HISTOIRE DES VAUDOIS.
II6°
ANCIEN TRAITÉ DES VAUDOIS
AUQUEL ON ASSIGNE LÀ DATE DE L'AN 1126.
LE PURGATOIRE.
Ce n'est pas l'importance de ce traité,
quoiqu'elle soit réelle, qui nous engage à en
donner ici un extrait et à étendre d'autant
cet Appendice, mais l'objection qu'on a dirigée
contre son ancienneté et la date de l'an 1126 qui lui
est assignée; cette objection, disons-nous, nous a
para si sérieuse que nous n'aurions pu la passer sous
silence.
Le critique (1)
qui l'a faite l'a dirigée maladroitement contre le
traité de l'Antéchrist ; mais comme le passage
sur lequel il la fonde se trouve dans celui du purgatoire,
publié par extraits, dans Perrin et dans
Léger, il est évident qu'elle porte contre
celui-ci.
Cette objection est la suivante: Comme il est dit
plus haut, le traité du purgatoire est daté de
l'an 1126. Or, il contient une citation de l'écrit,
intitulé: Milleloquium, attribué à
saint Augustin, mais qui a pour véritable auteur,
selon certains écrivains, Augustinus Triomphus qui
florissait vers la fin (lu XIIIe siècle. Ainsi un
traité de l'an 1126 ne pouvait pas en
réalité citer un écrit
postérieur à sa date. D'où notre
critique a conclu que le traité du purgatoire
était de beaucoup postérieur à la date
qui lui est attribuée.
L'objection est assurément de toute force
: comment essayer de la réfuter ?
On ne pouvait le faire qu'en soutenant que cette
citation était le fait d'un copiste postérieur
à l'écrit cité. Cette thèse
(2) était admissible, et nous
l'avions adoptée pour des raisons qui
n'étaient pas sans valeur. Dès lors nous en
avons acquis la preuve matérielle. En effet, les
divers manuscrits vaudois contiennent deux traités
différents sur ce sujet, l'un plus
abrégé, dont la copie est en Angleterre. C'est
celui qui a été publié en partie. Nous
l'avons complet sous les yeux, grâces à
l'obligeance du révérend M. Gilly, chanoine de
Durham. Cet exemplaire est considérablement plus
abrégé que celui qui existe à
Genève dans le manuscrit portant le No 208. Des
passages entiers, il est vrai, sont presque identiques,
quoique quelquefois transposés. Beaucoup de citations
sont les mêmes, d'autres sont omises, d'autres sont
changées, en particulier celle du Milleloquium, au
lieu de laquelle sont plusieurs citations de divers
écrits de saint Augustin lui-même. En un mot,
il est évident que l'un est l'abrégé de
l'autre. La différence la plus frappante,
après celle de l'orthographe de plusieurs mots, est
celle du titre du traité. Le plus ancien est
intitulé : Purgatori, le Purgatoire; le plus
récent : Purgatori seuma, le Purgatoire
rêvé, imaginé ou songé. Nous
faisons «ailleurs observer que les mots de ce dernier
titre sont plusieurs fois répétés dans
l'écrit primitif, sous cette forme : Purgatori SOYMA,
et non seuma, ce qui fait comprendre que l'orthographe avait
considérablement changé lorsque cet extrait a
été rédigé ou copié tel
qu'il existe en Angleterre.
Nous pensons que, dès que ce fait est bien
constaté, dès là même l'objection
n'a plus de fondement ni de valeur.
À l'occasion de ce traité nous
sentons le besoin de présenter une observation. L'on
a soupçonné et même accusé Perrin
et Léger de mauvaise foi, parce qu'ils n'ont pas
averti qu'ils ne publiaient que des extraits de ce
traité. Mais il nous semble que ce jugement est bien
sévère, puisque le dernier indiquait
l'existence de cet écrit.
Afin qu'on puisse comparer les deux
traités du Purgatoire et s'assurer si nos
allégués sont fondés, nous allons
présenter ci-après un extrait et une sorte
d'analyse du traité primitif, tel qu'on peut le voir
à la bibliothèque de Genève, dans le
manuscrit qui porte le No 208.
