Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

LES SACRIFICES CONSIDÉRÉS DANS LEUR ENSEMBLE

suite

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III. J'en viens maintenant au SACRIFICE DE PROSPÉRITÉ. Nous y voyons celui qui offre le sacrifice s'en nourrissant. Il y trouve sa satisfaction aussi bien que le sacrificateur et Dieu lui-même. Peut-on dire, en considérant le sacrifice sous cet aspect, que le nôtre ressemble en rien à celui de Christ'? Nos pauvres sacrifices peuvent-ils, en aucune manière, nous donner de la satisfaction? Peuvent-ils en donner à Christ et à Dieu? Ce n'est pas moi qui répondrai. L'important pour nous est de savoir ce que nous dit le Seigneur dans sa Parole. C'est là que nous verrons le sacrifice de prospérité s'accomplissant non seulement en Christ, mais encore dans ses membres.

Et d'abord, quant à Dieu, trouve-t-Il satisfaction dans nos sacrifices? Le témoignage suivant est assez clair: « N'oubliez pas aussi d'exercer la charité et de faire part de vos biens; car Dieu prend plaisir à de tels sacrifices» (Hébr. XIII, 16). Nous voyons aussi que Dieu prenait plaisir à l'offrande présentée à Paul par les Philippiens. « Ce que vous m'avez envoyé comme un parfum de bonne odeur et un sacrifice que Dieu accepte, et qui lui est agréable » (Philip. IV, 18). Les mots employés ici dans l'original sont les mêmes que ceux qu'emploient les septante pour désigner le parfum agréable dans le sacrifice de prospérité (1). Aurions-nous besoin d'autre chose pour nous prouver que Dieu prend plaisir aux offrandes de son Eglise ? « Dieu aime celui qui donne gaiement » ( 2 Cor. IV, 7). Et le don par excellence, c'est de « se donner soi-même » (2 Cor. VIII, 5). Offrir nos corps en sacrifice vivant est un sacrifice qui lui est agréable (Rom. XII. 1). Nous avons besoin de nous le rappeler. Nous sommes en danger, dans noire zèle à combattre la doctrine du salut par les oeuvres, de nous imaginer qu'elles sont inutiles, qu'aucune ne peut lui être agréable. Je crains bien qu'il n'y en ait beaucoup qui, au moins pratiquement, ne soient dans l'erreur sur cette question. Les oeuvres de la chair sont vraiment des oeuvres mortes; mais les fruits de l'Esprit, en tant que c'est Christ qui les produit, et qui sont un témoignage rendu à sa grâce et à sa louange, sont devant Dieu et par sa grâce un sacrifice « d'agréable odeur ».

Mais le sacrificateur aussi trouvait sa joie et sa satisfaction dans le sacrifice dé prospérité. Quant au plaisir que notre sacrificateur prend à nos sacrifices quelques misérables et faibles qu'ils soient, il suffit de se rappeler que c'est lui-même qui est restauré par le verre d'eau froide, par le pain de celui qui est altéré ou affamé. « J'ai eu faim, et vous m'avez donné à manger ; j'avais soif et vous m'avez donné à boire » (Matth. XXV, 35). Oh! si nous pouvions nous représenter sa joie quand Il nous voit nous offrir nous-mêmes à Lui, quand ses yeux rencontrent dans ce monde qui le haïssait quelqu'un qui se souvient de Lui pendant qu'Il est absent; si nous réalisions seulement combien Il jouit d'une oeuvre de foi et d'amour, oubliée peut-être par celui qui l'a faite dans sa faiblesse, mais écrite dans le livre de celui qui n'oublie rien, nous aurions alors plus de joie nous-mêmes à donner, nous ne le ferions plus avec tant de réserve et de circonspection. Si nous voyions Christ dans les pauvres, si nous réalisions que c'est Lui qui reçoit nos dons, les ferions-nous avec tant de parcimonie? Ne nous empresserions-nous pas de Lui offrir ce que nous avons de mieux ? Si nous le savions dans le besoin, manquant de pain ou de vêtements, malade ou souffrant, ne mettrions-nous pas joyeusement à son service notre temps et notre argent? Eh bien! nous pouvons le faire encore maintenant. « J'étais malade, et vous m'avez visité; j'étais étranger, et vous m'avez recueilli. En vérité, je vous dis, qu'en tant que vous avez fait cela à l'un de mes frères, vous me l'avez fait à moi-même » (Matth. XXV, 40).

