Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

VIII

LE REMÈDE

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Il n'y a qu'un remède. Je viens de l'indiquer: la famille restituée par la Parole de Dieu.

Chaque époque de l'histoire fournit à l'Évangile une nouvelle mission. La mission moderne, pour l'Évangile, consiste à refaire la famille, que tous les socialismes conjurés s'efforcent d'anéantir.
Socialisme impie, socialisme pieux, socialisme des idées, socialisme des faits, socialisme des bonnes oeuvres, socialisme des mauvaises, et le terrible socialisme des manufactures et le socialisme non moins terrible des éducations et le socialisme général du nivellement universel, chacun bat en brèche la famille chacun va démolissant. à qui mieux mieux l'individu.
Tout est bien nivelé par vos chemins de fer, Tout est grand, tout est beau, mais on meurt dans votre air!
On meurt dans notre air! Nos sociétés humaines n'ont plus de place pour le coeur humain. Il n'y a plus moyen d'être quelqu'un l'individu étouffe. En présence de ce géant qui grandit sans cesse ; l'État! l'individu s'amoindrit de plus en plus.
Qui le protégera? qui le mettra au large?
Pour le protéger, il faut, affirme-t-on, des êtres collectifs qui puissent opposer une résistance à l'État ! Et l'on invente des phalanstères plus ou moins mitigés, et l'on nous ramène au couvent, et l'on ne voit pas que l'être collectif par excellence, celui que Dieu a prépare pour sauvegarder l'individu, celui qui crée, celui qui maintient, Celui qui développe, celui qui ennoblit souverainement la personne humaine, c'est la famille, Le chef-d'oeuvre de Dieu!

Vis-à-vis de la famille vous avez un autre être collectif, puissant, bienfaisant, fondé par l'Évangile: l'Église. L'Église et là famille se soutiennent et s'arcboutent pour former l'édifice complet. J'entends ici la véritable Église, l'association des hommes qui par un libre mouvement de la conscience et parce qu'ils ont donné leur coeur à Jésus, se déclarent chrétiens. La famille chrétienne, l'Église selon Christ, opposant le seul grand obstacle à l'absorption de l'individu par le grand tout phalanstérien, sauveront seuls la société. Il n'y a que l'Église, il n'y a que la famille pour tenir tête au socialisme ascendant. Ou le socialisme ou l'Évangile, ou l'État, ou l'homme. La guerre est engagée, le bien et le mal combattent à ciel ouvert, chacun sous sa couleur : il faut choisir.
Ce qui nous y contraindra, c'est que le paupérisme monte, lui aussi. En dépit, souvent en vertu même des institutions charitables destinées à le conjurer, le flot se gonfle et le mal s'étend. Il ne s'agit plus d'appliquer des palliatifs. Ce débordement-là, ces souffrances-là demandent une solution. L'Évangile et la famille, la famille par l'Évangile, je ne connais point d'autre salut.
Hâtons-nous.

Qui aurait le courage d'attendre? qui oserait temporiser? La misère, la corruption, l'émiettement, n'attendent pas, ne temporisent pas. Si nous ne nous portons en avant, armés de résolution et de foi, ils auront vite achevé l'effondrement final!
Nous, les gens du Livre, les gens de la famille, nous avons notre socialisme à nous, sachez-le bien. Nous prétendons réformer la société. Seulement, au lieu de demander aux lois un nivellement qui l'écrase, nous demandons à l'Évangile une libération qui la relève.

Changer les coeurs! la réforme sociale est là tout entière, vraie, profonde, complète, radicale. Trouvez-en une meilleure, je vous mets au défi!
Au surplus, aimons la société humaine. Le monde appartient à ceux qui l'aiment.
Quand l'amour chrétien, pressant nos coeurs, aura conquis le retour progressif à la vie de famille, une immense révolution commencera de s'accomplir. Cette révolution ne sera pas morale seulement, elle remaniera partout les conditions de l'existence, elle fera partout remonter les niveaux.

