Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

XII

L'AUTORITÉ

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Au surplus, nous avons moins à changer les lois que les coeurs.
Le mal est en nous, dans nos idées et dans nos habitudes. Si la réforme ne commence par nous, elle ne réformera rien : le dedans fait le dehors, toute vraie renaissance est sortie de là.
Il y a plus qu'une erreur, il y a de l'enfantillage à demander au droit de vote l'amélioration de la situation des femmes. L'Évangile seul tient ici comme partout les grandes solutions.

Les femmes veulent échapper à la frivolité, à la mondanité, elles veulent devenir autre chose que cet être futile et joli auquel on fait la cour, qui vit d'une vie élégante et vaine, exilé des saines régions, privé des intérêts sérieux; l'Évangile lui donne sa place, car l'Évangile lui révèle, son âme, et met devant cette âme le devoir. Les femmes veulent étendre leur instruction, l'Évangile appelle et favorise tous les développements. Les femmes veulent s'associer aux idées et aux travaux de, leurs maris, l'Évangile établit la vraie intimité entre eux. Les femmes veulent abolir d'injustes exclusions quant au travail, l'Évangile seul vaincra les injustices. Les femmes ont à gémir sur l'immoralité qui abaisse leur sexe, l'Évangile seul aura raison du vice et de la dégradation. Les femmes ont faim et soif de bonheur, l'Évangile leur donnera les tendresses élevées, les communes prières, les communes espérances, et cette intelligence de leur vocation, cet accroissement de la vie de famille en dehors desquels elles chercheraient vainement le progrès.
Ajoutons que si le coeur de l'homme demande à être remué et régénéré par l'Évangile, l'action de l'Évangile dans le coeur des femmes elles-mêmes n'est pas moins nécessaire au succès de leur cause. Chrétiennes, elles apprendront à aimer, à se dévouer; elles auront du courage; elles prendront leur mission par le grand côté qui est le côté vrai; leur rôle s'élargira dans la mesure de leur foi que pénétrera la charité.

Comparez un intérieur où tout est court, où tout est terne parce qu'il n'y a point de ciel, où les relations entre les parents et les enfants sont Sèches, où elles restent superficielles parce qu'il n'y a point d'immortel avenir, comparez-le avec ces familles bienheureuses que réchauffe-la piété d'une femme croyante, aimante, qui voit par delà, qui espère par delà, qui met l'éternité dans toutes ses affections, qui saisit Dieu à travers tous ses devoirs, et dites s'il faut chercher ailleurs la suprême émancipation !

Émancipation, le mot n'est pas trop grand pour la chose. Il s'agit de retrouver la femme telle que Dieu. la créa pour l'achèvement de son oeuvre; il s'agit de retrouver pour l'homme « cette aide semblable à lui» que Dieu lui donna dans son amour : autre et semblable, égale et dévouée; et la souveraine dignité de la femme, c'est d'accepter cet ordre divin.

Pas plus que la Bible nous ne supprimons l'autorité de l'époux. L'Écriture, admirable en cela comme en tout, établit à la fois l'égalité et l'autorité dans le ménage L'égalité est proclamée à chaque page du Livre. Le mari et la femme, créatures immortelles, rachetés de Jésus-Christ enfants du même Dieu , ont le même Père, le même Sauveur, les mêmes espérances, ils possèdent la même éternité glorieuse, ils rencontrent les mêmes périls, ils supportent les mêmes douleurs, ils offrent les mêmes sacrifices; la femme, sur ce terrain sanglant, n'a pas plus reculé que nous. L'autorité se trouve non moins clairement affirmée par l'oracle divin; elle l'est en termes dont la netteté et la force, nous étonnent : rappelez-vous ce chapitre de la première épître aux Corinthiens, où l'Apôtre déclare l'homme chef de la femme, où il invite celle-ci à voiler sa tête dans l'Église à cause des anges, et du rôle plein de réserve que Dieu lui a destiné!
Il faut remonter à l'histoire de la chute pour en tirer l'explication profonde et vraie de l'autorité de l'homme et de l'assujettissement de la femme (1).

Avant la chute, la famille n'a qu'un maître, qui est Dieu. Faire la volonté de Dieu, c'est le devoir égal et commun de nos premiers parents. Après la chute paraît l'organisation nouvelle de la famille : autorité du mari, subordination de la femme. Quand la chute aura été entièrement réparée, c'est-à-dire dans la vie éternelle, l'égalité complète reparaîtra.
Fait remarquable, la discipline paternelle tient bien plus de place que le châtiment dans les institutions qui modifient les rapports des époux bannis d'Eden. Voyez comme elles sont admirablement appropriées, d'un côté à la part que chacun a prise dans la chute, de l'autre au relèvement dont chacun avait besoin!

