Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

La visite du Seigneur

Les enfants d'Israël firent ce qui déplaît à l'Eternel; et l'Eternel les livra entre les mains de Madian, pendant sept ans. La main de Madian fut puissante contre Israël. Par crainte de Madian les enfants d'Israël se retiraient dans les ravins des montagnes, dans les cavernes et sur les rochers fortifiés. Quand Israël avait semé, Madian montait avec Amaleck et les fils de l'Orient, et ils marchaient contre lui. Ils campaient en face de lui, détruisaient les productions du pays jusque vers Gaza, et ne laissaient en Israël ni vivres, ni brebis, ni boeufs, ni ânes. Car ils montaient avec leurs troupeaux et leurs tentes, ils arrivaient comme une multitude de sauterelles, ils étaient innombrables, eux et leurs chameaux, et ils venaient dans le pays pour le ravager. Israël fut très malheureux à cause de Madian et les enfants d'Israël crièrent à l'Eternel.

Lorsque les enfants d'Israël crièrent à l'Eternel à cause de Madian, l'Eternel envoya un prophète aux enfants d'Israël. Il leur dit: Ainsi parle l'Eternel, le Dieu d'Israël: Je vous ai fait monter d'Egypte, et je vous ai fait sortir de la maison de servitude. Je vous ai délivrés de la main des Egyptiens et de la main de tous ceux qui vous opprimaient; je les ai chassés devant vous, et je vous ai donné leur pays. Je vous ai dit: Je suis l'Eternel, votre Dieu; vous ne craindrez point les dieux des Amoréens dans le pays desquels vous habitez. Mais vous n'avez point écouté ma voix.

Puis vint l'ange de l'Eternel, et il s'assit sous le térébinthe d'Ophra, qui appartenait à Joas, de la famille d'Abiézer. Gédéon, son fils, battait du froment au pressoir, pour le mettre à l'abri de Madian. L'ange de l'Eternel lui apparut et lui dit: L'Eternel est avec toi, vaillant héros ! Gédéon lui dit: Ah ! mon seigneur, si l'Eternel est avec nous, pourquoi toutes ces choses nous sont-elles arrivées ? Et où sont tous ces prodiges que nos pères nous racontent quand ils disent l'Eternel ne nous a-t-il pas fait monter hors d'Egypte ? Maintenant l'Eternel nous abandonne et il nous livre entre les mains de Madian ? L'Eternel se tourna vers lui et dit: Va avec cette force que tu as, et délivre Israël de la main de Madian, n'est-ce pas moi qui t'envoie ? Gédéon lui dit: Ah ! mon seigneur, avec quoi délivrerai-je Israël ? Voici, ma famille est la plus pauvre en Manassé et je suis le plus petit dans la maison de mon père. L'Eternel lui dit: Mais je serai avec toi, et tu battras Madian comme un seul homme. Gédéon lui dit: Si j'ai trouvé grâce à tes yeux donne-moi un signe pour montrer que c'est toi qui me parles. Ne t'éloigne point d'ici jusqu'à ce que je revienne auprès de toi, que j'apporte mon offrande et que je la dépose devant toi. Et l'Eternel dit: Je resterai jusqu'à ce que tu reviennes.

Gédéon entra, prépara un chevreau et fit avec un épha de farine des pains sans levain. Il mit la chair dans un panier et le jus dans un pot, les lui apporta sous le térébinthe, et les présenta. L'ange de Dieu lui dit: Prends la chair et les pains sans levain, pose-les sur ce rocher et répands le jus. Et il fit ainsi. L'ange de l'Eternel avança l'extrémité du bâton qu'il avait à la main et toucha les pains sans levain. Alors il s'éleva du rocher un feu qui consuma la chair et les pains sans levain. Et l'ange de l'Eternel disparut à ses yeux. Gédéon, voyant que c'était l'ange de l'Eternel dit: Malheur à moi, Seigneur Eternel ! Car j'ai vu l'ange de l'Eternel face à face. Et l'Eternel lui dit: Sois en paix, ne crains point, tu ne mourras point. Gédéon bâtit là un autel à l'Eternel et lui donna pour nom: L'Eternel, le Dieu de paix; il existe encore aujourd'hui à Ophra qui appartient à la famille d'Abiézer.

