Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

DEUXIEME PARTIE



RÉALISATIONS

En Cévennes

1764-1818

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CHAPITRE PREMIER

REMIERE PAROISSE - ETABLISSEMENT

Vallon - 1764-1769

 

Situation politique du Protestantisme en 1761

Au moment où Simon Lombard, officiellement admis dans le corps pastoral, se préparait à entrer en fonctions, le ministère était encore loin de pouvoir s'exercer impunément au grand jour.

Depuis la Révocation, aucun édit n'avait été promulgué en faveur des protestants qui se voyaient toujours à la merci de quelque attaque, car le Haut Clergé n'avait rien abandonné de ses prétentions cruelles et « le clergé inférieur » le secondait pieusement.

C'est ainsi que le Synode même du Bas-Languedoc, où Simon Lombard était venu faire reconnaître sa consécration et qui s'était tenu aux environs de Vie-le-Fesc dans les premiers jours de mai 1765, avait été dénoncé par le curé du village. Des informations furent ouvertes par le Procureur du Roi, elles « ne furent arrêtées que par l'intervention bienveillante du prince de Beauvau » (1).

Les protestants n'avaient donc encore aucune existence légale et pouvaient toujours redouter la persécution, mais ils commençaient à trouver,- un peu partout des défenseurs.

L'opinion publique et la tolérance

Grâce à Dieu, grâce aussi à l'étonnante ténacité des persécutés, grâce enfin aux éclatants services que les « philosophes » - et Voltaire en particulier - avaient rendus à la cause de, la tolérance, l'opinion publique semblait s'émouvoir et l'autorité, d'ailleurs lassée de ses vains efforts, était de plus en plus disposée à fermer les yeux.

Le danger diminuait donc de jour en jour pour les ministres de l'Evangile. En attendant celui où il disparaîtrait tout à fait, ils redoublaient de fidélité et de zèle.

Le Synode de Vie-le-Fesc avait chargé Simon Lombard des églises de Vallon, Salavas et Lagorce, c'est-à-dire de ce district même du Vivarais où, pro.posant, il avait ouvert une « tranchée ».

Vallon en Vivarais

Vallon, lieu de résidence du jeune pasteur, n'était qu'un gros village, mais, admirablement situé au confluent de l'Ardèche et de l'Ibie, il commandait lit vallée la plus pittoresque de la région. A ses pieds, la rivière ouvrait son canon aux méandres profonds, taillés dans l'épaisseur des forêts, où se multipliaient les curiosités naturelles : le Pont d'Arc, de sinistre mémoire, le Pas du mousse, les grottes du Colombier, et, plus loin, celle du Mammouth.


NYMPHE MALARTE

Activité de S. Lombard à Vallon

Simon Lombard fournit un gros effort à Vallon. Outre la prédication du dimanche, les visites et les actes pastoraux, il y organisa, de son propre mouvement, des cultes de semaine qui eurent lieu le jeudi (2). Il ne négligeait pas non plus la culture personnelle. La Bible était toujours sa ressource inépuisable, le filon qu'il exploitait avec énergie et persévérance.

Etude de la Bible

De cette étude est resté comme témoin un « Recueil des passages de l'Ecriture Sainte ». Ce cahier renferme les différents versets du Pentateuque qui le frappèrent, le plus. C'est vrai semblablement en pensant à sa prédication qu'il les rassembla (3).

Cependant, le jeune pasteur songeait à fonder un foyer. Ne connaissant personne qui pût remplir à ses côtés le rôle qu'il ambitionnait, il s'ouvrit de son projet à des amis d'Uzès qui lui « fournirent l'occasion de lier connaissance avec Mlle Nymphe Malarte (4). »

Nymphe Malarte

« Une physionomie douce et agréable, un caractère liant, une âme vertueuse et sensible, beaucoup d'amabilité dans l'esprit, tels sont les avantages dont la nature et l'éducation avaient enrichi la demoiselle Malarte. Elle appartenait, outre cela, à une famille fort ancienne, et, comme le défaut d'enfants mâles dans sa maison lui faisait espérer d'être un jour héritière, cette perspective semblait mettre encore un autre prix aux qualités qu'elle réunissait d'ailleurs (5). »

Simon Lombard « n'était pas riche, mais il avait des talens, des vertus, une figure très jolie et un état fort honorable ; c'en était assez, sans doute, pour lui donner droit de prétendre à un établissement avantageux. La demoiselle Malarte lui plut ; après quelques visites où son penchant pour elle prit tous les caractères d'un véritable amour, il la demanda et l'obtint (6). »


ACTE DE BAPTEME DE NYMPHE MALARTE
(autographe de Paul Rabaut)

Ce n'est point que tous les membres de la famille Malarte aient appris avec plaisir la conclusion de cette alliance. Les frères de M. Malarte, en particulier, n'envisageaient pas avec faveur le mariage de leur nièce avec un homme qui, devant la loi tout au moins, faisait un métier illicite.

Le père de Nymphe Malarte avait donné son consentement que ses frères s'obstinaient encore et récriminaient sur la situation morale du proscrit.

Leurs objections ne manquèrent pas de parvenir aux oreilles de Simon Lombard.

« Mon cher Monsieur - écrivait-il à son futur beau-père, à la date du 26 décembre 1766, sous le pseudonyme de La Boissière - j'ai appris de M. Theyron, avec un extrême déplaisir, les oppositions de Messieurs vos frères. Et j'en serais allarmé, n'était votre candeur, votre probité, et votre parole sur laquelle je compte. C'est un désagrément que je partage bien avec vous... Je n'eusse jamais pensé qu'ils fissent éclater cette bombe, vu les dispositions de M. André et celles de M... le Toulousain. Véritablement, ils n'avaient point dit : faites, mais ils n'avaient pas dit non plus : ne faites pas.

