SECTION III - Introduction spéciale aux Epîtres , depuis la première aux Thessaloniciens jusqu'à Jude. ( Suite)

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    § 179. Epître de Jacques (au 64). - Il y avait deux apôtres du nom de Jacques; l'un d'eux était fils de Zébédée et frère de Jean; il fût mis à mort par Hérode, comme cela est rapporté Actes, XII , 2. L'autre , surnommé Jacques-le-Mineur (ou le petit) (Marc, XV, 40), probablement par allusion à sa taille, était fils d'Alphée ou de Cléopas (voyez Matth., X, 4. Marc, III, 18. Actes, I, 13. Luc, XXIV, 17) ; et comme il était parent du Seigneur, il est appelé son frère (Gal. , I, 19, etc). Ce dernier est ordinairement considéré comme l'auteur de cette épître (1).

    Après que la plupart des apôtres furent partis pour d'autres contrées, Jacques paraît s'être fixé d'une manière permanente à Jérusalem, dirigeant les affaires de l'Eglise dans la ville et dans les environs (voyez Actes, XII , 17; XV, 13-29 ; XXI, 18-24. Gal. , I, 18, 19 ; II, 9, 12), et jouissant d'une telle réputation à cause de son éminente sainteté, que ses compatriotes infidèles même lui décernèrent l'honorable surnom de juste. Il était donc naturel que Jacques fût conduit à adresser cette lettre aux hommes de sa nation, en leur exposant non pas tant des doctrines particulières que l'influence morale et sanctifiante de l'Evangile; car il savait bien qu'ils étaient trop disposés à se contenter d'une foi professionnelle quelconque en la Parole de Dieu, qu'elle fût annoncée par Moïse ou par Christ, sans s'inquiéter, du reste, de l'effet qu'elle devait avoir sur leurs coeurs et sur leur conduite. De là l'apparente mais non réelle divergence entre Jacques et Paul au sujet de la justification par la foi.

    C'est une preuve frappante de l'adaptation de l'Evangile à notre condition, et de notre tendance à en abuser, que lorsque l'Evangile fut annoncé pour la première fois, les hommes aient refusé d'être justifiés par grâce seulement. De là les épîtres aux Romains et aux Galates. Maintenant que l'Evangile s'est établi, les hommes le pervertissent en niant l'importance des oeuvres, comme une preuve et une conséquence nécessaire de la foi qui sauve; et cependant l'Evangile est un message approprié à ces deux tendances et destiné à les réunir en une seule vraie. On suppose que cette épître fut écrite après celle aux Romains, c'est-à-dire pas avant 58; probablement en 61 , l'année avant le martyre de l'apôtre. Néandre, Davidson et d'autres donnent une date plus ancienne , environ l'an 45. Le caractère général de l'épître semble indiquer, toutefois, une dépravation tout ensemble profonde et étendue, telle qu'elle a pu difficilement se rencontrer dans les commencements de l'Evangile.

    Comme ceux auxquels l'apôtre s'adresse étaient placés dans des circonstances assez fâcheuses, il commence par des encouragements et des conseils spécialement appropriés à leur condition (I, 1- 15). Il décrit ensuite la nature de la véritable religion dans son principe et dans ses effets sur le coeur et sur la conduite (I, 16-27). Il prescrit l'amour sincère et désintéressé, sans égard ni à la condition extérieure , ni aux circonstances (Il , 1- 13) , et montre l'hypocrisie de l'homme qui prétend avoir la foi, quoique ses oeuvres ne répondent pas à ses paroles , citant les exemples de l'Ecriture qui montrent que la foi que Dieu approuve a toujours été manifestée par des oeuvres (II, 14-27). Puis , pour prévenir certains désordres qui tendaient à se développer et qui avaient leur source dans la passion de plusieurs de devenir docteurs et censeurs, il donne des avertissements et des conseils à ce sujet.

    Il fait ressortir ensuite, dans une série de frappantes métaphores, les maux que peut causer une langue qui n'est pas tenue en bride, et met en opposition l'esprit disputeur, envieux et colère des écoles de la sagesse terrestre, avec le caractère pur , paisible, doux et bienfaisant de la sagesse qui vient du ciel (chap. III). Il expose les effets de l'esprit du monde tels qu'ils se manifestent dans la conduite de ceux qui sont sous son influence ; et il recommande la soumission à Dieu et la résistance au diable. Il invite les pécheurs et les hypocrites à se repentir et à s'humilier devant Dieu , et met en garde les chrétiens contre la médisance, l'esprit de dénigrement, et les procès des uns contre les autres (IV, 1-12). Il censure la présomption mondaine de ceux qui forment des projets et qui disposent de l'avenir sans le moindre sentiment de leur dépendance vis-à-vis de Dieu ; il condamne également l'avarice et l'oppression des riches (IV, 13-17; V, 4-6). Revenant ensuite aux chrétiens qui souffrent, il les encourage à la patience par la perspective de la venue du Seigneur ; il leur donne des avertissements contre le serment (ou contre le parjure?) ; il leur recommande la prière comme la meilleure ressource dans l'épreuve, et la louange comme la meilleure expression de la joie; il donne des directions spéciales aux malades, prescrit la confession mutuelle des péchés, recommande l'intercession des uns pour les autres, et en montre l'efficacité dans l'exemple d'Elie; il insiste enfin sur le devoir de chercher à sauver un frère qui est dans l'erreur , et montre les conséquences bénies de semblables efforts quand ils réussissent (V, 7-20).

