Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

L'Avertissement

La Parole de l'Eternel me fut adressée en ces termes: Fils de l'homme, parle aux enfants de ton peuple, et dis-leur: Quand j'envoie l'épée pour ravager un pays, les habitants de ce pays choisissent l'un d'entre eux pour le placer comme sentinelle. Celui-ci, voyant venir l'épée sur le pays, sonne de la trompette pour avertir le peuple. Alors, si celui qui entend le son de la trompette ne se tient pas sur ses gardes et si l'ennemi le surprend, le sang de cet homme retombera sur sa tête; car il a entendu le son de la trompette, et il ne s'est pas tenu sur ses gardes. Son sang retombera sur lui. Mais s'il se tient sur ses gardes, il sauvera sa vie. Si la sentinelle voit venir l'épée et ne sonne pas de la trompette, en sorte que le peuple ne se tienne pas sur ses gardes; et que l'épée vienne enlever la vie à l'un ou à l'autre, celui-ci aura péri à cause de son iniquité mais je demanderai compte de son sang à la sentinelle.

Eh bien, Fils de l'homme, je t'ai établi pour servir de sentinelle à la maison d'Israël; écoute la parole de ma bouche, et avertis les Israélites de ma part. Lorsque je dis au méchant: « Méchant, tu mourras certainement!» - si tu ne dis rien pour détourner le méchant de sa mauvaise conduite, ce méchant mourra à cause de son iniquité mais je te demanderai compte de son sang. Si au contraire tu avertis le méchant pour le détourner de sa mauvaise conduite et qu'il ne s'en détourne pas, il mourra à cause de son iniquité mais toi tu auras sauvé ta vie.

Fils de l'homme, dis à la maison d'Israël: Vous parlez ainsi et vous dites: « Puisque nos forfaits et nos péchés pèsent sur nous et que nous dépérissons à cause d'eux, comment pourrions-nous subsister ?» Dis-leur: Aussi vrai que je suis vivant, dit le Seigneur, l'Eternel, je prends plaisir, non pas à la mort du méchant, mais à sa conversion et à son salut. Détournez-vous, détournez-vous de la mauvaise voie que vous suivez ? Pourquoi mourriez-vous, ô maison d'Israël?

Ezéchiel 33. 1-11


Les sentinelles qui montent la garde sur les remparts de Jérusalem aux frontières de l'histoire humaine et de l'éternité, ont à combattre sur deux fronts. Tournées vers Dieu, elles lui parlent du monde. Elles ne renoncent pas à Dieu pour le monde. Elles ne laissent pas Dieu se reposer. Elles luttent avec celui qui tarde à venir. En un mot, elles intercèdent.

Mais aussi, tournées vers les hommes, elles leur parlent de Dieu. Elles luttent avec leur repos, avec leur sommeil au nom de celui qui vient. Elles avertissent les hommes de ce qui doit arriver, inéluctablement. Elles sont établies pour mener conjointement ces deux luttes, avec Dieu dans l'intercession, avec les hommes dans le témoignage et la profession de foi. Ce sont les deux fronts de la même lutte, de la lutte de toute Eglise vivante pour le salut du monde et pour la gloire de Dieu - pour préparer le chemin du Seigneur. Nous nous porterons sur ce front aujourd'hui pour écouter ce que Dieu y attend de nous. « Fils de l'homme, je t'ai établi sentinelle. Ecoute la parole de ma bouche et avertis les Israélites de ma part.»

Quel est cet avertissement ? Il est simple et rude et sommaire. C'est un avertissement de vie et de mort ! « Méchant ! tu mourras certainement !» Est-ce là ce qu'il faut dire ? Est-ce là votre Dieu ? Un tyran qui menace. La sentinelle a plutôt l'air d'un gendarme. Et il y a une manière bien déplorable pour les chrétiens d'annoncer le jugement et de dire aux autres que Dieu les punira, de le faire sans amour et sans une vraie et personnelle connaissance du jugement. Pour annoncer la mort de la part de Dieu à l'incrédule, au pharisien, il faut que cette mort, Dieu nous l'ait révélée, que nous ayons passé par elle, que nous ayons ,saisi à la lumière de Sa parole et de Sa justice, la correspondance intime, la liaison inéluctable du péché et de la mort. Car le péché est une semence de mort, il contient la mort comme la graine contient le fruit. Le mensonge, la convoitise, la trahison produisent leur moisson. La mort pousse tout doucement dans notre désobéissance, comme un enfant dans le sein de sa mère. Et un beau jour elle est là, le péché a enfanté la mort. Les incrédules que nous sommes tous ne peuvent pas plus échapper à la mort, qu'une femme ne peut échapper à la naissance de l'enfant qu'elle a conçu. Un monde où la parole donnée n'a pas de valeur absolue, ne peut pas plus échapper à la guerre et à la décomposition qu'une graine ne peut échapper à son fruit. Nous avons beau être bien vivants et animés et remuants, Dieu nous voit tels que nous sommes : morts dans nos fautes. Méchant, tu mourras certainement. Voilà ce qu'une sentinelle doit comprendre. Mais il ne suffit pas qu'elle le comprenne pour elle-même, si elle ne l'a pas compris pour les autres. Nous ne sommes pas sauvés de la mort, si nous consentons à celle des autres. Nous n'avons pas écouté vraiment la Parole de l'Eternel, si nous la gardons pour nous. Si tu ne dis rien pour détourner le méchant, il mourra... Mais je te demanderai compte de son sang.

