Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE V

RENTRÉE EN FONCTIONS

LE PRÉSIDENT DU CONSISTOIRE

DE SAINT-CHAPTES

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Garrigues - 1801-1815

2 ème partie

 

Bonaparte et la religion

Depuis la Révolution, les relations entre l'Eglise et l'Etat étaient rompues. Le Protestantisme, pas plus que le Catholicisme, n'avait donc d'existence légale lorsque Bonaparte, qui connaissait la puissance de la religion sur les âmes, songea à substituer, à un clergé indépendant et hostile, un clergé dont il ferait lui-même les nominations et qui serait lié à l'Etat.

Le Concordat, qui devait être signé en juillet 1801, se préparait.

S. Lombard reprend du service

Cependant, déplorant le désordre matériel et moral qui régnait dans la plupart des églises, Simon Lombard continuait à offrir ses services, soit pour la prédication, soit pour l'instruction de la jeunesse, soit pour les divers actes pastoraux. C'est ainsi que le 12 juin 1800, se trouvant dans l'Eglise de Nîmes, il procéda à l' « ordination » du jeune pasteur Roux, dont il avait déjà consacré le père, David Roux, trente ans plus tôt, à Vallon.

Cet exercice bénévole n'était pas toujours facile. Il présentait souvent des difficultés, il occasionnait même des ennuis, comme le montre cette lettre, qu'il faut dater du début de 1803, et que Simon Lombard adressait à Rabaut-Pomier, alors sous-préfet du Vigan, au moment de sa nomination à l'un des trois postes de pasteurs de Paris, créés par l'arrêté du 3 décembre 1802 (1). Elle est d'ailleurs intéressante de plusieurs points de vue.

Lettre à Rabaut-Pomier

« Citoyen Sous-Préfet, mon bien aimé frère.

« J'avais ouï dire que vous étiez nommé Pasteur de l'Eglise de Paris.... je viens d'apprendre par mon fils que les papiers publics annonçaient votre nomination. Dès lors, je la regarde comme certaine et vous en félicite. J'en félicite aussi toutes les Eglises Réformées de France et particulièrement celles du Gard. Pourquoi ? me direz-vous. C'est que je suis fortement dans la pensée que mon voeu sera rempli. Car, vu la manière dont notre sage Gouvernement a organisé le Consistoire de l'Eglise de Paris, et vu les pasteurs bien choisis qu'il donne à cette Eglise, je crois voir déjà, et j'aime d'espérer que le Grand et respectable consistoire sera un consistoire central, qui correspondra avec les autres consistoires de l'intérieur, et qu'ainsi il y aura de l'Union et de l'ensemble dans nos Eglises.

Unité de l'Eglise protestante

Vous l'avez vu tout comme moi, après la tenue de nos colloques et de nos Synodes, chacune de nos Eglises faisait pour ainsi dire sa troupe à part et nous étions dans une espèce d'anarchie.

Les Évêques? - Comités central et d'arrondissement

C'est pourquoi j'ai toujours vivement désiré que nous eussions ou des évêques - tels, que ceux des temps apostoliques - ou des Comités savoir un Comité central et permanent qui représentât le Synode national et des Comités d'arrondissement qui représentassent nos Synodes provinciaux. Il faut pour cela que nos Eglises acquièrent de la consistance et de la vigueur. Il faut aussi nécessairement que le Sanctuaire soit purifié et que les Ministres prêchent d'exemple.

Discipline Liturgie

Après cela, ou avec cela, une même Discipline pour tous, une même liturgie, un même catéchisme pour la jeunesse. Oh ! que nos Eglises refleurissent ! c'est le plus ardent de mes voeux. Et combien ne serez-vous pas à portée de contribuer à cet heureux état de, choses. Votre famille est née et visiblement marquée par la Providence pour opérer le bien général. Remplissez une si belle et si glorieuse destination. Pour moi, dans mon petit cercle, que puis-je, à mon âge (2) ? Ah ! si mes forces pouvaient seconder mes désirs...

