Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

LE SACRIFICE POUR LE PÉCHÉ

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(Lévitique IV et V, 1-13.)

 

Nous en venons maintenant aux SACRIFICES QUI NE SONT PAS D'AGRÉABLE ODEUR.

Le sacrifice pour le péché et celui pour le délit appartiennent à cette classe. Ils nous présentent le sacrifice de Christ pour nous sous un tout autre aspect que les précédents. Jusqu'ici, nous n'avons rencontré aucune idée de péché dans les sacrifices. L'holocauste, l'offrande de gâteau et le sacrifice de prospérité, quelques différents qu'ils fussent, se ressemblaient pourtant en ceci que tous étaient destinés à satisfaire aux exigences des droits de Jéhova et Lui présentaient quelque chose qui lui était agréable. Mais ici, dans le sacrifice pour le péché et dans celui pour le délit, nous voyons le péché en rapport avec le sacrifice. Le péché est confessé, il est jugé, il exige un sacrifice et l'effusion du sang; mais, cependant, c'est le péché expié, effacé et pardonné.

On pensera peut-être que ce sacrifice, qui nous rappelle le péché, doit être moins précieux, moins plein de joie et de consolation pour nous que ceux dont il a déjà été question ; ce serait le cas si nous étions autres que nous ne le sommes, et si le sacrifice pour le péché était autre que ce que Dieu l'a fait pour nous. Si nous étions des êtres innocents, si nous ne connaissions pas le péché, nous pourrions ne pas avoir besoin personnellement de ce sacrifice nous révélant la grâce de Celui qui, bien qu'étant le saint, est Celui qui justifie le pécheur. Mais nous, qui nous reconnaissons pécheurs, et, comme tels, sujets à la juste colère et au jugement de Dieu, et qui avons cru en Celui qui « est devenu malédiction pour nous » (Gal. III, 13), ce sacrifice est peut-être de tous le plus précieux. Le sacrifice pour le péché nous montre que le péché a été jugé et que, en conséquence, si nous croyons, le sentiment du péché ne saurait en rien ébranler notre sécurité. Le péché nous est ici présenté comme étant souverainement coupable et odieux devant Dieu; mais nous voyons, en même temps, qu'il a été parfaitement jugé et expié et que le sacrifice a tout effacé.

Le fait est, d'ailleurs, que l'on voit plus facilement Christ dans ce sacrifice pour le péché que dans l'holocauste et l'offrande de gâteau. C'est ce dont l'expérience nous donne de nombreux témoignages. Tout comme dans le type, les sacrifices pour le péché, quoique les derniers dans l'institution, étaient constamment offerts en premier lieu (1); ainsi, dans l'expérience des saints, Christ est saisi d'abord comme le sacrifice pour le péché. Longtemps avant de comprendre tous les détails de l'oeuvre parfaite de Christ accomplissant toute justice comme homme, et étant accepté de Dieu comme une victime d'agréable odeur, le chrétien voit Christ comme Celui qui a porté les péchés et son sacrifice comme un sacrifice pour le péché. Et quoique, comme le type nous le montrera, on ne saisisse peut-être cela que d'une manière indistincte, confuse ; quoiqu'il puisse y avoir d'immenses différences quant au degré et à la manière dont les chrétiens comprennent cet aspect du sacrifice de Christ, c'est le côté qu'ils saisissent toujours le premier.

J'ai fait observer que, dans l'institution des sacrifices, telle qu'elle nous est rapportée au commencement du Lévitique, les sacrifices d'agréable odeur précèdent les autres; mais que, dans l'application, l'ordre est inverse. Il y a sans doute une raison pour cela, raison qui se justifiera d'elle-même quand on observera les différents caractères de ces sacrifices. Les sacrifices d'agréable odeur, c'est, comme nous le savons, Christ dans sa perfection s'offrant pour nous à Dieu sans péché; dans les autres, au contraire, nous le voyons s'offrant comme notre représentant pour le péché. Dans l'institution, ces sacrifices nous sont donnés dans l'ordre où Dieu les voit; c'est dire que, Christ s'offrant sans péché, précède naturellement Christ s'offrant pour le péché. S'Il n'avait pas été lui-même ce que l'holocauste et l'offrande de gâteau représentent, c'est-à-dire une victime parfaite se livrant volontairement, Il n'aurait pas pu s'offrir en sacrifice pour le péché. Mais, s'il s'agit de l'application des sacrifices, l'ordre est différent: c'est celui de l'oeuvre de Christ tel qu'Israël la voit, et ici comme ailleurs, Israël commence par ce qui répond à son péché en l'expiant. C'est pour cette raison, je n'en doute pas, que, dans leur application, les sacrifices pour le péché précèdent les holocaustes.

