Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE III

LE « PROPOSANT »

« Au Désert » 1761-1763

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Au Séminaire de Lausanne

1763-1764

Suite

 

Comment s'effectua le voyage du jeune homme ? Quelles furent ses impressions en posant, pour la première fois de sa vie, le pied sur une terre de liberté ? Comment se passa son séjour à Lausanne ? Autant de questions qui ne seront sans doute jamais pleinement élucidées.

 

De toutes ses lettres d'étudiant au Séminaire d'Antoine Court, qui, comme celles qu'il écrivait du Désert, devaient être si riches en détails vivants et pleins d'intérêt, une seule a été conservée par sa famille. Elle est adressée à M. Jacques Lombard et écrite sous le pseudonyme de La Boissière. Il vaut la peine d'en citer les principaux fragments puisqu'elle est seule de son espèce.

 

« Mon très cher père, et ma très chère mère,

 

Votre chère lettre, que je viens de recevoir avec un plaisir inexprimable, est arrivée fort à propos pour me tranquilliser. Je vous assure que j'étais très en peine, surtout par rapport à ma chère mère... Dieu soit loué, me voilà donc à présent tranquille, et je bénis de tout mon coeur le Seigneur de ce que ma chère mère se trouve mieux. Je fais bien des vieux pour l'entier rétablissement de sa santé. Je désire, et je demande avec toute l'ardeur dont je suis capables à Celui qui tient nos jours dans Sa main, et de qui procèdent toutes les bénédictions, qu'Il veuille, par un effet de son infinie bonté, vous faire voir la fin de cette nouvelle année et celle d'une longue suite d'autres ; qu'Il vous fasse jouir, jusqu'au bout de votre course, et de la santé du corps, et du contentement de l'esprit ; qu'Il vous honore toujours de sa protection, qu'Il vous préserve de tout mal, qu'Il vous fasse prospérer selon vos voeux, et vous donne sa paix... Puissent tous ces voeux être exaucés, de même que ceux que je fais pour mes frères et pour mes soeurs, pour nos parents et pour nos amis...

... Vous m'avez beaucoup réjoui par les bonnes nouvelles que vous m'avez marquées, et je bénis le Seigneur, de toutes les puissances de mon âme, du calme et de la liberté dont il vous fait jouir. Je désire de tout mon coeur que cette liberté dure et qu'elle devienne entière. Et Dieu veuille qu'elle ne fasse point ce que les persécutions n'ont pas pu faire. Tel est bon soldat en tems de guerre qui devient lâche en tems de paix. On en a vu bien des exemples.

Messieurs Gachon, Valantin, Olivier et moi, nous prenons bien de part à l'affliction de mes demoiselles Boissier ; nous prions le Seigneur qu'Il daigne les consoler, et nous leur souhaitons de tout notre coeur une heureuse année. Nous n'avons point encore reçu la caisse dont vous me parlez ; mais apparemment nous la recevrons bientôt. Nous sommes très sensibles à cette politesse que ces bonnes demoiselles et ma chère mère nous font. Elles sont, en vérité, bien obligeantes et nous les remercions très humblement de tant de bontés qu'elles nous témoignent. Nous parlons d'elles fort souvent ici même dans ma chambre. Car il ne se passe point de jour que je n'aye le plaisir d'y voir plusieurs fois mes collègues, surtout M. Gachon... Nous en sommes encore à notre Cours de Théologie et nous en faisons aussi un de Morale, et un autre de Métaphysique. Ce dernier comprend la seconde partie de la Philosophie_ Il y a quelque teins, comme nous étions à la prière dans le Temple de Saint-François, M. de Bottens me fit de ses complimens. J'irai demain lui en faire des miens...

... Je vous embrasse tendrement, je vous réitère mes voeux et suis avec un profond respect et un parfait attachement

Mon très cher père et ma très chère mère.

Votre très humble et très obéissant serviteur et fils, La Boissière (1). »

Ce le, janvier 1764.

Mes complimens...

 

Mais, à défaut de notes personnelles permettant de le suivre pas à pas au cours des dix-neuf mois qu'il vécut en Suisse, on peut étudier les innombrables chapitres d'histoire de cette époque et reconstituer ainsi, d'une façon sûre, tout au moins le cadre dans lequel Simon Lombard fut placé et cette vie de Séminaire qui fut la sienne.