« On m'a offert plusieurs églises considérables, et dernièrement (je puis vous le dire) on m'a recherché pour celle de Nîmes que je préférais à toute autre. Mais, à défaut de mémoire, je n'ai pas les yeux de M. ... (3) qui a toujours son cahier présent, et qui tourne bien adroitement la feuille. Pourquoi ne permet-on pas aux vieux pasteurs de lire leurs discours, comme on le fait à Genève et à Lausanne ? Par timidité, à cause de ma mémoire, je me suis décidé, depuis longtemps, à me charger d'une église de campagne, où je pourrais prêcher de méditation. Mais, comme tous les Pasteurs agissent, ou font agir pour être placés à leur bienséance, il pourra bien arriver que moi qui ne recherche point, je ne sois pas non plus recherché, et qu'il ne me reste que la perspective de telle ou telle église délaissée et trop pénible pour un sexagénaire.

Désagrément

« Avec cela, je viens d'essuyer un désagrément auquel je ne me serais pas attendu. En deux mots, voici de quoi il s'agit : On proposa, dans le consistoire de cette Eglise (4), d'expliquer le Catéchisme tous les jeudis à la jeunesse. Le Pasteur observa que ce serait trop pénible pour lui. Là-dessus, un membre dit que je n'avais cessé de me rendre gratuitement utile dans l'Eglise et que je ne me refuserais assurément pas de partager avec le Pasteur la fonction du jeudi. Aussitôt on m'envoie une députation de deux membres. J'accepte à condition que je ne serai pas considéré comme simple catéchiste mais comme Pasteur gratuit. En conséquence, délibération, et lecture de la délibération en chaire. J'ouvre l'instruction, je la fais par deux fois et le Pasteur en marque, en beaucoup de choses, un vrai déplaisir. C'est qu'un autre, caché derrière la toile, agissait ou plutôt faisait sourdement agir pour m'exclure, dans la crainte que cette place pour laquelle il est parvenu à se faire demander ne lui échappât. Mais aussitôt que j'ai vu toutes ces menées, je me suis retiré ; cependant, je voyais avec beaucoup de plaisir qu'en me rendant utile à la jeunesse et à l'église, j'allais de nouveau me rendre familières les matières de la Religion et me préparer insensiblement à prêcher de méditation, non ici, mais dans l'église qu'on pourrait me donner à la campagne. C'était là toute mon ambition, bien différente de celle d'un homme qui veut être absolument dans une place où il n'est goûté de personne. Il en sera de moi ce que le bon Dieu voudra ; mais, si vous voyez un jour où vous puissiez utiliser mes derniers moyens, veuillez seconder mes bonnes intentions... (5). »

Appel de l'Eglise de Nimes

L'appel de l'église de Nîmes, que Simon Lombard mentionne ici, lui avait été adressé le 14 janvier 1803, par l'un des membres les plus influents du Consistoire de Nîmes, M. Dumas-Amalric :

« Il est très décidé - lui écrivait-il - que M. Du Bochet nous quitte et il veut partir en mars prochain. Ne pourriez-vous pas accepter cette place ; je vous la propose parce que vous feriez beaucoup de plaisir à cette Eglise... L'on n'est pas encore sans espoir, ici - ajoutait-il - de voir établir un séminaire pour les jeunes élèves. Sy cella était, je pense que vous y obtiendriez aisément une place de Professeur... Le bien que j'ai ouï dire de vous à divers membres du Consistoire me persuade que la proposition que je leur fairais leur faira plaisir... (6). »

Déjà huit ans auparavant, le 7 Fructidor an III (24 août 1795), alors qu'il s'agissait de pourvoir au plus tôt le poste de Pasteur à Nîmes, Adrien Vincent, pasteur à Gajan, écrivait à David Dombre, négociant à Nîmes et ancien du Consistoire : « ... J'ai pensé à M. Lombard, Ministre à Bouquet. Je ne sache pas qu'il ait joué aucun rôle dans la Révolution, qui puisse lui faire tort. Il a des talents, il prêche bien... (7). »

Etre appelé à la succession d'un Paul Rabaut (8) était incontestablement un très grand honneur. Simon Lombard l'ayant décliné, ce fut son jeune collègue, David Roux, qui fut nommé en 1796.

Comme il le dit à Rabaut-Pomier, c'est sa « timidité » qui motiva le nouveau refus que S. Lombard opposa au second appel de l'Eglise de Nîmes. Certes, il manquait de mémoire, mais il avait assez l'expérience de la chaire, pour être capable, même à Nîmes, de prêcher « de méditation » : c'est la confiance en soi-même qui lui manquait.

