Notre esprit a besoin,
pour se
reposer, d'un spectacle moins répugnant.
Les moeurs des
Germains, si bien
décrites par Tacite, nous le fourniront.
Elles forment avec
les coutumes
grecques et romaines le contraste le plus
absolu.
On le sent, Dieu
tient en
réserve cette race-là, cette
honnêteté-là, pour rajeunir les nations
décrépites, pour y féconder
l'Évangile, pour y retrouver l'individu, pour y
relever la famille, pour rallumer en un mot les purs
foyers.
Faites-y attention,
n'est-ce pas
le rôle que remplissent, aujourd'hui comme alors, les
peuples germaniques, les peuples anglo-saxons?
Un de nos traits les
plus
saillants, à nous autres latins, c'est la
perpétuelle ironie qu'excite chez nous le mariage.
Bonheur, malheur, tout sert de prétexte à nos
sarcasmes. Ceux-là même qui ne se moquent point
restent frivoles. Pas de bonnes histoires s'il n'y a quelque
mari trompé au bout. L'éternelle aventure de
l'éternel roman éternellement le même
nous ramène invariablement l'adultère sous
toutes les formes, à toutes les sauces, dans tous les
milieux. Notre littérature en vit, ou plutôt
elle en meurt. Raillé, léger, flottant, le
lien conjugal n'étreint plus. On s'arrange d'ailleurs
pour le rendre aussi ténu que possible. Le premier
soin quand on l'accepte, c'est de lui soustraire les grands
côtés de la vie, c'est d'en détourner
les plus intimes besoins du coeur.
La race germaine, au
rebours, met
ses aspirations, rattache son avenir à ce fait,
immense pour elle de l'union des deux âmes, de la
fusion des deux existences, de l'intimité du nid
conjugal, avec les tendres sollicitudes pour tout ce
qu'abrite son duvet.
La race germaine
apporte au
mariage, à l'acte suprême, à
l'événement décisif, un profond
sérieux.
Elle en attend tout,
félicité, énergie, progrès. Elle
n'en détourne rien, ni le coeur, ni les
volontés, ni la soif de l'idéal (1).
L'indépendance
germaine,
qui a respecté l'individu, a conservé la
famille. Le despotisme latin, qui a écrasé
l'individu, a du même coup mutilé la famille.
Les attitudes se sont maintenues. L'histoire future dira
où se trouvait l'avenir.
Je ne veux rien
exagérer.
Les Germains de
l'antique Germanie
ne possédaient pas la famille intacte. Bien que la
monogamie fût le fait habituel chez eux, elle
n'était pas la règle absolue. Bien que le
divorce formât l'exception, le divorce existait. Les
Germains, en outre, versant, au rebours des autres peuples,
du côte des respects exagérés, presque
de l'adoration envers les femmes, avaient méconnu
tout autant que ceux-ci le caractère sacré de
l'union formée par la volonté divine et sur le
plan divin. La femme, chez eux, sortait du rôle que
lui a donné son créateur. Prophétesse,
prêtresse, organe privilégié des oracles
célestes, elle quittait, pour saisir de haute main la
chose publique, cette ombre où Dieu l'a
placée; elle répudiait les devoirs tout
intérieurs dont Il a fait sa part et son bonheur;
elle entrait dans les domaines réservés
à l'homme, et y exerçait une autorité
qui ne lui sied nullement.
Ceci dit, maintenons
la
supériorité germaine en tout ce qui tient
à l'union conjugale, et par elle a un sens
moral.
La chasteté de ce
peuple
frappait Tacite, le Romain accoutumé aux
impuretés de son pays. Il la signale, en
intègre historien qu'il est: « Chez ces
gens-là, dit-il, point d'adultère. Ces
gens-là ne rient pas du vice! Être corrompu et
corrompre ne s'y nomme pas la mode du siècle! Le
mariage parmi ces gens-là, est si solennel, si vrai,
si profondément enraciné, que les veuves se
remarient rarement. De même qu'elles n'ont qu'un seul
corps et qu'une seule âme, elles prennent un seul
époux. Leur pensée ne va pas au delà.
»
Il semble qu'un
dernier souffle,
exhalé par l'Eden à jamais fermé,
vienne rafraîchir notre coeur.
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