Mais considérons maintenant les sacrifices eux-mêmes. Il suffit d'un peu d'attention pour voir que les sacrifices qui n'étaient pas ceux d'agréable odeur, sont de deux sortes - d'abord les sacrifices pour le péché (Lévit. IV, V, 1-13), et ensuite ceux pour le délit (Lévit. V, 14-19; VI, 1-7). Quand un chrétien a appris a faire cette différence, c'est qu'il a été à l'école de Dieu et qu'il en a profité, et vraiment c'est un signe sur lequel il n'est pas possible de se méprendre, - du pauvre état de la généralité des chrétiens, qu'un si grand nombre d'entre eux semblent ne pas saisir la différence que Dieu voit entre le péché comme principe et les péchés comme acte. Cette différence existe en présence de ces sacrifices; il est impossible d'en douter. Il est évident au moins que Dieu voit cette différence; heureux le saint qui la voit comme Lui. Je dis heureux, car, quoique en elle-même la connaissance du péché ne puisse jamais être une cause de joie, cependant c'est un pas vers la bénédiction, de voir et de juger quelque chose comme Dieu lui-même le juge ; c'est d'ailleurs tout aussi sûrement une marque de communion avec Lui. Sans doute, c'est faute de comprendre cette vérité que tant de chrétiens gémissent quand ils devraient rendre grâces; car ils ne voient pas que l'expiation a été faite et acceptée pour le péché qui est en eux, aussi bien que pour leurs actes de transgression. Je n'aborderai cependant ce sujet qu'après avoir considéré plus en détail le caractère du sacrifice pour le péché. Quand nous l'aurons fait et que nous aurons ainsi une intelligence plus claire de la signification et de la valeur de ce sacrifice> nous serons mieux en état de distinguer entre le péché et les actes de transgression.

J'en viens donc à considérer le SACRIFICE POUR LE PÉCHÉ.

Nous pouvons le considérer d'abord dans ce qui le distingue des autres sacrifices; nous verrons ensuite ses différentes classes. En premier lieu donc, nous verrons quel est l'aspect particulier du sacrifice de Christ que représente ce type; et, en second lieu, comment les chrétiens saisissent cet aspect, selon leurs différents degrés d'intelligence spirituelle.

I. En CE QUI DISTINGUE LE SACRIFICE POUR LE PÉCHÉ DES AUTRES SACRIFICES, il y a trois points à noter :

1. Quoiqu'il fût sans défaut, ce n'était pas un sacrifice d'agréable odeur.

2. Il était brûlé non pas sur l'autel dans lé tabernacle, mais sur la terre nue hors dit camp. Dans ces deux points, le sacrifice pour le péché différait de l'holocauste.

3. C'était un sacrifice pour le péché et non pour les actes de transgression, et, en cela, j'ai à peine besoin de le faire remarquer, il diffère du sacrifice pour le délit.

Le sacrifice pour le péché, quoique la victime fût sans tache, n'était pourtant pas un sacrifice d'agréable odeur (ch. IV). J'ai déjà insisté plus d'une fois sur la signification de ces mots « d'agréable odeur ». Je puis donc m'en référer à ce que j'ai dit pour montrer comment Jésus, la victime sans tache, pouvait ne pas être une victime d'agréable odeur.