Historique de la création du Séminaire de Lausanne, par Antoine Court

On sait qu'une des premières préoccupations d'Antoine Court, en s'attelant à la restauration du Protestantisme, en 1715, était de trouver des hommes susceptibles d'accomplir avec succès, ait sein des églises, une tâche ingrate et périlleuse.

Pendant les quelques années qu'il passa en France, il suscita des vocations nombreuses et instruisit lui-même les jeunes gens qui voulaient le suivre. Mais cette tâche était trop lourde et au-dessus des capacités du jeune pasteur. C'est alors qu'il pensa à la fondation d'un Séminaire où les étudiants les mieux disposés pourraient être « envoyés pour y acquérir les. lumières et les connaissances nécessaires et s'y mettre en état de servir ensuite les églises avec fruit » (2),

Il se rendit à Genève en 1720 et intéressa vivement à son projet plusieurs amis. La création du Séminaire fut décidée, mais il s'agissait de trouver les fonds nécessaires à son établissement. Démarches auprès des puissances ecclésiastiques de l'étranger, lettres sans nombre, n'amenèrent pas toujours les résultats espérés.

Benjamin Du Plan

Sur ces entrefaites, Benjamin Du Plan, lié d'une étroite amitié à Antoine Court, lui proposa de collecter, en faveur du Séminaire, dans les divers. pays protestants d'Europe. L'offre fut acceptée (3), et, au bout de deux ans, on était en mesure de songer à des réalisations pratiques.

Lausanne, qui, sous la domination des Bernois, « n'était pas obligée de ménager autant (lue Genève la susceptibilité du Gouvernement français » (4), fut choisie, de préférence à sa voisine, pour y fixer le Séminaire. Un élève, Bétrine, y fut envoyé dès 1726, mais l' « Académie » ne fut réellement fondée qu'en 1730 et, pendant une vingtaine d'années encore, son organisation intérieure fut sujette à des fluctuations.

Comités

Deux comités en assuraient le fonctionnement : celui de Genève s'occupait essentiellement des questions financières ; celui de Lausanne était chargé de ce qui concernait l'enseignement. Ce dernier avait à sa tête des hommes éminents tels que MM. de Loys de Cheseaux, le Major de Montrond, et surtout le Professeur Polier, qui eut, par ses conseils, une influence considérable sur les églises « sous la croix ».

Mais l'âme du Séminaire fut, sans contredit, pendant longtemps, Antoine Court. S'il n'en fut pas le « directeur » (5) en titre, il en fut, en tous cas, l'inspirateur et le père.


LA GARRIGUE, ENTRE NIMES ET UZES

Règlements

Quelques années avant l'arrivée de Simon Lombard, les règlements intérieurs du Séminaire avaient été modifiés.

Pour y être admis, tout candidat devait être âgé de vingt ans au moins, muni de son acte de baptême et avoir exercé, au minimum une année, les fonctions de proposant. Il devait être recommandé par les églises et pourvu d'un congé régulier, voté en Synode ; il devait fournir un certificat de bonne vie et moeurs et promettre de n'exercer son ministère qu'en France (6).

L' « Esprit du Désert »

Enfin et surtout, ce que l'on exigeait de lui, c'est qu'il eût « l'esprit du Désert ».

« J'entends par là, écrivait Court, un esprit de mortification, de sanctification, de prudence, de circonspection, un esprit de réflexion, de grande sagesse et surtout de martyre qui, nous apprenant à mourir tous les jours à nous-mêmes, à vaincre, à surmonter nos passions... nous prépare et nous dispose à perdre courageusement la vie dans les tourments et sur un gibet si la Providence nous y appelle (7). »

C'est bien là l'esprit dont Simon Lombard avait fait preuve au Désert, c'est aussi celui dans lequel il fit son entrée au Séminaire.

Vie des étudiants

Ce Séminaire n'en était pas un à proprement parler. Les étudiants ne s'y réunissaient que pour les heures de cours. Ils vivaient absolument libres dans des maisons particulières. On avait confiance en eux, mais ils étaient quand même tenus d'observer une discipline et pouvaient être surveillés par leurs supérieurs.


