Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

VI

LE MARIAGE ATTAQUÉ PAR LE SOCIALISME AU NOM DE LA PAROLE DE DIEU

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Voici la seconde attaque, plus générale, plus subtile, et qui trouve désarmés beaucoup de coeurs pieux.

Elle appelle une vigoureuse résistance, car c'est le rentre, c'est le Fort même de la famille qui se trouve ici menacé.
Si l'Évangile proclame à un degré quelconque la supériorité du célibat sur le mariage, la famille a reçu un coup mortel.
La famille pose, tout entière sur le mariage. Diminuez le mariage, réduisez le mariage à ne plus représenter qu'un minimum de sainteté, à ne plus être qu'une concession accordée aux faiblesses humaines; Tous le ruinez, et la famille avec lui.
Moine vient d'un mot grec qui veut dire seul.
Contradiction flagrante opposée à la déclaration de Dieu : « Il n'est pas bon que l'homme soit seul. »

N'importe &emdash; l'histoire est là pour nous le montrer, dès que le paganisme antique, se faisant chrétien, réussît à établir la supériorité morale du célibat; cette déclaration de Dieu, base de la famille, va s'effaçant peu à peu. Il devient impossible d'empêcher que les âmes délicates, altérées de perfection, ne tournent le dos aux vulgarités de la vie ordinaire pour se consacrer aux raffinements de la vie dévote. La vraie famille une fois supprimée, on a la famille spirituelle, qui en tient lieu; pour mesurer le ravage, il faut voir ce qu'elle fait de l'autre, il faut voir ce que deviennent les liens du sang aux yeux des grands saints monastiques; il faut voir de quelle façon les traite le communisme des Franciscains, des Fraticelli, des Beggards!
Mais sans aller jusqu'aux ordres mendiants, ouvrez les yeux. Partout où l'homme a donné sa démission, abdiqué son individualité, renié sa responsabilité, aliéné son trésor; partout où il s'est fait moine à un degré quelconque, il a rompu avec les tendresses de la famille; il en a méconnu les bienfaits; il en a trahi les devoirs. la sainte indifférence a paralysé son coeur. Sortir du monde, c'est-à-dire de la vie comme Dieu l'a créée, renoncer aux obligations qu'elle nous impose, éviter les luttes qu'elle met devant nous, briser les terrestres attaches : telles sont les formules de soi-disant perfection, que l'égoïsme signera toujours. Des religieux qui ne connaissent plus ni mères ni frères; des religieuses qui marchent sur le corps d'un père pour entrer au couvent, l'égoïsme nous donnera cela; il ne nous donnera ni les époux dans leur émouvant échange de consécration, d'amour et de sacrifices; ni le père et la mère dans leur dévouement; ni les vrais frères et les vraies soeurs dans leur amitié qui sait souffrir au besoin; ni pas un de ces renoncements continuels, habituels, pas une de ces bonnes batailles, pas un de ces triomphes bénis que la famille nous fait rencontrer à chacun des tournants du chemin.
Si l'on veut le type le plus achevé, si l'on veut la théorie la plus effrayante du saint égoïsme, on n'a qu'à prendre l'Invitation. Point de créatures! Tant qu'il reste des créatures, nous ne monterons pas d'un libre, élan vers Dieu! Impossible d'anéantir plus audacieusement l'humanité pour ne garder que le moi. Ce livre prétend nous enseigner nos devoirs, et nous n'y trouvons pas un mot sur la famille, sur ses droits, sur nos obligations envers elle ! Je ne connais guère de scandales pareils à cette lacune. L'anathème vaudrait mieux, il ne marquerait pas tant de mépris.
Un moine célèbre, le moine par excellence du monde moderne, Rancé, revient sans cesse dans ses écrits avec l'approbation de Bossuet, remarquez-le, et à la grande admiration du siècle - sur les ennuis qui accompagnent les affections, sur le suprême bonheur qu'on trouve à s'en délivrer, sur ce que le parfait religieux ne doit conserver ni la moindre parcelle d'une tendresse humaine, ni l'ombre d'un terrestre lien. Quant au mariage, cette pénitence, Rancé n'imagine pas de Trappe comparable à celle-là! - Jamais l'égoïsme claustral ne s'est, passez-moi le terme, plus cyniquement affirmé. Il faut retourner à Lycurgue pour trouver l'équivalent.
Les moines, au fond, sont des Spartiates. Jetés dans le moule du socialisme antique, toujours le même à travers les apparentes transformations, ils témoignent à la fois et de sa vitalité tenace et de son absolue stérilité.