Il faut se rappeler ici cette distinction : les sacrifices d'agréable odeur étaient destinés à rendre agréable à Jéhova celui qui les offrait; ils faisaient partie du culte, tandis que les autres étaient des sacrifices d'expiation. Dans les premiers, le péché ne paraît pas du tout; c'est simplement le fidèle Israélite présentant à Jéhova quelque chose qui lui plaît. Dans les sacrifices pour le péché, c'est justement le contraire: la victime est chargée du péché de celui qui l'offre. Dans l'holocauste et les autres sacrifices d'agréable odeur, celui qui offrait le sacrifice venait comme un adorateur apporter dans son offrande, qui le représentait lui-même, quelque chose d'agréable à Jéhova. Dans le sacrifice pour le péché et le sacrifice pour le délit, celui qui les offrait nous apparaît comme un pécheur recevant, dans son sacrifice qui le représentait, le jugement dû à son péché. Christ est Celui qui offre le sacrifice, qu'il s'agisse du sacrifice pour le péché ou de l'holocauste; mais, dans le premier, c'est nous sous l'imputation du péché qu'il représente. Car, quoique en Lui-même sans péché, Lui le saint, cependant Il est devenu notre substitut, a confessé nos péchés comme si c'étaient les siens et a porté la peine qui leur était due. C'est ainsi que, se chargeant des péchés de son peuple, il a pu dire: « Mes fautes ne te sont pas cachées » (Ps. LXIX, 5); « des maux sans nombre m'ont entouré; mes iniquités m'ont atteint; elles sont plus nombreuses que les cheveux de ma tête, et mon coeur m'a abandonné » (Ps. XL, 12). 0 mystère insondable ! « Celui qui n'a pas connu le péché a été fait péché pour nous! » (2 Cor. V, 21.) O amour ineffable! le saint a été fait malédiction pour nous qui étions maudits! (Gal. III, 13.)

Tel est donc le sens de la distinction établie entre ce qui était d'agréable odeur et ce qui ne l'était pas. Dans un cas, le sacrifice accepté par le Seigneur et consumé entièrement sur l'autel, montrait que celui qui le présentait était accepté lui-même, et que Dieu trouvait son plaisir en lui. Dans l'autre cas, la victime était brûlée, non sur l'autel, qui est la table du Seigneur, mais dans le désert et hors du camp, pour montrer que celui qui l'offrait encourait le jugement de Dieu et sa malédiction ; qu'en conséquence il était chassé de sa présence. Dans l'un, après avoir traversé l'épreuve du feu, celui qui offrait le sacrifice nous apparaît en quelque sorte, et, si j'ose m'exprimer ainsi, comme étant une nourriture agréable pour le Seigneur. Dans l'autre, il venait comme un pécheur coupable portant dans son sacrifice la peine de son péché. «Il s'est livré Lui-même pour nous comme offrande et sacrifice à Dieu, en parfum de bonne odeur » (Eph. V, 2). Voilà le sacrifice d'agréable odeur. « Il s'est donné Lui-même pour nos péchés » (Gal. 1, 4); « Celui qui n'a pas connu le péché, Il l'a fait péché pour nous » (2 Cor. V, 21). Voilà le sacrifice pour le péché. Dans ce dernier, il ne s'agit pas de culte, mais de l'expiation du péché.

Et pourtant la victime du sacrifice pour le péché devait être sans défaut (Lévit. IV, 3), tout aussi bien que celle de l'holocauste, et, en aucun sacrifice, la perfection n'était plus rigoureusement requise. Il est répété, en plusieurs endroits, qu'une victime sans tare ni défaut pouvait seule être offerte dans le sacrifice pour le péché (Voyez Lévit. IV, 3. 23. 28. 32, etc). Un seul défaut, soit intérieur, soit extérieur, c'était assez pour rendre la victime impropre à porter le péché. Ainsi, c'est parce qu'Il était sans péché, que Jésus a pu être une, victime pour le péché, parce qu'Il était parfait qu'Il a pu le porter.

Il y a une bénédiction pour nous à méditer ce sujet: la perfection et la réjection de la victime dans le sacrifice pour le péché; car c'est là que nous apprenons tout ce qui concerne le péché et son expiation. S'il y avait eu en Christ quelque chose d'imparfait, un défaut quelconque, un acte, une parole, une pensée, un regard qui ne fût pas saint, son sacrifice n'aurait pu expier le péché. Il n'aurait pas pu porter la malédiction pour les autres. Lui-même aurait eu besoin d'une expiation. Mais, après avoir été tenté ou éprouvé par l'homme, par Dieu, par le démon, Il est sorti victorieux de l'épreuve qui n'a servi qu'à prouver qu'Il était « le Saint de Dieu ». Et cependant « il a plu à l'Eternel der le meurtrir » (Es. LIII, 10). Quoiqu'Il fût le Saint, Il fut rejeté hors du camp. La seule victime parfaite qui ait jamais existé, non seulement l'homme l'a rejetée, mais Dieu l'a jugée et l'a frappée.

