Il n'y a qu'un remède. Je viens de l'indiquer: la
famille restituée par la Parole de Dieu.
Chaque époque de l'histoire fournit à
l'Évangile une nouvelle mission. La mission moderne,
pour l'Évangile, consiste à refaire la
famille, que tous les socialismes conjurés
s'efforcent d'anéantir.
Socialisme impie, socialisme pieux, socialisme des
idées, socialisme des faits, socialisme des bonnes
oeuvres, socialisme des mauvaises, et le terrible socialisme
des manufactures et le socialisme non moins terrible des
éducations et le socialisme général du
nivellement universel, chacun bat en brèche la
famille chacun va démolissant. à qui mieux
mieux l'individu.
Tout est bien nivelé par vos chemins de fer,
Tout est grand, tout est beau, mais on meurt dans votre
air!
On meurt dans notre air! Nos sociétés
humaines n'ont plus de place pour le coeur humain. Il n'y a
plus moyen d'être quelqu'un l'individu étouffe.
En présence de ce géant qui grandit sans cesse
; l'État! l'individu s'amoindrit de plus en plus.
Qui le protégera? qui le mettra au large?
Pour le protéger, il faut, affirme-t-on, des
êtres collectifs qui puissent opposer une
résistance à l'État ! Et l'on invente
des phalanstères plus ou moins mitigés, et
l'on nous ramène au couvent, et l'on ne voit pas que
l'être collectif par excellence, celui que Dieu a
prépare pour sauvegarder l'individu, celui qui
crée, celui qui maintient, Celui qui
développe, celui qui ennoblit souverainement la
personne humaine, c'est la famille, Le chef-d'oeuvre de
Dieu!
Vis-à-vis de la famille vous avez un autre
être collectif, puissant, bienfaisant, fondé
par l'Évangile: l'Église. L'Église et
là famille se soutiennent et s'arcboutent pour former
l'édifice complet. J'entends ici la véritable
Église, l'association des hommes qui par un libre
mouvement de la conscience et parce qu'ils ont donné
leur coeur à Jésus, se déclarent
chrétiens. La famille chrétienne,
l'Église selon Christ, opposant le seul grand
obstacle à l'absorption de l'individu par le grand
tout phalanstérien, sauveront seuls la
société. Il n'y a que l'Église, il n'y
a que la famille pour tenir tête au socialisme
ascendant. Ou le socialisme ou l'Évangile, ou
l'État, ou l'homme. La guerre est engagée, le
bien et le mal combattent à ciel ouvert, chacun sous
sa couleur : il faut choisir.
Ce qui nous y contraindra, c'est que le
paupérisme monte, lui aussi. En dépit, souvent
en vertu même des institutions charitables
destinées à le conjurer, le flot se gonfle et
le mal s'étend. Il ne s'agit plus d'appliquer des
palliatifs. Ce débordement-là, ces
souffrances-là demandent une solution.
L'Évangile et la famille, la famille par
l'Évangile, je ne connais point d'autre salut.
Hâtons-nous.
Qui aurait le courage d'attendre? qui oserait
temporiser? La misère, la corruption,
l'émiettement, n'attendent pas, ne temporisent pas.
Si nous ne nous portons en avant, armés de
résolution et de foi, ils auront vite achevé
l'effondrement final!
Nous, les gens du Livre, les gens de la famille,
nous
avons notre socialisme à nous, sachez-le bien. Nous
prétendons réformer la société.
Seulement, au lieu de demander aux lois un nivellement qui
l'écrase, nous demandons à l'Évangile
une libération qui la relève.
Changer les coeurs! la réforme sociale est
là tout entière, vraie, profonde,
complète, radicale. Trouvez-en une meilleure, je vous
mets au défi!
Au surplus, aimons la société humaine.
Le monde appartient à ceux qui l'aiment.
Quand l'amour chrétien, pressant nos coeurs,
aura conquis le retour progressif à la vie de
famille, une immense révolution commencera de
s'accomplir. Cette révolution ne sera pas morale
seulement, elle remaniera partout les conditions de
l'existence, elle fera partout remonter les niveaux.
Prenez le budget de l'ouvrier, rien que cela. Au
lieu
du budget de l'égoïsme et du désordre,
que ce budget devienne le budget de la famille;
retranchez-en les dilapidations du lundi, le laisser-aller
de chaque jour, les débauches périodiques;
comptez après. Vous trouverez des millions et des
centaines de millions ajoutés aux ressources du
travailleur (1).