Mettez en face le peuple dont Dieu Lui-même a réglé les lois : le peuple juif. - Où prendrez-vous le célibat sacré? où sont les anachorètes? montrez-moi un religieux!
Je vois un sacerdoce puissamment organisé, je vois le mariage assis dans sa pureté, dans son excellence, sur tous les degrés de la hiérarchie sacerdotale.
Les lévites sont mariés, les sacrificateurs sont mariés, leur chef souverain est marié, les prophètes sont mariés. Le paganisme, au même moment, il faut s'en souvenir, a bien soin de vouer au célibat une partie de son clergé. Seul entre tous, le peuple de Dieu ne connaît pas, n'admet pas cette sainteté factice, étrangère à l'état intérieur de l'âme, négation audacieuse de la divine création.
Et tout Comme le peuple de la Bible est le seul qui par les lois que Dieu lui a données, par son esprit, par ses moeurs, proteste contre la fausse doctrine du célibat saint; l'Evangile est la seule religion qui ne contienne ni un prétexte pour l'appuyer, ni une charge

Au temps de Moïse, les paganismes antiques avaient leurs prêtres et leurs prêtresses saintement célibataires en présence de ce fait, établit le mariage au coeur même du Sacerdoce, sur tous les degrés

Au temps de Jésus-Christ, la Palestine et l'Egypte avaient leurs thérapeutes et leurs esséniens, qui vivaient en communauté et ne Se mariaient pas. Si le célibat, si la communauté des biens, si l'existence conventuelle que menaient ces moines avant les monastères eussent présenté le moindre atome de perfection, Jésus aurait dit : Allez, et faites comme eux! - Non seulement Jésus ne l'a pas dit, mais ces spécimens de vie religieuse passent totalement inaperçus, restent absolument négligés de Celui qui nous veut parfaits, comme notre Père qui est aux cieux, est parfait.
Jésus, quand il parle de l'homme, déclare que Dieu l'a créé mâle et femelle, que l'homme quittera son père et sa mère pour se joindre à sa femme, que rien ni personne ne peut les séparer, car l'Éternel n'en a fait qu'un (1). Le Saint-Esprit, quand il donne ses directions aux Églises, proclame le mariage honorable entre tous (2). Il veut que les femmes âgées forment les jeunes à aimer leur mari, à être soumises à leur mari (3). Saint Paul, quand il réclame ses droits méconnus, insiste avec énergie sur celui qu'il a, bien que n'en usant pas, de mener avec lui une soeur femme, comme les autres apôtres et comme les frères du Seigneur (4).
Tels sont les enseignements.

Maintenant, voici les faits :
En présence des paganismes antiques - surtout du paganisme. oriental, - qui présentaient, répétons-le, de solennelles consécrations au célibat; en présence des essais Monastiques tentés sous leurs yeux par les esséniens et les thérapeutes, les apôtres, tous, sauf saint Paul, sont mariés. L'Esprit-Saint procède partout à la fondation, partout au règlement des Eglises, et ces règlements, dune simplicité divine, cette organisation que les hommes, occupés dans tous les temps à gâter l'oeuvre de Dieu, ont faussée depuis ,en la compliquant; cette organisation et ces règlements n'établissent que deux charges : celle d'ancien ou évêque, celle de diacre; toutes deux avec le mariage, base inébranlable, solidement planté au centre même de la vocation. « Que l'ancien soit mari d'une seule femme, présidant bien sa propre maison, tenant ses enfants dans la soumission avec une entière gravité. - Que les diacres de même soient maris d'une seule, femme, gouvernant bien leurs enfants et leur propre maison (5) ». - Il me semble que c'est clair (6).

Le célibat prend si peu le pas sur le mariage, il constitue si peu un état de sainteté supérieure, que l'Écriture n'en fait pas même mention. Le Mariage, en revanche, fermement posé, complète le caractère grave, éprouvé, des conducteurs de l'Église et de ses serviteurs.

Mais, dit-on, il y a des diaconesses! Vous les oubliez!

