Au nom de l'Évangile, le socialisme tend à
saper la famille par ses deux bases : le mariage et la
propriété.
L'usage que le socialisme fait en ceci de la
Révélation n'est pas nouveau. Les Pères
ont donné l'exemple. Personne plus qu'eux n'a
propagé le faux principe en vertu duquel quiconque
garde ses biens et se marie, s'il ne pèche pas
précisément, se place néanmoins sur un
niveau rabaissé
(1).
On sait ce que
l'Église romaine a fait de la théorie dans les
pays de race latine, où une rigoureuse logique en a
tiré toutes les conséquences, où
l'habitude du despotisme pour les uns, des lisières
pour les autres, en a favorisé tous les
développements. Le couvent y a démoli la
propriété, le célibat religieux y a
démoli le mariage; on possède toujours, on se
marie encore,- mais le mariage et la propriété
sont deux suspects, et tout chrétien d'élite
les regarde du haut en bas.
Ce qui caractérise notre temps, c'est qu'une
pareille doctrine, soi-disant évangélique,
essaye de faire irruption chez nous les
Réformés, et qu'elle n'y rencontre pas
toujours l'opposition de ces forces vives qui s'appellent la
vérité et le bon sens. Faisons-y attention,
dès qu'une telle tendance nous gagnerait, nous les
disciples de la Parole de Dieu; nous les gardiens de
l'oeuvre de Dieu; le mal serait sans mesure, car les soldats
de l'armée spécialement appelée
à combattre le socialisme - la seule qui puisse le
vaincre parce que seule elle a conservé le respect
absolu de la Bible et que seule elle en maintient
l'autorité, - ces soldats, tournant visage,
s'occuperaient à gagner des batailles en faveur de
l'ennemi !
Il y aurait là un mortel sujet de tristesse,
une cause incessante de découragement, si
l'Évangile ne nous avait cent fois montré
qu'il triomphe non-seulement de ses adversaires, mais encore
de ses amis, ce qui est plus malaisé.
L'Évangile, supprimer la
propriété! Voyons un peu cela.
J'aborde l'examen sans crainte. Nous vivons à
une époque où le propriétaire,
très au clair sur l'incertitude des biens, s'est
demandé souvent comment il gagnerait sa vie, le cas
échéant. Or cette question, qui peut
effaroucher le viveur oisif, a trouvé le travailleur
riche sans trouble et sans souci. Quiconque obéit
à Dieu connaît le sain travail d'où
vient l'indépendance; l'ouvrier, dans tous les genres
de labeurs, est toujours un homme libre; sa liberté
ne dépend ni d'un lopin de terre, ni d'un sac
d'écus. Ceci dit, posons nettement le fait. La
propriété, aussi vieille que le monde,
écrite en caractères indélébiles
au fond du coeur de chaque homme, de ceux qui la nient comme
de ceux qui l'affirment; la propriété se relie
étroitement à l'essence même de la
famille ici-bas. Elle forme une portion de son unité.
Otez la propriété, il n'y a pour la famille ni
passé, ni présent, ni avenir; il n'y a plus de
sanctuaire, car il n'y a plus d'intérieur; il n'y a
plus de lien entre les ascendants et les descendants, car il
n'y a plus d'héritage; il n'y a plus de travail, il
n'y a plus d'efforts en commun, il n'y a plus ni
dévouement ni prévoyance, car il n'y a plus
d'intérêt pour le soit des enfants!
La famille, dans ses conditions terrestres, a
besoin,
pour demeurer unie, de la propriété; je dis
d'une propriété quelconque, d'un chez-soi
quelconque, de quelque chose, fût-ce un outil, dont
elle puisse dire c'est à moi !
La propriété à son tour a besoin
de la famille; elle a besoin de
l'hérédité; elle n'est
propriété qu'autant qu'on la possède,
c'est-à-dire qu'on peut la donner ou la transmettre.
Il n'y a, pour la propriété, de solides bases
que, ces bases-là. En dehors, c'est une jouissance
à bien plaire, c'est un mirage, ce n'est plus la
propriété. L'inviolabilité de la
personne a pour corrélatif l'inviolabilité du
patrimoine; ce que j'ai gagné, ce que mon père
a gagné, ce que mon grand-père a gagné
m'appartient, tout comme mon corps, tout comme ma
liberté. Ce qui m'appartient, j'en puis faire ce que
je veux; je le laisse à mes enfants; c'est pour cela
que je ne le mange pas, c'est par amour pour eux qu'à
force de labeurs je le conserve, que parfois même je
l'accrois à force de privations.
