Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

VII

LES FACULTÉS SONT ÉGALES, LES PARTS NE LE SONT PAS

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Les facultés sont égales, dit-on, et les parts ne le sont pas!
Entre les deux vocations, entre les deux fonctions si vous voulez, la fonction intérieure et la fonction extérieure, laquelle est la moindre? je n'en sais rien. Entre l'autorité et l'influence, entre le droit de décider et la possession des mille moyens de diriger, lequel est le plus important ? Je l'ignore. Ne parlez donc ni d'inégalité ni d'injustice, mais de fonctions diverses dans l'unité de l'être humain.
Les capacités sont ici hors de cause. Nul assurément n'aura l'impertinence de supposer une infériorité intellectuelle des femmes. Quand elles ont écrit, elles n'ont été inférieures à qui que ce soit: voyez madame de Sévigné, tant d'autres; quand elles ont gouverné, elles n'ont été inférieures à qui que ce soit : voyez nos régentes à partir de Blanche de Castille, voyez la reine Élisabeth d'Angleterre, voyez les soeurs et les tantes de Charles-Quint qui s'y entendait, et qui leur confiait les missions les plus délicates; quand elles dirigent les affaires pratiques, elles s'en tirent mieux que nous : voyez les femmes du commerce parisien; quand elles étudient, elles réussissent comme nous : voyez les jeunes filles de nos écoles, voyez les jeunes filles qui tiennent tête aux jeunes garçons des collèges et des universités d'Amérique, rappelez-vous les femmes qui professaient lors de la Renaissance, rappelez-vous les femmes du XVIe siècle, aussi cultivées que les hommes, sans rien perdre de leur charme! Si vous relisez l'histoire des martyrs; vous trouverez un type de chrétiennes dont la vigueur est admirable; celles-là n'ont pas besoin d'un remaniement dès lois pour marcher les égales des plus grands hommes. Et celles de la Réforme ! austères, vaillantes, pleines de grâce et d'humilité, épouses et mères incomparables. Et celles des Dragonnades! ces protestantes qu'on torturait dans les prisons du Dauphiné, qui vieillissaient dans la tour de Constance, qu'on persécutait à coups d'épingle dans les couvents, qui fuyaient à travers les montagnes, sacrifiant tout, famille, fortune, acceptant les amères douleurs de l'exil plutôt que de trahir.

S'il y a chez les femmes une grande mobilité d'impressions, il y a souvent aussi chez elles une invincible persévérance; ce qu'elles ont commencé, elles l'achèvent. Le tempérament nerveux, capable à un moment donné d'opérer une énergique concentration de force, celui qui fait les héros et les martyrs, celui qui fait les grands orateurs et les hommes de puissante impulsion, est précisément le tempérament féminin. Sa prépondérance ne serait pas sans danger dans la vie publique, mais il aurait ses côtés brillants que nous ne pouvons certes dédaigner.

Loin de nier les qualités de gouvernement chez les femmes, je pense qu'elles ont plus que, nous le sens pratique. Les abstractions, les règles absolues sont rarement leur fait; elles s'en tiennent, on le prétend - bien que des exceptions très-marquées démentent, dans les pays de la Bible surtout, l'observation - elles s'en tiennent à la réalité, à l'effet prochain. Si tout cela présente des inconvénients au point de vue des principes, la politique, s'en arrangerait assez bien, trop bien peut-être. Chacun le remarque encore; telle femme sans cesse dérangée dont l'existence est coupée par petits morceaux, trouve une vive attention pour chaque détail, une décision nette pour chaque question, une solution claire pour chaque problème. C'est quelque chose, en matière de discussion ou de gouvernement, que cette promptitude, tout intuitive, qui fait rencontrer sur-le-champ le parti à prendre ou la réplique à fournir.
Ceci dit, et sans appuyer sur le caractère variable, facilement ému, volontiers imprudent, parfois pusillanime que pourrait revêtir une politique soumise à l'action directe des femmes; leurs capacités très-réelles, très-féminines et très-différentes des nôtres, ne sauraient justifier la communauté des carrières. La diversité des natures subsiste. Ceux qui la nient, ceux' qui attribuent cette diversité au fait d'une éducation spéciale dont qu'à comparer le petit garçon et la petite fille en nourrice; ni l'un ni l'autre n'ont reçu l'empreinte d'une éducation particulière, cependant les goûts, les instincts, les manières, tout se dessine et tout se sépare.
Ce n'est pas l'incapacité des femmes qui est proclamée de la sorte, c'est leur individualité, qui n'est pas la nôtre, pas plus que leur nature, pas plus que leur mission.

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