Des diaconesses! oui, sans doute, il y en a, Je connais peu de plus bel office, de plus oublié peut-être, que celui d'une diaconesse d'église, mariée, célibataire ou veuve, qui va faisant du bien, soignant, consolant, exerçant sa noble mission de servante des pauvres, des malades et des affligés. Partout où la véritable Eglise, conforme au modèle apostolique se relève et se constitue, elle établit des diacres, elle trouve et nomme des diaconesses, qu'elle choisit et qu'elle laisse dans toutes les situations où Dieu les a placées.
Vous parlez de leur célibat. Où l'avez-vous pris ? A coup sûr ce n'est pas dans les Écritures.
L'Ecriture parle une seule fois d'une diaconesse, d'une servante de l'assemblée, restituons le mot. Or voici ce qu'elle en dit par la bouche de Paul, s'adressant aux chrétiens de Rome : « Je vous recommande Phoebé notre soeur, laquelle est servante de l'assemblée qui est à Cenchrée, afin que vous la receviez en Notre-Seigneur d'une manière digne des saints et que vous l'assistiez en toute affaire où elle aurait besoin de vous, car elle a été en secours à beaucoup de personnes, et à moi-même (7) ». C'est tout. Vous ne trouverez pas, dans toute l'Écriture, un mot de plus sur l'office des diaconesses; à moins que vous ne voyiez en elles les femmes des diacres, dont il est dit : « Que les femmes de même soient graves; qu'elles ne soient point calomniatrices, qu'elles soient vigilantes, fidèles en toutes choses (8) ». Verset intercalé de telle sorte dans les prescriptions destinées aux serviteurs de l'Église, qu'il semble indiquer entre le mari et la femme un partage de devoirs et de consécration.
Quant à Phoebé, la diaconesse de Cenchrée, était-elle mariée, veuve, ou célibataire, l'Écriture ne le disant pas, nul n'en sait rien. Elle avait secouru Paul, d'autres fidèles, ainsi que le faisaient Priscille et Aquilas, dont le nom revient constamment et qu'on retrouve en tous lieux tandis que Phoebé parait une seule fois, traversant d'un pas rapide le sentier que parcourent les envoyés du Seigneur. Rattacher à sa personne une idée de célibat, c'est imaginer purement et simplement une fable que rien ne justifie et qui pose en l'air.

Mais les veuves?
Les veuves, dont on a voulu faire, une phalange sacrée, séparée de la famille, vivant d'une existence quasi monastique, auraient été bien étonnées du cadre tout de fantaisie où les place l'esprit socialiste, sous prétexte de sainteté. On s'est efforcé de découvrir en elles un corps constitué pour le service de l'Église. Il suffit d'ouvrir la Première Épître à Timothée, - seul endroit de la Parole, de Dieu, avec un mot des Actes où les veuves soient mentionnées - pour voir que si elle figurent dans l'organisation de l'Église, c'est à titre d'assistées, rien de plus, rien de moins.

Les Grecs, raconte saint Luc, ayant murmuré de ce qu'on négligeait leurs veuves, l'assemblée nomma sept diacres, sept hommes pleins d'esprit et de sagesse, qu'elle chargea spécialement du service des indigents (9). - Le livre des Actes ne contient pas un mot de plus.

Voici ce que disent les Epîtres de Paul. Paul veut que les enfants et petits enfants des veuves âgées restent, chargés d'elles, apprenant premièrement à exercer leur piété « envers leur propre maison, et à rendre à leurs parents ce qu'ils en ont reçu (10); il veut que si quelque fidèle a des veuves, il les assiste et que l'Eglise n'en soit point chargée, afin qu'elle assiste celles qui sont réellement veuves (11) ». La veuve, pour être enregistrée, c'est-à-dire admise au secours, ne doit pas compter moins de soixante ans; elle, doit-se trouver, nous Tenons de la voir, sans secours et sans appui, ayant acquis un bon témoignage quant à sa vie passée: « mais refuse, poursuit saint Paul, les veuves. plus jeunes, car lorsque par goût pour les voluptés elles se sont élevées contre le Christ, elles veulent sa marier, étant sous un jugement parce qu'elles ont annulé leur première foi, et en même temps étant oisives, elles vont de maison. en maison, et non-seulement oisives, mais encore causeuses et curieuses, elles apprennent à parler de choses malséantes, etc. (12) »