La nature organique de la famille forme les assises
de l'hérédité.
l'hérédité maintient à son tour
la rénovation successive de la famille et assure sa
permanente unité. Supprimez
l'hérédité, vous avez la
dispersion.
Dans la dispersion, une seule chose demeure:
l'égoïsme personnel. Sitôt que vous ne
dites plus: chacun pour tous! vous dites : chacun pour
soi!
Un homme qui n'est pas suspect en pareille
matière, Proudhon, nous l'a déclaré:
« Qui abolit la propriété, abolit la
famille. »
Remarquez-le bien; il ne s'agit pas seulement de la
propriété acquise: il s'agit de la
propriété virtuelle. Oui, la
propriété possible, la propriété
à venir, la propriété à
conquérir forme dès cette heure un des
fondements. de la famille. Moi qui n'ai rien encore, je sais
que ce que je vais gagner appartiendra aux miens; je sais
que mes enfants le posséderont. Mon premier livret de
caisse d'épargne me tient autant et plus au coeur que
ses vastes domaines à l'homme riche ou qu'au
spéculateur ses actions de chemin de fer.
Si des sentiments intimes nous passons à
l'histoire, nous y trouvons la contre-épreuve du
fait. L'histoire nous montre invariablement, dans la
désorganisation de la famille, le corollaire de
l'ébranlement de la propriété. Regardez
Sparte! propriété niée, famille
annulée. Et ce que nous montre Sparte dans
l'antiquité, les pays musulmans nous le font voir
aujourd'hui. Là, point de propriété au
soleil; l'état socialiste possède tout,
l'individu ne possède rien; je parle des terres.
Longtemps le fait même de posséder quoi que ce
soit était si suspect, il entraînait de tels
périls, qu'on s'en cachait comme d'un attentat. La
fortune, au lieu de travailler pour acquérir, au lieu
d'ensemencer pour récolter, s'enfouissait sous forme
de trésor. Les gros pachas roulaient de gros diamants
dans leur ceinture, les petits beys en mettaient de. petits.
On augmentait le capital, on en réparait les
brèches, non pas au moyen du labeur, mals par la
violence et l'extorsion; on battait monnaie sur le dos des
chétifs. Il en est résulté
non-seulement un engourdissement général,
cette impuissance aux progrès qui caractérise
les pays musulmans, mais encore - les deux choses se
tiennent de plus près qu'on ne croit - l'extinction
de la famille et du foyer. - Un pays à
propriété personnelle et sûre ne
supporterait pas la polygamie; un pays monogame ne
supporterait pas l'absence de propriété. La
polygamie et l'État seul possesseur vont au contraire
très-bien ensemble. Nul ne s'attache ni à
femmes ni à enfants. On dort, on mange, on se baigne,
on engraisse. Après moi!... Allah ou Allah! - et l'on
se retourne de Vautre côté.
Maintenant, prenons les textes de l'Écriture;
car c'est la Parole même de Dieu qu'on vient nous
opposer.
On imagine, et l'on prétend trouver dans les
Actes des apôtres, le fait d'une sorte de
phalanstère qui aurait réuni l'ensemble des
croyants.
« Tous ceux qui croyaient étaient dans un
même lieu (2)
». - La déclaration est nette, elle est
positive. Que répondre à cela?
Une chose très-simple : il s'agit ici, non de
la vie chrétienne, mais du culte chrétien. Le
culte rassemblait les chrétiens en un même
lieu; la vie laissait les chrétiens chacun chez soi.
En voulez-vous la preuve? lisez deux lignes plus bas
(3)
: « Chaque jour
ils rompaient le pain de maison en maison! » Par
conséquent il y avait des maisons; par
conséquent ces maisons avaient des habitants.
Saul, quand il persécute les disciples du
Christ, « entre de maison en maison, traînant les
hommes et les femmes » pour les livrer aux tribunaux
(4).
