Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

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LE DROIT À L'INSTRUCTION

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C'est sur elles et sur nous que je compte pour revendiquer et conquérir le droit à l'instruction.
Je ne saurais trop le redire, nous qui combattons le suffrage et le rôle politique des femmes, nous ne prenons nullement notre parti du système d'éducation qu'on leur applique traditionnellement. Ce qu'il a de superficiel et de factice nous révolte. NOUS ne sommes pas du tout d'avis qu'on élève les femmes dans la pensée unique de plaire et de réussir en demeurant étrangères aux intérêts sérieux. Nous ne croyons pas le moins du monde que la femme la plus ignorante soit la plus femme; nous pensons, au contraire, qu'en se développant elle deviendra meilleure épouse, meilleure mère, meilleure ménagère par-dessus le marché, l'instruction et le devoir ne faisant nulle difficulté d'aller ensemble.
Surtout échappons à cette vieille comédie des femmes adorées qu'on tient de court, des idoles encensées qu'on réduit à un minimum de lumière. Renonçons pour nos femmes aux vapeurs et aux nerfs : les vapeurs et les nerfs ne forment pas, tant s'en faut, le vrai caractère féminin; la femme la plus femme n'est ni la moins forte, ni la plus prompte aux défaillances, ni la moins douée de courage. La saine énergie s'allie merveilleusement avec la grâce et la réserve.

Les femmes ont donc raison quand elles cherchent à répudier le rôle médiocre et passif qu'on, leur a imposé de tout temps; elles ont raison de croire qu'indépendamment du soin des enfants et de l'intérieur, un domaine leur reste ouvert, celui de l'association dans une certaine mesure aux travaux et aux préoccupations du sexe fort; elles ont raison lorsqu'elles pensent qu'exercer leur intelligence, que nourrir leur esprit, que prendre à coeur les grandes causes, que tout cela, loin de compromettre les intérêts commis à leur garde, enrichit au contraire et réchauffe le bonheur.
Qu'on ouvre des écoles, qu'on crée des cours au profit des jeunes filles, nous y applaudirons.
Le mouvement a commencé. En Russie, -une pétition signée par cent cinquante dames réclamait naguère là fondation d'une université féminine; l'empereur, sollicité par le comte Tolstoy, ministre de l'instruction publique, a permis que des cottes pour les femmes fussent établis à l'Université de Saint-Pétersbourg. Les pays protestants ont devancé les autres, comme c'est leur devoir et leur droit. Ils préparent l'esprit des femmes aux fortes études, ils donnent à l'âme des habitudes de vaillance, «indépendance personnelle et d'intégrité (1).
Aux États-Unis - il faut toujours y revenir lorsqu'il s'agit de progrès - on ne s'avise pas de soutenir que la femme étant inférieure à l'homme, elle doit se contenter d'un moindre développement. Les jeunes filles participent à l'instruction que reçoivent les jeunes garçons dans les écoles et marchent du même pas; ces écoles pour la plupart - soixante et dix sur cent - sont dirigées par des femmes; les garçons comme les jeunes filles s'en trouvent bien.
Outre l'instruction qu'elles reçoivent de la sorte, les jeunes filles des États-Unis voient s'ouvrir devant elles des établissements d'enseignement supérieur. L'égalité sur le terrain des connaissances est non-seulement un droit reconnu, c'est encore un fait acquis. Les jeunes Américaines apprennent le grec, le latin, les langues modernes, l'histoire générale, la géométrie, l'algèbre, l'astronomie, tout ce que savent ou ne savent pas les jeunes gens de chez nous. Les femmes - c'est un résultat dont il faut tenir grand compte - devenues épouses et mères, peuvent ainsi prendre part aux travaux de leurs maris, elles peuvent intervenir dans l'éducation de leurs fils. Qu'égales aux hommes par l'instruction elles rêvent de carrières masculines, je ne le nie point; l'inconvénient, est grave, il y a là une mesure à garder. De même que dans l'éducation des hommes on ne doit pas perdre de vue la vocation virile, on ne doit pas, dans l'éducation des femmes, perdre de vue la vocation féminine. Pousser les femmes vers les spécialités réservées à l'autre sexe, ce serait manquer le but. Ceci posé, nul n'a le droit de refuser à l'esprit féminin ce fonds solide et général d'études, cette instruction humaine, en dehors, au-dessus de toute profession, de tout apprentissage particulier, qui constitue le patrimoine commun. On l'a dit, les femmes et les hommes mangent des aliments identiques à la table de famille, ce qui n'empêche ni le développement de s'opérer chez les uns et chez les autres d'une façon distincte, ni les différences de s'affirmer. Il en va de même pour l'aliment intellectuel, pourvu que le régime particulier de quelques individus ne devienne: pas la règle imposée à tous.