Entre la veuve réellement veuve, solitaire, dénuée, âgée de soixante ans, et la jeune veuve dissipée qui court de maison en maison, trouvez une place, si vous pouvez, pour la vocation que vous avez inventée! Y mettrez-vous les jeunes veuves paresseuses et curieuses, celles à qui saint Paul ordonne de se remarier, faisant ainsi du mariage, prenez-y garde, le seul remède à leur dérèglement? Y mettrez-vous les veuves qui ont achevé leur carrière, celles qu'on n'assiste qu'âgées, hors de combat? L'hypothèse tombe de soi-même. Ou renoncez à les assimiler aux diaconesses, ou déclarez que pour devenir diaconesse il faut, d'après saint Paul, avoir perdu son. mari; compter soixante ans, pas moins; ne plus posséder un parent; se trouver dans un dénuement absolu!
Le bon sens avec les faits, s'unissant pour démolir le rêve d'une institution qui n'a jamais existé, on se rabat sur l'utilité! L'utilité du célibat!
Sans le célibat, que seraient devenues certaines oeuvres? Sans le célibat, qui aurait entrepris les missions du VIe siècle? Sans saint Gall et saint Colomban, sans l'armée de moines qui les suivait, nous demeurions païens.
Pourquoi? Les missions apostoliques, bien plus difficiles, qui avaient à renverser toute une civilisation idolâtre, qui avaient à réfuter toute une philosophie païenne, qui avaient à transformer les sociétés, à renouveler le monde, rien que cela, ces missions, qui ne savaient pas ce que c'est qu'un moine, ont assez bien accompli leur oeuvre, convenons-en. Nos missions modernes, à nous les peuples de la Bible; nos missionnaires qui ont annoncé l'Évangile aux habitants de Taïti, des îles Fidgis, et qui de ces cannibales ont fait des hommes, qui de ces bêtes féroces ont fait des nations éclairées et chrétiennes; nos missionnaires, que n'empêchent d'avancer ni la mort violente, ni les climats empestés des côtes africaines, ni les miasmes délétères des jungles indoues, ni les glaces du Labrador, ni l'exil, ni les privations; ceux-là, qui ne sont pas moines, donnent aux idolâtres la grande leçon pratique de la vie selon l'Evangile dans son amplitude, dans ses affections, dans ses devoirs; ceux-là gagnent les grandes batailles du Christ!
Parlez-vous de charité, de consécration aux membres souffrants de, la famille humaine, d'un service actif et persévérant? Il me semble qu'Aquilas et Priscille, placés en tête des ouvriers de Jésus, prouvent dès le début qu'au point de vue utilitaire, le mariage chrétien vaut peut-être le célibat organisé.
Embrigadez tant qu'il vous plaira des célibataires; ils n'auront pas cette expérience des joies, ils n'auront pas cette connaissance des douleurs, ils n'auront pas cette puissance de sympathie et de virilité que donne la vie normale, avec son développement absolu, telle que Dieu l'a créée et telle qu'il la veut. A ceux qui nous montrent les soeurs sous leur coiffe blanche, nous montrerons nos simples diaconesses d'Eglise, vêtues comme tout le monde; nous montrerons nos garde-malades sans guimpe ni voile; nous montrerons nos femmes de la Bible, leur vaste panier au bras; épouses et mères, indépendantes et fortes, dans la modestie d'un dévouement que ne signale à l'admiration publique ni costume, ni dénomination, ni direction, ni genre de vie particulier, et qui accomplissent au sein des villes les plus corrompues ces régénérations du coeur et des habitudes, ces relèvements par l'exemple, ces réformes des existences perdues, ces reconstructions de la famille écroulée, dont jamais la célibat systématique, quelque saint que vous le fassiez, ne serait venu à bout, car il n'en possède pas le secret.

Le mariage, grand et solennel principe de la création divine, solidement établi, vigoureusement maintenu par les apôtres, a de plus une portée qu'on ne mesure pas du premier coup - il tue la spécialité religieuse, cet appauvrissement et cette mort. La famille féconde, la spécialité stérilise. Grâce à la famille, les saintes spécialités reculent pour faire place à la sainteté générale. Grâce à la famille, l'homme pieux n'est plus un moine, la femme charitable n'est plus une soeur, le ministre de l'Evangile n'est plus un clerc; tous ceux-là rencontrent, et nous en bénissons Dieu, les obstacles, les difficultés, le train de la vie ordinaire; ils apprennent ce que ne leur enseigneront ni les couvents ni les séminaires.- ils apprennent à être hommes comme vous et comme moi.