Pierre, lorsqu'il est délivré par
l'ange et qu'il se trouve seul, la nuit, dans les rues,
réfléchit un instant, puis se rend « dans
la maison de Marie », mère de Jacques,
surnommé Marc - où plusieurs personnes
priaient pour lui (5)
! -
Cette maison a un vestibule, ce qui dénote une
certaine élégance de construction; cette
famille a une servante, Rhode, ce qui dénote un
certain luxe au logis. Nous voilà bien loin du
phalanstère. Ce qui achève de nous en
écarter, c'est l'absurdité de la supposition.
Trois mille Israélites, sont convertis le dimanche de
la Pentecôte, cinq mille quelques jours plus tard.
Parvenez-vous à vous représenter ces huit
mille personnes, presque un corps d'armée , vivant
dans la même habitation,une caserne, apparemment
aménagée pour huit mille individus - et cela,
au vu et au su du Sanhédrin qui vient de livrer
Jésus; de Pilate, qui l'a crucifié;
d'Hérode, le roi des Juifs, mortel ennemi, de cet
autre roi, son prétendu rival; lesquels
autoriseraient, il le faut dans l'hypothèse, ce
monstrueux, cet impossible rassemblement de
révoltés! Vous représentez-vous
l'administration, la manutention, l'approvisionnement, les
exigences de chaque jour !
Le rêve du phalanstère ne supportant pas
un instant de réflexion, on passe à la
communauté; des biens,
Avant tout, on met sous nos yeux l'ordre donné
par Jésus au jeune riche : « Vends ce que tu as,
fais-en l'aumône, et suis-moi !
(6)
»
Oui, le Seigneur a dit cela. Il l'a dit au jeune
riche. Il ne l'a pas dit à d'autres. Il l'a dit
à celui qui, se croyant bon, pensait n'avoir que
très-peu de chose faire pour gagner la vie
éternelle. Il l'a dit à celui qui gardait une
idole en son coeur. Jésus nous adressera
peut-être la même parole à vous, à
moi, si nous brûlons l'encens devant le même
Mammon. Jésus ne l'a pas adressée à
Zachée, qui réparait au quadruple ses torts et
qui donnait le quart de ses biens. il ne l'a pas
adressée au riche Nathanaël, ni a' Lazare qui le
recevait dans sa maison de Bethanie, ni a' Matthieu qui lui
fit un festin; Jésus ne l'a dite a qui que ce soit,
hormis ail jeune, seigneur.
Sans doute, un riche entrera difficilement au
royaume
des cieux. Mais écoutez l'explication du Christ,
écoutez le commentaire qu'il adresse à ses
apôtres, atterrés par cette apparente
condamnation des biens : « je vous le dis en
vérité, celui qui met sa confiance aux
richesses n'entrera pas au royaume des cieux! » -
Mettre sa confiance aux richesses, ôter son coeur
à Dieu pour le donner aux jouissances
matérielles, aux vanités, à l'orgueil
de la vie, tout est là. Un pauvre peut mettre sa
confiance dans la force physique, un savant dans la science,
un politique dans la diplomatie: autant de câbles qui
ne passeront pas par le trou de l'aiguille.
Le salut, d'ailleurs, a-t-il jamais dépendu de
telle ou telle situation extérieure? Est-ce le dedans
ou le dehors qui souille l'homme? Dieu regarde-t-il au cadre
ou au coeur ? Et ce qui fait justement le divin
caractère de la Révélation, n'est-ce
point qu'elle a replacé le sens moral au foyer, dans
l'homme intérieur?
Plusieurs s'en iront « tout tristes »,
comme le jeune riche, cela est certain. Ne l'oublions pas
toutefois, le riche - Nicodème entre au royaume des
cieux d'où le pauvre Judas est exclu; et Si l'opulent
qui se vêtait de fin lin, qui se traitait
magnifiquement tous les jours, qui avait eu ses biens. en ce
monde - c'est-à-dire qui avait donné son coeur
au monde, est tourmenté de l'éternelle soif,
c'est dans le sein du riche Abraham que le pauvre Lazare
trouve asile, et c'est avec le riche Isaac, avec le riche
Jacob, avec le riche Joseph, que les rachetés
s'assoiront à table dans le royaume des cieux.
