Les femmes qui s'insurgent contre l'autorité
oublient la valeur de l'influence. L'influence de la femme
est certaine, immense, universelle; cette influence bonne ou
mauvaise s'exercera-t-elle pour Ici, bien ou pour le mal?
voila le point important.
La femme demeure-t-elle l'être frivole que veut
la tradition, la femme devient-elle l'être mercantile
que crée notre siècle d'argent,
condescend-elle à se faire l'être politique et
peu féminin que cherchent à fabriquer certains
réformateurs, cette influence-là sera fatale.
Avec la femme instruite, capable, aimante et
chrétienne, au contraire, l'influence portera des
fruits si beaux, qu'en fait de reforme elle ne laissera plus
rien à désirer.
L'homme a l'autorité. Par le charme, par la
promptitude intuitive, par la facilité
d'élocution, par les délicatesses d'une
conscience dont le frottement avec les affaires
extérieures n'a pas usé les angles vifs, par
l'existence plus recueillie, par un contact plus habituel
avec les notions morales, par l'innocente finesse, par
l'ardeur, par l'élan, par les tendresses qu'elles
inspirent et qu'elles ressentent, par ce grand monopole. de
l'éducation qui leur appartiendra toujours, les
femmes ont l'influence.
Dieu, qui a tout bien fait, a mis l'influence en
face
du pouvoir; et nous répétons après
Vinet : « Si la femme est mécontente de son
partage, j'ose dire qu'elle n'y entend rien ! »
Les hommes ont, il est vrai, promulgué les
lois, ils ont écrit les livres, de là cet
injuste amoindrissement de la mission féminine qu'on
signale avec raison aujourd'hui. Mais ni les moeurs, ni les
lois, ni les livres ne se font en dehors de l'influence des
femmes; elles y travaillent sans le savoir; elles consentent
encore plus qu'elles ne subissent.
Une nullité rachetée par des
compliments ! voilà ce qui a été
proclamé d'une part, et trop accepté de
l'autre. C'est donc aux femmes qu'il appartient
d'opérer la bonne émancipation des femmes.
C'est à elles qu'il appartient de chercher le
sérieux des occupations de la vie. Dès
qu'elles le voudront réellement, sitôt que
toutes aspireront à cette égalité qui
réside dans l'intimité conjugale, dans
l'association croissante des pensées des travaux, la
révolution féminine du XIXe siècle
s'accomplira d'elle-même.
Les hommes distingués, a-t-on dit, sont
toujours les fils de leur mère; ajoutons, pour
être justes, qu'ils sont les maris de leurs femmes. Un
homme mal marié ne sera jamais complet. Par quoi
remplacer cette tendresse, cette conscience en éveil,
cette franchise aimante, ce coeur loyal et fidèle ces
encouragements, cette atmosphère
pénétrée de poésie et de
vérité, cette énergie, cette douceur,
tout ce pur, tout ce vivifiant Éden au milieu duquel
notre être entier se dilate, se fortifie et
s'ennoblit?
Où manque la femme avec ses aspirations au
bien, avec ce besoin de perfection qu'elle sent pour ceux
qu'elle aime, le mari et les enfants ne rencontrent plus que
des complaisances funestes ou que d'hostiles
sincérités. La race des enfants
gâtés et des brutaux se forme ainsi; ils n'ont
pas connu l'être qui chérit, qui
réchauffe, qui résiste en souriant, qui
blâme en pleurant qui soutient, qui console, toujours
là, faible et fort, sérieux, gracieux, la
vraie moitié de l'âme humaine!
Ce qu'il y a d'admirable dans le relèvement
que les femmes ont raison de chercher pour
elles-mêmes, c'est qu'il entraînera le
relèvement des hommes. L'homme, en reléguant
la femme dans la sphère des futilités, l'homme
s'abaissait aussi; il abaissait sa famille, son amour, sa
vie morale, le cours de ses pensées, l'avenir de ses
enfants; il abaissait jusqu'aux inspirations de la
poésie; c'était une pauvre, compensation de se
réserver certains droits et d'accaparer les affaires.
Dès l'instant où l'influence morale remportant
sa victoire sur la force, le rôle de la femme
remontera à son vrai niveau, tous les niveaux
remonteront par le même fait. Il y aura un
progrès dans les études, dans les affections,
dans les éducations, dans les familles, dans les
bonheurs. La femme, en reprenant sa place, remettra l'homme
à la sienne; l'idéal humain se relèvera
pour tous.
Mais qu'elle ne sorte pas du sanctuaire! Lorsque la
femme se mêle publiquement de la chose publique, elle
se fêle en quelque sorte; la cloche ne rend plus un
son juste et pur. Il faut que la femme placée en
dehors du détail des affaires, interrogée
comme les Gaulois interrogeaient les druides se juge au
moyen de ce don admirable qu'elle a reçu de Dieu : le
don d'intuition. C'est ainsi, non autrement, qu'elle
exercera sur la chose publique une influence droite et
généreuse, une influence bénie,
considérable, et dont on ne se passerait pas
impunément. Quand les femmes auront concentré
sur l'amélioration de la vie de famille, les efforts
qu'elles perdent à la poursuite d'un rôle
politique, les hommes, retenus au foyer par ce charme
nouveau, sentiront se resserrer les liens de l'union;
l'association des idées naîtra, le cercle
étroit de l'existence féminine
s'élargira, une forte, une saine action s'exercera;
les affaires publiques n'y échapperont pas plus que
le reste, et les femmes voteront alors comme elles doivent
voter, très-modestement, mais
très-réellement.