Sans le célibat religieux, l'Europe n'aurait jamais connu cette organisation factice et funeste qu'on nomme clergé!

Sans le célibat religieux, nous n'aurions connu ni les ordres aumôniers et mendiants, écoles de paresse et île lâcheté; ni la charité en froc ou en robe de bure, adorée, célébrée, vivant dans une atmosphère à part, affectant le dédain des choses humaines, déchargeant notre conscience à tous des devoirs du dévouement et des affections de l'humanité.
Pensez-vous que la foi chrétienne y eût perdu? Pensez-vous que l'égoïsme y eût gagné? Je ne le crois pas.

Les Églises du temps des apôtres, qui ne connaissaient, pas plus le clergé qu'ils ne connaissaient les soeurs et les moines, savaient pourtant ce que c'est que de mourir pour la foi. Sous le coup des spoliations, an sein de leur profonde misère, elles savaient donner selon leur pouvoir, et même « au-delà de leur pouvoir ! »
Les partisans du célibat sacré, loin de se tenir pour battus, nous opposent certains textes. «A la résurrection, dit Jésus, on ne prendra ni ne donnera des femmes en mariage, car ceux qui ont été rendus capables du relèvement ne pourront plus mourir! »

De quel mariage s'agit-il? Chacun a répondu. Il s'agit de l'union matérielle, terrestre, destinée à peupler notre globe. Le mot, divin: Croissez 'et multipliez! en indique le sens. Ne pouvant plus mourir, l'humanité, qui est entrée dans le définitif, ne peut plus s'accroître. Oserez-vous prétendre que par ces mots Jésus détruise le vrai, l'immortel mariage, le couronnement de la création divine? Celui dont Jésus lui-même a fixé le caractère, en disant: « Dieu les a fait un! » Celui dont Il a dit : « Que l'homme ne sépare pas ce que Dieu a joint! » Celui qu'il choisit pour type de son intime union avec l'Église! Celui qu'il a honoré de son premier miracle! Celui dont les noces forment la splendide image du bonheur des; cieux !

Tandis que Jésus ne voit pas de plus beau titre à prendre que le nom d'époux, oserez-vous prétendre qu'il n'y aura plus d'époux?
Tandis que les pères, les mères, les enfants, les frères, les soeurs se retrouveront là-haut pour ne plus se quitter, oserez-vous dire que les époux ne se retrouveront pas?
Si vous voulez toucher du doigt l'absurdité de votre proposition, demandez-vous un peu ce que deviennent ces mères et ces pères, dès que les époux ne subsistent plus? Que signifie cette paternité, que signifie cette maternité, dès qu'il n'y a plus de mariage? D'où procèdent ces parentés, d'où viennent ces relations, d'où sont sortis ces enfants? Votre vie, cette vie terrestre qui détermine irrévocablement la vie céleste, dans quel Léthé la plongez-vous? L'amour, l'éternel amour qui voit tout passer, tout finir, et qui seul ne périt jamais, qu'en faites-vous?
En présence de telles aberrations, on ne sait lequel l'emporte du ridicule ou de l'odieux.

Ce qui chez vous est froissé, je vais vous le dire : ce n'est pas la pureté chrétienne, c'est l'égoïsme païen. Ce qui vous répugne et vous révolte, c'est l'indissolubilité du mariage, telle que la pose Jésus, alors qu'interdisant le divorce absolument, il Proclame adultère quiconque répudie sa femme pour en épouser une autre, adultère, quiconque épouse la répudiée, pour quelque cause que ce soit.

A la déclaration de Jésus, un cri, le cri de l'antiquité tout entière, sort de la bouche des apôtres de Jésus : « Si telle est la condition de l'homme avec la femme, il ne convient pas de se marier! »
Se passer des secondes noces, se faire eunuque plutôt que de contracter une union que le Seigneur proscrit, n'espérez pas cela du coeur charnel. Ce coeur vous accordera le célibat saint tant que vous voudrez; le célibat saint n'est que pour quelques-uns. Ce coeur ne vous accordera pas l'indissolubilité de l'union, car la règle est pour tous.

