Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

V

LA PROPRIÉTÉ ATTAQUÉE PAR LE SOCIALISME, AU NOM DE LA PAROLE DE DIEU

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Au nom de l'Évangile, le socialisme tend à saper la famille par ses deux bases : le mariage et la propriété.

L'usage que le socialisme fait en ceci de la Révélation n'est pas nouveau. Les Pères ont donné l'exemple. Personne plus qu'eux n'a propagé le faux principe en vertu duquel quiconque garde ses biens et se marie, s'il ne pèche pas précisément, se place néanmoins sur un niveau rabaissé (1). On sait ce que l'Église romaine a fait de la théorie dans les pays de race latine, où une rigoureuse logique en a tiré toutes les conséquences, où l'habitude du despotisme pour les uns, des lisières pour les autres, en a favorisé tous les développements. Le couvent y a démoli la propriété, le célibat religieux y a démoli le mariage; on possède toujours, on se marie encore,- mais le mariage et la propriété sont deux suspects, et tout chrétien d'élite les regarde du haut en bas.

Ce qui caractérise notre temps, c'est qu'une pareille doctrine, soi-disant évangélique, essaye de faire irruption chez nous les Réformés, et qu'elle n'y rencontre pas toujours l'opposition de ces forces vives qui s'appellent la vérité et le bon sens. Faisons-y attention, dès qu'une telle tendance nous gagnerait, nous les disciples de la Parole de Dieu; nous les gardiens de l'oeuvre de Dieu; le mal serait sans mesure, car les soldats de l'armée spécialement appelée à combattre le socialisme - la seule qui puisse le vaincre parce que seule elle a conservé le respect absolu de la Bible et que seule elle en maintient l'autorité, - ces soldats, tournant visage, s'occuperaient à gagner des batailles en faveur de l'ennemi !
Il y aurait là un mortel sujet de tristesse, une cause incessante de découragement, si l'Évangile ne nous avait cent fois montré qu'il triomphe non-seulement de ses adversaires, mais encore de ses amis, ce qui est plus malaisé.

L'Évangile, supprimer la propriété! Voyons un peu cela.
J'aborde l'examen sans crainte. Nous vivons à une époque où le propriétaire, très au clair sur l'incertitude des biens, s'est demandé souvent comment il gagnerait sa vie, le cas échéant. Or cette question, qui peut effaroucher le viveur oisif, a trouvé le travailleur riche sans trouble et sans souci. Quiconque obéit à Dieu connaît le sain travail d'où vient l'indépendance; l'ouvrier, dans tous les genres de labeurs, est toujours un homme libre; sa liberté ne dépend ni d'un lopin de terre, ni d'un sac d'écus. Ceci dit, posons nettement le fait. La propriété, aussi vieille que le monde, écrite en caractères indélébiles au fond du coeur de chaque homme, de ceux qui la nient comme de ceux qui l'affirment; la propriété se relie étroitement à l'essence même de la famille ici-bas. Elle forme une portion de son unité. Otez la propriété, il n'y a pour la famille ni passé, ni présent, ni avenir; il n'y a plus de sanctuaire, car il n'y a plus d'intérieur; il n'y a plus de lien entre les ascendants et les descendants, car il n'y a plus d'héritage; il n'y a plus de travail, il n'y a plus d'efforts en commun, il n'y a plus ni dévouement ni prévoyance, car il n'y a plus d'intérêt pour le soit des enfants!
La famille, dans ses conditions terrestres, a besoin, pour demeurer unie, de la propriété; je dis d'une propriété quelconque, d'un chez-soi quelconque, de quelque chose, fût-ce un outil, dont elle puisse dire c'est à moi !
La propriété à son tour a besoin de la famille; elle a besoin de l'hérédité; elle n'est propriété qu'autant qu'on la possède, c'est-à-dire qu'on peut la donner ou la transmettre. Il n'y a, pour la propriété, de solides bases que, ces bases-là. En dehors, c'est une jouissance à bien plaire, c'est un mirage, ce n'est plus la propriété. L'inviolabilité de la personne a pour corrélatif l'inviolabilité du patrimoine; ce que j'ai gagné, ce que mon père a gagné, ce que mon grand-père a gagné m'appartient, tout comme mon corps, tout comme ma liberté. Ce qui m'appartient, j'en puis faire ce que je veux; je le laisse à mes enfants; c'est pour cela que je ne le mange pas, c'est par amour pour eux qu'à force de labeurs je le conserve, que parfois même je l'accrois à force de privations.
La nature organique de la famille forme les assises de l'hérédité. l'hérédité maintient à son tour la rénovation successive de la famille et assure sa permanente unité. Supprimez l'hérédité, vous avez la dispersion.
Dans la dispersion, une seule chose demeure: l'égoïsme personnel. Sitôt que vous ne dites plus: chacun pour tous! vous dites : chacun pour soi!
Un homme qui n'est pas suspect en pareille matière, Proudhon, nous l'a déclaré: « Qui abolit la propriété, abolit la famille. »
Remarquez-le bien; il ne s'agit pas seulement de la propriété acquise: il s'agit de la propriété virtuelle. Oui, la propriété possible, la propriété à venir, la propriété à conquérir forme dès cette heure un des fondements. de la famille. Moi qui n'ai rien encore, je sais que ce que je vais gagner appartiendra aux miens; je sais que mes enfants le posséderont. Mon premier livret de caisse d'épargne me tient autant et plus au coeur que ses vastes domaines à l'homme riche ou qu'au spéculateur ses actions de chemin de fer.