Prenez le budget de l'ouvrier, rien que cela. Au lieu du budget de l'égoïsme et du désordre, que ce budget devienne le budget de la famille; retranchez-en les dilapidations du lundi, le laisser-aller de chaque jour, les débauches périodiques; comptez après. Vous trouverez des millions et des centaines de millions ajoutés aux ressources du travailleur (1).
En même temps que les ressources croîtront, le bonheur naîtra, les affections légitimes reparaîtront, la santé morale s'épanouira, faisant fleurir avec elle la santé du corps. Car tout se tient, car tout périt, âme et corps, dans ces bas-fonds du paupérisme socialiste où nous enfonçons à chaque pas.

En face de la machine, qui menace de machiniser l'espèce humaine, redressons la famille, vivifiée par la Parole de Dieu. La famille créera des besoins, des tendresses, des forces, des indépendances toutes nouvelles; elle créera des devoirs aussi : le devoir! cette puissance qui a le secret des énergies, cette austérité qui a le mot du bonheur.
La famille résoudra le problème des salaires insuffisants.
La famille résoudra le problème des ouvrières isolées, que perd l'abandon.
La famille résoudra le problème des logements insalubres.
La famille résoudra le problème de la charité, de la vraie charité, de celle qui fait du bien et qui ne fait pas de mal.

Voyez ces admirables femmes de la Bible ! J'y reviens; messagères de la famille, elles pénètrent journellement au fond des quartiers les plus redoutables de Londres, elles vont dans les taudis les plus répugnants annoncer l'Évangile et reconstituer la famille. C'est là le caractère de leur mission. Elles enseignent aux mères » à tenir leur ménage en ordre, à aimer leur mari, à bien élever leurs enfants. Elles introduisent la propreté dans les tanières infectes, elles y amènent l'économie, le bien-être, le goût, ne craignant pas de mettre la main à l'oeuvre pour accomplir ces humbles réformes qui sont les grandes. Peu à peu les intérieurs sordides et délabrés se transfigurent; au lieu d'éloigner, ils attirent, on s'y trouve heureux, on y revient volontiers, on y reste et la misère est vaincue, et la famille a triomphé.
La famille s'emparera de toutes les institutions saines et bonnes, pour les assurer, pour les développer. Ainsi les caisses d'épargne; ainsi les sociétés de secours mutuels (2), sociétés si éminemment propres à réveiller l' esprit d'initiative, à relever le moral; ainsi les bains et lavoirs, qui favorisent la propreté, cette vertu presque inséparable de l'Évangile, ainsi et par dessus tout la construction des maisons d'ouvriers, cette oeuvre excellente de notre temps, qui parla persévérance crée la race des acquéreurs, qui par le labeur crée la race des propriétaires, c'est-à-dire des hommes de famille, c'est-à-dire des hommes de résolution, de vaillance et à liberté.
L'Évangile et la famille fermeront bon nombre d'hôpitaux, bon nombre d'asiles; en revanche, ils porteront des secours à domicile, ils fourniront des infirmières sans guimpes et sans béguins; ils replaceront dans ce nid chaud et velouté, qui s'appelle un intérieur chrétien, les déshérités, les abandonnés d'ici-bas.
L'aumône s'exercera.

Si, jetée au hasard, elle agrandit les plaies; si la charité du couvent engendre des populations mendiantes, totalement dépourvues de courage et d'honneur; si, pratiquée de la sorte, l'aumône se fait socialiste, détruisant le travail, détruisant la famille, détruisant l'individu; il n'en reste pas moins vrai que le don doit subsister, que donner avec amour est toujours un privilège, que recevoir avec simplicité est parfois un devoir. Il y a des brèches à réparer, il y a des obstacles à renverser, il y a des ruines à redresser.