Mais celui qui offrait le sacrifice de prospérité, s'en nourrissait aussi. Et, sans doute, nous sommes encore étrangers au sacrifice de nous-mêmes, si nous avons besoin qu'on nous parle de la joie qu'il apporte à celui qui l'accomplit. Mais que trouvons-nous dans la Parole? Paul dit aux Philippiens, en parlant de son ministère « Et si même je sers d'aspersion sur le sacrifice et l'offrande de votre foi, j'en ai de la joie et je m'en réjouis avec vous » (Philip. II, 17); et aux Colossiens : « Je me réjouis maintenant dans les souffrances que j'endure pour vous, et j'achève de souffrir en ma chair le reste des afflictions de Christ » (Coloss. I. 24). Il dit encore : « Mais je ne me mets en peine de rien, et ma vie ne m'est point précieuse, pourvu que j'achève avec joie ma course» (Actes XX, 24). Non seulement il est vrai que, quant à notre service, « chacun recevra sa propre récompense selon son propre travail» (1 Cor. III, 8); mais, dans notre service, il y a, à nous donner à Dieu, une joie que le monde ne connaît point, « il y a plus de bonheur à donner qu'à recevoir» (Actes XX, 35). Et celui qui se donne lui-même à Dieu connaîtra cette joie. « Affligés, peut-être, et cependant toujours dans la joie, pauvres, et cependant enrichissant plusieurs » (2 Cor. VI, 10). Plus le sacrifice sera grand, plus grande aussi sera notre joie, si nous savons que celui auquel nous le faisons, s'en réjouit avec nous.

IV. Nous n'avons considéré jusqu'ici que les sacrifices d'agréable odeur comme types de la marche du chrétien. Ceux qui nous restent à étudier, le SACRIFICE POUR LE PÉCHÉ et CELUI POUR LE DÉLIT, correspondent-ils également à notre état spirituel ? Je le crois, mais c'est d'une manière indirecte. Que Dieu me garde de la pensée que le saint petit offrir une expiation pour lui-même ou pour les autres. Nous appliquer dans ce sens le sacrifice pour le péché, ce serait mettre de côté l'oeuvre de Christ. Mais il y a un sens dans lequel le sacrifice pour le péché a sa contre-partie en nous; un sens dans lequel le chrétien peut porter le péché et passer dans sa chair par le jugement que le péché mérite. L'holocauste, dans sa première et parfaite application, nous montre Christ s'offrant lui-même en sacrifice pour l'homme, répondant ainsi aux justes exigences de Dieu et nous réconciliant avec lui pour toujours; cet holocauste, offert pour nous et nous garantissant notre propre acceptation, s'applique aussi à notre marche, en nous montrant comment l'homme doit s'offrir en Christ et se donner lui-même à Dieu par l'Esprit. Il en est de même du sacrifice pour le péché et du sacrifice pour le délit. Sans empiéter aucunement sur l'expiation parfaite opérée par le grand et unique sacrifice pour le péché, et tout en maintenant que c'est par ce sacrifice parfait, et seulement par ce sacrifice que le péché peut être effacé, comme il est dit : « Il a fait par lui-même la purification de nos péchés » (Héb. I, 3), et encore : « Il a paru une fois pour abolir le péché, s'étant offert lui-même en sacrifice » (Hébr. IX, 26); je dis qu'il y a encore un sens dans lequel le chrétien peut et doit trouver un exemple à suivre dans le sacrifice pour le péché aussi bien que dans l'holocauste. Faute d'avoir compris cela, beaucoup de chrétiens épargnent cette chair que la croix de Christ nous appelle à crucifier.

