Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

III

LA GRÈCE ET ROME

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Je ne nie certes pas ce que la civilisation grecque a présenté de délicat et de supérieur. En fait de rites obscènes toutefois, la Grèce ne le cédait nullement à la Phénicie. Paphos, Corinthe, les mystères, les cérémonies publiques, tout se réunissait pour souiller l'âme, pour démoraliser l'individu, pour réduire par conséquent la famille au néant.
Chaque vice avait son représentant dans l'Olympe, chaque monstruosité y trouvait sa justification. Comment voulez-vous dès lors qu'une notion de pureté, je dis des plus élémentaires, restât debout au fond du coeur?
L'important, lorsqu'on juge une civilisation, ce ne sont pas les faits énormes, les crimes exceptionnels, ce sont les faits journaliers , acceptés et vulgaires : ce n'est pas ce qui scandalise, c'est ce qui ne scandalise pas. Or les législations s'accordaient exactement avec les turpitudes sacrées : voyez Lycurgue.
Or les moeurs, les moeurs avouées, universelles, conduisaient les plus honnêtes Athéniens chez les femmes les plus perdues : consultez Aspasie.
Or l'antiquité grecque et romaine tout entière a célébré les hétaïres : et ici, ne craignez rien, je ne vous dirai ni tout ce qu'elle a honoré, ni tout ce qu'elle a fait, durant des siècles, sans remords et sans pudeur.
Après cela, cherchez en Grèce quelque chose qui ressemble à la famille, cherchez quelque chose qui ressemble à l'amour, cherchez quelque chose qui ressemble à l'individu!
La famille! je vous mets au défi d'en trouver un vestige.

L'amour ! vous rencontrez bien un dieu qui porte ce nom; mais ce nom-là, donné à ce dieu-là, c'est une profanation, c'est un blasphème. Où la femme n'existe point, l'amour n'est point. Il lui faut l'estime, le respect, la pureté. Quel Athénien a jamais dit : « Toi qu'aime mon âme! (1) »
L'individu! ne le demandez pas davantage aux sociétés antiques du Péloponèse. Le grossier principe païen, cette négation de Pâme et de la famille, en a vite raison : l'État s'est mis à la place de la conscience, par où s'affirme l'individu.
Il n'y a plus de foi personnelle; il y a la religion de l'Etat.
Il n'y a plus de vie intérieure; il y a la place publique, centre et palpitation de la vie de l'Etat.
Il n'y a plus de table de famille; il y a les repas de l'État.
Il n'y a plus de foyer autour duquel se pressent les enfants, plus d'éducation domestique, plus de tendresses filiales; il y a les nourrissoirs, il y a les élevoirs de l'État.
L'Etat a dévoré le croyant, le père, l'époux. L'Etat a dévoré l'homme.
Ce que la Grèce a fait, Rome le continuera.
Encore une grande civilisation devant laquelle il faut s'incliner, encore une éclatante manifestation du principe païen contre lequel il faut protester.
J'ai dû protester, je pourrais dire lutter; car Rome, Rome la païenne n'est pas morte, et son Vatican qui a hérité de son Capitole nous le fait bien voir.

Pour le droit romain, la famille n'existe pas, L'agnation - parenté masculine - envahit tout. La cognation - parenté féminine - est comme si elle n'était point.
Dans cette agglomération toute civile, toute juridique, entassée sous un même toit, écrasée sous un même joug, l'émancipation détruit la parenté. Le jour où le fils passe a l'état d'homme, la famille disparaît pour lui. L'autorité du père cessant, la relation filiale a cessé.
La femme n'est ni épouse ni mère; le droit romain en fait un des enfants du mari.
La femme célibataire, gouvernée par ses tuteurs, reste soumise à une éternelle minorité.
Ceux des enfants que leur âge ou que leur sexe retient sous la domination du père, ne disposent contre l'excès de ce pouvoir ni d'un recours ni d'un secours.
Aussi longtemps que les fils et les filles font partie de la maison, le père qui leur a donné la vie peut la leur ôter : il a sur eux droit de mort.
La famille romaine, c'est le père; le père, c'est le maître; le maître, c'est le tyran.
Jamais la voix du sang ne fut méconnue à un tel degré. Jamais on ne vit quelque chose de plus dur, de plus artificiel que ce mécanisme sans entrailles, que ce despotisme absolu, que cette suppression brutale de tout ce qui n'est pas le chef, que cette insolente négation des sentiments du coeur, que cet arrachement des éternelles et naturelles attaches de la parenté.
Pour conséquence, vous avez l'exposition des enfants.
Comment en serait-il autrement? Rome a supprimé les mères.

Et ne me parlez ni des matrones du premier temps de la République, ni des honneurs qui leur étaient rendus. La matrone, au travers d'apparents hommages, n'en demeurait pas moins fille de son mari, soeur de son fils, assujettie, dépendante, à tous égards.
En somme, la femme, que respecte à un certain degré le siècle d'Homère, celui d'Eschyle, ira s'effaçant dans la mesure où grandiront les civilisations antiques. La plus haute fortune de Rome marquera le plus complet abaissement des femmes. C'est un des scandales de l'histoire. On fera bien d'y renvoyer ceux qui, niant le progrès par l'Évangile, affirment la perfection de l'humanité.