Jésus, lui le parfait, ne serait donc pas une victime d'agréable odeur! Jésus, lui le parfait, serait maudit de Dieu, tenu éloigné non seulement du tabernacle, mais « du camp », comme un être souillé! « Il a été blessé pour nos transgressions, Il a été meurtri pour nos iniquités: le châtiment qui nous apporte la paix a été sur Lui, et par ses meurtrissures nous sommes guéris » (Es. LIII, 5). C'est là que nous pouvons apprendre de quel amour Jésus nous aime, et combien notre position est sûre, puisque nous avons déjà été jugés en Lui. Il a jeté sur nous des regards d'amour, Il a vu notre ruine absolue et la malédiction qui pesait sur l'homme déchu; alors Il a dit: «Voici, je viens ». Et Il est venu en effet, et Il a été maudit pour les pécheurs. Comme notre représentant, Il a confessé des péchés qui n'étaient pas les siens, mais les nôtres, prenant sur Lui ce qui aurait fait de nous pour toujours les objets de la colère divine; comme notre représentant, Il a porté la malédiction pour nous et a reçu de la main de Dieu le jugement que nous méritions. Il a été jugé, pour nous, la justice est satisfaite; nous qui croyons, avons ainsi déjà été jugés en Lui, et Dieu est « fidèle et juste pour nous pardonner » (1 Jean 1, 9) ; car « Christ a porté nos péchés en son corps sur le bois, afin qu'étant morts au péché, nous vivions à la justice » (1 Pierre II, 24) ; « Car en ce qu'Il est mort, Il est mort une fois pour toutes au péché » ; mais en ce qu'Il vit, Il vit à Dieu. De même vous aussi, tenez-vous vous-mêmes pour morts au péché, mais pour vivants à Dieu dans le Christ-Jésus » (Rom. VI, 10. 11).

Mais j'en viens à l'autre trait caractéristique du sacrifice pour le péché. Il y a d'ailleurs déjà été fait allusion.

Le sacrifice pour le péché était brûlé hors du camp (Lévit. IV, 12-21). Les autres sacrifices, sans exception, étaient brûlés sur l'autel. « Et la peau du taureau et toute sa chair, avec sa tête et ses jambes et son intérieur et sa fiente, tout le taureau, il l'emportera hors du camp et il la brûlera sur du bois au feu » (Lévit. IV, 11. 12). Nous avons déjà plus d'une fois fait remarquer la signification de ce fait, qui nous montre la victime si complètement identifiée avec le péché, qu'elle était considérée comme étant le péché lui-même; c'est pourquoi elle était repoussée du camp et envoyée dans le désert. Une partie toutefois, « la graisse » (Lévit. IV, 8), était brûlée sur l'autel pour montrer que la victime, tout en portant nos péchés, était parfaite en elle-même. Mais le corps de la victime, «tout le taureau », était porté hors du camp. « C'est pourquoi aussi Jésus, afin qu'Il. sanctifiât le peuple par son propre sang, a souffert hors du camp » (Hébr. XIII, 12). Il dut mourir hors de Jérusalem, comme s'Il eût été indigne de la cité de Dieu.