    Combien sont instructifs les exemples de l'Ecriture ! L'histoire d'Abraham est citée pour prouver que la véritable foi produit les oeuvres saintes. l'histoire nous apprend en outre que plus de vingt ans après qu'Abraham eut été amené à la justification de la foi , il eut l'occasion de prouver, par l'empressement qu'il mit à offrir son fils Isaac (Gen. , XV, 6; XXI, 9-12), l'influence que ses principes avaient eus sur lui. Ce fait est encore une leçon pour nous et une preuve décisive que la foi justifiante , lorsqu'elle est exercée , doit être habituelle. Elle n'est pas autant un acte qu'un état.

    Lisez et comparez : I, 1, 2, 5, 9, 12, 16, 19, 22, 26 ; II, 1, 12, 14, 24, 25; III, 1, 13; IV, 1, 4, 9, 11, 13; V, 1, 7, 9, 12, 13, 19.

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    § 180. Epître aux Ephésiens (Rome, an 62). -Il y a d'abondantes preuves, soit externes , soit intérieures, que cette épître a été écrite par l'apôtre Paul, Mais comme le mot Ephèse manque (I, 1) dans deux ou trois manuscrits (B. 67, etc.), on a eu quelques doutes sur l'Eglise à laquelle cette épître était adressée; les uns ont cru que c'était l'épître aux Laodicéens, dont il est parlé Col. , IV, 16. D'autres ont conjecturé, d'après son caractère général et son contenu, que c'était une lettre-circulaire adressée aux Eglises de l'Asie-Mineure. Mais comme la leçon reçue dans le chapitre I, verset 1 , est très probablement exacte, on admet généralement que cette épître était adressée aux chrétiens d'Ephèse, quoiqu'il soit probable aussi que les autres Eglises de la contrée dont Ephèse était le centre, fussent comprises dans l'intention et le but de l'Apôtre.

    C'est l'opinion admise par Ussérius , Hug, Michaélis, Olshausen , etc. D'un autre côté , Paley, Wetstein et Greswell supposent (lue cette épître était adressée aux Laodicéens. Son caractère de circulaire s'appuie sur les plus forts indices.

    Ephèse était une grande ville de l'Ionie , la principale de toute la province romaine en Asie. Elle était surtout célèbre par son temple de Diane, qui était d'une grande magnificence , possédait des trésors immenses et passait pour une des merveilles du monde. Ses habitants se faisaient remarquer par leur luxe , leurs moeurs voluptueuses, et la pratique des arts magiques.

    Le livre des Actes (XVIII, 18-26 ; XIX) mentionne deux visites de Paul à Ephèse. Dans la première, lors de son voyage à Jérusalem, il prêcha un jour de sabbat dans la synagogue, laissant derrière lui Priscille et Aquila, qui furent peu après rejoints par Apollos. Dans sa seconde visite, Paul demeura à Ephése plus de deux ans, probablement à cause de l'importance de cette ville, comme siège principal de l'idolâtrie, et grand centre d'affaires et d'influences; ses travaux furent couronnés d'un succès remarquable, tant parmi les habitants de la ville que parmi ceux de la contrée circonvoisine. L'année suivante, comme il se rendait de Macédoine à Jérusalem, il eut une entrevue avec les anciens de l'Eglise d'Ephèse, dans le voisinage du port de Milet.

    On s'accorde à regarder cette épître comme la première de celles que Paul écrivit pendant qu'il était prisonnier à Rome, environ cinq ans après sa troisième entrevue avec les Ephésiens. De même que les deux épîtres qui suivirent, elle est remarquable par une chaleur toute particulière et par l'élévation des pensées et des sentiments. Tout l'esprit de l'Apôtre semble avoir été rempli de la sublime excellence des privilèges et des espérances de ceux qui croient en Christ, savoir, le caractère universel de la dispensation chrétienne , son triomphe certain et ses glorieux résultats.

    Inquiet sur l'état des néophytes d'Ephèse , il était sur le point de leur envoyer Tychique; et il leur écrivit cette épître , dont un des objets était de dissiper les sentiments de doute ou de découragement que la nouvelle de son emprisonnement pouvait avoir produits sur eux , et d'empêcher que les Juifs zélateurs de la toi ne prissent occasion de cette circonstance pour rabaisser son autorité apostolique, ou s'opposer à la grande vérité dont il se glorifiait, l'unité et l'universalité de l'Eglise comme corps de Christ.