Battus sur le terrain du principe, les socialistes
se
réfugient sur le terrain du fait apostolique. Ils y
descendent textes en main : « Or celui qui croyaient
avaient toutes choses communes; ils vendaient leurs
possessions et leurs biens, et les distribuaient à
tous, selon le besoin de chacun, et ils étaient tous
les jours assidus au temple, d'un commun accord, rompant le
pain de maison en maison.
(7)
»
Qui ne reconnaît ici l'esprit
généralisateur du langage oriental ? Qui ne
remarque ces mots, insérés au bout de la
phrase : de maison en maison! mots par lesquels l'absolue
communauté qu'énonçait l'assertion du
discours se trouve contredite et renversée
absolument?
Pour subvenir à d'exceptionnelles
pauvretés, les chrétiens d'alors s'imposaient
des sacrifices exceptionnels, cela n'est pas douteux.
L'Écriture exprime le fait en ces termes vifs et
sommaires qu'elle emploie fréquemment pour peindre un
tableau d'un trait. Mais l'Écriture prend soin,
revenant sur le premier jet, large et débordant, de
mettre le point lumineux, qui éclairant tout explique
tout.
Au surplus, lisons :
« Ceux qui croyaient n'étaient qu'un
corps et qu'une âme, nul ne disait que ce qu'il
possédait fût à lui en particulier...
Ceux qui étaient possesseurs de terres cou de
maisons, faisant des ventes, apportaient le prix des choses
vendues et le mettaient aux pieds des apôtres; et on
le distribuait à chacun selon qu'il en avait besoin
(8)
».
Ils n'étaient qu'un coeur et qu'une âme
: voilà l'union. Nul ne disait que ce qui lui
appartenait fût à lui : voilà l'esprit.
Ceux qui possédaient, faisant des ventes, en
apportaient le prix : voilà l'application.
Notez-le, ce n'est plus un dépouillement
total; le propriétaire ne se démet pas de tout
ce qu'il a; le propriétaire opère une vente,
selon que lui dicte son coeur, selon que le réclament
les besoins; le sacrifice n'est pas une mesure universelle,
car Barnabas, fils de Joses, est cité pour avoir
vendu -un fonds; or, si les huit mille chrétiens - et
plus - qui formaient l'Eglise avaient tous vendu toutes
leurs propriétés, si telle avait
été la règle, si tel avait
été le devoir, personne n'aurait songé,
et saint Luc moins qu'un autre, à citer Barnabas poux
la vente d'un champ. L'offrande enfin, qui n'est ni
radicale, ni universelle, West pas davantage
obligatoire.
« Si tu avais conservé ton bien, dit
Pierre à Ananias, ne te demeurait-il pas? et l'ayant
vendu, n'était-il pas en ton pouvoir d'en garder le
prix? » - Le crime d'Ananias, faites-y attention, n'est
pas d'avoir retenu pour son usage une fraction quelconque de
la chose vendue; le crime, c'est d'avoir menti au
Saint-Esprit. Le crime de la femme d'Ananias n'est pas de
s'être entendue avec son mari pour diminuer le don
fait à l'Église, c'est de s'être
accordée avec son mari pour mentir au
Saint-Esprit.
Vous le voyez, les faits que vous invoquez pour
établir la communauté, se rangent contre elle,
tous, et tous renvoient votre hypothèse à
votre imagination.
