Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

Parabole du levain

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verset 33.

Le royaume de Dieu est semblable à du levain qu'une femme a pris et mis dans trois mesures de farine, jusqu'à ce que la pâte soit toute levée.

Matthieu 13: 33.

 

Cette parabole, comme la précédente, est généralement interprétée de manière à démontrer le développement satisfaisant des principes du Royaume de Dieu au milieu de notre société. Si rien n'enrayait leur action, le monde finirait par être entièrement transformé, grâce à la prédication de l'évangile, agissant comme du levain dans la pâte. Si cette interprétation était juste, celle que nous avons donnée des trois précédentes serait fausse, car il existerait une contradiction entre elles, ce qui ne peut être le cas. Nous disions dans l'introduction de notre sujet, qu'il doit exister une parfaite, harmonie dans l'enseignement de ces paraboles, comme d'ailleurs dans toute la Parole de Dieu. La doctrine contenue dans l'une des parties des Saintes Ecritures ne peut contredire la doctrine découlant d'une autre partie. Il en résulterait ainsi que cette interprétation serait juste et les trois précédentes fausses, ou vice versa.

Si, d'après l'interprétation généralement acceptée, le levain était le principe vital qui transforme l'humanité, l'agent puissant dont Dieu se sert pour établir son Royaume ici-bas, d'une façon progressive et ininterrompue, jusqu'à l'achèvement, le levain serait l'image du bien. Mais le levain est-il vraiment cela? Sa nature lui permet-elle d'exercer une telle action bienfaisante? Remarquons tout d'abord que le levain n'est pas l'élément principal de la parabole. Le texte ne dit pas: «Le Royaume de Dieu est semblable à du levain», mais il dit: «Le Royaume de Dieu est semblable à du levain qu'une femme a pris, et mis dans trois mesures de farine> Ainsi la partie vitale de la parabole n'est pas le levain, mais les trois mesures de farine. Le levain, tout, comme la femme, d'ailleurs, n'est mentionné qu'en considération de la farine. L'élément capital de la parabole, ce sont ces trois mesures de farine, et ce qui se produit en elles par l'intervention de la femme, qui introduit le levain.

Nous trouvons la première mention de ces trois mesures de farine dans la Genèse (18 : 6), à l'occasion de la visite que l'Ange de l'Eternel fait à Abraham. Nous les retrouvons dans le Lévitique, à propos de l'offrande de fleur de farine. Il importe ici de préciser que cette offrande était précédée par l'holocauste dont la signification symbolique était la parfaite obéissance à la volonté de Dieu, si magistralement illustrée par Jésus-Christ, notre holocauste. « Il ne s'est point complu en lui-même» (Rom. 15 : 3). «Il n'a point cherché sa propre gloire» (Jean 8: 50). «Il n'est pas venu pour faire sa volonté» (Jean 5: 30). Son être tout entier, esprit, âme et corps, a été consacré à Dieu, partout et toujours. Ses pensées, ses affections, son temps, son énergie, son confort, son bien-être, foyer, parents et amis, tout a été abandonné à Dieu. Tous les voyages qu'Il fit, tous les miracles qu'Il accomplit, tous les sermons qu'Il prêcha, étaient en obéissance parfaite au Père, que cela soit dans la maison du charpentier de Nazareth, ou quand il confondit l'hostilité des pharisiens, et les moqueries des sadducéens, ou encore quand il pleura sur la tombe de son ami Lazare. Qu'il ait été à table à côté du traître, ou agonisant dans le jardin de Gethsémané, ou mourant sur la croix, ou dans sa victoire incomparable sur la mort, toujours c'est la même perfection dans l'obéissance. Il a toujours été obéissant au Père, obéissance qui nous est imputée par la foi. C'est à la suite de cette merveilleuse consécration de Christ à Dieu, symbolisée par l'holocauste, que jaillissent ces exhortations de l'apôtre «d'offrir nos corps comme un sacrifice vivant, saint, agréable à Dieu, ce qui sera de notre part un culte raisonnable» (Rom. 12: 1).

Si l'holocauste qui précède l'offrande de farine est le symbole de la consécration à Dieu, l'offrande de fleur de farine est celui de la dédicace des oeuvres de l'adorateur. Cette offrande était également l'offrande de l'hospitalité. Une partie restait la propriété de l'adorateur, l'autre était à la disposition du prêtre. Nous avons ainsi, dans cette offrande, le symbole d'une communion parfaite, établie entre l'adorateur et son Dieu, sur la base de son activité, précédée par une entière obéissance.