La chute a montré chez la femme cette promptitude et cette hardiesse qui ne reculent pas devant la désobéissance; une discipline de soumission sera imposée à celle qui ne s'est pas soumise. L'homme a manqué d'énergie, il s'est effacé devant la responsabilité; une discipline d'autorité le contraindra de vouloir, de répondre pour sa famille et pour lui.
Longtemps, à l'exemple d'Adam, les théologiens ont durement rejeté le péché sur la femme. Plus d'un sermon - notons en passant les discours d'Adolphe Monod - a froissé dans le coeur féminin un sentiment instinctif de justice; plus d'une âme s'est irritée devant l'arrêt durement présenté, cruellement consenti par l'orgueil masculin, qui se serait apaisée, qui se serait joyeusement résignée devant la correction expliquée par l'humilité et par la charité fraternelles.

Pour apprécier le vrai caractère de l'autorité et de la soumission, il faut donc remonter au vrai caractère du point de départ. Alors et seulement alors on saisit la pensée divine, alors et seulement alors on comprend cet immense amour qui toujours surmonte le mal par le bien.
Par la soumission, Ève apprendra l'obéissance qu'elle ignorait puisqu'elle s'est révoltée, puisqu'elle a poussé son mari à la révolte; par la soumission, elle apprendra la vie intime et cachée qui lui convient, puisqu'elle a cédé à l'orgueil; par la soumission, d'autant plus touchante qu'il y a chez la femme plus d'énergie et de convictions fortes, Dieu permettra que la femme amène son mari à la foi.

Par l'autorité, Adam acquerra ces qualités que nous nommons viriles et que les femmes possèdent souvent plus que nous; par l'autorité, il luttera contre cette incurable faiblesse dont il a fait preuve en fléchissant devant la tentation. L'homme qui craint la responsabilité sera appelé à les accepter toutes; l'homme, qui calcule volontiers au lieu d'agir sera contraint de se décider, celui qui a prononcé cette triste parole : La femme que tu m'as donnée! sera forcé de prendre des résolutions et d'en porter le poids. L'humanité remontera les pentes, fortement aidée par la discipline de Dieu.
On a soutenu que l'autorité de l'époux ne saurait se maintenir, car elle n'est pas le résultat d'une résolution préalable du genre humain!
Cette théorie du contrat social est erronée ici comme partout. Si nous supprimions tout ce qui n'a pas été consenti, nous abolirions l'autorité des parents aussi bien que celle de l'époux. J'ajoute que le consentement donné au commencement du monde me parait avoir une médiocre valeur aujourd'hui; il ne serait pas difficile de soutenir que les femmes ayant fait des progrès dès lors, elles ne peuvent rester liées par une loi votée il y a quatre mille ans ! La femme libre, j'y reviens, nous amènerait l'enfant libre; les enfants secouant le joug, prétendraient faire toutes leurs volontés sous prétexte qu'ils sont égaux à leurs parents, que leur nature intellectuelle et morale vaut celle du père et de la mère, et que s'ils se trompent quelquefois, leurs parents peuvent se tromper aussi!
Ne riez pas. Cette apparition de l'enfant libre n'est-elle point un fait? Vous les avez rencontrés, ces jeunes êtres disgracieux, tranchants, prématurément corrompus, sans respect pour les personnes âgées, traitant leur père en camarade! L'autorité leur a fait défaut, tout s'est écroulé. Au fond, une même tentative d'insurrection attaque la famille par les deux côtés - là mauvaise émancipation des femmes, la mauvaise émancipation des enfants.

On a prétendu que cette parole de l'Apôtre adressée aux femmes: « Soyez soumises à vos maris! » n'avait pas plus de valeur durable que cette autre parole adressée aux esclaves: « Soyez soumis à vos maîtres ! »
Oui, si le mariage était un fait transitoire comme l'esclavage !
Oui, si le mariage était un crime comme l'esclavage!
Oui, si la famille devait cesser sur la terre et si son existence n'exigeait pas un chef! Un chef, n'oubliez pas ceci, auquel l'Apôtre recommande l'amour, tout comme il recommande l'obéissance à la femme, établissant par là le vrai tempérament de l'autorité l'unité morale devant Dieu.
Mais l'autorité du mari subsiste. À défaut de cette autorité-là, vous êtes obligé d'admettre de deux choses l'une, ou l'autorité de la femme, ou l'absence totale d'autorité.

L'autorité de la femme avec la soumission du mari ! Je vous défie d'envisager sérieusement un tel renversement des rôles (2).
Quant à l'absence totale d'autorité, c'est le chaos. Ce chemin aussi bien que l'autre mène à l'absurde.
Ceux qui ébranlent follement le principe d'autorité oublient ceci : que l'autorité n'est pas moins nécessaire à celui qui obéit qu'à celui qui commande, et que, chaque fois qu'une autorité légitime s'affaiblit, nous nous affaiblissons tous.