Dans la traduction qui va suivre, nous avons
conservé le mot à mot autant qu'il a
été possible.
LE PURGATOIRE.
Présentement il faut parler de la
matière du purgatoire que plusieurs mettent en avant
et prêchent publiquement comme article de foi,
(quoique) manquant du fondement des Écritures, disant
qu'après l'ascension de Christ au ciel, quelques
âmes, et spécialement (celles) de ceux qui
doivent être sauvés et qui n'ont pas satisfait
à leurs péchés durant cette vie;
celles-ci, au sortir de leurs corps, souffrent des peines
sensibles dans ce purgatoire, et sont purifiées
après cette vie. Après leur purification,
quelques-unes en (duquel) sortent les premières,
quelques-unes après, quelques-unes au jour du
jugement, et quelques-unes présentement, avant le
jour du jugement.
Pour satisfaction de leur avarice, à
l'égard de ce purgatoire, plusieurs enseignent
plusieurs choses qui, quoiqu'ils les enseignent, ne sont pas
certaines; disant que telles âmes sont
tourmentées, quelques-unes jusqu'au cou,
quelques-unes jusqu'a la ceinture, les autres par le doigt
et ainsi ils s'efforcent de conter des fables de plusieurs
sortes sur ce purgatoire, et moine que quelquefois elles
s'assoient à table et font là des festins, et
cela spécialement en la fête des âmes
(des saints), quand il est offert largement à leurs
prêtres, et que quelquefois elles ramassent les
miettes sous la table des riches.
À l'aide de toutes ces choses et par
beaucoup d'autres mensonges, l'avarice et la simonie de
plusieurs sont accrues et mises en oeuvre, et les
cloîtres sont augmentés, et des temples
somptueux sont édifiés avec une surabondante
quantité d'autels et avec d'innombrables moines et
chanoines, (ces choses) introduisant et donnant lieu
à J'agrandissement et à la dissolution ont
amené (donné) le mépris de la Parole de
Dieu, et le peuple est trompe dans sa subsistance et
à l'égard des l'unes et ils leur font
espérer en des choses non certaines. Et beaucoup de
fidèles sont cachés parce qu'ils n'osent pas
confesser le Seigneur (lui) par la foi, ils sont
condamnés et martyrisés, par une fort cruelle
mort, etc.
Après cet exposé de l'opinion
catholique sur le purgatoire, les deux traités
annoncent leur sujet presque dans les mêmes termes.
Voici les paroles du traité primitif encore inconnu
:
Nous voulons (sommes) donc parler de ce
purgatoire et faire connaître notre opinion.
En premier lieu et avant toutes choses, nous
établissons (supposons) que les âmes de ceux
qui doivent être sauvés, ne faisant pas
satisfaction de leurs péchés durant cette vie
doivent finalement être purifiées de leurs
impuretés, selon le commandement de Dieu, chacun en
son temps.
Suivent divers passages dans lesquels Dieu
indique les moyens de sanctification on de purification,
après quoi l'auteur continue :
Toutes ces autorités s'accordent en ceci,
qu'il y a tant seulement deux lieux certains depuis
l'ascension de Christ au ciel, après cette vie-ci
pour les âmes sorties de leurs corps, et le
troisième n'existe point du tout, il ne se trouve pas
dans la sainte Écriture.
Le témoignage suivant et le
développement qui l'accompagne se trouve
presqu'à la fin du traité déjà
publié, et peut-être mot pour mot, si ce n'est
le nom de l'auteur du passage:
Avec ce sentiment (ces choses) s'accorde
maître Jean de sainte mémoire, et sa conclusion
fait connaître finalement ce qu'il pense
là-dessus quand il dit : que le Seigneur n'enseigne
pas expressément dans toute la sainte Écriture
à prier pour les morts, excepté dans le livre
des Machabées lequel n'est pas de l'Ancien Testament
d'après les Juifs.