PONT ST-NICOLAS

La plupart d'entre eux étaient titulaires d'une bourse, d'une « pension », variant suivant leurs revenus personnels. Presque tous vivaient très chichement de cette allocation. Certains, très rares d'ailleurs, recevaient, de leur famille ou de leur église, quelques subsides.

Ce fut le cas pour Simon Lombard. Son père, ayant pourvu à ses besoins pendant tout le temps qu'il avait été au Désert, continua certainement lorsqu'il eut gagné Lausanne ; mais, après sa mort, le 27 mars 1764, le jeune homme dut se trouver assez gêné. Ses amis en furent-ils avisés ou le comprirent-ils eux-mêmes ? toujours est-il que l'église de Vallon, au Synode de mai 1764, décida de lui compter cent livres de pension (8).

Ce geste était rare de la part des églises. Elles s'engageaient souvent à contribuer à l'entretien de leurs proposants, mais elles devaient généralement reculer devant une impossibilité matérielle.

La durée des études au Séminaire variait, elle aussi, suivant les individus, et surtout, suivant les exigences des églises. La moyenne était de deux ans environ.

Programme des Cours

Le programme des cours passa également par des modifications successives, mais son caractère fut toujours essentiellement pratique.

La polémique et la controverse y tenaient une grande place, ainsi que la morale. Le cours de Théologie proprement dite y figurait à un rang honorable et « reflétait assez bien les idées du temps. Il y était question de la religion naturelle, et de la religion révélée, du dogme de la Trinité que l'on admettait, des miracles, de la divinité du, Messie, du libre arbitre.... etc.... l'enseignement était à peu près calviniste (9). »

Il comprenait, de plus, l'étude des langues mortes : le latin, le grec et l'hébreu. Simon Lombard avait une prédilection pour la langue de Cicéron, il la cultiva avec un soin tout particulier. Il fit montre, plus tard, de quelque connaissance de l'italien (10), c'est probablement pendant son séjour en Suisse qu'il eut l'occasion de l'étudier.

Enfin, ce programme déjà chargé était complété par trois cours : Logique, Histoire ecclésiastique et Homilétique.

Chaque lundi, un étudiant disait en public le ,sermon qu'il avait composé sur un texte donné. Tant qu'il vécut, Antoine Court se fit une joie d'assister à ces exercices de prédication. Il faisait des remarques, encourageait, conseillait. Il éprouvait une satisfaction intime à entendre la voix de ces jeunes dont la foi vibrante relèverait bientôt et affermirait les Réformés de, France (11).

Les Professeurs

Le Séminaire était tout à fait distinct de l' « Académie » - la grande, la seule à vrai dire - mais la majorité de ses « lecteurs » y donnaient des cours. C'étaient les Polier de Bottens, les Sécrétan, les Rosset, les Dutoit, les de Bons, les Court de Gébelin (12).

Les églises de France n'étaient pas indifférentes au choix de ces professeurs. « A plusieurs reprises, elles demandèrent énergiquement que leurs doctrines soient nettement orthodoxes » ; elles exerçaient d'ailleurs un contrôle discret et ne manquaient pas de récriminer si l'enseignement de tel ou tel de ces Messieurs était entaché de « libertinage » ; elles exigèrent même le renvoi de certains (13).

Elles s'intéressaient également à la conduite des étudiants. Le Synode national de 1758 décida même qu'ils devraient envoyer « de six en six mois, aux pasteurs de leur province, un certificat de MM. les Professeurs qui les enseignent, dans lequel il serait fait mention des propositions qu'ils ont rendues, des, matières étudiées, des examens subis et des progrès qu'ils avaient faits comme de leur conduite » (14).

 

Etat d'esprit des étudiants

En somme, les années passées à Lausanne étaient, pour les Séminaristes, « des années d'austère apprentissage ». On les trouvait rarement en ville où la population aristocratique du Canton de Vaud, tout en protestant de ses bonnes intentions à leur égard, les méconnaissait plus ou moins.