Juges 6. 1-24


La détresse de l'Eglise était grande au temps de Gédéon. Malgré les recommandations de Moïse et de Josué, le peuple de Dieu avait écouté d'autres voix que celle de l'Eternel. Au lieu de les combattre et de les détruire par la Parole de Dieu, voilà qu'Israël s'était mis à respecter, puis même à pratiquer les religions du pays où Dieu l'avait fait entrer. Cela s'était fait sans doute insensiblement, sans même qu'on y prît garde. Peu à peu les dieux du jour et les cultes à la mode s'étaient emparés des esprits. On n'en croyait pas moins demeurer fidèle à l'Eternel. Nul doute qu'Israël était persuadé de croire encore en Dieu, seulement il se disait qu'il fallait respecter toutes les opinions pourvu qu'elles fussent sincères. Ainsi l'Eglise quand elle a perdu la foi en vient à faire de l'idôlatrie qui empoisonne le monde une opinion respectable; puis elle finit par épouser elle-même cette idolâtrie et par mélanger la crainte de l'Eternel avec la crainte des autres dieux. Oh ! Il est certain qu'on racontait aux enfants (et les paroles de Gédéon tout à l'heure le prouveront) la sortie d'Egypte, la prise de Jéricho, l'alliance du Sinaï, toutes les merveilles que Dieu avait déployées pour son peuple. Mais quoi ? c'était de grandes choses qui s'étaient passées il y a plusieurs siècles. De belles histoires mortes. On se disait: «Maintenant Dieu n'agit plus de cette façon, c'était bon pour autrefois.» On croyait bien encore à ces grands événements de l'histoire de l'Eglise, on célébrait, chaque année, le jour de Pâques, la sortie d'Egypte, on célébrait le Jubilé de la Réformation. Mais on ne croyait plus à la présence du Sauveur. On ne croyait plus à l'actualité de sa délivrance. Et l'on était bien empêché d'y croire, puisque l'on croyait à d'autres présences, à d'autres Sauveurs, à d'autres puissances que celle de l'Eternel. Puisque l'on réglait sa vie sur l'opinion publique et non plus sur la loi de Dieu, puisque l'on attendait quelque chose des Baals et des Astartés, que pouvait-on attendre encore de l'Eternel ?

Aussi l'Eternel s'était retiré et avait livré l'Eglise aux puissances étrangères qu'elle voulait servir : elle voulait servir l'Etat, il la livre à l'Etat, elle attendait quelque chose de Mammon, il la livre à Mammon. Elle veut se conformer à l'opinion publique : alors il ne lui laisse dire que ce que tout le monde sait déjà, elle n'est plus qu'un écho des besoins du jour. Ces puissances étrangères peu à peu s'emparent de l'Eglise et l'anéantissent. Ainsi les pillards madianites venaient chaque année dévaster la Terre Sainte, et réduire Israël à la dernière extrémité.

Heureusement, oui heureusement, que les compromis de l'Eglise ne lui procurent qu'un succès temporaire et très vite, se retournent contre elle, et qu'alors sa détresse lui devient si sensible qu'elle peut enfin oublier les illusions en qui elle s'était complue, pour invoquer l'Eternel à grands cris, pour appeler l'Eternel seul à son secours.

Et l'Eternel peut alors aussi montrer qu'il est le même Sauveur de l'Eglise, hier, aujourd'hui, éternellement. Les Madianites en réduisant son peuple à la dernière extrémité ont préparé ses voies; sa colère aplanit le sentier de sa miséricorde. Il peut agir, intervenir maintenant par sa grâce souveraine et descendre visiter son peuple.

Dieu choisit Gédéon pour se faire connaître à lui et en faire l'instrument de sa délivrance. Alors s'accomplit le miracle de la Révélation, l'incarnation. Un homme vient s'asseoir sous le térébinthe d'Ophra près duquel Gédéon battait son blé. Cet homme que l'Ancien Testament appelle l'ange de l'Eternel, c'est celui avec lequel Jacob a lutté toute la nuit. C'est celui qu'Abraham, Moïse, Josué, ont rencontré, c'est celui qui naîtra dans une écurie et qui mourra sur une croix. Cet homme, c'est Dieu sur la terre, c'est Jésus-Christ. Et voici qu'il adresse la parole à Gédéon et le salue d'une façon singulière : «Vaillant guerrier, l'Eternel est avec toi.» Cet homme a, seul au monde, le droit de saluer ainsi. Il ne le fait pas parce que Gédéon a quelques qualités extraordinaires en lui, ou parce qu'il est un homme pieux. Il lui dit : «L'Eternel est avec toi» parce que lui qui parle à Gédéon est lui-même «l'Eternel avec Gédéon ». C'est par le seul fait que Jésus-Christ nous parle que l'Eternel est avec nous. En saluant ainsi Gédéon cet homme s'annonce. Il ne constate pas quelque chose qui existait avant son arrivée, il se présente comme l'Eternel. Mais Gédéon ne le comprend pas tout de suite. Il ne sait pas que l'Eternel lui-même est en effet avec lui dès l'instant où cet homme lui adresse la parole. Il prend cette bonne nouvelle pour une salutation ordinaire, une formule de politesse et il réplique amèrement: «Si l'Eternel est avec nous, pourquoi ces choses nous sont-elles arrivées ?»