Paul travaille afin de gagner sa vie; Aquilas et
Priscille en font autant, comment, avec la
communauté, arrangez-vous cela? Paul organisé
des quêtes, il sollicite avec instance en faveur des
pauvres de Jérusalem; comment, avec la
communauté, arrangez-vous cela? Dans les agapes, les
uns apportent d'abondants soupers, les autres ont faim;
comment, avec la communauté, arrangez-vous cela? Or
Paul n'ordonne pas à ces riches de tout vendre pour
se mettre au niveau de leurs frères qui dont rien;
non, Paul qui aurait pu s'indigner - et certes il y avait de
quoi, - Paul se borne à dire: « N'avez-vous donc
pas des maisons pour manger et pour boire?... Ne faites pas
honte à ceux qui n'ont rien. »
Paul, ce grand organisateur des Églises,
envoie ses directions précises aux assemblées
qui se forment en tous lieux. Si la communauté, si le
dépouillement étaient un devoir,
l'apôtre l'imposerait. Si la communauté, si le
dépouillement étaient dans les habitudes des
chrétiens, l'apôtre le dirait. Si la
communauté, si le dépouillement se
présentaient à l'apôtre, ne fût-ce
ce que comme, un idéal à poursuivre,
l'apôtre ferait ce qu'ont lait tous ceux qui ont admis
le principe, il présenterait à son tour cet
idéal aux fidèles, il en chercherait, il en
réaliserait l'application; il ferait ce qu'ont fait
les Pères, qui ont anathématisé les
richesses, glorifié l'indigence, imaginé la
communauté, et qui les ont établis par la vie
de couvent. Paul ferait en un mot ce qu'a fait
l'Église romaine, qui a
généralisé, qui a
régularisé l'oeuvre des Pères, qui lui
a donné sa monstrueuse extension! Or l'apôtre,
or les apôtres gardent un silence absolu sur ce point
si essentiel à la sainteté.
Loin d'écarter la question d'argent, les
apôtres l'attaquent de front. Voici ce qu'ils disent,
et voici ce qu'ils ne disent pas.
Ils ne disent pas : Vendez tout, donnez tout,
quittez
vos maisons, croisez-vous les bras, vivez de l'existence
commune et mangez le bien commun!
Les apôtres disent : « Que personne ne
foule son frère et ne fasse son profit de lui dans
les affaires (9)
»
Donc les chrétiens ont des affaires.
Les apôtres disent : « Que chacun de vous
mette à part quelque chose, en, accumulant ses
profits (10)
». -
Donc les chrétiens font des profits, et même
des profits accumulés.
Les apôtres disent: « Si quelqu'un ne veut
pas, travailler, qu'il ne mange pas non plus... il y en a
qui ne marchent pas dans l'ordre, ne travaillant point...
nous les exhortons au nom du Seigneur à manger leur
propre pain en travaillant
(11).
- Donc le devoir
des chrétiens n'est pas de vivre sur le fonds
d'autrui, mais de travailler pour gagner leur propre
pain.
Les apôtres disent : « Nous ne sommes pas
sortis de l'ordre parmi vous, et nous n'avons mangé
gratuitement du pain chez personne, mais dans la fatigue et
dans la peine, travaillant nuit et jour pour ne surcharger
aucun de vous! » - Donc les apôtres pratiquaient
eux-mêmes ce qu'ils recommandaient aux
chrétiens.
Les apôtres disent: « Que les Anciens qui
président bien soient jugés dignes d'un double
honoraire (12)
»
Donc les anciens conducteurs des troupeaux gagnent leur vie
en recevant un salaire.
Les apôtres disent : « Recommande aux
riches de ne pas s'enorgueillir, de ne point fonder
d'espérance sur l'incertitude des richesses, mais en
ce Dieu vivant qui nous fournit abondamment toutes choses
pour en jouir; de faire dit bien, d'être prompts
à donner, de faire part de leurs biens, de s'amasser
comme trésor un bon fondement pour l'avenir
(13)
! » - Donc il
y a des riches, auxquels Dieu fournit abondamment toutes
choses, auxquels Dieu ne commande pas de sacrifier tout,
mais auxquels il prescrit l'humilité, la: confiance
en lui, le zèle pour les bonnes oeuvres, et la
promptitude à donner.
Paul dit à Philémon, en lui renvoyant
son esclave Onésime - son esclave, entendez-vous : -
« S'il te doit quelque chose, mets-le sur mon compte;
moi Paul, je l'ai écrit de ma propre main: je payerai
le tout.» - Donc voilà Paul qui a sa bourse
particulière, voilà Paul qui est en compte
avec un chrétien.