Villageois mal dégrossis, campagnards frustes au rude accent méridional, à la mise provinciale, ils prêtaient quelquefois à la raillerie. Aussi fuyaient-ils les milieux mondains où leurs gaucheries eussent provoqué les sarcasmes et se consacraient-ils entièrement à leurs études, se condamnant volontairement à la retraite.

Certes, « ils étaient libres, libres de penser et libres d'agir ; ils pouvaient en toute sécurité, sans craindre les soldats ou les espions, travailler, vivre », mais « ce repos, inconnu en France », avait-il, comme on l'a voulu prétendre (15), « tout le charme du bien le plus précieux » ?

Ce n'est pas sûr.

L'écho leur parvenait-il de la voix des martyrs qui, là-bas, de l'autre côté des montagnes, souffraient et mouraient encore ?


SÉMINAIRE DE LAUSANNE
(Cliché de la Société d'Histoire du Protestantisme)

La retraite et la liberté pesaient alors à leur âme, ainsi qu'un reproche ; ils se seraient presque accusés de lâcheté, de trahison. L'esprit du Désert, soufflant à nouveau sur eux, leur apportait, comme au jour des tribulations, un regain d'audace et d'amour ; ils. éprouvaient, à ce moment, la douloureuse nostalgie de l'Eglise sous la croix et, méprisant la mort, ils n'aspiraient plus qu'à retourner vers elle.

Epreuves de Simon Lombard

Simon Lombard connut les affres de ce désir. Quatre mois s'étaient à peine écoulés depuis son arrivée au Séminaire lorsqu'il tomba « dans une maladie de langueur ». Sa santé, peut-être déjà ébranlée par l'excès de travail dont il était coutumier, en fut à tel point affectée qu'il traversa une crise grave. Quarante ans plus tard, il y songeait encore et en reparlait à son fils, lui aussi douloureusement atteint par la maladie. « A vingt-cinq ans, lui écrivait-il, je fis à Lausanne une maladie épouvantable : pendant onze mois, je me vis dépérir. Dans ce malheureux état, je perdis ce que j'avais de plus cher au monde, mon père (16), et cependant j'eus toujours le coeur d'un homme, je pourrais dire un coeur religieux et bien soumis à Dieu. Ce fut peut-être ce qui amena ma guérison. J'aimerais bien de vous voir dans la même force et la même résignation... » (17).

Ce n'est pourtant pas à Lausanne que le jeune homme acheva de se rétablir.

La nouvelle de la mort de son père avait aggravé son état et les plus tragiques appréhensions le harcelaient.

« Désirant de mourir ministre, et de mourir dans ma Patrie, raconte-t-il, je demandai avec instance d'être admis aux épreuves. On m'accorda cette faveur (18). »

Simon Lombard avait-il fini par faire partager à ses amis Gachon et Valentin son impatience de rentrer au pays ? Toujours est-il qu'ensemble, ils adressèrent une lettre an Synode, le priant d'intervenir pour qu'on les autorisât à rentrer bientôt en France. L'Assemblée répondit favorablement à leur demande et décida de les rappeler un mois avant le Synode suivant. Par la même occasion, elle ajoutait « bien des voeux pour le succès de leurs études et pour leur heureux retour » (19).

Ainsi donc,. avant le départ, il y avait encore les derniers examens à passer.

Grands Examens

« Ceux-ci consistaient en un sermon prêché sur un texte donné huit jours à l'avance, et des questions sur la théologie en général, la morale, la logique et quelquefois les langues hébraïque et grecque. Il y avait en plus deux travaux écrits : l'un sur la théologie positive, l'autre sur la controverse (20). »

Simon Lombard, malgré son fâcheux état de santé, subit les épreuves avec plein succès. Il ne lui manquait plus maintenant, pour entrer officiellement dans le corps des pasteurs, que d'obtenir la Consécration au Saint-Ministère.

A propos de la consécration pastorale

On sait que les Synodes avaient eu, à plusieurs reprises, des démêlés avec le Séminaire de Lausanne, à propos de la Consécration pastorale.