Si des sentiments intimes nous passons à l'histoire, nous y trouvons la contre-épreuve du fait. L'histoire nous montre invariablement, dans la désorganisation de la famille, le corollaire de l'ébranlement de la propriété. Regardez Sparte! propriété niée, famille annulée. Et ce que nous montre Sparte dans l'antiquité, les pays musulmans nous le font voir aujourd'hui. Là, point de propriété au soleil; l'état socialiste possède tout, l'individu ne possède rien; je parle des terres. Longtemps le fait même de posséder quoi que ce soit était si suspect, il entraînait de tels périls, qu'on s'en cachait comme d'un attentat. La fortune, au lieu de travailler pour acquérir, au lieu d'ensemencer pour récolter, s'enfouissait sous forme de trésor. Les gros pachas roulaient de gros diamants dans leur ceinture, les petits beys en mettaient de. petits. On augmentait le capital, on en réparait les brèches, non pas au moyen du labeur, mals par la violence et l'extorsion; on battait monnaie sur le dos des chétifs. Il en est résulté non-seulement un engourdissement général, cette impuissance aux progrès qui caractérise les pays musulmans, mais encore - les deux choses se tiennent de plus près qu'on ne croit - l'extinction de la famille et du foyer. - Un pays à propriété personnelle et sûre ne supporterait pas la polygamie; un pays monogame ne supporterait pas l'absence de propriété. La polygamie et l'État seul possesseur vont au contraire très-bien ensemble. Nul ne s'attache ni à femmes ni à enfants. On dort, on mange, on se baigne, on engraisse. Après moi!... Allah ou Allah! - et l'on se retourne de Vautre côté.

Maintenant, prenons les textes de l'Écriture; car c'est la Parole même de Dieu qu'on vient nous opposer.
On imagine, et l'on prétend trouver dans les Actes des apôtres, le fait d'une sorte de phalanstère qui aurait réuni l'ensemble des croyants.
« Tous ceux qui croyaient étaient dans un même lieu (2) ». - La déclaration est nette, elle est positive. Que répondre à cela?