L'appel de l'Eglise de Garrigues

D'autre part, les terribles secousses qu'il avait dû subir, et qui avaient parfois ébranlé sa santé, lui faisaient craindre l'agitation d'une grande ville, il aima mieux rester dans le calme d'une modeste église de campagne. C'est alors que l'église de Garrigues, ci-devant desservie par M. Fromental, pasteur à Saint-Chaptes, lui adressa vocation. Il y répondit avec d'autant plus d'empressement qu'il possédait là un domaine, le château acquis par les Malarte, et s'y trouverait à proximité de son fils, installé à Uzès.

Garrigues

Garrigues est « un coin perdu de la Gardonnenque », un « obscur village » perché sur un mamelon que domine l'antique demeure seigneuriale. De la tour, « l'oeil charmé » contemple, sans rien perdre de ses détails, un vaste et gai horizon, qui s'étend au loin en forme d'hémicycle : « au centre, ce sont les Garrigues, dites de Nîmes, collines calcaires, couvertes de bois qui ondulent légèrement depuis la montagne des Lens, à droite, jusqu'aux pittoresques escarpements du Gardon, à gauche, où l'ancien fort de Ste-Anastasie dresse ses ruines, et semble garder l'entrée des gorges profondes où s'engouffre la rivière. De nombreux villages, semés aux flancs des collines bleutées,égayent le paysage. « Un long rideau de peupliers signale, au milieu de la fertile plaine, le cours sinueux du Gardon et laisse entrevoir, par ses déchirures, le scintillement de sa nappe argentée (9). »


LE CHATEAU DE GARRIGUES EN 1830
Reproduction d'un croquis de l' « Histoire d'un petit village », de M. Lombard-Dumas.

C'est là que fut créé, en 1803, le Consistoire de St-Chaptes, dont le bourg occupe le centre de ce vaste bassin naturel. il comprenait les différentes localités qui en forment la périphérie et dont les plus importantes sont St-Géniès et Blauzac.

S. Lombard Président du Consistoire de St-Chaptes

Simon Lombard fut nommé Président de ce Consistoire. Il procéda à son installation et à celle de ses nouveaux diacres, le 15 mai 1803, en présence de ses collègues, les pasteurs Fromental et Tarrou. A cet effet, il prononça un « Discours sur l'importance et la nécessité de la Religion ». Le Consistoire en ayant demandé la publication, ce discours fut imprimé à ses frais.

A l'occasion de cette installation du Consistoire de Saint-Chaptes, une adresse fut envoyée au Premier Consul, « au sujet de la réorganisation des cultes » (10). Joseph-Simon Lombard, qui venait d'entrer dans le diaconat, avait été chargé de sa rédaction. Le projet qu'il présenta, « adopté » par tous ses confrères, manifeste à l'égard de Bonaparte un enthousiasme presque immodéré.

Admiration des Protestants pour Bonaparte

L'ardeur avec laquelle les Protestants de cette époque exprimèrent leur admiration au Premier Consul étonne, dès l'abord. Elle se comprend pourtant beaucoup mieux de' leur part que de toute autre. Ils avaient salué avec joie la Révolution qui mettait fin aux « longues persécutions du fanatisme », ils voyaient, avec une satisfaction plus grande encore, le pouvoir s'affermir entre les mains de Bonaparte qui, non seulement, leur rendait une liberté enlevée par la « tyrannie... cruelle de l'impiété révolutionnaire », mais encore faisait « luire sur eux le jour si désiré de la justice et de l'égalité » (11).

Rédaction d'un nouveau catéchisme

Peu après sa rentrée en fonctions à Garrigues, Simon Lombard entreprit la rédaction d'un nouveau « Catéchisme familier » qu'il fit préfacer par son collègue et ami Fromental et livra à l'impression en 1804 (12).

Ce nouvel ouvrage ne modifie en rien les jugements que les premiers écrits de même nature avaient permis de porter sur leur auteur. Simon Lombard s'étant arrêté à une position théologique ne la quitta jamais : il croyait trop à l'immutabilité de la Révélation divine pour la renier.

Avertissement

« Ce « Catéchisme familier » - dit-il, dans son « Avertissement » - est comme un précis de mon « Instruction Chrétienne » et il peut, sous ce rapport, lui servir d'Introduction. Ayant donné cette exposition de la doctrine et de la morale évangélique, pour les catéchumènes et pour les fidèles en général, il m'a paru non moins utile de faire aussi quelque chose pour la petite jeunesse. Nous avons des catéchismes excellents, mais un peu longs, et qui, successivement, sont tombés en désuétude. Le Précis du Catéchisme de M. Ostervald a été fait et publié pour les catéchumènes qui ont le moins de mémoire, et non pour nos jeunes gens en général, la plupart mieux en état d'apprendre. J'ai senti qu'il leur fallait un Catéchisme familier, suivi, court, mais assez complet. C'est ce que je me suis proposé d'apporter avec celui-ci : on verra si je suis arrivé à mon but.