Et combien il a dû en coûter à notre bien-aimé Sauveur d'être ainsi rejeté! c'est ce que nous ne comprendrons jamais jusqu'à ce que nous voyions, comme Dieu les voit, la sainteté de Christ et toute l'horreur du péché ! Qui dira tout ce qui s'est passé dans le coeur du Sauveur à l'heure où eut lieu la terrible scène dans laquelle nous le voyons emmené pour porter la peine due au pécheur ? Ses propres paroles nous aideront peut-être à lever ce voile: « Mon Dieu, mon Dieu! pourquoi m'as-tu abandonné ? » (Matth. XXVII, 4. 6.) C'est comme homme - et Il fut parfaitement homme, semblable à nous en toutes choses, si l'on en excepte le péché, - c'est comme homme qu'Il endura les cruelles souffrances qui précédèrent sa mort. Mais que son Père lui ait caché sa face, parce que notre péché Lui était imputé, voilà ce qui a été pour Lui la cause de son angoisse. Sans doute Il souffrit étant tenté; Il souffrit de l'opprobre, du mépris, des outrages ; sans doute, Il fut sensible aux moqueries de ses ennemis et à la lâcheté de ses disciples. Les Psaumes nous révèlent tout ce qu'Il souffrit alors. Mais ce n'est pas là ce qui le fit crier dans son angoisse: Mon Dieu, mon Dieu! pourquoi m'as-tu abandonné ? Il avait « souffert étant tenté» (Hébr. II, 18). Il avait souffert nous laissant un modèle (1 Pierre II, 21); mais, ce qui constituait la suprême souffrance pour Lui, c'est qu'Il souffrait pour les péchés (1 Pierre III, 18).

 

Et en cela consistait son épreuve, que Celui qui avait toujours été en communion avec son Père, dut, pour un moment, être privé de sa présence et ne plus voir sa face. Au moment où, dans le Jardin de Gethsémané, sa pensée anticipait cette heure d'angoisses, soupirant encore après cette communion avec son Dieu, et tandis que sa sueur devenait comme des grumeaux de sang tombant en terre, Il s'écria: « Père, si tu voulais faire passer cette coupe loin de moi! » Mais Il ajoute aussitôt: « Toutefois, que ce ne soit pas ma volonté, mais la tienne qui soit faite » (Luc XXII, 42). Oui, Il savait ce que cela veut dire : être abandonné de Dieu, et Il vient à son Père, lui disant: « Non pas ma volonté, mais que la tienne soit faite! » Il aurait pu s'épargner tout cela s'Il l'avait voulu. Il aurait pu refuser de vider cette coupe d'angoisse. Mais alors comment son Père aurait-il été glorifié, comment aurions-nous été rachetés pour sa gloire ? C'est pourquoi « Il souffrit pour nos péchés, lui juste pour les injustes ». Il prit notre place pour que nous puissions être à la sienne. Il a été rejeté pour que nous puissions être « rapprochés » (Ephés. II, 13), et cela pour toujours. Bien-aimé Sauveur, puissions-nous, connaissant ton amour, apprendre à t'aimer davantage!

Quelle consolation pour celui qui gémit dans le sentiment de son péché ou sous une forte tentation, de savoir que Jésus, quoique sans péché, a souffert pour les péchés, et qu'en conséquence Il peut, que sûrement Il veut sympathiser avec nous; et quelle sécurité pour nous dans cette pensée: « Il y en a un qui a porté nos péchés, Il en a senti le poids une fois ». C'est à cause de notre incrédulité, ou parce que nous oublions Celui qui a porté les péchés que, pour un moment, nous en sentons nous-mêmes le fardeau. La foi voit la victime pour le péché « hors du camp », elle voit que Jésus a expié nos péchés et souffert à notre place.

Il faut remarquer encore, au sujet de ce sacrifice, que c'était un sacrifice pour le péché et non pour le délit (3). Cette distinction, comme tout ce que Dieu a voulu qui nous fût dit, est pleine d'instruction et de consolation pour nos âmes. Elle est tout aussi précise ([ne toutes celles que nous avons déjà rappelées. Si l'on saisit mal cette distinction, c'est que l'on a peu compris ce que l'homme est et ce que Dieu est. Notre vue est si courte, nous sommes si peu en état de pénétrer au-delà de la surface, que nous voyons naturellement ce que l'homme fait plutôt que ce qu'il est; et si nous avouons volontiers qu'il tait le mal, nous avons plus de peine peut-être à admettre qu'il est lui-même méchant. Mais Dieu juge ce que nous sommes aussi bien que ce que nous faisons; notre péché, le péché qui est en nous aussi bien que nos transgressions. Il voit le péché en nous, notre mauvaise nature tout aussi bien que nos transgressions, qui sont le fruit de cette nature. Il n'a pas besoin de voir les fruits pour juger la racine qu'Il sait être mauvaise et qui ne peut rien produire de bon.

