La plupart des réclamations, du reste, arborent
hardiment le drapeau de l'impiété.
Le christianisme conseille la résignation, il
assigne aux femmes la place qu'elles doivent occuper et les
y enchaîne; rejetons le christianisme! N'a-t-on pas
sanctionné en son nom l'oppression des ouvriers et
l'esclavage? N'a-t-on pas soumis en son nom les familles et
en particulier les femmes à la direction des
prêtres?
Il ne s'agit à pas de savoir ce qu'on a dit ou
fait au nom du christianisme - une foule d'iniquités,
de sottises et de tyrannies ont été
consacrées ainsi; - il s'agit de savoir ce que le
christianisme a dit ou fait lui-même. Le christianisme
n'est pas responsable des crimes ou des erreurs de ceux qui,
après l'avoir corrompu, s'en sont servis comme d'un
bouclier pour couvrir toutes leurs passions et tous leurs
despotismes.
Regardez l'Évangile dans sa pureté. Il
fonde l'égalité à côté de
l'autorité; il place au même rang, il appelle
aux mêmes destinées les hommes et les femmes.
Et tout en faisant cela, il établit ce,
caractère exclusivement féminin, cette
existence d'intérieur que la femme ne déserte
jamais sans déchoir. Depuis que l'Évangile a
paru dans le monde, et pas avant, s'est introduit l'ensemble
d'idées qui a fait cesser l'oppression des pauvres,
qui a détruit l'esclavage, qui a
réalisé des libertés croissantes, et
qui, pour les femmes en particulier, a opéré
une émancipation telle, amené de tels
progrès que ceux qu'on propose aujourd'hui sont
misérables à côté.
Je trouve autant de folie que l'ingratitude dans ces
assauts contre l'Évangile livrés par des
femmes qui doivent tout à l'Évangile. Ne
savent-elles pas que ce qu'elles désirent, j'entends
les bonnes victoires, dépend des sentiments que la
foi chrétienne mettra dans le coeur des hommes et
dans leur propre coeur? N'ont-elles jamais pensé
à l'enfer terrestre où elles tomberaient si le
ciel se fermait sur leur tête, si les prières
cessaient, si rien d'éternel n'entrait dans les
relations de famille? C'est bien alors que leur mission
s'abaisserait, que leur influence morale
disparaîtrait, que la force régnerait seule,
qu'on les exclurait brutalement de la vraie vie, des
travaux, des professions, des enseignements, des questions
que les hommes voudraient se réserver.
Si vous en doutez, promenez vos regards sur les
temps
antérieurs au christianisme et sur les pays qu'il n'a
pas encore transformés. Prenez cette loi romaine qui
assimilait les femmes aux enfants, donnant au pater familias
droit de vie et de mort sur elles. Prenez la Grèce,
et Rome encore, avec leurs gynécées, avec ces
spectacles d'une indicible corruption: divorces continuels,
crime contre nature. Prenez l'Amérique dans sa
portion sauvage! La squaw du Peau-rouge, y croupit sous un
asservissement absolu, les durs travaux sont pour elle,
c'est elle qui porte les fardeaux, elle vit des restes que
le mari lui laisser après s'être repu, Son mari
la quitte et la reprend comme il lui plaît,
voilà l'idylle. Quant aux enfants de ces unions
éphémères, à peine
attachés à leurs parents par un lien
très-éphémère aussi, ils
quittent dès qu'ils le peuvent le wigwam paternel, et
c'est à peine si dès ce moment on se
connaît. Voyez l'Afrique! Écoutez les
récits de Speke et Grant sur la dégradation de
ses femmes à l'engrais. Parcourez l'Orient. Est-ce la
Chine? sont-ce les Indes ? L'infanticide portant sur les
filles y produit d'effroyables massacres; pour que l'usage
de ces meurtres quotidiens pratiqués sur une grande
échelle se soit ainsi établi et
perpétué, il faut que ni la femme ni la
mère n'existent en quelque sorte dans toute
l'étendue de ces royaumes démesurés.
Est-ce Java? est-ce Siam? est-ce l'Égypte? est-ce la
Turquie? Partout la femme, mariée enfant, sans avoir
vu son fiancé, sans avoir été vue de
lui, sans être consultée, rencontre cet
abaissement de la réclusion pour lequel on ne trouve
pas de termes : vie nulle, développement nul,
intimité nulle; ni travail, ni intérêt
d'aucune espèce; la maternité même
dénaturée ! se baigner, se parer, tuer le
temps, accepter des rivales, vivre dans l'attente du
divorce, ne, rien apprendre, ne rien savoir, souffrir, se
heurter contre les barreaux de la cage, c'est toute
l'existence et c'est fout l'avenir. À Siam, lorsqu'un
grand seigneur est ruiné, il vend ses femmes et ses
enfants; ses filles vont peupler d'autres harems. Plus on
s'éloigne des frontières chrétiennes,
plus la femme descend les degrés qui mènent de
l'être perfectible à la chose; le point exact
où commence l'Évangile marque la fin d'une si
prodigieuse abjection. Placez l'Évangile au milieu de
ces ténèbres, tout s'éclaire. Ainsi,
dans le Liban, l'enseignement des écoles
fondées par madame Thompson a déjà
produit de notables progrès.
Les jeunes filles musulmanes suivent les
leçons; plusieurs femmes ont demandé d'y
être admises ; les hommes consentent, approuvent, et,
renonçant aux unions précoces. usitées
jusqu'ici, recherchent en mariage les élèves
de madame Thompson. De là à l'abolition, en
fait de la polygamie, il n'y a qu'un pas,
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