Pourquoi son Eglise est-elle dans un état si pitoyable, pourquoi les puissances du monde dominent-elles sur elle ? Où sont les merveilles d'autrefois qu'on nous raconte ? Où sont les temps héroïques de la Réforme où la Parole de Dieu renversait les murailles et bouleversait l'idolâtrie ? Où donc est la main puissante de l'Eternel qui nous conduisait, maintenant que la main des Madianites est sur nous, maintenant que nous ne sommes plus là qu'une poignée de protestants à avoir honte de l'Evangile ? Où sont ces martyrs, ces témoins de la présence divine ? Certes, Gédéon a raison de protester, il a raison de constater et de confesser que son peuple est abandonné de l'Eternel, et c'est même la salutation de l'ange qui l'oblige à s'en rendre compte.

Alors l'Eternel ne le laisse pas se lamenter plus longtemps. Il reprend la Parole : « Où sont les temps de Moïse et de Calvin ? Où sont les merveilles d'autrefois ? Elles ne sont plus derrière toi. Elles sont devant toi. Le temps de délivrer l'Eglise est là pour toi, maintenant. Va, avec la force que tu as. Va tel que tu es. Et délivre Israël. » Gédéon attendait sans doute, comme nous tous, une de ces délivrances qui tombent du ciel, je ne sais quelle transformation automatique de sa misère en prospérité. Mais Dieu lui dit: «Tu attends ma délivrance. Eh bien va ! Délivre mon peuple ! N'est-ce pas moi qui t'envoie ? Je mets dans ta main et dans ta bouche ma délivrance.» Mais Gédéon n'a pas encore compris ceci que depuis que cet homme lui parle l'Eternel est avec lui. Il ne sait pas encore qu'il a le Sauveur en personne sous les yeux. Et il reprend: «Mais avec quoi délivrerai-je l'Eglise ? Je n'ai rien pour cela. Je ne suis rien dans mon peuple et dans ma famille. »

« Parce que je serai avec toi, tu battras les Madianites comme un seul homme. »

Nous voudrions toujours autre chose que Dieu pour triompher, nous répondons que nous sommes trop faibles, que nous ne pouvons pas, sans voir qu'avec ces excuses, c'est justement sur nous-mêmes que nous comptons, et que nos protestations d'incapacité sont encore un dernier acte d'orgueil, une dernière façon de compter avec nous-mêmes. Jamais Dieu ne nous demande quoi que ce soit sans nous faire en même temps cette promesse: « je serai avec toi » et cette parole est la seule possibilité pour qui que ce soit d'accomplir la volonté de Dieu. Mais c'est une possibilité suffisante parce que tout est possible à Dieu, parce que «je puis «tout par celui qui me fortifie ». je suis avec toi, dit l'homme à Gédéon. Ce même homme dira plus tard à ses apôtres: «Je suis avec vous tous les jours jusqu'à la fin du monde. » Toute la puissance du monde, des idoles, de l'Egypte, de Rome et des Madianites, de l'opinion publique et de Mammon est vaincue par la réalité de cette seule parole: Emmanuel! Dieu avec nous ! Il n'y a donc plus à chercher d'autres forces. Il n'y a plus à s'occuper de ce que nous sommes et de ce que nous pouvons ou non. Va avec la force que tu as ! Il n'y a pas ici pour Gédéon d'échelon à gravir, de progrès à faire, de force à prendre. La force que nous avons, notre force d'homme pécheur et sans force, est à chaque instant où Il le veut, le commande et le promet, la force même du Roi des rois. Nous n'aurons jamais à nous que notre force, une force parfaitement inefficace. Mais quand Dieu dit: « C'est moi qui t'envoie», il se tient alors avec notre force, il en fait ce qu'il veut. Il n'est pour nous comme pour Gédéon, ni progrès, ni stade préparatoire, ni ascension spirituelle. Il y a seulement que l'Eternel est ou n'est pas avec la force que nous avons. « Je serai avec toi. N'est-ce pas moi qui t'envoie ? »

Mais Gédéon n'est pas tout à fait sûr encore. Il entend bien que «jamais homme n'a parlé comme cet homme.» Mais il n'est pas sûr que c'est vraiment l'Eternel qui lui parle. Comment croire d'emblée, comment croire sans passer par une singulière angoisse qu'un homme assis sous un térébinthe soit l'Eternel, le Créateur Tout-Puissant? C'est pourquoi Gédéon demande un signe, une preuve que cet homme est bien l'Eternel.