Le sacrifice pour le péché et celui pour le délit correspondent à la distinction que nous venons d'indiquer: l'un est pour le péché dans la nature , l'autre pour ses fruits. L'examen attentif de, ces sacrifices, dans tous leurs détails, suffira pour le prouver. Ainsi, dans le sacrifice pour le péché, il n'est pas question d'un acte particulier de péché, mais d'un homme qui se reconnaît pécheur; dans le sacrifice pour le délit, ce sont des actes qui sont mentionnés, et l'homme, la personne, ne parait absolument pas. Dans le sacrifice pour le péché, je vois un homme qui a besoin d'une expiation et qui offre un sacrifice pour lui-même, comme pécheur; dans le sacrifice pour le délit, je vois certains actes qui ont besoin d'une expiation, ainsi que le sacrifice pour ces péchés particuliers. C'est ce que nous verrons toujours mieux, à mesure que nous avancerons dans notre étude.

Naturellement, dans le sacrifice pour le péché, quoiqu'il s'agisse de l'homme plutôt que de ses actes, il faut pourtant nécessairement prouver qu'il est un pécheur. Toutefois, qu'on le remarque bien, cette preuve est fournie non par l'énumération de certains actes de transgression, quoique ce soit par des actes particuliers que se manifeste le péché qui est en nous, mais simplement par le fait admis que la loi qui condamne le péché a été violée (Lévit. IV, 2. 13. 14. 22. 27, etc). Dans le sacrifice pour le délit, c'est exactement le contraire: il est question de péchés particuliers, soit contre Dieu, soit contre le prochain.

A propos du sacrifice pour le péché, remarquons ce fait que le péché a été manifesté parle commandement, comme il est dit: « Si quelqu'un a péché par erreur contre quelqu'un des commandements .... » (Lévit. IV, 2). Nous avons ici la raison, je pense, pour laquelle, avant la loi, il n'y avait ni sacrifice pour le péché, ni sacrifice pour le délit. Nous voyons, en effet, que les patriarches offraient des holocaustes et des sacrifices de gâteau ; mais il n'est jamais dit qu'ils aient offert des sacrifices pour le péché, car « là où il n'y a pas de loi, il n'y a pas non plus de transgression » (Rom. IV, 15) (3). « Par la loi, dit l'apôtre, est la connaissance du péché » (Rom. III, 20) ; « le pêche n'est pas mis en compte quand il n'y a pas de loi » (Rom. V, 13). C'était la loi qui convainquait l'homme de péché et qui rendait nécessaire pour lui le sacrifice pour le péché. «La loi est intervenue afin que la faute abondât, mais là où le péché abondait, la grâce a surabondé » (Rom. V, 20). La loi est intervenue et elle a montré que l'homme est un pécheur et que la chair en lui est irrémédiablement mauvaise. Mais la grâce a fait ce qui était impossible à la loi; Dieu, pour nous sauver, a envoyé son propre Fils « en ressemblance de chair de péché et pour le péché » (Rom. VIII, 3). La loi donnée par Moïse l'a été non pour rendre l'homme saint ou montrer qu'il l'était, mais plutôt pour montrer ce que nous sommes, c'est-à-dire des pécheurs et rien que cela, et Dieu nous voit tels depuis la chute. Mais comme, ici encore, Satan a trompé l'homme, il voudrait nous persuader que nous sommes saints par cela même que Dieu a donné pour montrer que nous sommes pécheurs.