Education positive

« Le meilleur moyen de ramener les bonnes moeurs, c'est de travailler principalement à former l'esprit et le coeur de la nouvelle génération. Les enfants sont des trésors enveloppés, des plantes précieuses, la pépinière des fidèles et l'espérance de l'Eglise, ainsi que celle de la société. On ne saurait donc les cultiver avec trop de soin.

Rôle des parents

« Ce sont les pères et l'es mères, qui, les premiers, doivent les instruire dans les principes de la Religion, leur faire connaître les lois de Dieu et les nourrir dans l'esprit de les observer en leur donnant à cet effet le meilleur exemple.

Un Voeu

« Il serait à souhaiter - ajoutait-il, non sans raison - qu'on reprît l'usage de faire réciter le Catéchisme aux enfants dans les Assemblées religieuses : ce qui serait d'une vraie utilité, soit pour les enfants eux-mêmes, soit pour les adultes qui ne sont pas assez instruits, soit pour les catéchumènes qui ne savent point lire ou qui ont peu de mémoire, et qui, par conséquent, ont besoin d'entendre souvent redire les mêmes choses pour les retenir et pour les comprendre.

« J'ai placé, en tête de ce Catéchisme, le Symbole des Apôtres, le Décalogue et l'Oraison dominicale, comme étant les éléments et le Sommaire de la Religion et du Christianisme, les premières choses que les jeunes gens doivent apprendre et savoir en entier, en entrant dans les instructions qui les concernent. »

Ces lignes montrent tout à la fois l'intérêt de Simon Lombard pour la jeunesse et ses qualités de pédagogue, le souci qu'il avait de la régénération de son peuple et de l'avenir de l'Eglise, sa confiance en la valeur de la doctrine.

Comme ses amis, les Rabaut, il ambitionnait de voir le Protestantisme renaissant fortifier la position qu'il s'était acquise depuis la Révolution ; aussi mettait-il tout en oeuvre pour contribuer à la plus sage réorganisation des cultes.

Démarches auprès du Ministre des Cultes

Le Registre de son Consistoire (13) rend compte de plusieurs démarches qui furent faites à son instigation auprès des autorités ministérielles ; et notamment d'une pétition qui fut adressée au Conseiller d'Etat, Portalis, au sujet de la contribution aux frais du culte catholique que la loi du 18 Germinal an XI imposait aux Protestants.

Il y avait là une injustice d'autant plus criante que la réciproque n'était nullement prévue. Heureusement, on le sait, il y fut bientôt remédié.

Cependant, à la suite de la conspiration avortée de Cadoudal, le Sénatus-Consulte du 18 mai 1804 avait proclamé le Premier Consul empereur sous le nom de Napoléon 1er.

Napoléon 1er

L'Empereur, on se le rappelle, convia nombre d'ecclésiastiques à venir à Paris assister aux cérémonies de son couronnement. A cette occasion, il les invitait à se réunir, à discuter les intérêts de leur Eglise et à présenter leurs doléances au Ministre ides Cultes.

On pensa d'abord, - du côté protestant - que tous les Présidents de Consistoires seraient invités à ces fêtes. Il n'en fut rien. Cela d'ailleurs était impossible car « trente à trente-six évêques oui archevêques », seulement, avaient été désignés et le nombre des Présidents de Consistoire s'élevait à « environ 120 ».

S. Lombard est invité à participer aux fêtes du couronnement

Finalement, « 20 à 22 » Pasteurs furent appelés par « lettre close » ; Simon Lombard était du nombre avec ses collègues de « Nîmes, St-Jean-du-Gard et Anduze ».

Cette heureuse nouvelle lui fut apprise par son ami, Rabaut le Jeune, qui le persuadait de se faire accompagner de Joseph-Simon et de ne pas descendre autre part que chez lui, pendant son séjour dans la capitale (14).