J'espère qu'on pourra les adoucir et je compte beaucoup sur M. André. Quelles que puissent être leurs raisons, nous avons à leur opposer l'honnêteté et la justice. Vous n'êtes point un bavard, ni moi non plus. Mon amour pour Mademoiselle votre fille est sincère et tendre, on le rend même plus ardent par les oppositions dont il s'agit. Il me semble que, s'il fallait me séparer d'elle, ce serait me séparer de moi-même, et il y aurait à cela de l'inhumanité.

Franchement, mon cher Monsieur, je vous l'avoue, je crois que le Ciel nous a destinés pour faire le bonheur l'un de l'autre et tout ensemble la douceur du reste de vos jours...

... Je voudrais, de tout mon coeur, être riche. Et si je l'étais, Mademoiselle votre fille m'a tellement plu, que, n'eût-elle rien, je m'estimerais fort heureux de m'unir avec elle. Le Ciel est témoin de ma sincérité.

J'espère que vous me ferez la grâce de me donner de vos chères nouvelles : j'en attends avec impatience. Je vous conjure de faire agréer mes salutations les plus humbles et les plus affectueuses à Madame votre digne épouse et aux autres personnes de votre chère famille. J'ai l'honneur d'être, avec le sincère attachement que je vous ai voué et que respecteront toujours le tems, l'éloignement et les circonstances, Mon très cher Monsieur,

Votre très humble et très obéissant serviteur, La Boissière (7).

26 décembre 1766.


LA TOUR FÉNESTRELLE A UZÈS

Mariage de S. Lombard

Les insistances du jeune pasteur finirent pourtant par avoir raison des oppositions et, le 2 février 1767, le contrat de mariage était signé en présence des parents de la jeune fille et de Philise Roman, mère de Simon Lombard (8).

La bénédiction leur fut donnée deux jours plus tard, par Daniel Theyron, ministre d'Uzès (9).

Nymphe Malarte était née le 19 juillet 1744 et avait été baptisée peu après par Paul Rabaut (10). Elle n'avait donc pas encore vingt-trois ans ; son mari en avait vingt-huit.

Aussitôt après leur mariage, les nouveaux époux allèrent s'installer à Vallon. La fin de l'année ne s'était pas écoulée qu'un fils leur naquit auquel ils donnèrent le nom d'Argillier.

Naissance d'Argillier

Cependant Simon Lombard avait repris ses fonctions pastorales et augmenté l'étendue de sa paroisse en se chargeant de l'Eglise des Vans, à laquelle - on le sait - il était tout particulièrement attaché. Il avait ainsi à s'occuper d'un véritable diocèse qui ne mesurait pas moins de quarante-cinq kilomètres de diamètre.

Les honoraires des pasteurs avaient été fixés à 800 livres et les églises, généralement, leur offraient en plus le logement.

Non seulement le consistoire de Vallon « n'eut pas la générosité de payer » celui de Simon Lombard, mais encore il ne lui versa son traitement qu' « à parties brisées et bien lentement » (11).

Le Synode, mis au courant des faits, blâma le ,Consistoire de Vallon, mais le pauvre pasteur n'en fut pas moins réduit à abandonner une partie de ses « gages » (12).

En acceptant d'exercer son ministère aux Vans, il avait vu son salaire « porté à 900 livres, dont les Vans paya bien exactement sa quote » ; par contre, « l'église de Lagorce se montra bien ingrate » (13).

Naissance de Joseph-Simon

Cela tombait mal, car, justement, un deuxième garçon venait au monde, apportant la perspective de nouvelles charges pour la famille (14).

Aussi, lorsque, quelques mois plus tard, l'Eglise d'Uzès fit appel à ses services, S. Lombard se décida .à « remercier » ces églises qu'il avait, avec zèle, desservies pendant quatre ans. Il ne le fit pas sans regret : « Je n'aurais point songé à les quitter, dit-il, si, avec l'estime et la confiance qu'elles me témoignaient généralement, elles avaient été moins resserrées à mon égard (15). »

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(1) RABAUT : Lettres à divers, Tome I, page XXVII.
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(2) Mss. L. « Livre de mes honoraires ».
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(3) Mss. L. Garrigues, Tome IV, page 199 et ss.
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(4) Mss. L. Mémoires de Joseph-Simon Lombard.
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(5) Ibid., Portrait de Nymphe Malarte par son fils.
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(6) Mss. L. Garrigues. Mémoires de J.-S. Lombard. Portrait de S. Lombard et relation de ses fiançailles par son fils.
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(7) Mss. L. LL., lettre à son futur beau-père.
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(8) Mss L. Garrigues. Mémoires de J.-S. Lombard. Simon Lombard y est qualifié d'étudiant en droit. Voir Pièces justificatives.
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(9) Voir pièces justificatives. « Acte de la bénédiction nuptiale de Simon Lombard et Nymphe Malarte -».
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(10) Mss L. Léon Lombard. Certificat de baptême, autographe de Paul Rabaut. Voir pièces justificatives.
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(11) Mss L. Garrigues, « Livre de mes honoraires ».
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(12) Syn. du D., Tome Il, page 424.
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(13) Mss L. Garrigues, « Livre de mes honoraires ».
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(14) Il naquit le 6 septembre 1768. Le 12 du même mois, sa grand'mère, maternelle et le « papa Bousquet » le présentaient eu baptême et le nommaient Joseph-Simon. Voir pièces justificatives.
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(15) Mss L. Garrigues, « Livre de mes honoraires ».
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