Mais revenons à la différence entre le sacrifice pour le péché et celui pour le délit: l'un était offert pour le péché dans notre nature, l'autre pour les fruits du péché. Dans le sacrifice pour le péché, l'expiation est considérée comme étant offerte non pour les transgressions, fruits du péché, mais pour le péché en lui-même, pour le péché au-dedans de nous. Je voudrais que tous les enfants de Dieu comprissent bien cela. Beaucoup de chrétiens, j'en suis sûr, connaissent le sacrifice pour le délit sans avoir une idée claire de celui pour le péché. Je ne parle pas ici des inconvertis; pour eux, les actes de transgression sont la seule chose qu'ils puissent discerner. Généralement, ils ne croient pas au péché en eux; dans tous les cas, ils n'en comprennent pas la culpabilité. Le jeune chrétien même, combien peu encore il comprend le péché! Il ne voit que les transgressions: il a commis telle et telle faute, fait tel ou tel mal; cela il le reconnaît, mais il admet difficilement qu'il soit lui-même mauvais. Mais voyez un homme qui a fait quelque progrès dans la grâce; il s'afflige non pas seulement de ce qu'il a fait, mais de ce qu'il est. Pour lui, ce n'est pas tant tel ou tel acte de transgression qui l'afflige et charge sa conscience, mais c'est le sentiment constant du péché qui habite en lui; c'est que; « quand nous voulons faire le bien, le mal est attaché à nous ». Nous avons commis tel ou tel acte coupable, nous l'avons confessé, et nous savons qu'il est pardonné; mais le péché qui reste, qui est toujours vivant en nous, voilà le fardeau plus lourd que tout le reste. Il est vrai que l'Esprit dit dans nos coeurs: « Abba! Père », et « l'Esprit qui est en nous a des désirs contraires à la chair »; mais nous trouvons que tout cela, au lieu d'améliorer la chair, ne fait que la manifester en montrant qu' « elle a des désirs contraires à ceux de l'Esprit » (Gal. V, 17). Quelle joie alors pour ceux qui font la douloureuse expérience de ce qu'ils sont, de savoir que le péché qui habite en eux a été confessé par Christ et expié par sa mort, aussi bien que toutes leurs transgressions. Bien plus, si nous n'avions pas souffert de ce mal, de ce péché de nature, Christ n'aurait pas eu à offrir un sacrifice pour le péché. C'est parce que nous étions ce que nous sommes qu'Il l'a offert ; et c'est parce qu'Il l'a offert que nous sommes sauvés, nous qui nous confions en Lui.

Oh! comme cela est peu compris! et combien, en conséquence, il y a peu de paix parmi les saints ! Beaucoup semblent penser que, puisque l'Esprit leur révèle leur état de péché, leur incrédulité et leurs doutes sont bien excusables; et parce que Dieu, dans sa miséricorde, leur a montré qu'ils sont pécheurs (4), ils en concluent qu'ils ne sont pas sauvés. Je dirai à ceux qui raisonnent ainsi: Sommes-nous sauvés par Christ comme pécheurs, ou le sommes-nous parce que nous sommes saints ? Le témoignage de Dieu est que nous sommes sauvés comme pécheurs, non par l'oeuvre de l'Esprit en nous, mais par l'oeuvre de Christ pour nous. Nous avons besoin, sans doute, de mieux comprendre l'oeuvre de l'Esprit en nous. Que Dieu nous le donne! 'Mais, après tout, ce n'est pas là le fondement de notre paix. Le type est bien clair à cet égard: s'il est destiné à nous montrer quelque chose, c'est bien ceci: que, en. découvrant le péché en lui, le croyant ne doit pas, pour cela, douter en aucune manière de son pardon ; car si, ,par la foi, nous nous reconnaissons pécheurs, nous voyons, en même temps, que le saint a été fait péché pour nous. Douter du pardon parce que nous voyons le péché en nous, c'est avoir peu de foi dans le sacrifice offert pour nous; c'est montrer quelle idée mesquine nous nous faisons de Christ, et combien peu nous avons de confiance dans l'amour et dans la fidélité de Die

1) Voyez les chapitres qui décrivent l'ordre dans lequel les sacrifices devaient être offerts comme, Exode XXIX, Lévit. VIII, IX, XIV, et 2 Chron. XXIX, etc. 

2) Chap. IV, 3. 21. 24. 33, comparé avec chap. V, 13. 19, et chap. VI, 2. 6

3) Nous voyons cependant dans Job (I, 5) le sacrifice offert en relation avec le péché. Il est dit: « Job se levait de bonne heure le matin et offrait des holocaustes selon leur nombre; car Job disait: peut-être mes fils ont-ils péché et ont-ils maudit Dieu dans leur coeur ». C'était avant que la loi fut donnée; aussi Job dit: « Peut-être que mes fils ont péché ». S'ils avaient péché après la promulgation de la loi, le sacrifice pour le péché ou pour le délit aurait été nécessaire; mais, avant la loi, il ne pouvait être question que de l'holocauste; et comme ce sacrifice rappelait que tous les droits de Dieu étaient satisfaits, il n'y avait rien à ajouter.

4) Il convaincra le monde de péché, etc. (Jean XVI, 8.) 
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