Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

XI

LE DROIT AU TRAVAIL

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Le droit au travail n'est pas moins sacré que le droit à l'instruction.
Si le travail des femmes présente en certains cas de graves dangers pour elles-mêmes et pour la famille, s'il y a lieu de le délimiter avec soin, nous retrouvons sur ce terrain l'inégalité et l'injustice; l'homme, s'y est fait comme ailleurs la part du lion.
Les hommes excluent les femmes de beaucoup de carrières où elles pourraient entrer sans compromettre leur caractère spécial. Les hommes ont accaparé bien des vocations exclusivement. féminines. Que font, je vous le demande, derrière les vitrines de nos magasins, ces grands gaillards occupés à disposer les plis du satin ou de la moire? Que font-ils derrière les piles d'étoffes qui encombrent les comptoirs? Est-ce à ces fortes mains de mesurer les rubans? Est-ce à ces lèvres qu'ombragent des moustaches de parler modes, nuances et chiffons?

Tout ce qui, dans le commerce, touche au goût et à l'élégance, devrait par cela seul appartenir à la direction des femmes; toute occupation qui sans exiger l'emploi de la force physique veut de la dextérité, de là promptitude, du coup d'oeil, devrait rester leur apanage.
La loi ne peut intervenir, je le sais; mais où la loi se tait l'opinion parle. Si l'opinion, dans le cas dont il s'agit, gardait le silence, en vérité, c'est que la conscience publique, et je le dirai, notre honneur à nous autres hommes, seraient bien malades.

Pourquoi ne confierait-on pas aux femmes la direction des télégraphes, celle des bureaux de poste (1)? Les ouvriers imprimeurs s'opposaient naguère à l'administration des femmes dans leurs ateliers, pourquoi cela? Je n'examine pas les avantages ou les inconvénients de la profession pour elles, je dis qu'ici la liberté et le droit ont été indignement violés. Pourquoi n'ouvre-t-on pas largement la carrière de l'enseignement aux femmes? Pourquoi, lorsqu'il s'agit d'écoles, le traitement des institutrices demeure-t-il inférieur à celui des instituteurs? Pourquoi le travail des femmes quel qu'il soit, à égalité de valeur, est-il moins payé toujours que celui des hommes? Pourquoi ne pas établir pour tout le monde le travail à la tâche, le seul qui mette en rapport vrai le labeur et le profit? Pourquoi, grâce aux nombreux intermédiaires qui séparent l'ouvrière de l'acheteur, le salaire de celle-ci s'évanouit-il aux trois quarts? Pourquoi ne pas organiser partout, comme on l'a essayé à Paris, des associations coopératives munies d'ateliers et de bazars, qui placent le travail de l'ouvrière en relation directe avec la bourse du public?
L'équité ne demande rien moins; la moralité, fortement intéressée au triomphe de la justice, exige tout autant, car l'insuffisance des salaires, l'impossibilité de vivre au moyen d'un gain honnête accumulent devant la jeune fille et la femme des occasions de chute dont nous portons la responsabilité.
Notre responsabilité pas plus que notre devoir ne s'arrête là. Il y a des centres manufacturiers qui sont des centres de corruption; la vie de famille s'y dissout, l'épouse et la mère y disparaissent dans l'abrutissement d'une vie collective où le travail mécanique absorbe tout; les intelligences et les âmes s'en vont, les corps aussi périssent; c'est là un crime social; il faut donc que la société intervienne, il faut qu'elle limite le travail des faibles, qu'elle protège les femmes et les enfants, qu'elle sache vouloir, qu'elle fasse exécuter ce qu'elle veut.

On parle de ligue! Liguons-nous pour flétrir toutes les institutions, toutes les coutumes qui souillent et qui perdent. Chacun sait ce que je veux dire, je n'ai pas à entrer dans le détail. Il est des tolérances infâmes, il est des provocations dont les agents devraient rencontrer un châtiment sévère. L'opinion publique reste lâche en présence de tels attentats, l'indifférence. des honnêtes femmes les encourage; c'est la faute des honnêtes femmes s'ils n'ont pas disparu; elles créent les courants, un courant pur balayerait ces turpitudes, qu'on le sente circuler. Voilà un beau droit à conquérir : le droit de sauver! Voilà un beau droit à exercer : le droit de mettre le ciel à la place de l'enfer!
Cela vaut peut-être bien le droit de jeter un bulletin dans une urne électorale.

. 1. Cela se fait dans quelques localités.
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