Ne l'ont-elles point fait? Qui serait assez naïf
pour croire que jusqu'ici les femmes n'ont pas voté?
Elles ont voté de la bonne manière, par
l'influence discrète et cachée. Il y a bien
plus de votes féminins qu'on ne l'imagine au fond de
nos scrutins. Soyez tranquilles, les urnes
électorales en renfermeront davantage. encore,
lorsque l'Évangile, pleinement reçu, aura
réalisé entre les époux devenus
chrétiens les miracles d'une intimité
véritable et sanctifiée.
Vous qui, au nom des femmes, demandez la
moitié des votes, vous n'oubliez qu'une chose, c'est
que les femmes sont épouses, qu'elles sont
mères et qu'elles élèvent la
totalité du genre humain! Au lieu de ces
éducations relâchées ou livrées
à des mains étrangères trop
usitées aujourd'hui, que les femmes ressaisissent les
rênes, qu'elles reprennent possession de leurs
enfants, qu'elles se consacrent à eux, qu'elles leur
enseignent le respect, l'obéissance, le devoir,
qu'elles obtiennent du père son action directe sur
ses fils et sur ses filles, que dans la maison règne
la foi, que le Seigneur Jésus y soit aimé,
qu'on y serve Dieu, qu'on prie, qu'on sente la valeur des
âmes, qu'on jouisse d'un bonheur élevé,
et les femmes, j'ose l'affirmer, feront mieux que gouverner
le monde, elles le sauveront.
Il y a des hommes grossiers, je le sais; il y a des
vies détraquées, il y a des existences et des
caractères que détruisent les cafés et
les cabarets. Le club qui supprime la vie de famille,
règne en maître dans plus d'un pays; la mode -
et les honnêtes femmes y ont pris peine - entoure les
femmes déshonnêtes d'une sorte d'auréole
qui éblouit; le vice défait les ménages
et brise les coeurs Nos émancipatrices
s'inquiètent fort peu de cela; on dirait que le droit
de suffrage répond à tout, suffit à
tout, réformera tout!
Ici encore nous en appelons à l'influence; une
seule peut rendre le logis attrayant, le foyer intime et
doux, la modestie plus séduisante que l'effronterie,
elle seule a la clef d'or, la clef de la bonne vie, de la
belle de l'idéal par les pures amours.
Et ne venez pas dire que préoccupé de
la situation normale, le. mariage; j'oublie ou je
méconnaisse là vocation des femmes
célibataires! La femme qui ne s'est pas mariée
parce qu'elle avait le coeur haut placé et que ce
coeur, n'a pu rencontré ce qu'il cherchait; la femme,
qui ne s'est pas mariée parce que, noblement loyale,
elle n'a pas voulu, livrer sa main sans donner ses
affections; la femme qui ne s'est pas mariée parce
que les exigences d'un père, parce que la
pauvreté peut-être, parce qu'un devoir de
consécration l'ont enchaînée, cette
femme a sa mission, n'en doutez nullement : elle exercera
son influence, large, directe et bénie. Voyez
l'action de la soeur sur les frères, de, la fille sur
le père, de l'âme sympathique sur les amis!
Voyez le long cortège des misères et
des souffrances, comme il connaît le chemin de ce
logis, comme il y rencontre des compassions et des larmes,
comme il y trouve ce que ne lui donneraient pas des maisons
mieux ensoleillées ou des coeurs plus heureux. Allez,
ni cette vie-là ne s'est rétrécie, ni
ce coeur né s'est refroidi, ni cette intelligence ne
s'est appauvrie; si tout a souffert, tout a grandi!
Ne dites pas que la jeunesse et que la beauté
seules exercent l'influence. La mission de la femme, telle
que Dieu l'a faite, telle que certains réformateurs
voudraient aujourd'hui la défaire, est si grande,
qu'elle se maintient absolument indépendante de la
jeunesse et de la beauté. Elle a des sources plus
profondes. Ne le connaissez-vous point, ce charme de la
femme dépourvue d'éclat, mais qu'illumine la
flamme intérieure? ne le connaissez-vous point, ce
charme de la femme âgée, éternellement
naïve et jeune? Ne vous êtes-vous pas sentis
touché, enlacé? N'avez-vous point
laissé à l'écart les plus jolies
poupées, pour ces laides ou pour ces vieilles
auprès desquelles on trouve des idées, de
l'indulgence, de la charité, de la conscience, de la
vie enfin?
Le charme, il faut redire le mot, le charme est
là. Et avec le charme l'influence, avec l'influence
l'avenir.
Croyez-moi, vous toutes qui avez reçu de
l'Évangile une telle part, ne rêvez pas de nos
grossiers conflits, n'étendez pas la main pour saisir
nos droits; vous laisseriez échapper votre
trésor, notre espérance, le bonheur de
tous!
Pour la seconde fois, les portes du paradis se
fermeraient sur la race humaine.
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