Une chose très-simple : il s'agit ici, non de la vie chrétienne, mais du culte chrétien. Le culte rassemblait les chrétiens en un même lieu; la vie laissait les chrétiens chacun chez soi. En voulez-vous la preuve? lisez deux lignes plus bas (3) : « Chaque jour ils rompaient le pain de maison en maison! » Par conséquent il y avait des maisons; par conséquent ces maisons avaient des habitants.
Saul, quand il persécute les disciples du Christ, « entre de maison en maison, traînant les hommes et les femmes » pour les livrer aux tribunaux (4).
Pierre, lorsqu'il est délivré par l'ange et qu'il se trouve seul, la nuit, dans les rues, réfléchit un instant, puis se rend « dans la maison de Marie », mère de Jacques, surnommé Marc - où plusieurs personnes priaient pour lui (5) ! - Cette maison a un vestibule, ce qui dénote une certaine élégance de construction; cette famille a une servante, Rhode, ce qui dénote un certain luxe au logis. Nous voilà bien loin du phalanstère. Ce qui achève de nous en écarter, c'est l'absurdité de la supposition. Trois mille Israélites, sont convertis le dimanche de la Pentecôte, cinq mille quelques jours plus tard. Parvenez-vous à vous représenter ces huit mille personnes, presque un corps d'armée , vivant dans la même habitation,une caserne, apparemment aménagée pour huit mille individus - et cela, au vu et au su du Sanhédrin qui vient de livrer Jésus; de Pilate, qui l'a crucifié; d'Hérode, le roi des Juifs, mortel ennemi, de cet autre roi, son prétendu rival; lesquels autoriseraient, il le faut dans l'hypothèse, ce monstrueux, cet impossible rassemblement de révoltés! Vous représentez-vous l'administration, la manutention, l'approvisionnement, les exigences de chaque jour !
Le rêve du phalanstère ne supportant pas un instant de réflexion, on passe à la communauté; des biens,

Avant tout, on met sous nos yeux l'ordre donné par Jésus au jeune riche : « Vends ce que tu as, fais-en l'aumône, et suis-moi ! (6) »
Oui, le Seigneur a dit cela. Il l'a dit au jeune riche. Il ne l'a pas dit à d'autres. Il l'a dit à celui qui, se croyant bon, pensait n'avoir que très-peu de chose faire pour gagner la vie éternelle. Il l'a dit à celui qui gardait une idole en son coeur. Jésus nous adressera peut-être la même parole à vous, à moi, si nous brûlons l'encens devant le même Mammon. Jésus ne l'a pas adressée à Zachée, qui réparait au quadruple ses torts et qui donnait le quart de ses biens. il ne l'a pas adressée au riche Nathanaël, ni a' Lazare qui le recevait dans sa maison de Bethanie, ni a' Matthieu qui lui fit un festin; Jésus ne l'a dite a qui que ce soit, hormis ail jeune, seigneur.
Sans doute, un riche entrera difficilement au royaume des cieux. Mais écoutez l'explication du Christ, écoutez le commentaire qu'il adresse à ses apôtres, atterrés par cette apparente condamnation des biens : « je vous le dis en vérité, celui qui met sa confiance aux richesses n'entrera pas au royaume des cieux! » - Mettre sa confiance aux richesses, ôter son coeur à Dieu pour le donner aux jouissances matérielles, aux vanités, à l'orgueil de la vie, tout est là. Un pauvre peut mettre sa confiance dans la force physique, un savant dans la science, un politique dans la diplomatie: autant de câbles qui ne passeront pas par le trou de l'aiguille.
Le salut, d'ailleurs, a-t-il jamais dépendu de telle ou telle situation extérieure? Est-ce le dedans ou le dehors qui souille l'homme? Dieu regarde-t-il au cadre ou au coeur ? Et ce qui fait justement le divin caractère de la Révélation, n'est-ce point qu'elle a replacé le sens moral au foyer, dans l'homme intérieur?

Plusieurs s'en iront « tout tristes », comme le jeune riche, cela est certain. Ne l'oublions pas toutefois, le riche - Nicodème entre au royaume des cieux d'où le pauvre Judas est exclu; et Si l'opulent qui se vêtait de fin lin, qui se traitait magnifiquement tous les jours, qui avait eu ses biens. en ce monde - c'est-à-dire qui avait donné son coeur au monde, est tourmenté de l'éternelle soif, c'est dans le sein du riche Abraham que le pauvre Lazare trouve asile, et c'est avec le riche Isaac, avec le riche Jacob, avec le riche Joseph, que les rachetés s'assoiront à table dans le royaume des cieux.