Le pasteur de Garrigues, très flatté de l'honneur qui lui était fait, se réjouit d'abord à la pensée d'accomplir le voyage de Paris, d'être mis en présence de Sa Majesté, de revoir ses amis Rabaut et de faire la connaissance du pasteur Marron (15) ; puis la perspective d'une telle expédition à faire pendant l'hiver, la faiblesse de sa vue, l'état général de sa santé le firent reculer. A son grand regret, il se décida à laisser son fils partir seul pour représenter le Consistoire de St-Chaptes.

Lettre à l'Assemblée des Pasteurs

Il ne voulut pourtant pas manquer entièrement l'occasion qui lui était offerte de prendre part aux travaux de l'Assemblée des Pasteurs, dont il attendait « de grandes choses ».

« ... Voici, en substance, - écrit-il à Rabaut-Pomier en date du 7 Messidor an XII, - celles que j'estimerais les plus importantes, desquelles, selon moi, on pourrait aisément convenir et, de suite, sous le bon plaisir du Gouvernement, opérer les unes et commencer heureusement les autres.

Unité de l'Eglise protestante

1° La Réunion des Luthériens avec les Réformés de cet empire. Il n'y aurait pour cela qu'un pas à faire, et ce pas, si je ne me trompe, est assurément très facile, soit de l'un, soit de l'autre côté. Alors nous aurions en nous-mêmes et aux yeux du Gouvernement une beaucoup plus grande consistance ; et qui sait si cette bienheureuse jonction n'acheminerait pas vers nous une foule considérable de gens raisonnables et qui, déjà, voient bien les choses ?

Confession de foi

2° Une confession de foi, qui réunirait, quant au sens, et autant qu'il se pourrait dans les termes, celle des Réformés, et celle d'Augsbourg, laquelle, une fois revêtue de toutes les formes authentiques, serait présentée à l'Empereur.

Discipline ecclésiastique

3'°Une discipline ecclésiastique, puisée en partie dans la nôtre et en partie dans celle de nos frères les Luthériens, assortie au nouvel état de choses et qui, définitivement arrêtée', serait aussi présentée à l'Empereur. J'aimerais fort qu'on adoptât l'épiscopat, tel qu'il fut établi par les Saints-Apôtres.

Comité central à Paris

4° L'établissement d'un comité central, et qui fût comme interposé entre le Gouvernement et nos Eglises. Ce Comité central pourrait être le Consistoire de l'Eglise de Paris, avec des précautions, néanmoins, qui prévinssent tout abus de pouvoir.

Liturgie

5° Une liturgie pour toutes nos Eglises. A cette occasion, on pourrait donner à notre culte, sans nuire à sa pureté, ni à sa simplicité, toute la majesté dont il serait susceptible.

Psaumes et Cantiques

6° Une belle collection de Psaumes et de Cantiques spirituels à l'usage de toute l'Eglise Réformée de France. On pourrait adopter celle de Hambourg, que vous connaissez sans doute et qui me paraît un vrai chef-d'oeuvre.

Catéchisme

7° Un même Catéchisme pour toutes nos Eglises. J'estime qu'il nous faudrait un Catéchisme familier, suivi, court, mais assez complet et surtout bien évangélique.

Retraite aux pasteurs

8° Une très humble demande au Gouvernement d'accorder une pension de retraite à ceux de nos pasteurs dont l'âge ou les infirmités ne leur permettraient plus d'exercer leurs fonctions. Il n'est pas une situation plus triste que d'être à la fois vieux, infirme et pauvre, surtout après de longs et pénibles travaux, dignes de considération.

Vous voyez, Monsieur et très honoré frère, les choses mieux que moi, et vous en voyez beaucoup plus que moi. Vous avez d'ailleurs, pour nos chères églises, soit vous, soit Monsieur votre bien estimable frère, l'esprit et le coeur d'un Père vénérable et dont le souvenir nous sera toujours cher.

Vous sentez parfaitement ce qu'il eût fait à votre place et je ne doute point que vous ne fassiez vous-mêmes tout ce qui pourra dépendre de vous.

Le vénérable Consistoire de l'Eglise de Paris peut assurément beaucoup pour nous rendre avantageuse à divers égards la grande occasion qui se présente.

Veuillez recevoir, et faire agréer à notre cher Législateur, les profondes salutations de toute la famille. Vous connaissez l'attachement inviolable avec lequel j'ai l'honneur d'être,

Monsieur et très honoré frère,

Votre tout dévoué frère,

Lombard, père (16). »

 

Il vaut la peine de souligner l'originalité de cette lettre, et l'esprit qu'elle dénote : esprit de largeur et, tout ensemble, de sagesse : l'esprit d'un chrétien fidèle à sa foi, d'un fin connaisseur de l'âme protestante, d'un administrateur habile et zélé des intérêts de l'Eglise.