En même temps que les ressources
croîtront, le bonheur naîtra, les affections
légitimes reparaîtront, la santé morale
s'épanouira, faisant fleurir avec elle la
santé du corps. Car tout se tient, car tout
périt, âme et corps, dans ces bas-fonds du
paupérisme socialiste où nous enfonçons
à chaque pas.
En face de la machine, qui menace de machiniser
l'espèce humaine, redressons la famille,
vivifiée par la Parole de Dieu. La famille
créera des besoins, des tendresses, des forces, des
indépendances toutes nouvelles; elle créera
des devoirs aussi : le devoir! cette puissance qui a le
secret des énergies, cette austérité
qui a le mot du bonheur.
La famille résoudra le problème des
salaires insuffisants.
La famille résoudra le problème des
ouvrières isolées, que perd l'abandon.
La famille résoudra le problème des
logements insalubres.
La famille résoudra le problème de la
charité, de la vraie charité, de celle qui
fait du bien et qui ne fait pas de mal.
Voyez ces admirables femmes de la Bible ! J'y
reviens; messagères de la famille, elles
pénètrent journellement au fond des quartiers
les plus redoutables de Londres, elles vont dans les taudis
les plus répugnants annoncer l'Évangile et
reconstituer la famille. C'est là le caractère
de leur mission. Elles enseignent aux mères »
à tenir leur ménage en ordre, à aimer
leur mari, à bien élever leurs enfants. Elles
introduisent la propreté dans les tanières
infectes, elles y amènent l'économie, le
bien-être, le goût, ne craignant pas de mettre
la main à l'oeuvre pour accomplir ces humbles
réformes qui sont les grandes. Peu à peu les
intérieurs sordides et délabrés se
transfigurent; au lieu d'éloigner, ils attirent, on
s'y trouve heureux, on y revient volontiers, on y reste et
la misère est vaincue, et la famille a
triomphé.
La famille s'emparera de toutes les institutions
saines et bonnes, pour les assurer, pour les
développer. Ainsi les caisses d'épargne; ainsi
les sociétés de secours mutuels
(2),
sociétés si éminemment propres à
réveiller l' esprit d'initiative, à relever le
moral; ainsi les bains et lavoirs, qui favorisent la
propreté, cette vertu presque inséparable de
l'Évangile, ainsi et par dessus tout la construction
des maisons d'ouvriers, cette oeuvre excellente de notre
temps, qui parla persévérance crée la
race des acquéreurs, qui par le labeur crée la
race des propriétaires, c'est-à-dire des
hommes de famille, c'est-à-dire des hommes de
résolution, de vaillance et à
liberté.
L'Évangile et la famille fermeront bon nombre
d'hôpitaux, bon nombre d'asiles; en revanche, ils
porteront des secours à domicile, ils fourniront des
infirmières sans guimpes et sans béguins; ils
replaceront dans ce nid chaud et velouté, qui
s'appelle un intérieur chrétien, les
déshérités, les abandonnés
d'ici-bas.
L'aumône s'exercera.
Si, jetée au hasard, elle agrandit les plaies;
si la charité du couvent engendre des populations
mendiantes, totalement dépourvues de courage et
d'honneur; si, pratiquée de la sorte, l'aumône
se fait socialiste, détruisant le travail,
détruisant la famille, détruisant l'individu;
il n'en reste pas moins vrai que le don doit subsister, que
donner avec amour est toujours un privilège, que
recevoir avec simplicité est parfois un devoir. Il y
a des brèches à réparer, il y a des
obstacles à renverser, il y a des ruines à
redresser.
L'aumône qui, machinisée, enfante le
paupérisme; l'aumône dont les distributions
officielles et régulières aggravent toujours
le mal; l'aumône a pour mission de parer aux
accidents, de subvenir aux infortunes exceptionnelles, de
remédier aux maladies, de pourvoir aux chômages
involontaires, d'empêcher les désastres, de
secourir quand elle ne peut sauver. L'aumône, ainsi
comprise, donne de vigoureux, de fraternels coups de main
sans lesquels, à certains moments d'orage, et l'homme
et la société périraient. Pour cela,
pour ces élans, pour ce tact, pour ce respect de
l'individu, pour ces sympathies qui soulagent sans
écraser, qui aident sans suppléer, je vous
défie de trouver un autre agent que la famille, un
autre moteur que des coeurs réchauffés,
vivifiés, éclairés par la famille.