Battus sur le terrain du principe, les socialistes se réfugient sur le terrain du fait apostolique. Ils y descendent textes en main : « Or celui qui croyaient avaient toutes choses communes; ils vendaient leurs possessions et leurs biens, et les distribuaient à tous, selon le besoin de chacun, et ils étaient tous les jours assidus au temple, d'un commun accord, rompant le pain de maison en maison. (7) »
Qui ne reconnaît ici l'esprit généralisateur du langage oriental ? Qui ne remarque ces mots, insérés au bout de la phrase : de maison en maison! mots par lesquels l'absolue communauté qu'énonçait l'assertion du discours se trouve contredite et renversée absolument?
Pour subvenir à d'exceptionnelles pauvretés, les chrétiens d'alors s'imposaient des sacrifices exceptionnels, cela n'est pas douteux. L'Écriture exprime le fait en ces termes vifs et sommaires qu'elle emploie fréquemment pour peindre un tableau d'un trait. Mais l'Écriture prend soin, revenant sur le premier jet, large et débordant, de mettre le point lumineux, qui éclairant tout explique tout.
Au surplus, lisons :

« Ceux qui croyaient n'étaient qu'un corps et qu'une âme, nul ne disait que ce qu'il possédait fût à lui en particulier... Ceux qui étaient possesseurs de terres cou de maisons, faisant des ventes, apportaient le prix des choses vendues et le mettaient aux pieds des apôtres; et on le distribuait à chacun selon qu'il en avait besoin (8) ».

Ils n'étaient qu'un coeur et qu'une âme : voilà l'union. Nul ne disait que ce qui lui appartenait fût à lui : voilà l'esprit. Ceux qui possédaient, faisant des ventes, en apportaient le prix : voilà l'application.
Notez-le, ce n'est plus un dépouillement total; le propriétaire ne se démet pas de tout ce qu'il a; le propriétaire opère une vente, selon que lui dicte son coeur, selon que le réclament les besoins; le sacrifice n'est pas une mesure universelle, car Barnabas, fils de Joses, est cité pour avoir vendu -un fonds; or, si les huit mille chrétiens - et plus - qui formaient l'Eglise avaient tous vendu toutes leurs propriétés, si telle avait été la règle, si tel avait été le devoir, personne n'aurait songé, et saint Luc moins qu'un autre, à citer Barnabas poux la vente d'un champ. L'offrande enfin, qui n'est ni radicale, ni universelle, West pas davantage obligatoire.

« Si tu avais conservé ton bien, dit Pierre à Ananias, ne te demeurait-il pas? et l'ayant vendu, n'était-il pas en ton pouvoir d'en garder le prix? » - Le crime d'Ananias, faites-y attention, n'est pas d'avoir retenu pour son usage une fraction quelconque de la chose vendue; le crime, c'est d'avoir menti au Saint-Esprit. Le crime de la femme d'Ananias n'est pas de s'être entendue avec son mari pour diminuer le don fait à l'Église, c'est de s'être accordée avec son mari pour mentir au Saint-Esprit.
Vous le voyez, les faits que vous invoquez pour établir la communauté, se rangent contre elle, tous, et tous renvoient votre hypothèse à votre imagination.
Paul travaille afin de gagner sa vie; Aquilas et Priscille en font autant, comment, avec la communauté, arrangez-vous cela? Paul organisé des quêtes, il sollicite avec instance en faveur des pauvres de Jérusalem; comment, avec la communauté, arrangez-vous cela? Dans les agapes, les uns apportent d'abondants soupers, les autres ont faim; comment, avec la communauté, arrangez-vous cela? Or Paul n'ordonne pas à ces riches de tout vendre pour se mettre au niveau de leurs frères qui dont rien; non, Paul qui aurait pu s'indigner - et certes il y avait de quoi, - Paul se borne à dire: « N'avez-vous donc pas des maisons pour manger et pour boire?... Ne faites pas honte à ceux qui n'ont rien. »
Paul, ce grand organisateur des Églises, envoie ses directions précises aux assemblées qui se forment en tous lieux. Si la communauté, si le dépouillement étaient un devoir, l'apôtre l'imposerait. Si la communauté, si le dépouillement étaient dans les habitudes des chrétiens, l'apôtre le dirait. Si la communauté, si le dépouillement se présentaient à l'apôtre, ne fût-ce ce que comme, un idéal à poursuivre, l'apôtre ferait ce qu'ont lait tous ceux qui ont admis le principe, il présenterait à son tour cet idéal aux fidèles, il en chercherait, il en réaliserait l'application; il ferait ce qu'ont fait les Pères, qui ont anathématisé les richesses, glorifié l'indigence, imaginé la communauté, et qui les ont établis par la vie de couvent. Paul ferait en un mot ce qu'a fait l'Église romaine, qui a généralisé, qui a régularisé l'oeuvre des Pères, qui lui a donné sa monstrueuse extension! Or l'apôtre, or les apôtres gardent un silence absolu sur ce point si essentiel à la sainteté.