On cite le passage de l'Apocalypse (13) concernant ceux qui, ne s'étant point souillés avec les femmes, suivent l'Agneau partout où il va! - J'attendrai que quelqu'un ait l'audace d'appeler le mariage une souillure, pour appliquer ce stigmate à l'institution divine par excellence, au dernier trait de la création, trait chaste, radieux et parfait. D'ici là, je continuerai de voir dans le texte cité l'une de ces nombreuses images, pareilles à celle, de la grande prostituée, à celle de la femme qui fuit au désert, à celle de la bête qui monte de l'abîme, à tant d'autres, propres au style oriental, et dont fourmille la révélation de Notre-Seigneur.

Abordons le principal argument.
Saint Paul, dans sa première épître aux Corinthiens (14), déclare le célibat préférable au mariage. Saint Paul prête au célibat un caractère sacré !
Ayant tout, remarquez-le : ici-même, à l'endroit précis où Paul, faisant l'apologie du célibat et rabaissant le mariage, abandonne l'inspiration pour n'écouter que son sens, ici-même Dieu contraint l'apôtre à nous avertir du fait: « Non pas le Seigneur - dit Paul, - mais moi! Le Seigneur, et non pas moi! Je n'ai pas de commandement du Seigneur 1 » - Mis en garde par l'apôtre lui-même, si nous tombons dans l'erreur, c'est que nous le voulons bien!
Cet endroit, circonscrit, délimité, le seul qui soit ainsi mis à part dans les Écritures, avec une enclave pour séparer la parole humaine de la parole divine, avec une ligne de démarcation pour empêcher la sagesse d'en bas de la confondre avec la sagesse d'en haut, cet endroit est le seul qui renferme, contrairement à la Bible entière, une doctrine qui a égaré les consciences et corrompu l'Église de Christ: la doctrine du célibat sacré.

Tous ceux qui, depuis saint Paul, ont appelé le mariage une condescendance aux faiblesses humaines, une concession accordée à la chair, une misère qu'effacera l'éternité; tous ceux-là se sont appuyés sur la parole que Paul a prononcée de son chef, en dehors de l'inspiration de Dieu.
N'atténuons rien.
« Il vaut mieux se marier que de brûler ! » tel est le langage de Paul.

« Celui qui ne se marie pas s'inquiète des choses du Seigneur pour plaire au Seigneur! » En êtes-vous bien sûr, Paul? N'avez-vous pas vu maint célibataire, je dis parmi les plus chrétiens, s'inquiéter des choses qui le regardent, lui; chercher à se complaire à lui; se préoccuper très-particulièrement de sa propre personne, et faire ainsi de l'égoïsme sans le savoir?

« Celui qui se marie s'inquiète des choses du monde pour plaire à sa femme ! » - En êtes-vous bien sûr, Paul? N'avez-vous pas vu, tout au contraire, les époux s'encourager mutuellement au devoir, à la lutte, au renoncement, et donner l'exemple des sacrifices, et sceller leur union par le martyre chrétien? Ne vous souvient-il plus d'Aquilas et de Priscille, ni de tant d'autres témoins mariés, qui ont trouvé dans l'amour selon l'Evangile un puissant motif d'aimer Dieu davantage, une ardeur de la mieux servir?

« Celui qui marie sa fille fait bien, celui qui ne la marie pas fait mieux (15) ». - En êtes-vous bien sûr, Paul? Ne vous souvient-il plus de cette déclaration : « Dieu fit l'homme, mâle et femelle. » Et de cette autre : «Dieu n'en a fait qu'un ! » Et de cette autre: « Il n'est pas bon que l'homme soit seul ! » Et de cette autre : « Deux valent mieux qu'un ! »

Les thèses de Paul sont énormes; elles renversent les affirmations de Dieu, celles de Christ, celles de Paul lui-même : « Le mariage est honorable entre tous! » Elles effacent l'expérience de l'apôtre, pour qui le mari et la femme, Aquilas et Priscille, c'est Paul qui nous l'apprend, « ont exposé leur cou! »

Quant à moi, je ne m'étonne pas des erreurs qu'ont enfanté les thèses de Paul; je m'étonne d'une seule chose, c'est que les gens qui prennent ici, au mépris des avertissements de Dieu la parole de Paul pour la parole du Saint-Esprit, s'accrochent à ce pis-aller : « se marier plutôt que de brûler », et n'adoptent pas, et ne fassent pas adopter aux leurs, le seul état qui nous permette de servir Jésus sans distraction : le célibat perpétuel! Une situation dont le moindre inconvénient serait de nous assujettir aux choses du monde ne saurait convenir à des chrétiens. Les chrétiens sont tenus de poursuivre, d'accomplir le bien absolu: rien de moins.