L'aumône qui, machinisée, enfante le paupérisme; l'aumône dont les distributions officielles et régulières aggravent toujours le mal; l'aumône a pour mission de parer aux accidents, de subvenir aux infortunes exceptionnelles, de remédier aux maladies, de pourvoir aux chômages involontaires, d'empêcher les désastres, de secourir quand elle ne peut sauver. L'aumône, ainsi comprise, donne de vigoureux, de fraternels coups de main sans lesquels, à certains moments d'orage, et l'homme et la société périraient. Pour cela, pour ces élans, pour ce tact, pour ce respect de l'individu, pour ces sympathies qui soulagent sans écraser, qui aident sans suppléer, je vous défie de trouver un autre agent que la famille, un autre moteur que des coeurs réchauffés, vivifiés, éclairés par la famille.
Supprimer la bienfaisance, supprimer les compassions, supprimer la parente humaine; jamais la famille ne supportera cela!
Les gens qui, les deux pieds sur leurs chenets, au sortir d'un bon dîner, pérorent doctement sur les dangers de l'aumône, concluant que toute charité bien ordonnée consiste à ne rien donner à qui que ce soit, ces gens-là n'ont jamais rencontré le regard enfiévré, dont jamais entendu cette voix creuse de l'homme qui a faim!
Il suffit de visiter les pauvres et les malades, il suffit de pénétrer dans certains réduits pour comprendre que la suppression de l'aumône est la plus. impossible des impossibilités.

Essayez de manger, après avoir vu cinq ou six affamés autour d'une soupière à moitié vide! Essayez de vous chauffer, après avoir vu des enfants grelotter devant un âtre éteint! Essayez de dormir, après avoir vu le grabat sans draps, sans couvertures, parfois le tas de chiffons où se pelotonnent et s'entortillent comme ils peuvent des membres congelés !
Allez, vous mettrez ici de la 'viande et du pain, là vous mettrez du bois, ailleurs ce sera des vêtements, du linge, de la propreté; partout vous apporterez des sollicitudes, des prévoyances avec des tendresses, vous ne pourrez autrement! Alors, sous ces chaudes haleines quelque chose qui vaut mieux que le bien-être éclora; ce quelque chose, c'est la fraternité dans ce qu'elle a de plus cordial, de plus ému et de meilleur.
La famille vous enseignera cela. Vous ne pourriez embrasser vos enfants si vous n'aviez fait cela.

Regardez l'oeuvre de charité pendant la crise du Lancashire! On n'a pas donné seulement des livres sterling, on s'est donné. Il y avait des femmes riches qui laissaient leurs riches salons pour s'établir durant des journées entières dans les écoles d'ouvriers, ranimant le courage de développant l'intelligence de ceux-là, passant de l'école aux intérieurs dénués, appliquant les secours bien entendus partout où se faisaient sentir les besoins. Ces femmes voyaient par leurs propres yeux, ces femmes tendaient leurs mains vaillantes, aux mains affaiblies, ces femmes priaient, et le trait d'union s'établissait, le noeud se serrait entre les classes indigentes et les classes opulentes, le problème social se résolvait sans longs discours, sans gros livres, tout simplement par l'action bénie de la famille dont l'Évangile avait touché le coeur.

Que la famille exige de l'État certaines réformes, qu'elle obtienne des traités internationaux pour supprimer radicalement le travail des femmes et des enfants dans les manufactures, qu'elle fasse voter des lois pour fixer le maximum des heures de travail de l'ouvrier, pour assurer le repos du dimanche, pour obtenir une forte augmentation du salaire en cas de veilles, pour fermer tout logement malsain, pour restreindre le nombre des cabarets, pour astreindre à des règlements sévères tout débit de vins ou de liqueurs, pour flétrir l'ivrognerie, pour châtier les ivrognes; et la famille aura triomphé. Nous assisterons, grâce à la famille restaurée par l'Évangile, à la plus belle victoire qui ait été accomplie, sous les cieux.

Un temps viendra, je l'espère, où nos successeurs ne voudront pas croire aux souffrances dont les cris montent vers Dieu à l'heure, même où je parle. Ils ne voudront croire ni au travail forcé des femmes, ni au travail forcé des enfants, ni au travail forcé des hommes, ni au travail mal rémunéré de la nuit, ni aux mères désertant la maison, ni aux familles disloquées, ni aux désordres, ni aux corruptions, ni aux remèdes pires que le mal, ni à rien de ce que noue supportons maintenant.
Laissez l'Évangile refaire la famille, laissez la famille refaire la société; je vous l'ai dit, le monde, remis sur son axe, se relèvera.

1. Ceux qui savent combien d'objets indispensables, de lits entre autres, sont engagés au mont-de-piété quand vient le carnaval, ne trouveront pas exagérés les chiffres que je donne ici.
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2. Appliquées aux femmes de même qu'aux hommes.
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