Toutes les questions que soulève cette lettre furent mises à l'étude au cours des « conférences » de Paris. A quelques-unes seulement, comme celle du Chant-Sacré, une solution fut apportée ; d'autres furent reprises plus tard ; certaines enfin, il est intéressant de le noter, sont encore actuelles.

Une nouvelle Faculté de Théologie

Parmi les projets qui retinrent particulièrement l'attention de MM. les Présidents de Consistoires, il faut citer la création d'une nouvelle Faculté de Théologie.

Voeu de S. Lombard

Depuis de longues années, Simon Lombard s'était préparé, par un travail personnel assidu, à un professorat auquel, d'ailleurs, ses goûts et ses aptitudes pédagogiques le destinaient naturellement. Un ministère de ce genre le tentait d'autant plus à cette époque que sa paroisse était très étendue, trop pénible à desservir pour lui et que les protestants de Blauzac, dont l'ambition était de voir le chef-lieu du Consistoire transféré de Garrigues chez eux, lui faisaient une opposition aussi désagréable que sourde.

C'est donc avec une satisfaction non dissimulée qu'il apprit l'intention de ses collègues, qui lui permettrait peut-être de réaliser son rêve. Il pria son fils, alors à Paris, d'en dire un mot à son, ami Rabaut.

« Il m'est venu dans l'esprit - lui écrivait-il - que le gouvernement pourrait bien établir un Séminaire dans le Midi de la France, et le placer à Nîmes. Dans ce cas, je souhaiterais, fort qu'il voulût bien m'y donner une chaire de professeur, ou celle' de Théologie, ou celle de Morale. Cette dernière serait peut-être, aujourd'hui, celle qui me conviendrait le mieux. Vous pourriez... en dire quelque chose à notre cher Législateur. Je ne douterai jamais de ses bonnes intentions à mon égard... » (17).

La Faculté à Montauban

Malheureusement pour le pasteur de Garrigues, et malheureusement aussi, par certains côtés, pour l'Eglise, il fut décidé' que la nouvelle Faculté serait installée à Montauban. Le vieux serviteur de Dieu ne s'occupa donc plus de cette question que d'une manière désintéressée pour signaler notamment « à M. Robert, Président du Consistoire de l'Eglise Réformée de Montauban », ceux de ses collègues ou amis qui lui paraissaient le plus qualifiés pour devenir professeurs en Théologie.

Il proposa notamment, « pour la philosophie, M. Daniel Encontre, Professeur des Mathématiques sublimes à Montpellier » (18) qui, on le sait, fut accueilli avec enthousiasme.

Quant à lui, il continua son ministère effacé dans la paroisse de campagne qui lui avait été confiée, lui consacrant avec zèle le peu de forces qui lui restait.

Depuis la Révocation de l'Edit de Nantes, la commune de Garrigues, comme toutes celles de France, était dépourvue de Temple. Le culte s'y célébrait toujours dans les granges, sous les hangars, ou même en plein air, et c'est de la chaire du Désert qu'on se servait encore.

Une chaire du Désert

« Ce vénérable meuble, formé d'un double X en bois, supportait, vers sa base, un plateau où montait le prédicateur ; une barre transversale servait de siège à celui-ci pendant le chant des Psaumes et maintenait à la fois les deux X dans une fixité relative. Une draperie en serge noire enveloppait tout le système, donnant, à ce léger échafaudage, une apparence presque convenable (19). »


LA CHAIRE PORTATIVE DE SIMON LOMBARD

d'après la description qui en est donnée par M. A. Lombard-Dumas, dans « Histoire d'un petit village Garrigues ».


Simon Lombard ne détestait pas ces assemblées volantes et ce meuble qui lui rappelaient les temps héroïques d'une jeunesse déjà loin dans le passé ; mais il eût préféré pourtant, à tous égards, un peu plus de... stabilité.