Supprimer la bienfaisance, supprimer les
compassions,
supprimer la parente humaine; jamais la famille ne
supportera cela!
Les gens qui, les deux pieds sur leurs chenets, au
sortir d'un bon dîner, pérorent doctement sur
les dangers de l'aumône, concluant que toute
charité bien ordonnée consiste à ne
rien donner à qui que ce soit, ces gens-là
n'ont jamais rencontré le regard
enfiévré, dont jamais entendu cette voix
creuse de l'homme qui a faim!
Il suffit de visiter les pauvres et les malades, il
suffit de pénétrer dans certains
réduits pour comprendre que la suppression de
l'aumône est la plus. impossible des
impossibilités.
Essayez de manger, après avoir vu cinq ou six
affamés autour d'une soupière à
moitié vide! Essayez de vous chauffer, après
avoir vu des enfants grelotter devant un âtre
éteint! Essayez de dormir, après avoir vu le
grabat sans draps, sans couvertures, parfois le tas de
chiffons où se pelotonnent et s'entortillent comme
ils peuvent des membres congelés !
Allez, vous mettrez ici de la 'viande et du pain,
là vous mettrez du bois, ailleurs ce sera des
vêtements, du linge, de la propreté; partout
vous apporterez des sollicitudes, des prévoyances
avec des tendresses, vous ne pourrez autrement! Alors, sous
ces chaudes haleines quelque chose qui vaut mieux que le
bien-être éclora; ce quelque chose, c'est la
fraternité dans ce qu'elle a de plus cordial, de plus
ému et de meilleur.
La famille vous enseignera cela. Vous ne pourriez
embrasser vos enfants si vous n'aviez fait cela.
Regardez l'oeuvre de charité pendant la crise
du Lancashire! On n'a pas donné seulement des livres
sterling, on s'est donné. Il y avait des femmes
riches qui laissaient leurs riches salons pour
s'établir durant des journées entières
dans les écoles d'ouvriers, ranimant le courage de
développant l'intelligence de ceux-là, passant
de l'école aux intérieurs
dénués, appliquant les secours bien entendus
partout où se faisaient sentir les besoins. Ces
femmes voyaient par leurs propres yeux, ces femmes tendaient
leurs mains vaillantes, aux mains affaiblies, ces femmes
priaient, et le trait d'union s'établissait, le noeud
se serrait entre les classes indigentes et les classes
opulentes, le problème social se résolvait
sans longs discours, sans gros livres, tout simplement par
l'action bénie de la famille dont l'Évangile
avait touché le coeur.
Que la famille exige de l'État certaines
réformes, qu'elle obtienne des traités
internationaux pour supprimer radicalement le travail des
femmes et des enfants dans les manufactures, qu'elle fasse
voter des lois pour fixer le maximum des heures de travail
de l'ouvrier, pour assurer le repos du dimanche, pour
obtenir une forte augmentation du salaire en cas de veilles,
pour fermer tout logement malsain, pour restreindre le
nombre des cabarets, pour astreindre à des
règlements sévères tout débit de
vins ou de liqueurs, pour flétrir l'ivrognerie, pour
châtier les ivrognes; et la famille aura
triomphé. Nous assisterons, grâce à la
famille restaurée par l'Évangile, à la
plus belle victoire qui ait été accomplie,
sous les cieux.
Un temps viendra, je l'espère, où nos
successeurs ne voudront pas croire aux souffrances dont les
cris montent vers Dieu à l'heure, même
où je parle. Ils ne voudront croire ni au travail
forcé des femmes, ni au travail forcé des
enfants, ni au travail forcé des hommes, ni au
travail mal rémunéré de la nuit, ni aux
mères désertant la maison, ni aux familles
disloquées, ni aux désordres, ni aux
corruptions, ni aux remèdes pires que le mal, ni
à rien de ce que noue supportons maintenant.
Laissez l'Évangile refaire la famille, laissez
la famille refaire la société; je vous l'ai
dit, le monde, remis sur son axe, se relèvera.
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