Finalement il ajoute : que ni les
prophètes, ni Christ avec ses apôtres, ni les
saints leurs immédiats successeurs, n'ont point
enseigné à prier pour les morts. Mais ils
enseignèrent fort soigneusement le peuple, afin que
vivant sans crime ils fussent saints. Ainsi donc, puisque,
la loi ne fait en aucun lieu mention expresse d'un tel
purgatoire, et que les apôtres ne nous ont
laissé aucun enseignement, et que l'Église
primitive, vivant selon l'Évangile, et dont les
apôtres étaient les conducteurs, ne nous a
transmis (livré) rien de cela ni par ordre, ni par
commandement; mais Pélage (pape) l'an 458, est
rapporté d'avoir ordonné, qu'il fût fait
mention (mémoire) des morts dans la messe, il est
clair, que, selon la sainte Écriture, les
fidèles ne doivent pas croire comme article de foi un
tel purgatoire après cette vie.
Suit un nouveau passage du même
maître Jean, tiré de, son sermon sur : Martha
dis a Jesu, dans lequel est exprimée la même
opinion ; après lequel l'auteur conclut ainsi
:
On voit manifestement de ces paroles, ce qu'il
pense finalement de ce purgatoire, vu qu'il démontre
que, dans toute la sainte Écriture canonique, le
Seigneur n'enseigne pas expressément que nous devions
faire tant d'efforts pour des secours en faveur des morts
comme, font les hommes du temps moderne.
L'auteur étend cette récapitulation
par de nouveaux raisonnements et d'autres
témoignages, auxquels il ajoute celui de saint
Augustin que nous donnons ci-après :
Et saint Augustin écrit au livre des
sacrements, que le lieu du purgatoire n'est pas
déterminé, mais qu'il est seulement
indiqué (montré) par plusieurs exemples et
révélations d'âmes plongées
(passées) dans de telles peines ; et il ajoute :
peut-être on pourrait dire plutôt, que durant la
vie, chaque âme peut être
considérée (crue) comme portant son
châtiment dans ce même lieu où elle a
commis la faute.
Ici suit le narré de la vision d'un
frère rapportée par saint Grégoire, et
la critique qu'en fait l'auteur du traité,
après quoi il avance que :
les docteurs ne s'accordent pas sur la
matière du purgatoire, mais suivent trois sentiments
différents.
Car certains «entre eux paraissent avoir
cette opinion, que les âmes sont reçues et
gardées dans un lien connu, de Dieu en attendant la
résurrection des corps, etc. C'est l'opinion de
Pierre à Clément, que confirme Origène
(Lévitique, XII, 8), ainsi que Ugo de Saint-Victor,
au livre des sacrements, où on lit entre autres ce
qui suit :
Quelques-uns pensent que les âmes ne
peuvent être tourmentées d'une peine sensible,
sinon par les corps et en demeurant avec les corps, etc.,
etc.
Cette idée, qui peut être
regardée comme une seconde opinion des docteurs, est
longuement développée et appuyée de,
passages, entre autres un de saint Augustin, au livre des
Psaumes, où il parle des offrandes faites en faveur
des morts, comme pain, vin, etc., où il manifeste des
doutes sur l'état des âmes des morts; puisqu'au
sujet de ces paroles : Ni les ivrognes n'hériteront
point le royaume de Dieu, il écrit ce qui suit
:
0 frères, que nul ne se trompe, car il n'y
a que deux lieux et le troisième n'existe pas du
tout. Car celui qui ne mérite pas de régner
avec Christ, périra sans aucun doute avec le
diable.....
L'auteur allègue encore d'autres
témoignages du même genre, comme d'Appien,
croyons-nous, dans son épître Xe de saint
Jérôme, et de saint Hillaire, en ces
termes:
On demande en vain le pardon d'un
péché qui n'est pas abandonne (corrigé)
durant cette vie.
L'auteur, prenant occasion de cette opinion de
saint Hillaire qui pourrait être la troisième,
exhorte les hommes à la repentance, à
l'amendement et à la sanctification, appuyant ses
exhortations de divers passages des saintes Écritures
et autres; puis il conclut ainsi de ce qui
précède :
D'après tout ce qui précède,
il est manifeste que les docteurs ne s'accordent pas sur la
matière du purgatoire et suivent, trois
différentes opinions et aucun d'eux ne paraît
appuyer confirmer) la même opinion que les autres
prêchent sur ce purgatoire, comme article de foi,
nullement certain et songé (rêve).
