Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

APPENDICES

MÉCANISME ET INDIVIDUALITÉ - LE SOIN DES MALADES ET DES PAUVRES

-------

(1) J'ai besoin, messieurs, d'exprimer avant tout un regret personnel.
Non-seulement j'aurais été heureux de prendre part à cette réunion vraiment oecuménique des représentants du christianisme selon l'Évangile; mais, il me sera permis de le dire, un Sentiment particulier et très-profond m'attache à la noble contrée où vous vous trouvez assemblés.

Il m'eût été doux de serrer la main à bien des amis dont je ne connais pas le visage, de visiter un peuple qui vient de nous donner de grands exemples, de voir par mes yeux une nation qui marche à Pavant-garde des progrès et de la liberté.
Forcé de décliner l'invitation dont m'avait honoré l'Alliance, j'ai tenu du moins à faire ce qui dépendait de moi. Je vous prie donc, messieurs, d'accueillir avec indulgence quelques rapides réflexions sur le sujet que je suis appelé à traiter.
Le soin des malades et des pauvres, dans ses rapports spéciaux avec l'institution des diaconesses (2), tel est ce sujet.

Permettez-moi, messieurs, de fixer essentiellement votre attention sur les malades. C'est pour eux que l'institution des diaconesses a été fondée; or, les observations que provoque ce côté du problème s'appliquent au soin des indigents avec une telle évidence, elles répondent si nettement aux mêmes questions, que recommencer l'examen sous prétexte de paupérisme, ce serait se répéter.
Nous nous comparons en présence d'un véritable à fortiori.
Excusez-moi encore si, désireux de simplifier et d'abréger autant que possible, je vous épargne les extraits, j'évite les citations, je ne consulte ni livre ni rapport.
Interroger directement l'Évangile, écouter l'expérience et les faits, cela nous suffira.


I

Rien de frappant comme la place assignée par l'Évangile à l'individu.
La foi est individuelle; la conversion est individuelle; le bon Berger appelle ses brebis « nom par nom ». Chaque homme, à titre individuel, est responsable devant Dieu; chaque homme a des devoirs individuels à remplir; nul par conséquent ne peut se faire suppléer par une organisation quelle qu'elle soit, par un mécanisme quelconque d'obéissance, de sanctification ou de salut.
Ceci s'applique à l'exercice de la charité aussi bien qu'à toutes les manifestations de la vie chrétienne.
Les apôtres ont établi un très-petit nombre de charges, juste ce qu'il en faut pour le, maintien de l'ordre, pour l'exposition de la saine doctrine, pour les distributions faites au nom de l'Église. En dehors de ce strict nécessaire, les apôtres maintiennent le grand principe de l'alliance de grâce : l'action de l'individu.
« La religion pure et sans tache, écrit Jacques, consiste à visiter les orphelins et les veuves dans leurs afflictions, et à se préserver des souillures du monde. »
Et lorsque le Sauveur décrit les scènes inexprimablement solennelles du jugement dernier, voici quelles paroles il adresse aux élus: … J'étais nu et vous m'avez vêtu, j'étais malade et vous m'avez visité, j'étais en prison et vous êtes venu voir. »
Il ne dit pas : Vous avez remis de l'argent à une organisation chargée de vêtir et de visiter.


II

Personne, je le sais, ne tient précisément un tel langage.
Nul ne délivre aux chrétiens une dispense de charité personnelle. En créant cette nouvelle spécialité, la spécialité charitable, l'Église romaine n'a donc pas prétendu supprimer la bienfaisance chez l'individu. Il n'en reste pas moins vrai, toutefois, que par le fait des corporations consacrées à certaines oeuvres, ces oeuvres, bon gré mal gré, se concentrent d'une façon presque exclusive aux mains des hommes qui en ont accepté l'accomplissement officiel, qui s'y connaissent le mieux, et qui semblent, par conséquent, devoir s'en mieux acquitter que le premier venu; que vous ou moi.
Faites attention à ceci. De même que le principe général de l'Évangile, qui s'adresse à l'individu, trouve son application particulière dans l'exercice
individuel de la charité: de même procédant d'un principe général qui supprime l'individu, l'Église romaine mutile ou détruit, qu'elle le veuille ou non, les expansions individuelles de la charité.