Qu'était-ce que le SACRIFICE POUR LE PÉCHÉ? C'était celui dans lequel nous voyons la victime offerte en sacrifice pour le péché dont elle était chargée. Mais jusqu'à quel point cela est applicable au sacrifice du chrétien, c'est ce qu'il s'agit de savoir. Le St-Esprit a-t-il à faire en nous quelque chose qui réponde à la mort de la victime pour le péché? L'Ecriture nous dit: « Christ a souffert une fois pour les péchés, lui juste pour les injustes, afin qu'il nous amenât à Dieu; étant mort selon la chair, mais ayant été vivifié par l'Esprit » (1 Pierre III, 18). Qu'en inférerons-nous? Que nous sommes autorisés à laisser la chair en repos et à fuir la souffrance? Ah! non, bien au contraire. La mort de Christ dans la chair est pour nous un exemple : nous devons, par cela même qu'Il est mort, mourir avec Lui. C'est pourquoi il est dit: « Puis donc que Christ a souffert pour nous dans la chair, vous aussi armez-vous de cette pensée, que celui qui a souffert en la chair a cessé de pécher » (1 Pierre IV, 1). Le saint a été jugé dans la personne de Christ, il sait que Christ a porté la croix pour lui, et, par cette croix même, il continue a juger et à mortifier tout ce qu'il trouve en lui de contraire à son Sauveur. Or, la chair lui est opposée, donc elle doit mourir, et, bien loin de faire de la croix de Christ un prétexte pour donner du répit à la chair, l'enfant de Dieu emploiera la croix pour la faire mourir. Que d'autres se servent de la croix de Christ comme d'une excuse à leur marche relâchée, celui qui habite en la présence de Dieu apprendra dans cette présence même que, par la croix, nous sommes crucifiés avec Christ. Si l'apôtre dit : « A Dieu ne plaise que je me glorifie en autre chose qu'en la croix de notre Seigneur Jésus-Christ, » il ajoute aussitôt: « par laquelle le monde est crucifié à mon égard, et moi je le suis au monde » (Gal. VI, 14). Je sais qu'il y a des « ennemis de la croix qui ont leur ventre pour Dieu, » qui « mettent leur gloire dans ce qui est leur confusion » (Phil. III, 19). Mais la croix est loin de dispenser la chair ou le vieil homme de mourir, puisque la Parole nous enseigne que c'est précisément par elle qu'il doit être crucifié; et que la mort de Christ, au lieu d'être une sorte d'autorisation à pécher, ou un répit donné à la chair, n'est pour ses membres que le sceau mis sur cette mortification de la chair avec tous ses désirs (2).

L'enfant de Dieu qui, par ignorance de la pensée de son Père, ou par désobéissance, au lieu de juger le vieil homme avec ses oeuvres, accomplit ses désirs, attire sur lui le jugement. Heureux sont ceux qui apprennent à juger la chair en étant en communion avec le Seigneur, plutôt que par les châtiments qu'Il leur inflige. « Si nous nous jugions nous-mêmes, nous ne serions point jugés par le Seigneur » (1 Cor. XI, 31). Mais que nous le fassions ou pas, la chair n'en doit pas moins mourir. Si nous ne la mortifions pas nous-mêmes, Dieu sûrement le fera. « Ceux qui sont à Christ ont crucifié la chair avec ses passions et ses convoitises » (Gal. V, 24). «Notre vieil homme a été crucifié avec Lui» (Rom. VI, 6). Et tout comme, parce que nous sommes vivants et ressuscités avec Christ, nous pouvons offrir à Dieu, en esprit, des fruits de justice qui lui sont agréables, ainsi, comme un avec Christ dans la puissance du même esprit, nous devons mortifier nos membres qui sont sur la terre et livrer notre chair à la mort pour être crucifiés avec Lui.

Que d'enseignements pour nous dans le sacrifice pour le péché, si nous le considérons sous cet aspect et comme un exemple pour nous! Quel sceau mis sur cette vérité que nous sommes si lents à recevoir, que la chair, le vieil homme, doit être jugé et mortifié! Mais comment les chrétiens comprennent-ils cet aspect du sacrifice de Christ et le sacrifice de, nous-mêmes? On aime à répéter de nos jours que Christ crucifié est prêché partout. Mais l'est-Il d'une manière complète, et la doctrine de la croix est-elle saisie dans son intégrité ? Que la vie de ceux qui se réjouissent ainsi de la prédication de la croix réponde elle-même! Sans nullement les accuser d'un relâchement dans les moeurs, ne peut-on pas dire cependant qu'ils marchent selon la chair et qu'ils en accomplissent les désirs ? Entrons dans quelques détails; on n'est embarrassé que pour le choix. Quel cas ne fait-on pas, par exemple, de la noblesse, d'une illustre descendance, des relations de famille ? D'autres regardent à l'apparence, à un extérieur avantageux, à l'élégance des vêtements. Et que ne fait-on pas pour le confort, que de dépenses folles pour le luxe des appartements, pour la table et pour mille autres choses! Qu'a-t-on acquis par de si grandes dépenses de temps et d'argent ? Et quel est le caractère de l'éducation que la plupart des chrétiens donnent à leurs enfants? Que de manières différentes de travailler pour la chair en dehors de ce qui est décidément considéré comme péché!