Loin d'écarter la question d'argent, les apôtres l'attaquent de front. Voici ce qu'ils disent, et voici ce qu'ils ne disent pas.
Ils ne disent pas : Vendez tout, donnez tout, quittez vos maisons, croisez-vous les bras, vivez de l'existence commune et mangez le bien commun!

Les apôtres disent : « Que personne ne foule son frère et ne fasse son profit de lui dans les affaires (9) »
Donc les chrétiens ont des affaires.

Les apôtres disent : « Que chacun de vous mette à part quelque chose, en, accumulant ses profits (10) ». - Donc les chrétiens font des profits, et même des profits accumulés.

Les apôtres disent: « Si quelqu'un ne veut pas, travailler, qu'il ne mange pas non plus... il y en a qui ne marchent pas dans l'ordre, ne travaillant point... nous les exhortons au nom du Seigneur à manger leur propre pain en travaillant (11). - Donc le devoir des chrétiens n'est pas de vivre sur le fonds d'autrui, mais de travailler pour gagner leur propre pain.

Les apôtres disent : « Nous ne sommes pas sortis de l'ordre parmi vous, et nous n'avons mangé gratuitement du pain chez personne, mais dans la fatigue et dans la peine, travaillant nuit et jour pour ne surcharger aucun de vous! » - Donc les apôtres pratiquaient eux-mêmes ce qu'ils recommandaient aux chrétiens.

Les apôtres disent: « Que les Anciens qui président bien soient jugés dignes d'un double honoraire (12) » Donc les anciens conducteurs des troupeaux gagnent leur vie en recevant un salaire.

Les apôtres disent : « Recommande aux riches de ne pas s'enorgueillir, de ne point fonder d'espérance sur l'incertitude des richesses, mais en ce Dieu vivant qui nous fournit abondamment toutes choses pour en jouir; de faire dit bien, d'être prompts à donner, de faire part de leurs biens, de s'amasser comme trésor un bon fondement pour l'avenir (13) ! » - Donc il y a des riches, auxquels Dieu fournit abondamment toutes choses, auxquels Dieu ne commande pas de sacrifier tout, mais auxquels il prescrit l'humilité, la: confiance en lui, le zèle pour les bonnes oeuvres, et la promptitude à donner.

Paul dit à Philémon, en lui renvoyant son esclave Onésime - son esclave, entendez-vous : - « S'il te doit quelque chose, mets-le sur mon compte; moi Paul, je l'ai écrit de ma propre main: je payerai le tout.» - Donc voilà Paul qui a sa bourse particulière, voilà Paul qui est en compte avec un chrétien.

Paul dit : « L'amour de l'argent est la racine de tous les maux; quelques-uns en étant possédés se sont égarés de la foi, se transperçant eux-mêmes de beaucoup de douleurs (14) ! » - Or pour guérir une plaie si profonde, Paul n'indique ni l'abandon de la propriété, ni la vie en commun, ni le partage des biens; il indique la poursuite de la piété, de la foi, de la justice et de l'amour, substituant la bonne ambition à la mauvaise, régénérant l'homme au lieu de le mutiler, greffant le sauvageon et n'arrachant pas l'arbre, certain que l'arbre greffé portera de bons fruits! - « « Au reste, ajoute l'apôtre, que, chacun donne selon qu'il l'a résolu dans son, coeur, non avec tristesse ou par contrainte, car Dieu aime celui qui donne gaiement!... Que celui qui dérobait ne dérobe plus, ajoute l'apôtre, mais que plutôt il prenne de la peine, faisant de ses mains ce qui est bon, afin qu'il ait de quoi donner à celui qui est dans le besoin (15)! » Ici se révèle le grand côté de la propriété. Posséder, c'est avoir de quoi donner gaiement! La possession, c'est la liberté. Si je ne possède pas mon âme, Je ne pourrai pas donner mon âme à Dieu; si je ne possède pas ma vie, je ne pourrai pas consacrer ma vie, à Dieu; si je ne possède pas un sou, je ne pourrai pas faire le sacrifice d'un sou; si je suis contraint, je ne pourrai pas donner gaiement. L'esclave, qui ne possède rien, de rien à donner: là est l'abjection suprême! Ravir à l'homme son droit de posséder, que ce soit la propriété du coeur, du corps, de la conscience, des facultés, dit sol ou de l'argent, c'est commettre le grand attentat, c'est mettre la main sur sa liberté.