On ne voit donc pas expressément,
d'après les écrits de la loi, que les
fidèles doivent croire réellement à un
tel purgatoire après cette vie ; et les docteurs,
loin d'être d'accord, varient étonnamment entre
eux. Et certainement quelques-uns d'entre eux semblent en
parler en un endroit d'une manière, et ils
écrivent différemment dans une autre comme
spécialement.
Augustin, qui en un endroit semble l'admettre
(sonner pour lui), mais écrit différemment
dans un autre, laissant les hommes dans le doute à
son sujet, comme il écrit au livre des sacrements
déjà cité: Et peut-être on
pourrait dire plus particulièrement qu'on peut croire
que chaque âme souffre le châtiment dans le
même lieu qu'elle a commis la faute. Et le même,
au livre de la pénitence, parlant du feu du
purgatoire, écrit ainsi : Il est meilleur que
j'apprenne à bien vivre, que d'enseigner (semer) des
choses non certaines du feu de cette nature. Car, si en
faisant bien j'ai soin de me repentir, je ne craindrai pas
les tourments du feu.
Après quelques citations de saint
Chrysostôme, analogues à ce, qui
précède, on lit encore cette conclusion
:
Il est manifeste, d'après ces paroles des
docteurs, qu'on ne peut faire (mériter) quoi que ce
soit, excepté durant cette vie, et qu'il n'est pas
reconnu (vu) que les morts puissent être aidés
en quelque chose des vivants ici-bas. Mais que, selon
l'Apôtre, chacun portera son propre fardeau.
Suivent d'autres passages de l'Écriture,
conformes à cette déclaration, puis une
réfutation de Thomas par saint Jérôme,
puis de longs détails sur le fondement de
l'Église et de la foi ; savoir : Jésus-Christ,
après quoi l'auteur continue, ainsi:
Pour nous, indiquant et donnant soigneusement
attention à toutes les choses dites plus haut, nous
n'osons prêcher ni annoncer ledit purgatoire
songé et lion certain comme article de foi. Et
malgré ceci que plusieurs opposants allèguent
plusieurs passages des Écritures en faveur d'un tel
purgatoire. Pour cela, ces passages si on les examine et
considère véritablement, ils ne leur sont pas
favorables, et l'on ne peut pas être assuré,
d'après ces passages allégués par eux,
qu'on doive admettre un tel purgatoire, ni qu'ils puissent
espérer de le prouver sur la foi de
l'Écriture, en mettant de côté toute
avarice et toute vanité, s'ils veulent s'en
enquérir avec soin.
Mais nous disons sur cette matière, que
quand même ceci serait, qu'il y eût un
purgatoire après cette vie, de la manière que
plusieurs l'avancent et prêchent, dès qu'il
manque de certitude d'après l'Écriture, nous
n'osons ni l'annoncer ni le prêcher comme article de
foi, spécialement parce que nous ne voyons en
dériver (procéder) aucun profit pour le
peuple, fidèle, mais plutôt un accroissement de
péché, de vaine confiance et
d'espérance incertaine.
Mais d'après le sentiment (sens) de la
sainte Écriture et des apôtres, nous ne nions
pas qu'une purification des âmes ne soit pas faite en
son temps, selon le commandement de Dieu de la
manière indiquée plus haut. Mais nous
exhortons et encourageons tout fidèle à vivre
durant la vie présente, (de telle manière)
qu'il n'ait pas besoin d'autre purification
après.
Et si leur dit purgatoire pouvait être
prouvé, et nous fut démontré par la
sainte Écriture ou par la science des saints
docteurs, fondée véritablement en elle (la
sainte Écriture), ou si Dieu par ses secrets
jugements veut purifier quelqu'un après cette vie ou
autrement, nous voulons humblement obéir et n'y
contredire ni contrevenir en aucune manière ; mais
cela jusqu'ici ne nous a pas été
démontré.
Cette concession faite aux conditions qui
précèdent, l'auteur du traité reprend
les prétendues preuves alléguées en
faveur du purgatoire, les examine encore et les
réfute successivement :
1° Il commence par saint Grégoire qui
prétend fonder le purgatoire sur la vision d'un
moine, sur une révélation.