Au début du siècle, l'Assemblée des Pasteurs de France avait tenu à la donner ; mais, en 1730, ayant reconnu que le prestige des jeunes pasteurs était peut-être plus considérable quand ils la recevaient à Lausanne, le Synode national autorisa les proposants à se faire consacrer en Suisse. De nouvelles difficultés avant surgi de la part de Berne, en 1746, les églises françaises furent priées de consacrer elles-mêmes leurs pasteurs, et c'est ce qui eut lieu, généralement, par la suite.

Cependant, des exceptions furent faites et pas seulement, comme on l'a dit, pour les étudiants des provinces (lui n'étaient pas encore réorganisées.

A vrai dire, L.L. EE. de Berne, qui tenaient déjà fort peu à se compromettre en consacrant les proscrits de France, se souciaient encore moins d'accorder l'imposition des mains aux élèves de Lausanne, lorsque ceux-ci, rappelés trop tôt par les églises, ou ayant insuffisamment satisfait leurs examinateurs, leur paraissaient au-dessous du niveau de leurs propres candidats et risquaient de ruiner leur prestige.

Il semble bien que tout fût une question de personne. La plupart des proposants, en fin d'études, faisaient leur demande de consécration et, renseignements pris, Berne acceptait ou refusait .

Voilà peut-être ce qu'en France on ne comprit pas.

Le cas de Simon Lombard militerait en faveur de cette thèse. En effet, garçon de valeur, possédant déjà des connaissances sérieuses avant sa venue au Séminaire, il avait donné toute satisfaction à Lausanne et, quand il manifesta le désir d'y recevoir la consécration, personne ne songea à la lui refuser.

Acte de réception délivré a -S. Lombard

L'acte de réception qui lui fut, délivré - d'ailleurs trop à sa louange pour ne pas être reproduit en entier et dans sa teneur officielle - en fait foi :

« Nous soussignés, déclarons à qui il appartiendra que M. Simon Lombard, de Vauvert en Languedoc, ayant séjourné dans cette ville et académie pendant un tems assez considérable et s'étant appliqué à y continuer ses études en philosophie, morale et théologie, nous a priés de vouloir bien examiner les progrès qu'il aurait faits dans ces diverses sciences, et qu'il nous plût en conséquence, si nous l'en jugions digne, de lui conférer le caractère de ministre du Saint-Evangile pour l'exercer, suivant les principes de notre sainte et bienheureuse réformation, partout où il sera légitimement appelé : sur quoi, et après mûre délibération, nous nous sommes d'autant moins fait de peine d'acquiescer à sa demande juste et raisonnable, que nous le savons issu d'une honnête famille protestante, qu'il nous a toujours paru avoir de bons principes, que ses moeurs ont été très pures, et que nous avons reconnu en lui les dispositions, les sentiments et le zèle convenables au but excellent auquel il aspire. C'est pourquoi, après l'avoir examiné avec beaucoup de soin, nous avons été, non seulement très satisfaits de ses connaissances, mais aussi très édifiés de sa piété et de l'onction qu'il a fait paraître dans ses divers exercices exploratoires, en sorte que nous nous sommes fait un vrai plaisir de le consacrer par l'imposition des mains au saint ministère évangélique, selon les canons apostoliques, le 11 novembre 1764. Nous implorons avec ardeur la bénédiction de Dieu notre Père sur sa personne et sur son ministère, le recommandant à la bienveillance de nos chers frères en Jésus-Christ, et à la tendre affection des Eglises qui, pouvant désirer d'être édifiées par son ministère, adresseront à ce fidèle ministre du Seigneur, notre cher frère, une légitime vocation pastorale.

En témoignage de quoi nous sommes signés.

(Lausanne) 17 16/12 64.

N.-P. DE BOTTENS, pasteur.

A. ROSSET, Prof' en théologie.

F.-L. DE BONS, Professeur en théologie.

A. BESSON, pasteur.

BLACHON, ministre et inspecteur du Séminaire (21).

 

La cérémonie solennelle de Consécration s'était déroulée, comme à l'ordinaire, dans le plus grand secret. Simon Lombard avait eu la joie de, recevoir l'imposition des mains en même temps que ses condisciples et amis, Gachon, Valentin, et, en particulier, Rabaut Saint-Etienne (22).