«Donne-moi la preuve que c'est toi qui me parles.» Parce que la demande de Gédéon signifie: «Je crois, Seigneur, viens en aide à mon incrédulité » et non pas : « Si tu es le Fils de Dieu descends de la croix afin que nous voyions et que nous croyions», l'Eternel dans sa bonté accorde un signe. Quand Gédéon lui présente, l'offrande qu'il est allé préparer, l'ange touche la viande et le gâteau, le feu les consume, et à ce moment même l'ange de l'Eternel disparaît aux yeux de Gédéon comme il disparaîtra aux yeux des pèlerins d'Emmaüs au moment de rompre le pain. Il disparaît à l'instant où il se fait reconnaître afin que sa gloire ne nous réduise pas en poussière. Ainsi dans le temps d'un éclair, dans le feu qui a consumé le sacrifice, Gédéon a vu la gloire du Ressuscité, l'incompréhensible gloire du Dieu vivant. Il sait maintenant que cet homme avec lequel il a causé tout à l'heure, c'est le Seigneur, le Roi des rois; il change de ton, il ne discute plus, mais s'écrie: «Malheur à moi, Seigneur Eternel, car j'ai vu l'ange de l'Eternel face à face. »

Dans son incertitude, Gédéon était tranquille. Mais voici qu'au moment où Dieu lui donne la certitude de sa présence, il tombe dans l'épouvante, et la mort vient sur lui. Nous voudrions tous voir Dieu et nous réclamons des signes sans savoir ce que nous faisons, et nous ne comprenons pas que c'est pour nous épargner l'épouvante et la mort que Dieu vient à nous sous l'aspect misérable et quelconque du charpentier de Nazareth, de cet homme qui s'assied sous un térébinthe et qui mange à notre table. Nous nous plaignons du manque d'évidence de la Révélation, et nous ne voyons pas que l'obscurité et l'anéantissement du Crucifié sont la seule possibilité pour le Dieu saint de parvenir jusqu'à nous sans faire notre malheur.

Oui, Gédéon s'écroule maintenant privé d'appui, devant celui que nul ne peut voir sans mourir. Mais l'Eternel qui heureusement a suspendu le signe et s'est effacé à ses regards lui rappelle qu'il est le Dieu miséricordieux et prononce les paroles de Noël: « Ne crains point. Tu ne mourras point!»

Alors Gédéon bâtit un autel et l'appela l'Eternel, le Dieu de paix! Le Dieu de paix qui disait à Gédéon: «Tu battras les Madianites comme un seul homme. » Oui. Parce qu'il n'y a de paix que quand toutes les puissances de la terre sont réduites à la puissance de Dieu. Il n'y a de paix que le jour où toutes les pensées sont captives de Jésus-Christ. C'est bien le Dieu de paix, le Prince de la paix qui envoie Gédéon délivrer l'Eglise, renverser les idoles et battre les Madianites. C'est aussi le Prince de la paix qui disait à ses disciples : « Je ne suis pas venu apporter la paix mais l'épée.» Car la Parole de Dieu est une épée à deux tranchants, et il n'y a point de paix dans le monde, et il n'y a point de paix dans nos vies, ni dans notre coeur avant que l'épée du Dieu de paix nous ait transpercés nous-mêmes, et avant que l'épée du Dieu de paix n'ait dépouillé les dominations et les puissances. Gédéon sait maintenant que la paix de Dieu qui surpasse toute intelligence n'existe que dans la victoire sur le monde et que le Dieu de paix, c'est celui qui a vaincu le monde, c'est celui qui délivre Israël de la main des Madianites et qui dit: «Ne crains point, tu ne mourras point. Celui qui vit et croit en moi ne mourra jamais. » Il n'y a pas de paix pour qui traite avec Baal, avec les Madianites et avec la mort. La paix de Dieu est sur les champs de bataille où gisent anéantis le monde et les religions, le péché et la mort. Amen.


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