2° Il rappelle le désaccord qui
existe entre les auteurs sur ce point, les uns s'en montrant
les partisans, les autres le rejetant, et le même
auteur souvent n'étant pas d'accord avec
lui-même.
3° Il n'admet pas les témoignages des
livres apocryphes, ni des prétendues
épîtres qui ne sont pas dans le canon des
livres inspirés.
4° Il remarque qu'on ne peut, pas admettre
comme preuves du purgatoire les usages établis qui le
supposent sans fondement légitime.
5° Il réfute ceux qui
allèguent en faveur du purgatoire l'exemple
rapporté par saint Paul de ceux qui se faisaient
baptiser pour les morts.
6° Il rejette le sens qu'on a voulu
étendre au purgatoire, des paroles de
Jésus-Christ, que le péché contre le
Saint-Esprit ne sera pardonné, ni en ce
siècle, ni en l'autre. - Il en fait de même de
l'exemple tiré de l'économe infidèle et
de celui de la résurrection de Thabita.
7° Après avoir encore
réfuté un argument tiré de l'exemple de
deux hommes de position différente, il ajoute
:
Il y a encore d'autres raisons (choses) que les
adversaires ont coutume d'avancer en faveur de leur
purgatoire, mais n'étant pas dignes de mention, on
les passe sous silence pour abréger. Car si toutes
les choses qui ont été dites jusqu'ici
étaient fidèlement considérées
et comprises (entendues), on pourrait reconnaître
qu'aucun des fondements sur lesquels les opposants
s'efforcent d'établir leur purgatoire n'est solide et
que la peine qu'ils se donnent ne peut rien contre la
doctrine fondée sur la pierre inébranlable.
Car l'Église grecque n'adopte pas leur purgatoire,
comme il a été dit plus haut .....
.
7°
FORMULAIRE DE LA CONFESSION DES PÉCHÉS
DES ANCIENS VAUDOIS,
Communément suivi parmi les anciens
Vaudois, dit Léger, 1re part. p. 57 à 58. -
Tiré du Traité appelé Nocel Confort.
0 Dio de li rey, e Seignor de li seignor, yo nie confesso
a tu; car yo sey aquel peccador que t'ai mot offendu, etc.
» C'est-à-dire ;
0 Dieu des rois et Seigneur des seigneurs, je me
confesse à toi; car je suis ce pécheur qui
t'ai grandement offensé par mon ingratitude. Je ne
puis m'excuser, car tu m'as montré ce que c'est que
le bien et le mal. J'ai su quelle est ta puissance, et ai
entendu ta sapience et connu ta justice et vu ta
bonté. C'est pourquoi tout le mal que j'ai fait
procède de ma seule méchanceté.
Seigneur, pardonne-moi et donne-moi la repentance. Car je
t'ai méprisé par ma grande présomption
et n'ai point cru à ta sapience ni à tes
commandements. Au contraire, je les ai transgressés,
de quoi je suis fort affligé
(3). Je n'ai point
redouté ta justice, ni tes jugements, mais j'ai fait
beaucoup de choses mauvaises
(4), depuis le
commencement de ma vie, et n'ai point eu d'amour pour ta
grande bonté, comme j'ai dû et comme il m'est
commandé.
Moi j'ai trop cru au diable par ma
méchanceté. J'ai suivi l'orgueil et
abandonné l'humilité. Si tu ne me pardonnes,
je suis perdu, tant la convoitise est enracinée en
mon coeur. J'aime tant l'avarice, et cherche de grandes
louanges, et ai peu d'amitié envers ceux qui m'ont
obligé par leurs bienfaits. Si tu ne me pardonnes,
mon âme s'en va en perdition. La haine (l'ire)
règne dans mon coeur, car je ne l'ai pas
apaisée, et l'envie me ronge, car je n'ai point de
charité. Seigneur, pardonne-moi par ta bonté.
