Au surplus, nous avons moins à changer les lois
que les coeurs.
Le mal est en nous, dans nos idées et dans nos
habitudes. Si la réforme ne commence par nous, elle
ne réformera rien : le dedans fait le dehors, toute
vraie renaissance est sortie de là.
Il y a plus qu'une erreur, il y a de l'enfantillage
à demander au droit de vote l'amélioration de
la situation des femmes. L'Évangile seul tient ici
comme partout les grandes solutions.
Les femmes veulent échapper à la
frivolité, à la mondanité, elles
veulent devenir autre chose que cet être futile et
joli auquel on fait la cour, qui vit d'une vie
élégante et vaine, exilé des saines
régions, privé des intérêts
sérieux; l'Évangile lui donne sa place, car
l'Évangile lui révèle, son âme,
et met devant cette âme le devoir. Les femmes veulent
étendre leur instruction, l'Évangile appelle
et favorise tous les développements. Les femmes
veulent s'associer aux idées et aux travaux de, leurs
maris, l'Évangile établit la vraie
intimité entre eux. Les femmes veulent abolir
d'injustes exclusions quant au travail, l'Évangile
seul vaincra les injustices. Les femmes ont à
gémir sur l'immoralité qui abaisse leur sexe,
l'Évangile seul aura raison du vice et de la
dégradation. Les femmes ont faim et soif de bonheur,
l'Évangile leur donnera les tendresses
élevées, les communes prières, les
communes espérances, et cette intelligence de leur
vocation, cet accroissement de la vie de famille en dehors
desquels elles chercheraient vainement le
progrès.
Ajoutons que si le coeur de l'homme demande à
être remué et
régénéré par l'Évangile,
l'action de l'Évangile dans le coeur des femmes
elles-mêmes n'est pas moins nécessaire au
succès de leur cause. Chrétiennes, elles
apprendront à aimer, à se dévouer;
elles auront du courage; elles prendront leur mission par le
grand côté qui est le côté vrai;
leur rôle s'élargira dans la mesure de leur foi
que pénétrera la charité.
Comparez un intérieur où tout est
court, où tout est terne parce qu'il n'y a point de
ciel, où les relations entre les parents et les
enfants sont Sèches, où elles restent
superficielles parce qu'il n'y a point d'immortel avenir,
comparez-le avec ces familles bienheureuses que
réchauffe-la piété d'une femme
croyante, aimante, qui voit par delà, qui
espère par delà, qui met
l'éternité dans toutes ses affections, qui
saisit Dieu à travers tous ses devoirs, et dites s'il
faut chercher ailleurs la suprême émancipation
!
Émancipation, le mot n'est pas trop grand pour
la chose. Il s'agit de retrouver la femme telle que Dieu. la
créa pour l'achèvement de son oeuvre; il
s'agit de retrouver pour l'homme « cette aide semblable
à lui» que Dieu lui donna dans son amour : autre
et semblable, égale et dévouée; et la
souveraine dignité de la femme, c'est d'accepter cet
ordre divin.
Pas plus que la Bible nous ne supprimons
l'autorité de l'époux. L'Écriture,
admirable en cela comme en tout, établit à la
fois l'égalité et l'autorité dans le
ménage L'égalité est proclamée
à chaque page du Livre. Le mari et la femme,
créatures immortelles, rachetés de
Jésus-Christ enfants du même Dieu , ont le
même Père, le même Sauveur, les
mêmes espérances, ils possèdent la
même éternité glorieuse, ils rencontrent
les mêmes périls, ils supportent les
mêmes douleurs, ils offrent les mêmes
sacrifices; la femme, sur ce terrain sanglant, n'a pas plus
reculé que nous. L'autorité se trouve non
moins clairement affirmée par l'oracle divin; elle
l'est en termes dont la netteté et la force, nous
étonnent : rappelez-vous ce chapitre de la
première épître aux Corinthiens,
où l'Apôtre déclare l'homme chef de la
femme, où il invite celle-ci à voiler sa
tête dans l'Église à cause des anges, et
du rôle plein de réserve que Dieu lui a
destiné!
