour y visiter des Eglises déjà fondées. Nous ne savons ce qu'il devint plus tard. La tradition rapporte qu'il retourna en Crète, et qu'il y mourut à l'âge de quatre-vingt-quatorze ans.

Nous ne connaissons rien de la première introduction de l'Evangile en Crète; mais comme il y avait beaucoup de Juifs de cette île parmi les auditeurs de Pierre le jour de la Pentecôte (Actes , II, 11) et qu'ils étaient très-nombreux dans l'île (Philon) , il est probable que la foi chrétienne y fut apportée par ceux d'entre eux qui se convertirent. Il paraît aussi , &après cette épître , que Paul y avait travaillé, et probablement avec un grand succès; mais que certains motifs l'obligèrent d'en partir avant qu'il pût y organiser l'état des Eglises d'une manière régulière.

La charge confiée à Tite en Crète paraît avoir été particulièrement difficile. Quoique la nature eût doté cette île de tout ce qui peut contribuer à rendre l'homme heureux, et que les habitants eussent anciennement été renommés pour la sagesse de leur constitution et de leurs lois, l'état moral du pays était tombé très-bas depuis longtemps lorsque l'Evangile y fut annoncé. Le caractère du peuple était inconstant, dissimulé et querelleur; ils étaient notoirement adonnés à la licence et à l'intempérance. Quelques-uns même des Juifs qui s'étaient établis parmi eux étaient regardés par l'Apôtre comme plus dangereux à beaucoup d'égards que les naturels eux-mêmes.

il y a une ressemblance frappante entre cette épître et la première à Timothée ; et on les a généralement considérées comme ayant été écrites vers le même moment. Cette épître est particulièrement remarquable en ce qu'elle renferme, sous un très-petit volume, un nombre considérable d'enseignements, comprenant la doctrine , la morale et la discipline.

Voici sommairement quel en est le contenu.

Après une salutation apostolique, dans laquelle Paul expose pourquoi il a donné à Tite une autorité spéciale, il décrit les qualités nécessaires à ceux qui doivent être ordonnés pour le ministère, ,qualités rendues d'autant plus nécessaires par la présence des faux docteurs, aux principes dangereux desquels il faut faire opposition, et du caractère général des Crétois (chap. I). Il fait connaître ensuite les directions qui doivent être données à différentes classes de personnes, prescrivant à l'homme âgé et au jeune homme les vertus qui doivent plus particulièrement les distinguer. Il exhorte Tite (qui est lui-même un jeune homme) à se montrer dans sa propre conduite un modèle des vertus qu'il veut inculquer aux autres , à recommander aux serviteurs la soumission et la fidélité ; car le salut de l'Evangile a été préparé pour toutes les classes de la famille humaine, afin de les rendre saintes dans cette vie, et de les préparer pour une vie plus haute et meilleure (chap. Il). Tite est ensuite chargé d'enseigner à tous l'obéissance aux puissances établies, la paix et la bienveillance avec tous les hommes , en rappelant à tous aussi leur premier état de péché et leur salut par la libre grâce de Dieu. Puis l'Apôtre insiste sur l'obligation indispensable dans laquelle sont les chrétiens &exceller dans les bonnes oeuvres. Il les invite à ne pas s'engager dans des recherches frivoles et des disputes inutiles; et après quelques autres brèves directions données à Tite, l'épître se termine par des salutations et la bénédiction (chap. III).

Il est facile de remarquer dans cette épître que ceux qui sont dans la condition la plus humble sont exhortés à rendre honorable l'Evangile (II, 10) ; et que , si notre salut ne doit être attribué qu'à la seule grâce de Dieu (II, 11), « à la bonté et à l'amour de Dieu, notre Sauveur (III, 4) , » ce fait même est invoqué à l'appui des plus pressantes exhortations à la sainteté (II, 14 ; III, 8).

Sur les devoirs des chrétiens envers le pouvoir civil (Tite, III, 1), voyez Rom. , XIII, 1-10. 1 Pierre , II, 13-17. 2 Pierre , II, 10. Jude, 8.


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