Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

Chapitre XVII

Oeuvre parmi les catholiques.

-------

« Dans nos Alpes [à Mens, depuis cinq ans, le Réveil n'avait pu atteindre les catholiques], nous avons, par la grâce de Dieu, la joie de voir, çà et là, quelques âmes appartenant à cette Eglise, se réveiller pour la vie, et quitter les citernes crevassées où on les conduisait pour venir à la vraie source des eaux.

Abord difficile - La controverse - Le fanatisme

Ce n'est pas que nous ayons des portes bien ouvertes chez eux ; un protestant, un ministre surtout, est fort mal placé pour leur annoncer l'Evangile ; car, outre la prévention avec laquelle ils vous entendent, j'ai remarqué qu'il est presque 'impossible d'entamer une conversation religieuse, sans qu'ils vous jettent aussitôt malgré vous dans la controverse, dont le résultat est rarement satisfaisant. Ces montagnes sont d'ailleurs toutes desservies par de jeunes prêtres très exclusifs et fortement imbus des doctrines des jésuites, de l'école desquels ils sortent, et les missions, le jubilé, etc... ont singulièrement fanatisé la plupart des montagnards, déjà très portés à la superstition et à l'intolérance...

Rendant témoignage

« En Champsaur, où les protestants ne sont qu'une très petite minorité, confondue parmi un peuple grossier, violent et tout à la fois dissolu et dévot, nos jeunes frères ont, dès le commencement du réveil, saisi avec empressement toutes les occasions de rendre témoignage à la vérité, soit dans les maisons, soit sur les chemins, dans les champs, et jusque chez les prêtres, avec qui ils ont eu plus d'une discussion ; je ne crois pas, néanmoins, qu'ils aient encore eu aucun fruit réel de leurs travaux dans ce genre.

Quelques résultats

« Mais en voici un beau, dans le Queyras. On se rappelle sans doute l'intéressante Marie Philippe, des moulins d'Arvieux. Malgré les constants efforts du prêtre extraordinairement fanatique qui dessert cette commune, elle a vu successivement sa soeur aînée, sa mère et son jeune frère quitter l'Eglise romaine et s'attacher fortement à la Bible, à la Parole de vérité. Plusieurs personnes des deux sexes, d'entre ses voisins, continuent à se réunir souvent chez elle, et écoutent volontiers l'Evangile et les autres lectures et conversations édifiantes de Marie ou de son mari. Deux jeunes filles qui montraient d'excellentes dispositions et fréquentaient habituellement la maison Philippe, ont été, à cause de cela, reléguées par leurs parents dans un hameau plus éloigné, où l'on n'a rien négligé pour les ramener sous leur ancien joug. On n'a, je crois, que trop réussi ; cependant je sais qu'elles continuent à lire la Bible, en dépit du curé. Celui-ci, désolé de ne pouvoir arrêter les progrès de la Réforme dans cette partie de sa paroisse, se répand en invectives contre moi, contre le protestantisme et contre les livres « hérétiques », qu'il livre aux flammes toutes les fois qu'ils lui tombent sous la main. Ce qu'il a le plus de peine à souffrir, c'est de me voir aux sépultures, prêcher dans le cimetière, au milieu de ses paroissiens, qui, malgré ses anathèmes, y assistent toujours en grand nombre. On assure qu'il a fait des démarches auprès des autorités pour me faire interdire ces sortes de services, mais jusqu'ici on ne m'a rien dit...

Une entrevue avec le curé

« J'eus, il y a quelque temps, avec le curé de Fongillarde, une entrevue chez lui, où il m'avait invité, en présence de plusieurs de ses paroissiens et de quelques-uns des principaux protestants. Les assistants, en répandant ce qu'ils ont retenu de nos controverses, n'ont pas donné gain de cause à leur prêtre, ce qui paraît l'avoir aigri contre nous ; et depuis, il se montre moins tolérant, surtout depuis qu'il a appris que deux de ses paroissiens se disposent à quitter sa communion.