Quel est le but de toutes les découvertes de la science, de tous les perfectionnements des arts ? Et, s'il s'agit des affaires, en vue de quoi travaillent même les chrétiens dans la plupart des transactions commerciales ? Tout cela est-il en accord avec la profession que nous faisons de nous reconnaître comme morts quant au vieil homme? Est-ce là ce que l'Ecriture entend par le crucifiement de la chair ? Hélas! beaucoup de ceux qui font aujourd'hui profession de christianisme montrent qu'ils n'ont compris qu'à moitié la doctrine dont ils se glorifient ou l'enseignement que nous donne la croix. Ils comprennent que Christ a été crucifié pour eux, mais non qu'ils doivent être crucifiés avec Lui, expression dont ils limitent le sens à l'imputation de sa mort pour notre justification; - c'est une partie de la vérité, mais non toute la vérité; car c'est en vain que, dans cette explication, nous chercherions une réponse à l'objection que l'apôtre prévoyait; elle la confirme plutôt, car elle ne fait que fournir à la chair un moyen d'échapper à la mort. Et quand la mort elle-même vient donner un démenti à cette idée, et montrer que le chrétien n'est pas sauvé dans la chair, alors se montre l'effet de ce relâchement dans la marche. Car, au lieu de saluer la mort comme l'exécution de la sentence prononcée sur la chair, sentence qu'il a déjà réalisée d'avance, et avec laquelle il s'est familiarisé pendant son voyage dans le désert, et depuis qu'il a connu Christ comme crucifié pour lui, au lieu « d'être fait une même plante avec Lui dans la conformité à sa mort, et de se glorifier maintenant dans ses infirmités, dans la faiblesse et la destruction de la chair - comme une victime qui a déjà subi la sentence de sa mort avant l'arrivée de celui qui doit l'exécuter, - ce n'est qu'avec peine qu'il se résigne à mourir, c'est avec impatience qu'il souffre dans la chair. Et pourquoi ? parce qu'il n'a jamais bien saisi, ou plutôt pas expérimenté la vérité que la croix de Christ était destinée à nous apprendre, savoir que le salut ne s'accomplit pas dans la chair, mais dans l'esprit; qu'il ne dispense pas de mourir, mais qu'il fait triompher de la mort; que ce n'est pas la restauration de la vieille nature, mais l'entrée en possession d'une nouvelle nature par la mort et la résurrection avec Christ.

V. Il ne nous reste plus à parler que du SACRIFICE POUR LE DÉLIT, en rapport avec la marche des saints. C'était là le sacrifice qui parlait de restitution, de réparation à faire pour un tort. A la restitution totale, le transgresseur devait ajouter un cinquième en sus. Nous avons vu comment cela a été accompli en Christ pour nous, comment Dieu a reçu de Lui plus que ce dont Il avait été privé. Nous avons vu aussi la conséquence de ce fait pour ceux qui sont en Christ; ils sont parfaits en Celui par lequel nous avons reçu l'expiation. Nous nous demandons maintenant comment, par le fait de notre union avec Christ, cet aspect de son sacrifice deviendra un exemple pour nous, et quelle influence Il exercera sur notre marche.

Il faut d'abord qu'il y ait restitution. Christ se présentant à la place de l'homme, offre une pleine restitution pour les torts et les transgressions de l'homme; Il expie toutes nos transgressions, « non pas avec des choses corruptibles, comme l'argent ou l'or » (1 Pierre I, 17. 18), mais par son précieux sacrifice. Dans ce sens, nous ne pouvons faire nous-mêmes aucune réparation. Si Christ ne l'a pas faite, nous sommes perdus. Quand toute notre vie serait désormais consacrée à Dieu, elle ne pourrait jamais expier nos transgressions, et chaque jour nous verrions s'augmenter notre dette. Nous ne pouvons pas nous créer un trésor d'oeuvres surérogatoires. Cependant, il y a une mesure et un sens devant lequel le saint, en communion avec Christ, peut faire une restitution, non pas, sans doute, en se rendant digne d'être accepté, mais en montrant comment, selon sa mesure, il sympathise avec Christ par l'Esprit. Ainsi que dans les jours d'autrefois, et comme esclave du péché, il a attenté aux droits de l'homme et à ceux de Dieu, de même maintenant qu'il a été délivré du péché, il devient le serviteur de la justice. « Mais ayant été maintenant affranchis du péché, et étant devenus esclaves de Dieu, vous avez pour votre fruit la sanctification, et pour fin la vie éternelle » (Rom. VI; 22).