Un Arnolphe se réjouira d'avoir des ignorantes auprès de lui - avouons que les savantes qui l'entourent lui donnent raison, - mais quel homme sensé ne désirera trouver dans sa femme un coeur qui batte aux nobles émotions, des facultés qui répondent à ses facultés, une âme qui comprenne, un esprit qui s'intéresse ! Intimité, cela veut dire fusion des sentiments, des convictions, des idées. Et que deviendraient les entretiens du foyer, je vous le demande, sans cette flamme vibrante et claire, sans ce trésor sur lequel vit la famille : littérature, art, politique, charité, religion, science, de quoi causer en un mot et monter d'un même élan vers les régions d'en-haut?

Le problème de la réunion des deux sexes au sein des écoles et des collèges, cette question qui ne se pose pas même en France, est résolue aux États-Unis. L'école, mixte y forme la règle, l'école distincte y forme l'exception. Les collèges réunissent des élèves de l'un et de l'autre sexe, âgés de quinze à dix-huit ans; on étudie, on prend ses repas, on se promène ensemble. Il n'en résulte aucun incident fâcheux.

Placés que nous sommes sous l'influence de notre vieille galanterie et de nos vieilles corruptions, l'éducation des filles pour nous, c'est toujours un peu le couvent. Les nations qu'à fortifiées la Bible ont d'autres vues, plus simples et plus vraies. L'Angleterre, la Suisse, l'Allemagne, ne connaissent point nos scrupules malsains. L'indépendance, dans ces pays-là, précède le mariage; chez nous elle le suit; lequel vaut le mieux? Aux États-Unis l'instruction, même supérieure, ne, sépare pas les soeurs et les frères; ils la poursuivent en commun; la vie de famille continue, l'émulation à bien faire s'établit entre filles et garçons. Loin de compromettre les moeurs, le système américain en assure l'honnêteté. C'est lorsque la séparation suppose le danger que de mauvaises préoccupations naissent dans l'esprit. On cite un collège où les jeunes gens et les jeunes filles étaient parqués derrière des murailles; les inconvénients passaient par-dessus; on abattit les murs, les inconvénients se dissipèrent.
Vous dites que c'est possible, mais qu'à tout le moins les bonnes manières s'en vont, et qu'à ce contact des deux sexes, chacun doit perdre ses qualités essentielles avec son charme distinctif!
C'est le contraire qui arrive et l'expérience a prononcé. Les jeunes gens deviennent polis et courtois; les jeunes filles deviennent plus féminines encore, s'il est possible. Vous faut-il un exemple? Dans les collèges mixtes on n'a pas eu besoin d'interdire le tabac; les jeunes hommes ne voulant. pas oublier le respect dû aux jeunes filles se sont abstenus de fumer !

Toute condition exceptionnelle d'existence fausse notre nature, on ne saurait trop s'en souvenir; plus l'existence pendant l'éducation est naturelle, complète et simple, telle que Dieu l'a voulue, plus les développements s'opèrent d'une façon normale, mieux se dessine noire individualité.
Nos éducations cloîtrées, où rien ne rappelle ni la famille ni la société, nous paraîtront un jour, je l'espère, de tristes inventions. Nous comprendrons alors que la liberté des jeunes filles, quand elle n'est pas excessive, tient de bien près à la loyauté, à l'énergie à la pureté. En somme, c'est la vie entière, au soleil, sans mutilation, comme elle convient à des peuples indépendants.
Or cette liberté-là, vous pouvez m'en croire, la liberté fondée sur l'Évangile, garde mieux le coeur que nos grilles et nos verrous (2.

1. On n'a pas oublié l'énergique dévouement avec lequel les femmes américaines se sont consacrées aux blessés, pendant la guerre contre le Sud.
 
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2. En Amérique, les jeunes filles et les jeunes gens ont, en fait de mariage, une indépendance presque illimitée; le choix d'un époux, la parole donnée, l'union conclue, communiquée, tout cela s'opère sans que les parents soient en quelque sorte consultés. Il y a de l'excès. je suis loin d'approuver une telle liberté, si absolue qu'elle relâche les liens de la famille.
La jeune fille peut voyager, et voyage seule d'un bout à l'autre de l'Union, protégée par le respect publie, sans que sa modestie ait à s'effaroucher une seule fois. C'est très-beau; pourtant je rencontre encore ici cette exagération d'indépendance dont les habitudes altèrent un peu le caractère et nuisent au charme féminin. Avec de légères modifications on garderait la saine liberté, la pureté, la noble vigueur, et l'on ne répudierait pas la soumission respectueuse, la réserve, la douceur, la grâce, le maintien complet de la famille.
La disproportion des sexes en Amérique, surtout dans les nouveaux États où les femmes sont bien moins nombreuses que les hommes, n'a pas peu «contribué sans doute à donner à la femme américaine cette assurance, cette disposition à se préoccuper de ses droits, dont chaque jour nous amène de nouvelles manifestations. Très-recherchée, un peu enfant gâté, la femme américaine est naturellement portée à ne pas se contenter toujours d'humbles devoirs.
Mentionnons encore, comme une coutume à éviter, la vie de pension, l'établissement à l'hôtel, très-général en Amérique et qui entraîne la suppression du ménage, le désoeuvrement des femmes, un véritable relâchement des relations intimes entre les époux, les parents et les enfants.
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