L'invention des corporations charitables n'est qu'une des conséquences pratiques du principe romain.
On sait ce que sont devenues la foi personnelle, la direction personnelle de la vie, la recherche personnelle de la vérité, dans un système où le prêtre se place entre l'âme et Dieu. Si l'Église romaine se charge de nos consciences et de nous assurer le paradis, il n'est pas surprenant qu'elle se charge aussi d'obéir pour nous.
Le développement des corporations aumônières était inévitable dans son sein.
Elle avait les hommes spéciaux de la prière, les hommes spéciaux de la doctrine, les hommes spéciaux de la direction morale : elle devait avoir les hommes spéciaux de la charité.
D'ailleurs, ces spécialités sont commodes; nous nous en arrangeons volontiers.
Qu'on me dispense de la fatigue de chercher et de l'embarras de me décider! Qu'on me dise ce qu'il faut croire et ce qu'il faut faire! Qu'on achève de me mettre à l'aise en prenant ma place dans l'accomplissement de mes devoirs vis-à-vis des malades et des indigents !
N'y a-t-il pas des gens pour cela? C'est leur métier, ce n'est pas le mien. Les spécialités religieuses et charitables agiront pour moi comme elles prient pour moi; je donnerai les aumônes qu'on m'impose comme j'exécute les actes qu'on m'ordonne, comme je récite les formules qu'on me prescrit, comme je me soumets aux pénitences qu'on m'inflige. Prenez mes écus, et laissez-moi tranquille !
Il est difficile d'être chrétien à meilleur marché.


III

Telles sont, messieurs, les deux tendances que nous voyons aux prises depuis dix-huit cents ans. D'un côté l'individu, de l'autre le mécanisme.
Pour me renfermer dans la question qui nous occupe, je constate ceci : autant le mécanisme charitable est étranger aux Églises apostoliques, autant il se développe de siècle en siècle, à mesure que le salut par grâce disparaît sous les pratiques, à mesure que la foi personnelle s'efface, que les procédés pour gagner le ciel se multiplient, que le culte en esprit se matérialise, que les relations directes de chaque âme avec Dieu s'interrompent, que le sanctuaire ouvert se referme, et que le peuple ne voit plus devant lui que le sacerdoce et la direction.
La charité se transforme en aumône; en aumône distribuée par les prêtres ou par les corporations, C'est-à-dire que les rapports directs de l'homme avec l'homme s'interrompent, aussi bien que les rapports directs de l'homme avec Dieu,

L'Écriture veut que l'homme rencontre l'homme, que le pauvre rencontre le riche, que le malade rencontre le bien portant. En retranchant ces rencontres-là on retranche la seule solution bienfaisante des problèmes sociaux.

Si je souffre et si je n'ai devant moi que des organisations de charité, des hôpitaux, des secours officiellement répartis, des agents spéciaux accomplissant les devoirs de leur vocation, mon coeur n'est pas touché. J'éprouverai sans doute une admiration sincère, un profond respect pour le dévouement de ces délégués de la bienfaisance collective; cependant je verrai toujours en eux, du plus au moins, les rouages. de cette machine charitable mise en mouvement soit par des impôts, soit par des contributions volontaires; de cet engin qui fonctionne régulièrement; qui répand systématiquement des aumônes glacées; de ce mécanisme dont j'entends bien les bruits réguliers et monotones, mais où je ne surprends ni tressaillements ni palpitations.
Que les relations s'établissent au contraire, que l'Évangile me restitue l'homme, tout est changé. Une main a pressé ma main, quelqu'un s'est intéressé à ma souffrance, j'ai en face de moi un visage que j'apprends à connaître, une âme que j'apprends à aimer. Ainsi naît la réciprocité des affections, ainsi disparaît peu à peu le venin des questions sociales qui menacent notre vieux monde, et auxquelles le nouveau monde fera bien de penser aussi.