La loi mosaïque faisait défense absolue d'introduire du levain dans l'offrande de fleur de farine. Pourquoi cela? C'est que le levain est un morceau de pâte en fermentation, c'est-à-dire en voie de corruption, et capable par ce fait de contaminer tout ce qu'il touche. Il ne peut donc servir à représenter un principe, sain, vivifiant. Les enfants d'Israël avaient reçu l'ordre précis d'enlever toute trace de levain dans leurs maisons, pendant la fête de la Pâque (Ex. 12: 15). L'Ancien Testament le désigne invariablement comme le symbole du mal, et le Nouveau Testament n'est pas moins catégorique, qu'on en juge !

Pour mettre en garde ses disciples contre les fausses doctrines, Jésus leur dit: «Gardez-vous du levain des pharisiens et des sadducéens» (Matth. 16 : 11). Ils avaient l'apparence de la piété, leur religion n'était qu'un ritualisme vain, un formalisme vide. Le levain des pharisiens était l'hypocrisie (Luc 12 : 1). Celui des sadducéens était le matérialisme, car ils ne croyaient ni aux anges, ni aux esprits, ni à la résurrection des morts. S'adressant aux Galates rétrogrades, déchus de la grâce, saint Paul déclare que la suggestion à laquelle ils ont obéi ne vient pas de Celui qui les a appelés, «car un peu de levain fait lever toute la pâte» (Gal. 5: 8-9). Ce levain, c'est le légalisme. En relatant la condamnation à mort du Sauveur, l'évangéliste mentionne, comme en passant, l'alliance hétéroclite, monstrueuse d'Hérode, personnification du culte juif, avec Pilate, représentant le monde païen. «Ce jour-là, Hérode et Pilate, d'ennemis qu'ils étaient, devinrent amis» (Luc 23: 12.). Mais déjà auparavant, Jésus avait mis en garde les siens contre le caractère d'Hérode. «Gardez-vous avec soin, leur dit-il, du levain d'Hérode» (Marc 8: 15). Ce levain, à n'en pas douter, c'est le mondanisme, qui prend aussi figure du mammonisme. «Vous ne pouvez servir deux maîtres, Dieu et Mammon» (Matth. 6 : 24). Ecrivant aux Corinthiens, l'apôtre Paul donne un relief saisissant au sens péjoratif du levain, de façon à lever tous les doutes, La citation du passage entier s'impose ici. «Vous n'avez certes point sujet de vous glorifier. Ne savez-vous pas qu'un peu de levain fait lever toute la pâte? Purifiez-vous du vieux levain, afin que vous deveniez une pâte nouvelle et sans levain, comme vous l'êtes aussi; car Christ, notre Pâque, a été immolé. Ainsi donc célébrons la fête, non avec du vieux levain; ni avec le levain de la malice et de la méchanceté, mais avec les pains sans levain de la sincérité et de la vérité» (1 Cor. 5: 6-8).

En voilà assez pour emporter la conviction de tous les lecteurs attentifs de la Bible. Il nous reste cependant à examiner deux passages qui, lus superficiellement, pourraient provoquer quelque hésitation, bien qu'au fond ils appuient notre thèse. Lisons d'abord ceci: «Quand vous serez entrés dans le pays que je vous donne, et que vous y ferez la moisson, vous apporterez au sacrificateur une gerbe, prémice de votre moisson... Vous sacrifierez aussi, ce jour même, un agneau d'un an, sans défaut et sans tache, en holocauste à l'Eternel ; vous y joindrez une offrande de deux dixièmes de farine, arrosée d'huile, en sacrifice consumé par le feu, d'agréable odeur à l'Eternel ... » (Lév. 23 : 10-13). Qui ne voit, dans cette première gerbe, et l'offrande de fleur de farine tirée de cette gerbe, la préfigure de Jésus-Christ, l'Agneau sans défaut et sans tache, immolé, mais rendu à la vie comme les prémices de la résurrection? (1 Cor. 15 : 23). Dans cette offrande il n'y a point de levain, la farine est arrosée d'huile, symbole du Saint-Esprit. C'est la perfection même du grand salut de Dieu en Jésus-Christ.

Jusqu'ici tout s'accorde avec nos explications. Mais la suite du passage du Lévitique risque, au premier abord, de provoquer quelque étonnement. « Vous compterez aussi, à partir du lendemain du sabbat où vous avez apporté la gerbe, sept semaines entières... et vous offrirez une nouvelle offrande à l'Eternel... Vous apporterez de vos demeures deux pains, ils seront faits avec deux dixièmes de fleur de farine, et cuits avec du levain: ce sont les prémices à l'Eternel» (Lév. 23: 17). Ces sept semaines plus un jour font cinquante jours, l'intervalle qui sépare Pâques de la Pentecôte. C'est après la résurrection, l'envoi du Saint-Esprit, et la formation de l'Eglise chrétienne que cette deuxième offrande devait avoir lieu (Actes 2 : 1-4). Mais pourquoi ces deux pains? C'est que l'Eglise, corps terrestre de Jésus-Christ, devait comprendre deux éléments constitutifs : le monde juif, primitivement appelé, et le monde païen, nouvellement appelé. Et pourquoi ces deux pains devaient-ils être cuits avec du levain? C'est que l'Eglise, sainte en principe et par sa destinée finale, ne pouvait pas en pratique échapper à la corruption qui règne dans le monde, pas plus que chaque membre qui la compose individuellement.