Quant à nous, ne cherchons pas ailleurs que là, dans ce berceau latin de nos races latines, et les stupides gausseries dont notre littérature a porté l'empreinte, et les grossiers abus de pouvoir dont nos législations ont hérité.
La monogamie régnait à Rome. On s'en dédommageait par un divorce effréné.
Ce n'est pas tout, Rome avait deux sortes de mariages: les justes noces et le concubinat.
Pour conséquence, vous avez l'exposition des enfants.
Comment en serait-il autrement? Rome a supprimé les mères.
Et ne me parlez ni des matrones du premier temps de la République, ni des honneurs qui leur étaient rendus. La matrone, au. travers d'apparents hommages, n'en demeurait pas moins fille de son mari, soeur de son fils, assujettie, dépendante, à tous égards.
En somme, la femme, que respecte à un certain degré le siècle d'Homère, celui d'Eschyle, ira s'effaçant dans la mesure où grandiront les civilisations antiques. La plus haute fortune de Rome marquera le plus complet abaissement des femmes. C'est un des scandales de l'histoire. On fera bien d'y renvoyer ceux qui, niant le progrès par l'Évangile, affirment la perfection de l'humanité.

Quant à nous, ne cherchons pas ailleurs que là, dans ce berceau latin de nos races latines, et les stupides gausseries dont notre littérature a porté l'empreinte, et les grossiers abus de pouvoir dont nos législations ont hérité.
La monogamie régnait à Rome. On s'en dédommageait par un divorce effréné.
Ce n'est pas tout, Rome avait deux sortes de mariages: les justes noces et le concubinat.
Que devient l'idée de famille, je le demande, au sein d'une société qui, à tête reposée et de sang-froid, organise la dissolution de la famille, fait passer la corruption à l'état normal, inscrit la débauche, dans sa législation?
N'oublions pas cet autre détail : pour toute une catégorie d'êtres humains, les esclaves, fraction immense de la population romaine, le mariage n'existait pas. L'esclave n'avait légalement ni femme, ni filles, ni fils. Représentez-vous ces malheureux livrés aux caprices du peuple-roi, et concluez.
Il se passa dans Rome ce qui arrive partout où le vice n'a plus de frein. Les liens qui subsistaient encore parurent gênants. Ce qui restait, fut de trop. On ne put supporter ces semblants d'entraves. Aux divorces incessants vint s'ajouter le célibat, un célibat systématique et général.
En face de ce fait, qui menaçait son avenir, Rome prit peur. Si les questions de moralité ne l'émouvaient guère, la question de prospérité, question de vie ou de mort, l'ébranla. Elle fit la loi Julia; elle promulgua la célèbre loi Poppia Poppoea; elle promit des récompenses aux hommes de bonne volonté qui prendraient femme; elle décréta des châtiments contre les célibataires obstinés. Peine perdue; rien ne servit.

Ce n'est pas avec des codes qu'on réforme le coeur.
Si vous voulez savoir, non pas ce qu'était le bourbier romain, la plume se refuse à l'indiquer; mais s'il vous plaît de mesurer, ne fût-ce que par l'indifférence même où de pareilles turpitudes laissaient les honnêtes gens, la profondeur du mal et son action sur l'âme, lisez Caton, Cicéron, Auguste, ce qu'ils disent des courtisanes, quelles moeurs les trouvent sans indignation; vous aurez rencontré de nouveau la Grèce, Socrate, Platon, et toute cette classique atmosphère saturée de miasmes empoisonnés.
Le théâtre avec ses obscénités, les cirques et Murs lâches égorgements, les bacchanales, les lupercales, les fêtes ignobles des dieux impurs achevaient de ruiner ce qui. pouvait rester de sens moral.
Aussi la nation tout entière glisse-t-elle sans étonnement vers les gigantesques débauches, vers les débordements inouïs des familles impériales. Nous-mêmes nous en sommes à peine surpris. Le souper que Tigellinus donne à Néron n'ajoute rien aux abîmes creusés par la dégradation universelle dans les habitudes et dans les coeurs.
Et ce monde fangeux est un monde profondément triste. Après avoir cherché un refuge dans le célibat, il en cherche un dans la mort; le nombre des suicides s'accroît avec une effrayante rapidité.
Une fois les liens de la famille rompus, une fois la conscience et le devoir arrachés à la vie humaine, que reste-t-il?
L'homme ne se passe ni d'aimer, ni d'être aimé, ni de bien faire.
Ce qu'on appelle plaisir ne le séduit pas toujours.
Alors viennent les réactions philosophiques elles ne manquèrent pas à Rome, - alors paraissent les sages, qui répètent les maximes du vieil égoïsme païen sur l'inconvénient de trop aimer, de trop regretter, d'être trop en vie!

On cherche la paix par l'abstention, le bonheur par la mutilation; on coupe, on déracine, on détruit jusqu'aux derniers vestiges de la tendresse; le sol était souillé, on le fait aride; où il y avait un marais on met un désert.
Et l'âme ne s'en porte pas mieux, et tout sonne sec et faux dans cette société finie.
Elle ne renaîtra que lorsque l'Évangile viendra.

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1. Cantique des cantiques, ch. I, verset 6. 
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