Je me borne à indiquer, sans y pénétrer plus avant, ce problème de la charité pratique; il m'entraînerait trop loin. Mais dès à présent je constate deux faits : en premier lieu, l'action dominante de l'individu; en second lieu, les limites imposées à cette action. Pour qu'elle soit ce qu'elle doit être, il importe qu'elle ne s'étende pas au delà.
Dès l'instant où notre charité individuelle, franchissant le cercle des familles que nous connaissons, que nous suivons, dont nous savons les besoins et avec lesquelles des relations véritablement sympathiques peuvent s'établir, éparpille de droite et de gauche les secours dont elle dispose, elle devient elle-même, non-seulement inefficace, mais funeste et malfaisante.

La charité banale, les aumônes de la porte, les dons sollicités et envoyés par correspondance, nuisent autant que les assistances officielles aux vrais intérêts de la charité (3).


IV

J'ai nommé les hôpitaux; vous comprenez, messieurs, que je ne les aime guère.
Sans doute, il en faut. Quelques hôpitaux, en petit nombre et de petite dimension, répondent à des besoins réels. Mais éloignons-nous le plus tôt possible de la tradition latine qui a couvert l'Europe de ces immenses palais de la pauvreté, dont la construction, pendant longtemps, semblait l'oeuvre par excellence. Pour le moyen âge, tout se résumait dans ces deux formes de charité : les corporations et, les hospices. On dotait les corporations, on bâtissait des hospices, On soignait les malades, on secourait, les pauvres et par les hospices. et par les corporations. Les siècles qui ont suivi le moyen âge ont continué à marcher dans le même chemin. Cela est si commode, cela est si conforme au génie administratif de l'Europe! cette charité organisée laisse si bien en repos les individus et les sociétés!

Nous-mêmes nous subissons plus que nous ne le croyons peut-être l'influence de l'esprit latin. Chaque jour il se crée des hôpitaux dont la charité se serait passée, d'ont l'égoïsme ne se passe pas. Sauf les cas exceptionnels qui demandent des moyens exceptionnels, il est déplorable d'enlever un malade aux soins de sa famille et de la dispenser ainsi des devoirs que Dieu lui avait imposés. Nos devoirs sont nos privilèges. Gardez-vous bien de nous en priver. Une famille se sentira peut-être soulagée quand on la délivrera de son malade pour le porter à l'hôpital; oserions-nous dire qu'un pareil soulagement est une bénédiction ? Les soins de la famille ont un tel prix, au contraire, ils l'emportent tellement, au point de vue de la guérison, sur les soins des hôpitaux les mieux organisés, qu'à Paris, par exemple, l'administration publique a fini par reconnaître l'incontestable supériorité de ceux-là sur ceux-ci. D'année en année cette administration donne aux secours à domicile une importance qui va croissant.

Je frémis lorsque je vois fonder dans les meilleures intentions, cela va sans dire - des hospices de vieillards!
Mettre ensemble toutes ces infirmités, toutes ces langueurs, toutes ces tristesses!
- Si quelqu'un a besoin de la famille, c'est le vieillard. Il faut autour de lui de la jeunesse, des rires, des enfants. Il aime les enfants et les enfants l'aiment. Or quoi de plus aisé, je vous le demande, que de placer dans des familles particulières les vieillards indigents et solitaires? Avec le quart de l'argent que vous mettez à bâtir, que vous consacrez à meubler et à soutenir un hospice, vous payerez des pensions de vieillards dans les villages, au bon air de la campagne. Cela fera moins de bruit, cela fera. plus de bien.

Le principe chrétien qui substitue la charité individuelle et l'action de la famille aux mécanismes et aux hôpitaux, trouve ainsi dans la pratique une application infiniment plus étendue qu'on ne l'avait imaginé.
Prenez les aliénés, même les fous furieux dont l'état violent semblerait exiger impérieusement l'emploi d'asiles spéciaux, la famille s'en chargera, la famille les calmera.
Nos voisins de Belgique, par une expérience ancienne et répétée, nous montrent des villages où les insensés de toutes les espèces, reçus, choyés, associés aux joies de l'intérieur, intéressés aux travaux de la campagne, sont heureux, et souvent guéris pardessus le marché.
Est-ce à dire qu'il n'y ait pas à préparer, dans une certaine mesure, des serviteurs de l'Évangile, particulièrement doués, possédant des connaissances exceptionnelles, soutenus par un goût positif, pousses par des aptitudes décidées au soin des malades, ayant, en un mot, une vocation qui devient une profession? Nul ne le met en doute. Si réduit que nous fassions le nombre des hôpitaux, encore faut-il que les hôpitaux soient desservis. Or le service des hôpitaux ne s'apprend pas tout seul. La meilleure volonté du monde ne peut tenir lieu ni du savoir ni de l'habileté.