Pour relever les ruines du Temple de Garrigues

C'est pourquoi il s'inquiéta, en 1812, d'obtenir l'autorisation de relever de ses ruines le temple de Garrigues que Louis XIV avait fait détruire en 1683 (20). On lui en refusa la faveur, sous prétexte que « cet ancien local, à l'usage d'un culte dissident, se trouvait intra muros et trop rapproché de l'Eglise catholique... »


LE TEMPLE DE SAINT-CHAPTES

 

Peu après, de nouvelles circonstances politiques donnèrent à Simon Lombard l'occasion de reprendre son projet. En effet, l'Empire, désireux de se ménager la sympathie de tous les partis, et aussi de rétablir la paix entre eux, restituait aux catholiques les édifices nécessaires à leur culte et distribuait aux protestants, en compensation de leurs temples confisqués ou rasés par Louis XIV, quelques-unes des innombrables églises désaffectées depuis la Révolution, par suite de l'abandon des congrégations religieuses.


LE GARDON A SAINT-CHAPTES
(Cliché de Mlle M. Zogg)

Essayant de tirer parti des bonnes dispositions du Gouvernement, le Consistoire de Saint-Chaptes sollicita, en faveur de la section dont Garrigues était le centre, l'occupation de la vieille église de ce village, fermée depuis 1793 et à peu près en ruines. Malgré l'avis favorable du Conseil municipal de Garrigues, qui l'appuyait par huit voix contre trois, la requête du Consistoire fut repoussée.

C'est alors qu'on se décida à l'édification d'un temple neuf, hors du village. Mais de longues années devaient s'écouler encore avant que ce projet, fort onéreux, pût être mis à exécution. Le Temple de Garrigues ne fut achevé qu'en 1850.

Dédicace du nouveau Temple de St-Chaptes

Le pasteur Fromental avait été plus heureux pour la restauration du Temple de Saint-Chaptes. La « dédicace » de l'édifice nouveau put avoir lieu le 27 juin 1813. C'est Simon Lombard qui la présida.

Cantique de J.-S. Lombard

Pour cette occasion, J.-S. Lombard avait composé un cantique (21).

Le jour de la cérémonie, il fut chanté en choeur par la jeunesse de Saint-Chaptes, devant un auditoire aussi joyeux que considérable, venu de toutes les paroisses voisines pour célébrer cet heureux événement.

Plusieurs centaines d'exemplaires du Cantique de J.-S. Lombard furent. vendus ce jour-là. Ainsi se constitua un petit fond qui « fut consacré au soulagement des pauvres » du Consistoire.


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(1) PEYRIC : Thèse, page 29.
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(2) Simon Lombard avait à ce moment-là soixante-quatre ans. 
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(3) Olivier-Desmont, pasteur à Nîmes de 1802 à 1825.
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(4) Probablement l'église d'Uzès.
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(5) Mss L. « L. L. », Lettres.
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(6) Mss L. LI.. Lettres. Ce fut le pasteur Gonthier qui vint en remplacement de M. Du Bochet.
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(7) Archives du Consistoire de Nîmes. Reg. E. 14.
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(8) On sait que Paul Rabaut, jeté en prison le 25 juillet 1795, mourut le 25 septembre, treize jours après sa libération. PEYRIC, Thèse, page 32.
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(9) Les détails que nous donnons sur Garrigues sont empruntés au livre de M. LOMBABD-DUMAS, « Histoire d'un petit village, Garrigues ».
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(10) Mss L. « Garrigues », « Consistoire ».
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(11) Mss L. « Garrigues », « Consistoire ». Adresse.
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(12) Mss L. « Garrigues », « Mélanges », page 15.
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(13) Ce Registre qui a été conservé dans les Archives de l'Eglise Réformée de St-Chaptes, a été mis obligeamment à notre disposition par M. Louis Atger, pasteur de cette Eglise.
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(14) Mss L. « L. L. », Lettre de Rabaut le Jeune à Simon Lombard. Voir pièces justificatives.
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(15) Mss L. « L. L. », Lettre dé S. Lombard à son fils, alors à Paris.
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(16.) Mss L. « Garrigues », lettres séparées.
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(17) Mss L. « L. L. », Lettres de Simon Lombard à son fils.
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(18) Mss L. « L. L. », Cahier de lettres, 1807 à 1814.
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(19) LOMBARD-DUMAS : « Garrigues », page 130.
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(20) LOMBARD-DUMAS : « Garrigues », page 129.
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(21) Mss L. « Garrigues », Lettre de Fromental à J.-S. Lombard. Parmi les papiers de J.-S. Lombard se trouvent encore plusieurs exemplaires, manuscrits ou imprimés de ce cantique et diverses poésies qui ne manquent pas de charme.
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