Malgré le fanatisme des prêtres

« La partie inférieure de la vallée de Freyssinières est, en général, habitée par des catholiques romains, qui y ont une église et un prêtre. Celui-ci est aussi fanatique qu'ignorant et grossier ; mais ses paroissiens sont peut-être les catholiques romains les moins exclusifs du département. Leurs pères se distinguaient déjà dans les douzième et treizième siècles par leur tolérance à l'égard des Vaudois, dans la condamnation desquels ils étaient souvent enveloppés comme fauteurs d'hérésie. Il est rare que je prêche dans cette vallée sans que quelques-uns d'entre eux y assistent. »

Catholiques accessibles

Un rude paysan, d'une famille autrefois protestante, mais passée au catholicisme à la suite d'une querelle avec un pasteur, fut touché de la prédication et des prières d'un Mensois de passage dans la vallée « il déclara à sa femme que s'ils ne prenaient pas un autre chemin, ils étaient perdus l'un et l'autre. Sa femme, étonnée, résista peu ; et, dès ma première visite, je fus frappé du changement qui s'était opéré en eux (autrefois ils sortaient de la maison quand ils voyaient Neff entrer) : ces gens, longtemps si rudes et si sauvages, vinrent au devant de moi avec le sourire de l'affection et de la joie ». Ils assistèrent bientôt au culte public. La femme « quoique chargée toute seule de tous les soins d'une grosse ferme et de ses quatre petits enfants, trouve encore le temps de lire et même d'apprendre par coeur, des portions considérables de l'Evangile et un grand nombre de cantiques, et de visiter ses parents et ses voisins, à qui elle annonce la vérité avec beaucoup de fermeté et d'énergie.

« Depuis ce temps, plusieurs autres personnes des deux sexes ont également manifesté des dispositions à la Réforme... Quelques jeunes hommes de Champcellas, déjà suspects au prêtre, portaient à l'Eglise romaine, leurs Nouveaux Testaments de Martin avec parallèles, et y cherchaient, à mesure, les passages qui leur paraissaient combattre la doctrine qu'annonçait le curé ; et souvent, en sortant, ils étaient appelés à dire franchement et publiquement ce qu'ils en pensaient. Le prêtre, informé de ces choses, leur dit un jour en pleine assemblée, que s'ils avaient quelque explication à demander ou quelque objection à faire, ils le fissent librement, en sa présence et non par derrière. Il fut pris au mot ; mais ces sortes de conférences lui ayant paru dangereuses, il les interrompit lui le premier ; et peu de temps après il a quitté la paroisse... »

Une pastourelle

Ailleurs, c'est « une petite pastourelle de douze à treize ans, dont l'air et le langage me frappèrent... ; elle désirait beaucoup connaître et servir Jésus-Christ, sans qu'on pût savoir où ni comment elle en avait entendu parler ; un grand-père et une grand'mère, chez qui elle demeure, ne lui permettent pas de fréquenter les protestants. Je lui demandai si elle savait lire ; la pauvre enfant se mit à pleurer en disant : « Ah ! si seulement on voulait me laisser venir à l'école du Dimanche, j'aurais bientôt appris ; mais on me dit que je n'en sais déjà que trop ! » Ne sachant pas lire et ne pouvant voir qu'à la dérobée les frères et les soeurs des environs, je ne sais comment à son âge elle peut conserver ses dispositions ! Mais le Seigneur garde ses brebis ».

Une mort chrétienne

Neff décrit ainsi le départ de la « première âme de ce département de laquelle je puisse dire avec certitude qu'elle s'est endormie au Seigneur : Ses derniers moments n'ont pas été perdus pour la gloire de Dieu ; son lit était jour et nuit entouré de catholiques romains, soit de son hameau, soit des environs, qui admiraient sa patience, sa foi et la joie chrétienne qui l'animait dans ses souffrances, et qui avaient l'occasion d'entendre, entre autres, les édifiants discours des frères et soeurs qui soignaient la malade. L'avant-dernier soir de sa vie, je tins une nombreuse réunion dans la maison voisine ; la plupart étaient catholiques romains. Le soir, après sa mort, nous fîmes la réunion dans la chambre où gisait le corps... Le lendemain, à midi, nous fîmes les funérailles. Je prêchai sur la fosse devant un auditoire assez nombreux, tant de romains que de protestants. Entre les catholiques romains qui, à l'occasion de cette maladie ont entendu pour la première fois la prédication de l'Evangile, j'ai remarqué la mère, la belle-soeur et le frère aîné de M. A... qui paraissent bien adoucis et même désireux de connaître la vérité, ainsi qu'un pauvre aveugle du village voisin, qui s'est fait conduire trois fois à nos réunions, et ne pouvait assez bénir Dieu de ce qu'il entendait.»


Chapitre précédent Table des matières Chapitre suivant