Le deuxième passage, qui est moins important, se lit dans le prophète Amos: «Allez à Béthel, et péchez encore; allez à Guilgal, et péchez toujours davantage! Apportez chaque matin vos sacrifices, et tous les trois jours vos dîmes! Faites fumer vos offrandes d'actions de grâces avec du levain !» (Amos 4 : 4-5). Le contexte montre clairement que l'Eternel parle avec sévérité; Il reproche à Israël son hypocrisie et sa corruption, et c'est avec une sainte ironie qu'il l'exhorte ainsi, pour mettre le comble à son impiété, à présenter ses offrandes avec du levain. Ici donc, comme ailleurs, le levain est considéré comme un principe mauvais. Serait-il possible que Christ fasse une exception pour cette parabole, et prenne le levain pour représenter le bien? Nous ne le croyons pas. Ce serait accuser notre Seigneur d'inconséquence ou d'incapacité de trouver une illustration appropriée pour mettre en relief sa pensée.

Permettez-nous un souvenir personnel. Dans une controverse à ce sujet, on nous opposa l'argument suivant: «Vous dites que le levain est le type du mal; comment se fait-il que vous mangiez tous les jours, et sûrement avec plaisir, du pain levé?» En effet, nous mangeons tous, et avec appétit et profit, du pain qui a subi l'action du levain; mais nous ne le mangeons pas avant qu'il soit cuit. La chaleur du four a arrêté totalement la fermentation de la pâte et il en est résulté un aliment sain et agréable, dont nous aurions peine à nous passer.

Il en est de même pour notre civilisation chrétienne si avancée dans le domaine intellectuel et scientifique. Ces découvertes et inventions qui pourraient et devraient servir uniquement au bien de notre humanité, sont détournées de leur vraie destination et mises au service des puissances infernales, de telle façon qu'en dépit de ces progrès si merveilleux, nous assistons terrifiés à une complète faillite de notre civilisation. Mais le jour vient, et il sera là bientôt, où cette civilisation, faussée par le péché, passera à travers la fournaise ardente des jugements de Dieu. Ce sera la Grande Tribulation mentionnée dans Matth. 24: 21. Par cette Tribulation le levain sera détruit et l'humanité en sortira purifiée. Alors, et alors seulement, elle pourra jouir des progrès de la civilisation.

Après avoir déterminé la nature et le rôle du levain dans notre parabole, considérons la femme qui y introduit le ferment.

Dans le prophète Zacharie (5: 5-8), il est question de l'épha, sur lequel une femme est assise. L'épha est une mesure de capacité, la dixième partie de l'homer (Ez. 45: 11). C'est l'emblème du commerce et la femme assise sur l'épha représente l'injustice et l'iniquité auxquelles le commerce est assujetti. Ce passage nous renvoie tout naturellement aux chapitres 17 et 18 de l'Apocalypse, qui nous offrent le spectacle d'une vie commerciale intense, régie par une femme. Cette femme a abandonné son Divin Amant pour s'attacher à un autre: c'est l'Eglise apostasiée qui, au lieu de rester fidèle à Jésus-Christ en accomplissant sa mission strictement spirituelle, s'est émancipée pour s'unir au monde et devenir, de la sorte, une puissance plus politique que religieuse. Jean voit cette femme ivre du sang des saints et du sang des témoins de Jésus, tenant dans sa main une coupe d'or remplie d'abomination et des impuretés de sa prostitution. Nous retrouvons cette femme dans la quatrième lettre adressée à l'Eglise de Thyatire (Apocalypse 2 : 20).

Dans cette quatrième parabole, elle introduit subrepticement dans la pâte le levain, agent de corruption et de mort, pour briser la communion qui existe entre Christ et son corps, et neutraliser son influence dans notre société. Ainsi l'ultime enseignement de cette parabole n'est pas la conversion du monde par les principes du Royaume; mais plutôt, le mélange d'erreurs et de corruption qui domine ces principes, et les rend inopérants, montrant par là, l'harmonie merveilleuse qui existe entre ces paraboles et les autres prédictions du Seigneur sur la condition morale et religieuse à la fin de notre économie.