Diminuez l'autorité de Dieu, celle de la Bible; diminuez l'autorité de la conscience, celle du devoir; diminuez l'autorité des lois, celle des gouvernements; retranchez l'ordre, je veux dire l'autorité, dans une armée, à bord d'un vaisseau, dans un pays, dans la moindre commune, à l'instant tout fléchira, l'indépendance et la liberté y périront l'une comme l'autre, car l'une pas plus que l'autre ne se passe d'autorité.
Dans de telles conditions, la vie même devient impossible. Vous représentez-vous la famille sans tête, sans conducteur, sans personne qui prononce le mot décisif; chacun visant à cette autorité qui n'existe plus; nul n'obéissant et par conséquent nul n'étant obéi; la femme en révolte rencontrant devant elle des enfants en révolte, des domestiques en révolte; partout la lutte, partout des antagonismes, les affections partout refroidies et nulle part un terrain solide où prendre pied! L'expérience, du reste, est faite depuis longtemps. Il n'en manque pas, de ces familles à la dérive, dépourvues d'autorité, privées d'obéissance, de ces familles dans lesquelles rien n'appuie parce que rien ne résiste, types achevés d'impuissance et de mécontentement.

Dès que vous supprimez le chef, vous avez l'anarchie. Elle est dans les sentiments, dans les idées, dans l'éducation, dans le ménage, sur tous les points où viennent se heurter des tentatives de prépondérance contraire.
Eh bien, soit ! se soumettre à un homme supérieur, on y consent; mais à la médiocrité! Je vaux mieux que lui, j'ai plus de bon sens, plus d'esprit de conduite, plus de conscience, j'y vois plus clair, et il me faudrait obéir ! Mon mari va, vient, voyage, fait ce qu'il veut, comme il veut, et moi qui est mes goûts, mes fatigues et mes ennuis, je ne pourrais ni soulager ceux-ci, ni satisfaire ceux-là !
Que répondre? Qu'un grand principe, qu'un principe éminent éducateur et sage a été posé par la Parole de Dieu; qu'étant une conséquence de notre péché, il froisse nécessairement nos instincts naturels; qu'en le méconnaissant on arrive à des résultats monstrueux; que si l'homme abuse de sa position, ce n'est pas une raison pour la femme de se révolter contre la volonté divine; et cela dit, ajouter que l'acceptation du devoir constitue ici comme partout la vraie dignité, la vraie grandeur, la vraie royauté.
La dignité du renoncement ! C'est une des beautés qu'on entrevues ceux qui cherchent à pratiquer l'Évangile. Les renoncements que Dieu demandent n'abaissent pas, ils élèvent. des injustices peuvent s'accomplir, l'autorité maritale peut avoir ses excès; mais qui sait si la soumission patiente d'une femme, si les respects qu'elles gardent, si les scrupules qu'elle apporte dans l'accomplissement de ses obligations particulières ne sont pas justement la conduite la plus propre à ramener le mari?
Cette soumission d'ailleurs n'est en aucune façon de la faiblesse. Il faut pour y arriver, au contraire, beaucoup de vigueur. cette soumission-là suppose et maintient l'égalité fondamentale. Autant la soumission servile et passive est ignoble, autant la soumission acceptée, marchant avec l'indépendance der âme, s'associant à la tendresse,, se courbant sans s'abaisser, autant cette soumission-là suppose une énergie qui élève singulièrement le rôle de la femme. On s'est beaucoup trop représenté l'épouse comme un souffre-douleur dépourvu d'initiative, comme une Griselidis ployée devant son maître, subissant sa lui, n'intervenant en rien. vieille tradition vit plus aujourd'hui dans notre littérature ,que dans nos moeurs, cependant notre esprit en a gardé je ne sais quel souvenir aussi éloigné du vrai type féminin que pourrait l'être la femme électeur ou la femme avocat. L'épouse et la mère sont appelées à 'agir, car elles sont appelées à réaliser l'idéal dans la famille, or on ne réalise pas l'idéal sans vouloir et sans lutter. Combattre le mal, plaider les bonnes causes, avertir, reprendre au besoin, tel est le droit de la femme, bien plus, tel sera souvent son devoir; sa franchise fidèle ne se sépare en aucun cas de l'humilité, et jamais sa dignité n'aura rayonné d'un plus. pur éclat que lorsque dans l'affection et la douceur on la verra ainsi dénoncer la justice et respecter l'autorité.

Au sein des bons ménages s'applique la maxime - Le roi règne et ne gouverne pas! L'époux règne, c'est le couple uni qui gouverne.

En effet, si l'autorité maritale décide en dernier ressort toutes les fois qu'on ne parvient pas à s'entendre, si elle se montre constamment comme manifestation des intérêts de la famille et comme direction générale de ses affaires, l'unité se poursuit d'un même coeur, nul ne reste exclu des grandes résolutions; la volonté du mari devient en quelque sorte l'expression de raccord commun. Et cela n'empêche pas l'autorité de rester debout. Et l'autorité est tellement un principe d'ordre, qu'après ravoir trouvé sur la terre dans la société et dans la famille, nous le retrouvons au ciel où les anges forment des hiérarchies; nous le rencontrons au coeur même de la Divinité, dans l'égalité parfaite de l'essence divine où apparaît la subordination du Fils.

1. M. le pasteur Espérandieu l'a fait à Genève, dans une suite de discours pleins de vues neuves, délicates et justes.
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2. Si la soumission pouvait jamais s'imposer à la force, il est permis de croire que la force n'en supporterait pas longtemps le joug et que la révolte deviendrait l'état normal.
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