Mais il fallait encore ajouter un cinquième. Si Dieu ou l'homme avait été offensé par la transgression, non-seulement Il recevait la réparation due à l'offensé, mais il fallait plus que cela encore, il fallait qu'une vie fût sacrifiée, et c'est ce qui constituait le sacrifice pour 16, délit. Sous la loi, Dieu et l'homme avaient chacun leur droit sur l'homme: et la mesure de ce droit, c'était la justice. Si l'homme agissait selon la justice envers Dieu et envers son prochain, c'était tout ce que la loi pouvait exiger de lui; il n'y avait rien là qui ressemblât à la grâce. Mais il en fût tout autrement depuis la transgression. Alors la simple justice ne fut plus la mesure de ce que l'homme doit aux autres. Si nous étions sans péché, la loi suffirait pour nous mettre en sûreté, et nous rendrions à chacun ce qui lui est dû. Mais si l'Ancien et le Nouveau-Testament signifient quelque chose dans l'enseignement qu'ils nous donnent sur ce point, nous devons admettre que le transgresseur est l'homme coupable qui veut faire valoir ses droits. Par le fait que nous sommes des transgresseurs, Dieu a des droits sur nous, non seulement pour la réparation du tort primitif, pour la simple revendication de ce qui lui est dû, mais, comme transgresseurs, nous lui devons encore autre chose. Quand nous donnons aux hommes plus qu'ils ne sont en droit de réclamer, nous disons que nous agissons en grâce. Dans un sens, en effet, c'est une grâce, et c'en serait une à tous égards si nous étions nous-mêmes sans péché devant Dieu. Mais comme nous sommes des transgresseurs, et des transgresseurs qui se glorifient d'être sous la grâce, nous devons, nous qui rendons témoignage à cette grâce et au besoin que nous en avons, agir en conséquence avec les autres. «Vous avez entendu qu'il a été dit: Oeil pour oeil et dent pour dent. Mais moi je vous dis de ne pas résister à celui qui vous fait du mal. Faites du bien à ceux qui vous haïssent, et priez pour ceux qui vous outragent et qui vous persécutent » (Matth. V, 33-44). « Mais, quand vous vous présentez pour faire votre prière, pardonnez si vous avez quelque chose contre quelqu'un, afin que votre Père vous pardonne aussi vos fautes » (Marc XI, 25. 26). « Car, si vous n'aimez que ceux qui vous aiment, quel gré vous en saura-t-on, puisque les gens de mauvaise vie aiment aussi ceux qui les aiment? Et si vous ne faites du bien qu'à ceux qui vous en font, quel gré vous en saura-t-on, puisque les gens de mauvaise vie font la même chose? Et si vous ne prêtez qu'à ceux de qui vous espérez recevoir, quel gré vous en saura-t-on, puisque les gens de mauvaise vie prêtent aussi aux gens de mauvaise vie, afin d'en recevoir la pareille! C'est pourquoi aimez vos ennemis, faites du bien et prêtez sans en rien espérer, et vous serez les enfants du Très-Haut, parce qu'Il est bon envers les ingrats et les méchants » (Luc VI, 32-35).

Voilà qui est bien clair. Mais comment cela est-il pratiqué par beaucoup de ceux qui se réclament de Christ ? Pourvu qu'ils aient été justes ou qu'ils aient cru l'être, cela leur suffit; mais qui se demande s'il a usé de grâce avec son prochain ? Qui n'a pas oublié le cinquième à ajouter au sacrifice pour le délit? Qui se fait scrupule d'en appeler à la loi ? (1 Cor. VI, 1. 7) ou de faire valoir ses droits? Et qui hésiterait, si la loi méconnaissait ses droits, à s'insurger contre cette loi, soit en faisant de l'agitation politique, soit autrement, oubliant que c'est la grâce et non le droit qui doit être la loi, comme elle est l'espérance du transgresseur ? Mais je m'arrête, car si Christ n'est pas écouté, comment un de ses faibles serviteurs pourrait-il espérer de l'être ?