Si tu ne dis rien! Quel jugement sur nous tous!

Quel jugement sur l'Eglise qui ne reproche rien au méchant et garde pour elle le secret du salut. Combien de fois et dans combien de pays l'Eglise a-t-elle voulu se sauver par son silence, et s'est-elle tue par prudence devant l'injustice. La méchanceté des faibles, les fautes des vaincus, celles-là on les dénonce toujours assez facilement. Mais celles des forts, des puissants, des vainqueurs, on les admet silencieusement quand on ne leur cherche pas même des excuses. Quoi qu'il en soit, que nous nous taisions par paresse, ou par peur, notre silence est un crime, notre silence remet en question notre propre salut : «Je te demanderai compte de son sang.»

Une telle parole nous fait mesurer combien peu nous avons pris au sérieux notre fonction de sentinelle, et combien il est grave d'être chrétien. Ainsi Dieu pourrait demander compte à son Eglise de la défaite de la France. Il pourrait lui demander compte de tout ce sang, de toute cette désolation, de toutes ces ruines. Il pourrait demander compte à chacun de nous du malheur de notre prochain, de sa chute, de son désespoir, de sa révolte. Pas forcément: il se peut que nous avons fait ce qu'il fallait, que nous ayons sonné de la trompette. Mais la question doit bien être posée. Les quelques millions de soi-disant chrétiens qui vivaient dans ce pays, dans les usines, dans les champs, dans les affaires, dans la politique, qu'ont-ils dit poux avertir, pour alarmer ? Et aujourd'hui que disons-nous, chacun de nous à notre place, devant la lâcheté, l'injustice, la mauvaise foi, l'avarice, devant la mort qui pousse partout comme une plante ? Avons-nous la parole de vie et de mort pour les hommes, ou seulement de vagues désapprobations. Torpeur ou peur ? La sentinelle dort-elle ou craint-elle d'être mal reçue en faisant quelque bruit ? Ou pense-t-elle qu'il suffit de s'abriter elle-même ?

«Si tu ne dis rien... je te demanderai compte de son sang.» Voyez qu'au moment même où l'Eglise veut se mettre à l'abri dans son silence, garder pour elle le compromettant secret de la mort et de la vie éternelle, dès qu'elle veut se reposer ou se sauver en se retirant du monde, en renonçant aux hommes, non seulement elle les perd en ne les avertissant pas, mais elle se perd elle-même, elle perd cette vie qu'elle veut garder pour elle, cette justice et cette vérité dont elle ne proclamerait plus l'existence absolue, universelle. Tout silence de l'Eglise devant l'iniquité commise, notre silence à chacun de nous devant l'égarement de notre prochain est une complicité, une contribution à cette iniquité. Tu as laissé cet homme, tu as laissé ce pays se donner la mort devant toi sans ouvrir la bouche, tu as contribué à sa mort ! Tu connaissais la source d'eau vive et tu ne la lui as pas indiquée ! Cain, qu'as-tu fait de ton frère ? Qu'as-tu fait de ta famille ? Qu'as-tu fait de ton pays ? Tu as craint qu'une parole te coûte la vie, et c'est ton silence qui t'a coûté la vie.

Mais ce n'est pas l'épée, mais ce n'est pas la mort que voient venir les sentinelles. Ou plutôt cette mort certaine, cette nuit qui tombe sur le monde de notre méchanceté, c'est l'envers du jour qui se lève, de la vie qui vient. S'il y a mort et désolation certaines pour l'incrédule et pour la sentinelle qui s'endort, c'est parce qu'il y a vie, lumière et joie certaines pour celui qui témoigne et qui écoute. Ce n'est pas parce que la mort vient qu'il faut avertir les hommes, mais parce que le Seigneur vient et que c'est vraiment la mort de ne pas l'attendre, et que c'est vraiment le désespoir de ne pas compter sur lui, et que c'est vraiment l'injustice que de n'avoir pas soif de sa justice pour tous les hommes. Si nous parlons de mort aux hommes, c'est pour qu'ils ne meurent pas, c'est pour qu'ils prennent courage et qu'ils se lèvent, et non pour qu'ils s'asseoient dans un châtiment stérile et répètent : «Puisque nos forfaits et nos péchés pèsent sur nous et que nous dépérissons à cause d'eux, comment pourrions-nous subsister ? » Assurément il n'est pas possible de subsister, il n'y a pas de salut sur la voie que nous suivons. Mais notre subsistance et notre vie sont là, au dehors, dans le Dieu vivant qui n'annonce la mort que pour la chasser et la nuit que pour la dissiper : «Aussi vrai que je suis vivant, dit le Seigneur, l'Eternel, je prends plaisir, non pas à la mort du méchant, mais à sa conversion et à son salut. Détournez-vous, détournez-vous de la mauvaise voie que vous suivez ! Pourquoi mourriez-vous, ô maison d'Israël? »