Je suis téméraire et paresseux à bien
faire, hardi et fort diligent au mal. Seigneur, fais-moi la
grâce que je ne sois point du nombre des
méchants. Je ne t'ai point rendu grâce pour le
bien que tu m'as fait et donné par ton amour, ainsi
que je devais, et qu'il m'est commandé; car je suis
désobéissant par ma méchanceté.
Seigneur, pardonne-moi, car je ne t'ai point, servi: an
contraire, je t'ai fort offensé. J'ai trop servi
(5) à mon corps et
à ma volonté en plusieurs vaines
pensées et mauvais desseins, dans lesquels j'ai pris
plaisir : j'ai aveuglé mon corps, ou plutôt,
mon corps m'a aveuglé, et j'ai pensé contre
toi plusieurs choses mauvaises, et ai recherché
plusieurs choses contre ta volonté. Aie pitié
de moi et donne-moi l'humilité. J'ai
élevé mes yeux vers les vains plaisirs et ne
les ai pu tourner vers ta face : j'ai prêté
l'oreille aux sons de la vanité et à plusieurs
médisances; mais ce m'a été chose
ennuyeuse d'entendre parler de ta loi et de ta discipline.
J'ai commis de grandes fautes, notamment en mon entendement;
car la puanteur du mal m'a plus agréé que la
douceur divine et, l'honneur céleste: car flairant le
mal, j'y ai eu plus de contentement, par quoi j'ai fait
plusieurs maux et ai laissé en arrière
beaucoup de bien, et ne connaissant point ma faute, j'ai
tâché de la jeter sur autrui. Je n'ai point
été assez modéré, dans le boire
ni dans le manger. J'ai souvent rendu outrage pour outrage
et y ai même pris plaisir. J'ai le corps et l'esprit
navrés. J'ai étendu ma main pour toucher la
vanité et ai perversement travaillé à
prendre le bien d'autrui, à frapper mon prochain et
à lui déplaire.
Mon coeur s'est détecté en ce que
j'ai dit, et beaucoup plus en plusieurs vaines
délices. Seigneur, pardonne-moi et me donne
chasteté. J'ai mal employé le temps que tu
m'as donné, et ai suivi durant ma jeunesse mes
plaisirs et la vanité. Je me suis
détourné du bon chemin et ai montré le
mauvais exemple par ma légèreté. Je
connais peu de bien en moi, et y trouve beaucoup de mal. Je
t'ai déplu par ma méchanceté et ai
damné mon âme, et ai irrité mon
prochain. Seigneur Dieu, garde-moi de peur que je ne sois
condamné. J'ai aimé le prochain à cause
du bien temporel. Je ne me suis point comporté
fidèlement quand il a été question de
donner ou de recevoir; mais j'ai eu égard aux
personnes selon mon affection. J'ai trop aimé l'un et
ai trop haï l'autre. Je me suis trop peu réjoui
des biens des bons, et me suis trop exalté du mal des
méchants. Et, en outre, de tous les maux que j'ai
faits par le passé jusqu'au jour présent, je
n'en ai point une telle repentance, ni un tel
déplaisir qu'il ne soit moindre que l'offense. Je
suis souvent retourné au mal par ma faute, au mal que
j'ai confessé, de quoi je suis fort affligé.
Seigneur Dieu, tu sais que j'ai tout confessé, et
qu'il y a encore en moi plusieurs maux que je n'ai point
racontés; mais tu connais les mauvaises
pensées, et les mauvaises paroles, et les oeuvres
perverses que j'ai faites jusqu'à présent.
Seigneur, pardonne-moi et donne-moi du temps pour que je
puisse me repentir en la vie présente, et fais-moi la
grâce qu'à l'avenir, je haïsse tellement
le péché (les maux) que je ne le fasse plus,
et que j'aime tellement les vertus et les garde en mon
coeur, que je t'aime par-dessus toutes choses, et que je te
craigne de telle sorte qu'au jour de ma mort, j'aie fait ce
qui t'est agréable. Et donne-moi une telle confiance
au jour du jugement, que je ne craigne point le diable, ni
aucune autre chose qui m'épouvante mais fais que je
sois reçu dans ta main droite sans aucune faute.
Seigneur, que tout cela advienne selon ton bon plaisir !
Amen.
FIN.
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