Paul dit : « L'amour de l'argent est la racine
de tous les maux; quelques-uns en étant
possédés se sont égarés de la
foi, se transperçant eux-mêmes de beaucoup de
douleurs (14)
! » -
Or pour guérir une plaie si profonde, Paul n'indique
ni l'abandon de la propriété, ni la vie en
commun, ni le partage des biens; il indique la poursuite de
la piété, de la foi, de la justice et de
l'amour, substituant la bonne ambition à la mauvaise,
régénérant l'homme au lieu de le
mutiler, greffant le sauvageon et n'arrachant pas l'arbre,
certain que l'arbre greffé portera de bons fruits! -
« « Au reste, ajoute l'apôtre, que, chacun
donne selon qu'il l'a résolu dans son, coeur, non
avec tristesse ou par contrainte, car Dieu aime celui qui
donne gaiement!... Que celui qui dérobait ne
dérobe plus, ajoute l'apôtre, mais que
plutôt il prenne de la peine, faisant de ses mains ce
qui est bon, afin qu'il ait de quoi donner à celui
qui est dans le besoin
(15)!
» Ici se
révèle le grand côté de la
propriété. Posséder, c'est avoir de
quoi donner gaiement! La possession, c'est la
liberté. Si je ne possède pas mon âme,
Je ne pourrai pas donner mon âme à Dieu; si je
ne possède pas ma vie, je ne pourrai pas consacrer ma
vie, à Dieu; si je ne possède pas un sou, je
ne pourrai pas faire le sacrifice d'un sou; si je suis
contraint, je ne pourrai pas donner gaiement. L'esclave, qui
ne possède rien, de rien à donner: là
est l'abjection suprême! Ravir à l'homme son
droit de posséder, que ce soit la
propriété du coeur, du corps, de la
conscience, des facultés, dit sol ou de l'argent,
c'est commettre le grand attentat, c'est mettre la main sur
sa liberté.
On dit : Le don est offert à Dieu, une fois
pour toutes. L'homme, une fois pour toutes, s'est
volontairement démis du droit qu'il avait de
posséder!
Eh bien, c'est justement parce qu'il l'a fait une
fois pour toutes, que l'homme s'est dispensé de le
faire toutes les fois que Dieu le veut. Cette grande
abdication n'est au fond qu'une grande dispense de
soumission. L'égoïsme s'accommodera toujours des
partis pris une fois pour toutes; il n'en a pas peur, ce
n'est pas là ce qui le tuera. L'égoïsme a
peur de la liberté, il a peur des libres mouvements
de la conscience, il a peur des libres élans du
coeur, il a peur de la libre obéissance au jour le
jour; il sait qu'avec cela il lui faudra mourir. Aussi
l'égoïsme se fera-t-il socialiste, communiste,
tant qu'on voudra.
La communauté détruit autre chose que
la famille, la communauté anéantit la
charité, la sympathie, les joies du renoncement.
Celui qui ne possède rien en propre ne peut se priver
de quoi que ce soit pour son frère; il ne peut nouer
ces doux liens du sacrifice d'une part, de la reconnaissance
de l'autre, qui unissent entre eux les membres de
Jésus-Christ; il ne peut se gêner pour faire
éclore du bonheur là où l'on ne
rencontrait que de la souffrance; il ne peut, supprimant
quelque plaisir, mettre un rayon de soleil sur le chemin des
déshérités. Là où
l'individu fait défaut, vous chercheriez vainement
l'amour. L'engin socialiste Prend la pâtée et
l'administre à chacun, réduisant ainsi
l'humanité au rôle de bétail à
l'engrais!
Venez, après cela, nous parler de
fraternité!
Où est-elle? qu'en avez-vous fait? comment
voulez-vous qu'elle s'exerce? Personne n'a plus besoin de
personne. D'ailleurs, où trouver l'homme? Je vois des
râteliers, je vois des mâchoires; mais d'hommes
je n'en vois pas un.
Admirons quels progrès l'Évangile
aurait réalisés dans l'humanité, s'il
l'avait dotée du socialisme ! Plus de foyer, plus de
sanctuaire, plus d'enfants, plus de travail, plus de
possession ni de soi-même ni de rien: la
chrétienté au couvent; quel paradis sur la
terre!
Grâce à Dieu, c'est la famille que
l'Évangile est venu rétablir; la famille,
démolie pièce à pièce depuis
Adam; la famille, qu'après Jésus-Christ
l'homme s'est efforcé de détruire; la famille,
création merveilleuse, don béni, miracle plus
éclatant cent fois que les plus éclatants
prodiges.
Les hommes ont inventé la polygamie, le
divorce, la communauté, le saint célibat.
Inventer la famille, cela n'appartenait qu'à
Dieu.
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