C'est là toujours ce qu'on oublie: ce n'est pas Dieu qui nous fait mourir, c'est notre péché qui nous fait mourir. Ce n'est pas Dieu qui donne la mort, c'est le péché qui nous donne la mort. Dieu fait vivre. Dieu donne la vie, il ne donne que la vie. Dieu veut notre vie. Il ne veut que notre vie. C'est là tout son plaisir, c'est là toute sa joie. Cette mort que les sentinelles annoncent, c'est la mort que Dieu ne veut pas pour nous. C'est la mort qui ne lui fait pas plaisir. C'est la mort dont il souffre plus que nous. Nous nous consolons si facilement du malheur des autres, nous prenons si facilement notre parti de leur détresse et de leur mort. Mais Dieu est inconsolable de notre méchanceté. Il ne peut prendre son parti de notre mort. Il ne peut se résoudre à nous perdre, à perdre aucune de ses créatures. C'est ainsi qu'est notre Dieu. La joie de Noël, n'est rien d'autre que la joie qu'il prend à nous sauver. Noël, ce sera la révélation du plaisir de Dieu, de cette joie dans le ciel pour un pécheur qui se repent, pour une brebis que le berger ramène sur ses épaules. Connaître Dieu, c'est entrer dans sa joie, c'est devenir celui qu'il sauve, celui qu'il arrache à la mort. Comment il le fera, comment il accomplira ce salut du méchant, ce n'est pas le lieu encore d'en parler. C'est la grande oeuvre qui se prépare. Mais déjà le prophète nous y prépare en nous appelant: «Détournez-vous de la mauvaise voie que vous suivez pour prendre la route que Dieu lui-même va tracer. » Car il va rompre pour nous l'infernal enchaînement du péché et de la mort. Il ne nous sauvera pas dans notre méchanceté, il nous sauvera de notre méchanceté. Il n'est pour nous de salut qu'en dehors de ce que nous sommes, et sur un autre chemin que celui que nous suivons. Ce qui va commencer, ce sera la fin des choses anciennes, la fin de tout ce qui fait pleurer, la fin de tout ce qui fait mourir. Prenez-y garde ! Il n'y a pas de Dieu et pas de vie, point de Noël pour vous hors de cette conversion, de ce changement. Il ne peut y avoir que la mort, l'absence de Dieu, devant notre incrédulité. La lumière du Sauveur qui vient, c'est une lumière qui vraiment dissipe toute obscurité. La joie de Noël ne vient pas couronner notre vie, mais la transformer et la bouleverser. Dieu ne vient pas aplanir notre route, mais nous en faire prendre une tout autre. Noël, c'est le choix de la vie ou de la mort.

Nous réalisons mal ce qu'implique d'attendre Noël et c'est pourquoi nous l'attendons si peu sérieusement. Vraiment sommes-nous prêts à ce que tout change ? Est-ce que nous attendons Jésus-Christ comme le changement, le renouvellement de toutes choses ? Est-ce que nous l'annonçons ainsi, comme un chemin nouveau ? Et les apôtres plus tard en annonçant le Sauveur ressuscité n'ont rien trouvé de plus à dire que ce: «repentez-vous ! » c'est-à-dire: « soyez ceux que Dieu sauve! » Ceux à qui Dieu donne la vie de son Fils ! Ceux qui savent que Dieu seul veut leur bien et le bien de tout homme.

Sentinelles, il faut empêcher les hommes de mourir. Il faut empêcher le pays de périr dans l'ignorance du plaisir de Dieu, dans l'inconscience de la bonne nouvelle que Dieu prend plaisir à nous sauver et que toute l'histoire du monde, cette pitoyable et lamentable histoire de la méchanceté des hommes n'est que l'attente et la longue patience de Dieu qui ne se résoud pas à la mort de ses ennemis, et qui ne peut les sauver sans les détourner de leur injustice. Il faut que cette question nous dévore : « Pourquoi mourriez-vous, ô maison d'Israël ?»

C'est nous qui demandons d'ordinaire pourquoi nous mourons. Aujourd'hui c'est Dieu qui nous le demande, à chacun de nous, à notre Eglise, à notre pays, à notre monde. Pourquoi mourriez-vous puisque Dieu veut votre vie, puisque Dieu n'a aucun plaisir au mal que vous vous faites, puisqu'il tient votre salut dans sa main ?

Pourquoi seriez-vous tristes quand le Sauveur est proche ? Pourquoi dormiriez-vous quand le soleil se lève ? Pourquoi ne regardez-vous que vous-même quand Jésus va paraître ? Notre mort n'est pas ce que Dieu veut. Elle n'est que l'ignorance du salut que Dieu veut pour nous et qu'il nous prépare.


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