« S'ils n'écoutent pas Moïse et les prophètes, ils ne seraient pas non plus persuadés quand même un des morts ressusciterait » (Luc XVI, 31).

Telle est la Loi DES SACRIFICES. Ce n'est qu'une ombre de Christ; mais que d'enseignements ne renferme-t-elle pas, soit quant à notre marche, soit quant à notre position! Fut-il jamais un temps où l'on eût plus besoin qu'en celui-ci des vérités en relation avec le sacrifice de Christ ? Comme dans les jours de Christ, on se sert maintenant de la vérité divine pour propager l'erreur. Tout comme la loi donnée pour Montrer la culpabilité de l'homme servait aux pharisiens de prétexte pour exalter sa justice, de même maintenant nous voyons que l'Evangile, qui nous a été donné pour nous introduire dans un autre monde, est, employé à faire de celui-ci un lieu d'habitation agréable. Je parle de ce que chacun sait, de ce que personne ne songe à nier. Notre siècle se vante que l'Evangile accomplit aujourd'hui ce qu'il n'a jamais fait auparavant. C'est à l'Evangile que l'on doit ce qui s'est fait pour la tempérance, pour la paix universelle et l'abolition de l'esclavage; c'est à l'Evangile, en effet, que l'on doit tout ce qui tend à rendre plus commode et plus confortable le séjour de l'homme de ce côté de la tombe. Mais, en attendant, le monde est toujours le monde, et, comme avant, l'homme est esclave de ses convoitises. Il fut un temps où les chrétiens renonçaient au monde. Comme ils peuvent maintenant l'améliorer, ils n'éprouvent pas le besoin d'y renoncer. 0 ruse perfide du méchant! comme elle réussit facilement à tromper les hommes! Au lieu de le laisser dans son tombeau, on travaille au perfectionnement de l'homme dans la chair; on en fait presque un dieu. La vérité de Dieu est employée à soutenir ce qui doit être détruit, au lieu de nous conduire à ce qui ne peut être ébranlé, à donner un héritage de ce côté du tombeau au lieu de le placer dans la gloire qui doit être révélée.

Oh! comme tout cela est jugé en présence du SACRIFICE qui nous parle de la croix, qui nous dit que, si nous sommes un avec Christ, notre part ici-bas ne saurait différer de la sienne 1 Et nous savons ce qu'elle a été. Il a souffert sous Ponce Pilate, Il a été crucifié, Il est mort, Il a été enseveli, Il est ressuscité le troisième jour, Il est monté au ciel, Il s'est assis à la droite de Dieu, Il viendra de là pour juger les vivants et les morts. Qu'a-t-Il eu ? qu'a-t-Il obtenu ici-bas ? Rien. Il ne s'est pas trouvé chez lui dans un monde non-purifié par le feu, dans une création encore sous la malédiction. Au contraire, Il y a passé comme un, pèlerin méprisé. Et quant à nous, si nous voulons être semblables à Lui, ne nous attendons pas à autre chose. Luther dit bien: « Notre époux est pour nous un époux de sang» qui ne veut pas que nous possédions ce monde, jusqu'à ce que Lui le possède. Son jour viendra, et Il attend jusqu'à ce qu' il vienne (Hébr. X, 13). Qu'il nous suffise de l'attendre « encore un peu de temps ». Et tandis que beaucoup voudraient réaliser d'avance son royaume, un royaume qui serait privé de sa présence et de celle des saints, regardons à la résurrection des morts et à la vie dans le monde à venir.


FIN.

1) Paul dit Osme euodias to Theo (parfum de bonne odeur à Dieu), et la version des septante Osme euodias to Kurio (au Seigneur). 

2) Dans un livre récemment publié, j'ai trouvé cette objection contre la doctrine de la grâce: « Si la mort est le salaire dû au péché, et si Christ en mourant pour les siens, a vraiment porté le châtiment qui leur est dû, comment se fait-il que les croyants doivent encore mourir? » C'est bien à la prédication soi-disant évangélique d'aujourd'hui, qu'il faut faire remonter l'origine d'une pareille objection, objection qu'on n'aurait jamais formulée, si la vérité relativement à la croix, avait été établie dans son intégrité, savoir que la mort de Christ est pour ceux qui lui appartiennent, et, par cela même qu'ils sont ses membres, une obligation à être crucifié avec Lui. (Voir Rom. VI; Gal. II, 1 Pierre IV). 
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