On dit : Le don est offert à Dieu, une fois pour toutes. L'homme, une fois pour toutes, s'est volontairement démis du droit qu'il avait de posséder!
Eh bien, c'est justement parce qu'il l'a fait une fois pour toutes, que l'homme s'est dispensé de le faire toutes les fois que Dieu le veut. Cette grande abdication n'est au fond qu'une grande dispense de soumission. L'égoïsme s'accommodera toujours des partis pris une fois pour toutes; il n'en a pas peur, ce n'est pas là ce qui le tuera. L'égoïsme a peur de la liberté, il a peur des libres mouvements de la conscience, il a peur des libres élans du coeur, il a peur de la libre obéissance au jour le jour; il sait qu'avec cela il lui faudra mourir. Aussi l'égoïsme se fera-t-il socialiste, communiste, tant qu'on voudra.

La communauté détruit autre chose que la famille, la communauté anéantit la charité, la sympathie, les joies du renoncement. Celui qui ne possède rien en propre ne peut se priver de quoi que ce soit pour son frère; il ne peut nouer ces doux liens du sacrifice d'une part, de la reconnaissance de l'autre, qui unissent entre eux les membres de Jésus-Christ; il ne peut se gêner pour faire éclore du bonheur là où l'on ne rencontrait que de la souffrance; il ne peut, supprimant quelque plaisir, mettre un rayon de soleil sur le chemin des déshérités. Là où l'individu fait défaut, vous chercheriez vainement l'amour. L'engin socialiste Prend la pâtée et l'administre à chacun, réduisant ainsi l'humanité au rôle de bétail à l'engrais!
Venez, après cela, nous parler de fraternité!
Où est-elle? qu'en avez-vous fait? comment voulez-vous qu'elle s'exerce? Personne n'a plus besoin de personne. D'ailleurs, où trouver l'homme? Je vois des râteliers, je vois des mâchoires; mais d'hommes je n'en vois pas un.

Admirons quels progrès l'Évangile aurait réalisés dans l'humanité, s'il l'avait dotée du socialisme ! Plus de foyer, plus de sanctuaire, plus d'enfants, plus de travail, plus de possession ni de soi-même ni de rien: la chrétienté au couvent; quel paradis sur la terre!
Grâce à Dieu, c'est la famille que l'Évangile est venu rétablir; la famille, démolie pièce à pièce depuis Adam; la famille, qu'après Jésus-Christ l'homme s'est efforcé de détruire; la famille, création merveilleuse, don béni, miracle plus éclatant cent fois que les plus éclatants prodiges.
Les hommes ont inventé la polygamie, le divorce, la communauté, le saint célibat.

Inventer la famille, cela n'appartenait qu'à Dieu.

1. Luther écrivait, dans son langage original et salé : « Moi, aux paroles des Pères, des hommes, des anges, des démons, j'oppose, non pas l'antique usage de la multitude des hommes, mais la seule Parole de l'éternelle Majesté, qu'eux-mêmes sont forcés de reconnaître. Là je me tiens, je m'assieds, je m'arrête. Là est ma gloire, mon triomphe...
Je m'inquiète peu des paroles des hommes, quelle qu'ait été leur sainteté; pas davantage de la tradition, de la coutume trompeuse. La Parole de Dieu est au-dessus de tout... Dieu ne peut errer ni tromper; Augustin et Cyprien, comme tous les élus, peuvent errer, et ont erré »
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2. Actes, II, 44.
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3. Actes, II, 46.
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4. Actes, VIII, 3.
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5. Actes, XII, -12, 13, 14.
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6. Matthieu XIX, 21.
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7. Actes, II, 44, 45, 46.
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8. Actes, IV, 32-34.
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9. I Thessaloniciens, IV, 6.
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10. II Corinthiens, XVI, 1, 2,
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11. I Thessal., III, 10, 11, 12.
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12. I Tim, V, 17.
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13. I Tim., VI, 17, etc.
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14. I Thessal., VI, 6.
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15. II Corint., VII.
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