Retour en France

De retour en France, il trouva sa famille dans le plus grand deuil. Toujours persuadé que sa propre fin était proche et voulant épargner à sa mère le spectacle de sa mort, il exprima le désir de revoir ses amis Bousquet, des Vans, et se rendit en Vivarais.

Guérison

« Je fus reçu de mon père et de ma mère Bousquet - dit-il - avec toutes les marques de la plus vive tendresse. Ils voulurent absolument que je prisse des remèdes : j'étais le centre de leur complaisance et de leurs soins. Tout ce qu'un père et une mère tendres peuvent faire pour un enfant chéri, tout ce qu'un intime ami peut entreprendre et sacrifier en faveur d'un ami sincère, ils le firent pour moi. Grâce à leurs tendres et généreux soins et à la bénigne influence de la Providence divine, je recouvrai la santé en moins de quatre mois (23). »

Rétabli, le jeune homme ne pensa plus qu'à se remettre activement au travail. Le Synode annuel se réunissant à ce moment, il s'y rendit et retrouva ses condisciples.

Les nouveaux pasteurs présentèrent alors « les lettres attestatoires de leur consécration au Saint-Ministère » et exposèrent « les raisons qui les avaient portés à recevoir l'imposition des mains dans le pays étranger ».

Question d'amour-propre ou de susceptibilité ? Ils ne furent pas pleinement approuvés : « La Compagnie - dit J'acte du Synode - sans trouver ces raisons de mise, s'est pourtant réjoui de leur réception, les a agrégés avec plaisir dans son corps et a arrêté (le confier un troupeau à chacun d'eux (24). »

Simon Lombard allait avoir vingt-six ans

A l'appel du Désert, il avait répondu avec joie, et maintenant, affermi dans sa vocation, formé par dix ans d'une préparation périlleuse et aride, mûri par l'épreuve, il se mettait avec enthousiasme au service de l'Eglise, encore sous la Croix.

L'avenir était toujours sombre, mais il regardait vers lui avec une foi ardente et une soumission entière. Prêt au sacrifice, il trouvait en Christ l'espérance de voir bientôt se lever, par delà l'horizon embrumé, la clarté sereine de la liberté et de la paix.


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(1) Mss L. « LI, ». A ses père et mère 1762-1771. il semble bien que S. Lombard ait conservé assez longtemps ce pseudonyme de Laboissière. Il l'employait encore, le 26 octobre 1766, en écrivant à son futur beau-père, M. Malarte.
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(2) Antoine Court cité par Coquerel : « Histoire des Eglises du Désert », Tome I, page 195.
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(3) Nous passons à dessein sur les démêlés que provoquèrent dans les Synodes de France le choix de Benjamin Du Plan, pour l'accomplissement de cette mission. Ils sont rapportés dans la plupart des ouvrages qui parlent du Séminaire de Lausanne. (Voyez Guiraud, Fabre, etc ... ).
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(4) Guiraud, page 25.
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(5) La question est discutée. Hugues le nie, Guiraud l'affirme avec plus de raison peut-être.
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(6) Guiraud : page 31 et ss.
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(7) Cité par Guiraud, page 34.
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(8) Syn. du D., Tome II, page 329.
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(9) Guiraud, page 46.
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(10) Voir la « remarque » du chapitre « Le Verbe » du « Cours abrégé de Grammaire française » qu'écrivit Simon Lombard et qui se trouve déposé au Musée du Désert.
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(11) Guiraud, page 48.
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(12) Ibid., page 50.
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(13) Guiraud, page 50.
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(14) Syn. du D., Tome II, page 166.
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(15) « Restauration du Protestantisme », Tome Il, pp. 45 et ss.
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(16) Le 27 mars 1764.
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(17) Mss. L. Garrigues.
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(18) Mémoire de S. L. (L. L.).
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(19) Syn. du D., Tome II, page 334.
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(20) Manuscrit Court, N° 4, 208, cité par Guiraud, page 49.
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(21) Mss L., LL, Mémoires.
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(22) DARDIER : Lettres de S. L., page 94, note.
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(23) Mémoires de S. L. (L. L.),
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(24) Syn. du D., Tome II, page 359.
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