Il faut remonter à l'histoire de la chute pour
en tirer l'explication profonde et vraie de
l'autorité de l'homme et de l'assujettissement de la
femme (1).
Avant la chute, la famille n'a qu'un maître,
qui est Dieu. Faire la volonté de Dieu, c'est le
devoir égal et commun de nos premiers parents.
Après la chute paraît l'organisation nouvelle
de la famille : autorité du mari, subordination de la
femme. Quand la chute aura été
entièrement réparée,
c'est-à-dire dans la vie éternelle,
l'égalité complète
reparaîtra.
Fait remarquable, la discipline paternelle tient
bien
plus de place que le châtiment dans les institutions
qui modifient les rapports des époux bannis d'Eden.
Voyez comme elles sont admirablement appropriées,
d'un côté à la part que chacun a prise
dans la chute, de l'autre au relèvement dont chacun
avait besoin!
La chute a montré chez la femme cette
promptitude et cette hardiesse qui ne reculent pas devant la
désobéissance; une discipline de soumission
sera imposée à celle qui ne s'est pas soumise.
L'homme a manqué d'énergie, il s'est
effacé devant la responsabilité; une
discipline d'autorité le contraindra de vouloir, de
répondre pour sa famille et pour lui.
Longtemps, à l'exemple d'Adam, les
théologiens ont durement rejeté le
péché sur la femme. Plus d'un sermon - notons
en passant les discours d'Adolphe Monod - a froissé
dans le coeur féminin un sentiment instinctif de
justice; plus d'une âme s'est irritée devant
l'arrêt durement présenté, cruellement
consenti par l'orgueil masculin, qui se serait
apaisée, qui se serait joyeusement
résignée devant la correction expliquée
par l'humilité et par la charité
fraternelles.
Pour apprécier le vrai caractère de
l'autorité et de la soumission, il faut donc remonter
au vrai caractère du point de départ. Alors et
seulement alors on saisit la pensée divine, alors et
seulement alors on comprend cet immense amour qui toujours
surmonte le mal par le bien.
Par la soumission, Ève apprendra
l'obéissance qu'elle ignorait puisqu'elle s'est
révoltée, puisqu'elle a poussé son mari
à la révolte; par la soumission, elle
apprendra la vie intime et cachée qui lui convient,
puisqu'elle a cédé à l'orgueil; par la
soumission, d'autant plus touchante qu'il y a chez la femme
plus d'énergie et de convictions fortes, Dieu
permettra que la femme amène son mari à la
foi.
Par l'autorité, Adam acquerra ces
qualités que nous nommons viriles et que les femmes
possèdent souvent plus que nous; par
l'autorité, il luttera contre cette incurable
faiblesse dont il a fait preuve en fléchissant devant
la tentation. L'homme qui craint la responsabilité
sera appelé à les accepter toutes; l'homme,
qui calcule volontiers au lieu d'agir sera contraint de se
décider, celui qui a prononcé cette triste
parole : La femme que tu m'as donnée! sera
forcé de prendre des résolutions et d'en
porter le poids. L'humanité remontera les pentes,
fortement aidée par la discipline de Dieu.
On a soutenu que l'autorité de l'époux
ne saurait se maintenir, car elle n'est pas le
résultat d'une résolution préalable du
genre humain!
Cette théorie du contrat social est
erronée ici comme partout. Si nous supprimions tout
ce qui n'a pas été consenti, nous abolirions
l'autorité des parents aussi bien que celle de
l'époux. J'ajoute que le consentement donné au
commencement du monde me parait avoir une médiocre
valeur aujourd'hui; il ne serait pas difficile de soutenir
que les femmes ayant fait des progrès dès
lors, elles ne peuvent rester liées par une loi
votée il y a quatre mille ans ! La femme libre, j'y
reviens, nous amènerait l'enfant libre; les enfants
secouant le joug, prétendraient faire toutes leurs
volontés sous prétexte qu'ils sont
égaux à leurs parents, que leur nature
intellectuelle et morale vaut celle du père et de la
mère, et que s'ils se trompent quelquefois, leurs
parents peuvent se tromper aussi!