La conclusion pratique à tirer de ces enseignements, c'est que l'Eglise dans son ensemble et chaque croyant en particulier ne peuvent agir utilement que dans la mesure où ils sont séparés du mal et libérés de tout ce que le levain symbolise. Lot était profondément attristé à cause de la conduite dissolue des habitants de Sodome, mais il fut impuissant à les ramener dans la bonne voie. Si la ville fut presque sauvée, elle le dut à l'intercession puissante d'Abraham, le fidèle. Le mal avait porté une atteinte si grave à l'intégrité de la piété de Lot, que son témoignage, si sincère qu'il fût, était devenu inefficace. De même en est-il pour nous. La puissance de notre témoignage dépend de notre séparation de tout ce qui n'est pas conforme à la volonté de Dieu.

Pourquoi notre chrétienté se trouve-t-elle sans force pour vaincre le mal qui l'assiège de toutes parts? Pourquoi ces crises sociales, économiques et politiques qui bouleversent le monde? Pourquoi n'a-t-elle pu empêcher la guerre avec ses indescriptibles misères? Pourquoi la civilisation, dont nous étions si fiers, rétrograde-t-elle jusqu'à la barbarie? Pourquoi sommes-nous placés au bord de l'abîme après vingt siècles de prédication de l'Evangile? Pourquoi cette faillite après deux mille ans de labeur, d'efforts, de sacrifices en vies et en argent? Enfin, pourquoi encore, notre société humaine, que nous étions appelés à conduire au pied de la Croix, est-elle dans sa masse, si loin de Dieu? La réponse ne se trouve-t-elle pas dans la complicité de l'Eglise avec le mal que représente le levain? Répétons-le. Ce qui fait l'impuissance de l'Eglise ce n'est pas que la main de l'Eternel se soit raccourcie, et qu'Il ne puisse lui aider, ni que son oreille se soit endurcie et qu'Il ne puisse entendre ses supplications (Esaïe 59: 1-2). Mais c'est l'introduction du mal en son sein. C'est son infidélité envers son Divin Maître.

La religion d'un grand nombre, rattachés officiellement à l'Eglise, consiste en un peu de foi apparente au-dessous de laquelle il n'y a plus rien. Obéir à la coutume, à la tradition, faire comme tout le monde, se contenter de cérémonies, de pratiques et de rites qui permettent tout juste de sauver les apparences, sans que le coeur et la vie soient vraiment engagés: quels atouts donnés à l'hypocrisie et au formalisme! Ajoutons-y le mammonisme et tout le mondanisme ambiant, avec le rationalisme et tout le modernisme qui prétendent passer la révélation au crible de la raison humaine. Pour en arriver là, il a suffi tout simplement à notre chrétienté de céder aux influences du dehors, de laisser le levain s'introduire dans sa pâte.

Plusieurs estimeront sans doute que notre tableau de la chrétienté est poussé trop au noir. Qu'ils veuillent bien constater qu'il n'en peut être autrement si l'on reste dans les limites de la parabole. Le texte spécifie clairement que le levain a produit son effet dans la pâte, puisque celle-ci est toute levée; et nous avons montré au cours de notre étude ce que cela signifie. Alors vous nous direz peut-être: A quoi bon tout ce travail, tous ces sacrifices, ces sommes d'argent englouties pour les missions, ces vies sans nombre sacrifiées sur les bûchers, les échafauds, dans les salles de tortures, ou sur les champs missionnaires par des climats meurtriers? Dieu -n'est-Il pas omniscient? Ne savait-Il pas que le terrain serait hostile, que la semence serait en partie médiocre, qu'un ennemi viendrait empoisonner l'oeuvre commencée, que cette oeuvre prendrait des proportions anormales qui compromettraient son succès, et que le tout finirait par être corrompu par des principes nettement en opposition à Sa volonté?

Certainement Dieu savait tout cela. Il savait avant la fondation du monde ce qui allait arriver. Mais Il vit aussi, dans sa sagesse infinie, deux choses d'une extrême valeur à ses yeux, qui existent au coeur de cet incomparable chaos. La première de ces choses, c'est un trésor d'une valeur inestimable, mais qui est caché, et dans lequel existent les principes latents de son Royaume sur la terre. La deuxième est une perle de grand prix qui fera éclater Sa gloire durant les siècles de l'Eternité. En face de ces merveilles, Il ne recule pas devant le prix que cela doit lui coûter pour les acquérir. Il accepte à l'avance tous les sacrifices. Il accepte de faire face à toute l'hostilité qui l'attend, à affronter les attaques subtiles, sournoises, renouvelées de l'ennemi, à boire la coupe des déceptions amères qui lui sont réservées et à aller jusqu'à la Croix, afin de posséder ces joyaux que nous considérerons dans les paraboles suivantes.


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