Ajoutons que plus se développent les soins à domicile, plus il importe d'avoir sous la main des gardes-malades bien qualifiées, disponibles, et de recevoir ainsi, chez soi, les secours de l'art qu'on allait demander aux établissements publics.
Pour ce double motif, instruisons et formons des infirmières indépendantes. Elles s'occuperont des riches, elles s'occuperont des pauvres.
À ceux qui prétendent que sans un costume religieux, que sans le caractère monacal de la corporation, que sans la double protection du nom et de l'habit, que sans être une soeur de charité, reconnue pour telle, nos infirmières ne, sauraient impunément pénétrer dans certains quartiers des grandes villes, l'expérience a répondu.
Les femmes de la Bible visite chaque jour les bouges de Londres; j'ai vu de jeunes femmes chrétiennes monter à Paris les plus sales escaliers des plus sales maisons; les unes comme les autres étaient partout respectées.
Et la ville où vous êtes réunie, messieurs, ne possède-t-elle pas sa vaillante armée d'amies des pauvres, qui jamais n'a reculé, même devant les five-points?


VI

Cette simplicité, bonne pour le temps des apôtres, n'a plus suffi, bien entendu, lorsqu'on a perfectionné l'Évangile, lorsqu'on a organisé le grand mécanisme romain. Alors ont paru les corporations monastiques. Je n'en ferai pas l'histoire; je constate seulement ceci : que les soeurs de charité catholiques ont servi de modèle à ces soeurs de charité protestantes dont les maisons se sont multipliées en Europe, et qu'on voudrait acclimater chez vous.
Je sais par où se marquent les différences qui existent entre les soeurs catholiques et les soeurs protestantes. Je sais aussi que les ressemblances dépassent de beaucoup les différences, et que ces dernières ont plus d'apparence que de réalité.
Au reste ne craignez rien, je ne me laisserai pas entraîner à des appréciations malveillantes. J'éprouve un sincère respect pour les soeurs protestantes et pour leur dévouement. Parmi les fondateurs de ces institutions nouvelles, je compte des parents et des amis; je comprends d'autant mieux l'entraînement auquel ils cèdent que j'y ai cédé moi-même, recommandant l'oeuvre à ses débuts. Aussi mon opinion je l'espère, et peut-être le penserez-vous avec moi, - cette opinion à laquelle je ne suis arrivé que par un sérieux travail d'examen de conscience, pèsera-t-elle de quelque poids aux yeux des hommes impartiaux.  