Mais il y a autre chose. Ce mieux proposé par saint Paul aux pères qui ne marient pas leurs filles, hasarde pour la première fois ici - tenez grand compte du fait - son apparition dans les Ecritures. La Parole de Dieu ne connaît pas de mieux. L'Évangile n'admet ni saintetés d'exception, ni saintetés aux rabais. La perfection présentée à tous, obligatoire pour tous, au même degré, je vous défie de trouver autre chose dans la Révélation. Et que serait un Dieu, je vous le demande, qui exigerait moins? Et que serait une âme qui se contenterait plus bas? Là est le sceau divin. Les religions humaines établissent en matière de sainteté des degrés divers, Dieu qui est parfait exige la perfection Or le Dieu parfait a créé le mariage; os le Sauveur parfait a ramené le mariage à son intégrité; or le mariage chrétien or la famille chrétienne, telle est la. grande prédication de sainteté adressée au monde païen. Aucune idée ne pouvait lui paraître plus nouvelle, aucun fait plus merveilleux.
Des célibataires, il en avait vu, et beaucoup; des prêtres et des prêtresses gardant la virginité sacrée, Ses fausses notions de sainteté lui en avaient montré dans tous les pays et dans tous les temps. Les sages de l'antiquité ne se mariaient guère, les philosophes dédaignaient l'union conjugale, quelques-uns même la proscrivaient; l'égoïsme ascétique, la perfection déplacée, les sources de la vie morale perverties ou détournées, voilà ce que l'antiquité connaissait. Ce qu'elle ne connaissait pas, ce qu'elle ne soupçonnait pas, c'est le mariage dans sa pureté, dans sa force, dans son immortalité; ce que ses regards n'avaient jamais rencontré, ce sont des époux saintement épris l'un de l'autre, croyants, travailleurs, heureux, héroïques au besoin, et qui marchent la main dans la main, un dans la Nie, un dans la mort, le front tourné du côté des horizons éternels. Ce que l'antiquité ne connaissait pas, c'est l'amour, le pur amour conjugal, l'amour clairvoyant, viril et tendre. Ce qu'ignorait l'antiquité, c'est la famille, c'est le foyer, ce sont les bonnes joies, ce saut les saintes douleurs.

Communauté des biens, communauté des existences, négation des droits de l'âme, absorption de l'individu par l'État, despotismes sous toutes les, formes, le vieux socialisme lui avait donné tout cela; les sectes soi-disant chrétiennes et qui sortent du paganisme un instant terrassé, mais non vaincu, devaient lui rendre tout cela (16). Si l'Evangile, ainsi que l'affirme le socialisme païen mal déguisé sous sa robe de moine, si. l'Évangile a fondé non la famille, mais le couvent; non le mariage, mais le célibat; non l'individu, mais le numéro, l'Évangile n'a rien apporté, rien enseigné, rien change; aucune révélation, aucune restauration, aucune transformation n'a signalé, n'a suivi la venue de Jésus-Christ!

Ouvrez les yeux, regardez le monde antique, regardez le monde moderne; faites attention dans le monde moderne aux deux courants; comparez les peuples de la Bible aux peuples de la tradition latine, le courant chrétien au courant païen, et concluez!

1. Matth., XIX, 4-7.
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2. Hébreux, XII, 4. .
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3. Tite, II, 4, 5.
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4. I Corinthiens, IX, 5.
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5. I Timothée, III, 6. Tite, I, 6.
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6. Ce mot mari d'une seule femme s'applique soit au relâchement des moeurs qui permettait les secondes noces après divorce, soit aux habitudes païennes, plus dépravées encore, que de nouveaux convertis auraient pu se croire autorisés à maintenir.
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7. Romains, XVI, 4, 2.
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8. I Timothée, III, 14
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9. Actes, VI, 1-6.
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10. I Timothée, V, 4.
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11. I Timothée, V, 16.
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12. I Timothée, V, 11-16.
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13. XIV 4.
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14. VII.
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15. I Corinthiens, VII.
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16. « Il viendra des sectes de perdition... défendant de se marier! » I Timothée, IV, 3.
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