Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

VIII

LES HABITUDES SOCIALISTES

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Chacun les connaît, chacun les a nommées, ces habitudes subversives de la famille. Je n'en dirai que deux mots.

Autrefois on avait le cabaret. Le XIXe siècle, plus délicat, plus hypocrite peut-être, a le cercle, a le club, ce refuge ouvert à l'égoïsme contre les devoirs de la tendresse, ce chez soi bâtard préparé pour ceux qu'ennuient la femme et les enfants, cette manière aisée de se procurer un foyer sans être plus ni mari ni père, cet intérieur bien chauffé, bien éclairé, bien fourni de tout ce qui rend la vie matérielle douce et veloutée, parfois ce palais, organisé pour l'homme qu'éloigne une pauvre demeure d'où l'économie a nécessairement banni le luxe, où les bûches sont rares, les tapis minces, les meubles simples, les servantes novices, où l'on ne trouve ni billard ni jeux de cartes, où les marmots pleurent souvent, font du bruit toujours, où la femme raconte ses peines, implore le secours, où l'on rencontre les exigences de la conscience, mais aussi les bons regards, les douces caresses, de petits bras aimants, des voix qui pénètrent le coeur, des faiblesses qui font sentir le bonheur de protéger, d'être homme, chef, responsable et roi!

D'abord on n'accordait au club qu'un moment. Parcourir quelques journaux, serrer la main à deux ou trois amis, savoir les nouvelles, on n'en demandait pas plus. Puis l'instant se prolonge, le club est gai, chaud en hiver, frais en été, on y fait ce qu'on veut, comme on veut, et l'on y reste, et la femme, seule au foyer désert, s'en tire comme, elle peut N'a-t-elle pas ses devoirs pour lui tenir compagnie? Peu à peu la pauvre créature, qui a gémi, qui a pleuré de son abandon., s'y accoutume, elle en prend. son parti; les vies se séparent absolument; si le mari revenait, la femme, en serait étonnée, presque scandalisée, elle ne saurait que faire de lui ! Les enfants connaissent à peine leur père. Ce père-là, qui ne les a jamais ni caressés ni grondés, ne dit rien! ni à leur sens moral, ni, à leur coeur. Vienne le collège, ils ne le connaîtront plus du tout.
Et le père à son tour rencontrera le désert. Quand arrivera l'âge, avec son cortège d'infirmités, quand le vide naîtra, quand le besoin d'un foyer s'éveillera dans l'âme du vieil égoïste, dès voix cassantes et sèches, répétant froidement la phrase consacrée: Mon père a son club! lui opposeront le fait, inexorable, implacable, d'une séparation qu'il a voulue, qu'il a opérée, qu'il a maintenue, et qui l'enfermera dans son anneau de fer.

Sans cercle et sans club, on vit séparé des siens. Le siècle y pousse, tous en subissent l'influence; les chrétiens eux-mêmes n'y échappent pas entièrement. Ce sont les comités, ce sont les voyages pieux, mille occasions dévotes d'échapper aux devoirs d'intérieur. On pourrait, à l'heure où net un enfant, tirer son horoscope sans risquer de se tromper beaucoup. S'agit-il des classes pauvres? Commencer par la crèche, finir par l'hôpital en passant par la manufacture, vivre loin de la famille, privé des forces et du bonheur qu'elle donne : tel est le destin. S'agit-il des classes riches? Le collège, puis le club, vivre exilé de l'intérieur, sevré des bonnes joies et des bonnes douleurs: tel west l'avenir.

Prenons-y garde. À ce jeu l'homme ne perd pas des félicités seulement, il perd son âme et son coeur, rien que cela. Le nivellement rabat tout, efface tout, les vies, les caractères, les individualités. Nous avons nos administrations très-perfectionnées; nous avons notre centralisation poussée au dernier degré; nous avons nos chemins de fer, nos télégraphes, nôtre luxe, nos mille manières de satisfaire nos mille appétits; nous avons tout, sauf des hommes.

Retrouvez la famille, je vous le dis encore une fois. Sans la famille, l'homme achèvera de périr.

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