1. La lecture de ce travail figurait dans le programme de l'Alliance évangélique, convoquée en Amérique pour le mois d'août 1870. Tous les pays du monde protestant y envoyaient leurs mandataires. On sait quelles catastrophes ont empêché cette belle manifestation qui aura lieu cette année 1873. Le mémoire que nous donnons ici doit y être lu.
.
2. Ou soeurs de charité protestantes.
.
3. Il s'est établi dans plusieurs de nos villes des bureaux d'assistance et de renseignements (a) dont on ne saurait trop recommander l'universelle propagation. Celui de Genève, dirigé par M. Édouard Fatio, nous paraît offrir le modèle à suivre.
Là, des hommes dévoués, éclairés, charitables au sens profondément vrai du mot, reçoivent, dépouillent, examinent cette énorme correspondance du paupérisme écriveur et demandeur, cette montagne de lettres sous laquelle, avant eux, succombaient éperdus et ne sachant où trouver la lumière, les habitants de nos cités et de leurs environs.
Après avoir pris une connaissance sommaire des requêtes, chacun les envoie au bureau, se bornant à y faire également passer le solliciteur lorsque celui-ci vient chercher une réponse, c'est-à-dire toucher le mandat qu'il a tiré sur la fatigue ennuyée, sur la paresse, sur l'égoïsme, ni sur l'égoïsme pressé d'en finir vite et à tout prix, encore plus que sur la charité.
Le bureau, qui tient en main toutes les demandes, qui connaît toutes les origines, dont l'oeil vif et clairvoyant a pénétré partout, tantôt et lorsqu'il s'agit de quémandeurs attitrés, de fainéants, de débauchés, met son veto absolu; tantôt et lorsqu'il s'agit soit d'un coup de collier à donner pour tirer une famille du mauvais pas, soit d'un secours plus prolongé, ou d'un apprentissage, ou d'un rapatriement, appuie fortement le solliciteur en même temps qu'il met au service du patron et son expérience et sa bonne volonté, afin de l'aider à placer, à surveiller, à sauver. - Ajoutons que le bureau s'efforce, avant tout, de procurer du travail aux indigents, cherchant à les tirer de ce bourbier fangeux qui s'appelle mendicité.
Qui dira le mal qu'ont empêché les bureaux, les ignobles comédies qu'ils ont déjouées, les pourritures. qu'ils ont nettoyées, les misères incomparables qu'Ils ont relevées, les secours puissants qu'ils ont donnés, les liens effectifs qu'ils ont établis entre le riche et le pauvre, l'incontestable bien qu'ils ont accompli, qu'ils accomplissent chaque jour?
Mais il y faut, des deux parts, une même persévérance et une même vigueur.
Si le bureau ne rencontre devant lui que mollesse, qu'hésitation; si on ébranle son action par de continuelles inconséquences ; si aujourd'hui par lassitude et pour se débarrasser promptement d'un solliciteur ennuyeux, si demain par une sorte de sensibilité mal conçue et mal appliquée, les destinataires des lettres, au lieu de les renvoyer au bureau et de suivre l'affaire, lâchent une aumône, quitte à s'en repentir après, le bureau, malgré tous ses efforts, verra sa marche entravée et les résultats de son travail compromis.
Quant à nous, persuadés que les fondateurs de l'Assistance renseignée font une oeuvre excellente, qu'ils rendent un service tiers ligne aux pauvres et à la société; les ayant vus, ces bons journaliers de l'Évangile, loyalement consacrés au labour du jour, succomber parfois sous les fatigues de la tâche, sous les inconsistances, sous l'aveugle incompréhension, même sous le blâme de ceux qui devraient les bénir en leur prêtant main-forte, nous éprouvons le besoin de rendre ici un solennel témoignage à leur dévouement, à leur oeuvre, à son utilité.
Deux mots encore sur cette autre institution que vient également de voir éclore Genève.

Un homme de grande capacité, M. Henri Barbey, après avoir passé trente années aux affaires, en Amérique, ce pays où tous les encouragements possibles sont donnés à l'épargne, rentré dans sa patrie, la Suisse, a été frappé de ce fait, que notre population - tant la population agricole que la population industrielle - ne sait ce que c'est que d'économiser et qu'elle perd des sommes fabuleuses en gaspillages, en mauvais plaisirs, en boisson.
Ces déplorables réalités, le besoin de surmonter le mal par le bien, ont suggéré à Mr. Henri Barbey l'idée à la fois généreuse et pratique de fonder une caisse mutuelle pour l'épargne, dont Genève serait le siège, mais qui s'ouvrirait à toute la Suisse romande.
La caisse, ouverte en effet au moins de juillet 1873, a fonctionné dès le premier jour. Munie de capitaux qui lui donnent un crédit de premier ordre, elle reçoit les dépôts depuis vingt centimes jusqu'à mille francs. À partir &un franc, elle paye l'intérêt au 4 % Au bout de l'année, elle distribue les profits entre tous les déposants, proportionnellement à leurs apports. La caisse par conséquent, outre les intérêts payés, travaille gratuitement pour ses déposants, et leur assure des bénéfices qui deviendront un énergique stimulant à l'ordre, à l'économie, à la prévoyance.
Impossible de mieux comprendre les besoins de l'époque, d'opposer un plus vrai remède au poison du socialisme, de tendre une main plus fraternelle à quiconque veut, échappant au désordre et à la débauche, assurer le fruit de ses labeurs et le pain de l'avenir.
 
.
(a) Parfaitement libres, entièrement dus à l'initiative et à la consécration individuelle de ceux qui les ont fondés.
Chapitre précédent Table des matières Chapitre suivant