    Cette épître peut être divisée en deux parties :

    I. l'une doctrinale (I à III) ;

    Il. l'autre pratique (IV à VI).

    I. Immédiatement après la salutation apostolique, Paul éclate en expressions de louanges (2) à Dieu pour les bienfaits de la rédemption , et spécialement pour l'extension du salut aux Gentils, grâce dont ils ont eu la preuve et la garantie par le baptême du Saint-Esprit; il insiste sur les deux merveilleuses manifestations de la grâce toute-puissante : la première dans la glorification de Christ, la seconde dans celle de son peuple régénéré (l; II, 1-10), et rappelle aux Ephésiens leur précédent état de mort spirituelle et d'éloignement de Dieu , lorsqu'ils étaient encore païens, et le grand changement qui s'est opéré dans leur condition par leur admission à la communion des saints par le moyen de la miséricorde souveraine de Dieu (II, 11-22) (3). Puis, exposant qu'il est prisonnier pour la cause de Christ, à cause de son amour pour les Gentils, il parle de la révélation et de la mission spéciales qui lui ont été données à leur égard; il s'appuie sur cette idée pour les exhorter à ne pas perdre courage à cause de ses souffrances ; et il leur déclare qu'il prie pour eux, afin qu'ils soient éclairés et fortifiés, et qu'ils aient la pleine jouissance des bénédictions de l'amour rédempteur de Christ (chap. III).

    Il. Dans les autres chapitres de l'épître, qui sont principalement pratiques , l'Apôtre conjure les Ephésiens de persévérer dans une conduite et des dispositions dignes des grands privilèges auxquels ils ont été appelés ; il leur rappelle les grandes choses que les dons spirituels qu'ils ont reçus sont destinés à réaliser; il leur prescrit une ligne de conduite en opposition directe avec celle des païens qui les entourent et avec leur première manière de vivre à eux-mêmes (voyez Col. , III, 1-13); il les exhorte à l'unité, à la sincérité', à la douceur , à l'honnêteté et au travail ; à la pureté dans les discours; à la bienveillance et à la générosité , suivant l'exemple de Christ ; à la droiture en toutes choses et à la sainteté de la vie ( IV; V, 1-20).

    Il développe ensuite, et par des motifs particuliers à l'Evangile, tout ce qui concerne les devoirs réciproques (V, 21 à VI, 9), et conclut par de pressantes exhortations à la vaillance chrétienne, à la vigilance et à la prière. Les derniers versets renferment une recommandation pour Tychique, le porteur de l'épître , et la bénédiction apostolique (VI, 10-24) (4).

    Cette épître est surtout intéressante si l'on considère les circonstances dans lesquelles elle fut écrite et l'histoire subséquente de l'Eglise d'Ephèse. L'épître qui insiste le plus sur les richesses insondables de la sagesse et de l'amour de Dieu fut écrite pendant que son auteur était dans les liens. Un coeur rempli des pensées les plus spirituelles et toutes célestes porte son attention sur les devoirs pratiques et moraux (IV, 28; V; VI , 1-9), et en recommande l'accomplissement par des motifs tirés de nos relations avec Christ et avec le Saint-Esprit (IV, 32; V, 2-25; VI, 5 ; IV, 30). Les Eglises auxquelles cette épître était adressée ne sont pas représentées ici comme étant dans une condition fâcheuse ; mais quelques années plus tard , elles étaient dans un état bien différent et très-déplorable (Apoc. , II , 1-7 ; III, 14-19). Leur histoire est un solennel avertissement pour les chrétiens de tous les temps.

    Lisez et comparez : I, 1, 3, 15; II, 1, 11, 19; III , 1, 14, 20; IV, 1-7, 17, 25, 26, 28, 29, 31 ; V, 3, 15, 25; VI, 1, 4, 5, 10 , 21, 23. - Voyez Méditations de Gauthey, etc.


    Table des matières

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    (1) Voyez Bonnet, Commentaire sur le Nouveau-Testament introduction à l'épître de Jacques.

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    (2) Remarquez comment les prières et les actions de grâces sont offertes sous l'Evangile, par le moyen de l'Esprit et par le Fils (Rom. , VIII, 26; I, 13-23 ; III, 14-21 ; VI, 18. 1 Jean , V. Jacq., I. Jude, 20. Philip. , I, 3-11. Col. , I, 9-12.

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    (3) Sur la faveur manifestée envers les païens convertis, voyez Rom., IV, V. Col., II, 9-14. 1 Pierre, I, 18; Il, 10.

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    (4) Sur le combat et l'armure du chrétien, voyez VI, 10-18. 1 Thes., V, 6-10. 1 Pierre, V, 7. 8. Héb., IV, 12. 2 Cor., VI, 7.