Ne riez pas. Cette apparition de l'enfant libre
n'est-elle point un fait? Vous les avez rencontrés,
ces jeunes êtres disgracieux, tranchants,
prématurément corrompus, sans respect pour les
personnes âgées, traitant leur père en
camarade! L'autorité leur a fait défaut, tout
s'est écroulé. Au fond, une même
tentative d'insurrection attaque la famille par les deux
côtés - là mauvaise émancipation
des femmes, la mauvaise émancipation des enfants.
On a prétendu que cette parole de
l'Apôtre adressée aux femmes: « Soyez
soumises à vos maris! » n'avait pas plus de
valeur durable que cette autre parole adressée aux
esclaves: « Soyez soumis à vos maîtres !
»
Oui, si le mariage était un fait transitoire
comme l'esclavage !
Oui, si le mariage était un crime comme
l'esclavage!
Oui, si la famille devait cesser sur la terre et si
son existence n'exigeait pas un chef! Un chef, n'oubliez pas
ceci, auquel l'Apôtre recommande l'amour, tout comme
il recommande l'obéissance à la femme,
établissant par là le vrai tempérament
de l'autorité l'unité morale devant Dieu.
Mais l'autorité du mari subsiste. À
défaut de cette autorité-là, vous
êtes obligé d'admettre de deux choses l'une, ou
l'autorité de la femme, ou l'absence totale
d'autorité.
L'autorité de la femme avec la soumission du
mari ! Je vous défie d'envisager sérieusement
un tel renversement des rôles
(2).
Quant à l'absence totale d'autorité,
c'est le chaos. Ce chemin aussi bien que l'autre mène
à l'absurde.
Ceux qui ébranlent follement le principe
d'autorité oublient ceci : que l'autorité
n'est pas moins nécessaire à celui qui
obéit qu'à celui qui commande, et que, chaque
fois qu'une autorité légitime s'affaiblit,
nous nous affaiblissons tous.
Diminuez l'autorité de Dieu, celle de la
Bible; diminuez l'autorité de la conscience, celle du
devoir; diminuez l'autorité des lois, celle des
gouvernements; retranchez l'ordre, je veux dire
l'autorité, dans une armée, à bord d'un
vaisseau, dans un pays, dans la moindre commune, à
l'instant tout fléchira, l'indépendance et la
liberté y périront l'une comme l'autre, car
l'une pas plus que l'autre ne se passe
d'autorité.
Dans de telles conditions, la vie même devient
impossible. Vous représentez-vous la famille sans
tête, sans conducteur, sans personne qui prononce le
mot décisif; chacun visant à cette
autorité qui n'existe plus; nul n'obéissant et
par conséquent nul n'étant obéi; la
femme en révolte rencontrant devant elle des enfants
en révolte, des domestiques en révolte;
partout la lutte, partout des antagonismes, les affections
partout refroidies et nulle part un terrain solide où
prendre pied! L'expérience, du reste, est faite
depuis longtemps. Il n'en manque pas, de ces familles
à la dérive, dépourvues
d'autorité, privées d'obéissance, de
ces familles dans lesquelles rien n'appuie parce que rien ne
résiste, types achevés d'impuissance et de
mécontentement.
Dès que vous supprimez le chef, vous avez
l'anarchie. Elle est dans les sentiments, dans les
idées, dans l'éducation, dans le
ménage, sur tous les points où viennent se
heurter des tentatives de prépondérance
contraire.
Eh bien, soit ! se soumettre à un homme
supérieur, on y consent; mais à la
médiocrité! Je vaux mieux que lui, j'ai plus
de bon sens, plus d'esprit de conduite, plus de conscience,
j'y vois plus clair, et il me faudrait obéir ! Mon
mari va, vient, voyage, fait ce qu'il veut, comme il veut,
et moi qui est mes goûts, mes fatigues et mes ennuis,
je ne pourrais ni soulager ceux-ci, ni satisfaire
ceux-là !
Que répondre? Qu'un grand principe, qu'un
principe éminent éducateur et sage a
été posé par la Parole de Dieu;
qu'étant une conséquence de notre
péché, il froisse nécessairement nos
instincts naturels; qu'en le méconnaissant on arrive
à des résultats monstrueux; que si l'homme
abuse de sa position, ce n'est pas une raison pour la femme
de se révolter contre la volonté divine; et
cela dit, ajouter que l'acceptation du devoir constitue ici
comme partout la vraie dignité, la vraie grandeur, la
vraie royauté.
La dignité du renoncement ! C'est une des
beautés qu'on entrevues ceux qui cherchent à
pratiquer l'Évangile. Les renoncements que Dieu
demandent n'abaissent pas, ils élèvent. des
injustices peuvent s'accomplir, l'autorité maritale
peut avoir ses excès; mais qui sait si la soumission
patiente d'une femme, si les respects qu'elles gardent, si
les scrupules qu'elle apporte dans l'accomplissement de ses
obligations particulières ne sont pas justement la
conduite la plus propre à ramener le mari?
Cette soumission d'ailleurs n'est en aucune
façon de la faiblesse. Il faut pour y arriver, au
contraire, beaucoup de vigueur. cette soumission-là
suppose et maintient l'égalité fondamentale.
Autant la soumission servile et passive est ignoble, autant
la soumission acceptée, marchant avec
l'indépendance der âme, s'associant à la
tendresse,, se courbant sans s'abaisser, autant cette
soumission-là suppose une énergie qui
élève singulièrement le rôle de
la femme. On s'est beaucoup trop représenté
l'épouse comme un souffre-douleur dépourvu
d'initiative, comme une Griselidis ployée devant son
maître, subissant sa lui, n'intervenant en rien.
vieille tradition vit plus aujourd'hui dans notre
littérature ,que dans nos moeurs, cependant notre
esprit en a gardé je ne sais quel souvenir aussi
éloigné du vrai type féminin que
pourrait l'être la femme électeur ou la femme
avocat. L'épouse et la mère sont
appelées à 'agir, car elles sont
appelées à réaliser l'idéal dans
la famille, or on ne réalise pas l'idéal sans
vouloir et sans lutter. Combattre le mal, plaider les bonnes
causes, avertir, reprendre au besoin, tel est le droit de la
femme, bien plus, tel sera souvent son devoir; sa franchise
fidèle ne se sépare en aucun cas de
l'humilité, et jamais sa dignité n'aura
rayonné d'un plus. pur éclat que lorsque dans
l'affection et la douceur on la verra ainsi dénoncer
la justice et respecter l'autorité.
Au sein des bons ménages s'applique la maxime
- Le roi règne et ne gouverne pas! L'époux
règne, c'est le couple uni qui gouverne.
En effet, si l'autorité maritale décide
en dernier ressort toutes les fois qu'on ne parvient pas
à s'entendre, si elle se montre constamment comme
manifestation des intérêts de la famille et
comme direction générale de ses affaires,
l'unité se poursuit d'un même coeur, nul ne
reste exclu des grandes résolutions; la
volonté du mari devient en quelque sorte l'expression
de raccord commun. Et cela n'empêche pas
l'autorité de rester debout. Et l'autorité est
tellement un principe d'ordre, qu'après ravoir
trouvé sur la terre dans la société et
dans la famille, nous le retrouvons au ciel où les
anges forment des hiérarchies; nous le rencontrons au
coeur même de la Divinité, dans
l'égalité parfaite de l'essence divine
où apparaît la subordination du Fils.
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