Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

LES ENFANTS DE LUMIERE

- 1874 -
Vous étiez autrefois ténèbres, mais à présent vous êtes lumière dans le Seigneur; marchez donc comme des enfants de lumière. Car le fruit de l'Esprit consiste en toute sorte de bonté, de justice et de vérité.

EPH., V, 8. 9.


« Vous étiez autrefois ténèbres, mais maintenant vous êtes lumière dans le Seigneur.» Il n'y a rien d'exagéré dans cette parole de l'apôtre aux Éphésiens convertis. 'L'opposition qu'elle exprime entre l'ancien état de leur âme* et le nouveau était bien réelle. Avant de recevoir l'Évangile, qu'est-ce que les Éphésiens savaient sur la religion ? Qu'est-ce qu'ils pouvaient savoir? Ils adoraient la grande déesse Diane dont ils possédaient un temple célèbre, le plus beau de l'univers, et ils partageaient sans doute toutes les superstitions à la fois grossières et poétiques du polythéisme gréco-romain de cette époque. Ce n'est pas une des moindres preuves de la corruption naturelle de l'homme que les ténèbres épaisses qui enveloppaient les idées religieuses du monde païen avant Jésus-Christ. Cette race grecque si intelligente, si admirablement douée, qui nous a laissé tant de chefs-d'oeuvre littéraires et artistiques, que savait-elle sur Dieu, sur la vie à venir, sur l'origine et la vraie nature de l'homme, sur la morale ? A peine ses penseurs les plus profonds étaient-ils parvenus à la notion d'un Dieu unique. Comment expliquer, sans la chute, que l'humanité, si éclairée sur tout le reste, ait vécu dans une ignorance si profonde des vérités qu'il lui importait le plus de connaître ? Quelle démonstration de la nécessité d'une révélation'! Oui, il fallait qu'après ces temps d'ignorance, la lumière surnaturelle de l'Évangile se levât sur le monde; il fallait qu'après la longue et triste nuit du paganisme, l'Orient d'en haut fit briller sa lumière sur tous ces peuples assis dans les ténèbres et dans l'ombre de la mort.

La même opposition se retrouve encore aujourd'hui, - et nos missionnaires peuvent direavec autant de raison que saint Paul aux païens qu'ils amènent à la foi: Vous étiez autrefois ténèbres, mais maintenant vous êtes lumière. Aujourd'hui, lion plus qu'autrefois, l'humanité, livrée à ses seules ressources, n'arrive à la découverte de la vérité religieuse. Certains peuples non chrétiens nous étonnent par leurs progrès dans les arts et dans la civilisation; mais il y a une chose dans laquelle ils ne font aucun progrès; il y a un point sur lequel, - malgré les siècles, - la lumière ne se fait pas, - c'est la vérité religieuse.

N'en soyons pas surpris: « Ce sont là, pour parler avec saint Paul, des choses que l'oeil n'avait point vues, que l'oreille n'avait pas entendues, et qui n'étaient pas montées au coeur de l'homme. » Même parmi nous, au milieu de notre civilisation avancée, qu'est-ce que la science non chrétienne connaît des choses de Dieu? A quelle affirmation positive, à quelle certitude est-elle parvenue ? Elle a de grandes prétentions, elle tient un langage hautain et dédaigneux; - mais encore une fois, que nous a-t-elle appris sur Dieu et sur l'homme ? Quelle religion a-t-elle découvert au bout de ses raisonnements ? Vous le savez, elle a abouti à la négation de toute religion. Elle aussi se débat dans les contradictions et dans les ténèbres. Le dernier grand effort de la pensée humaine livrée à elle-même, le panthéisme, nous présente un Dieu sans liberté, un Dieu qui n'est pas, mais qui devient sans cesse; un Dieu qui n'est qu'une loi fatale, un développement continuel ; un Dieu qui passe, on ne sait pas pourquoi, ni comment, du non-être à l'être. Ténèbres, vous dis-je, ténèbres ! Ténèbres telles qu'un des philosophes qui les ont accumulées a déclaré avec amertume sur son lit de mort, qu'un seul de ses disciples l'avait compris et encore qu'il l'avait mal compris.

Mais laissons les païens et les savants, et venons à nous-mêmes. Bien que nous soyons depuis notre enfance élevés à l'école de l'Évangile, et instruits dans la vérité chrétienne, - nous sommes aussi à bien des égards ténèbres avant notre conversion ; car pour connaître au sens chrétien, au sens profond du mot, pour connaître Dieu, Jésus-Christ, le péché; pour nous connaître nous-mêmes, - il faut avoir senti. L'intelligence seule n'a que des idées, elle ne suffit pas pour atteindre aux réalités mêmes; c'est le coeur éclairé d'en haut, touché par la grâce, qui seul connaît. C'est le Saint-Esprit qui convainc l'homme de péché, de justice et de jugement, et tant que son action ne s'est pas fait sentir à notre coeur, nous ne sommes pas encore lumière, nous sommes ténèbres.

Remarquez maintenant que la vie nouvelle commence par cette illumination du coeur. Saint Paul, en effet, appelle les chrétiens des enfants de lumière.

Que la lumière soit ! Telle fut la première parole qui tomba de la bouche de Dieu quand il créa le monde. Telle est aussi la première parole que Dieu prononce dans cette création spirituelle que l'Écriture appelle la conversion ou la nouvelle naissance.

Que la lumière soit dans cette âme! - et aussitôt cette âme, qui s'ignorait encore, se voit telle qu'elle est: souillée, misérable, impuissante à faire le bien, et elle pousse vers Dieu un cri de détresse qui peut devenir le commencement de son salut.

Que la lumière soit dans cette âme! - Et voici un homme qui jusqu'alors n'avait eu qu'une idée superficielle et rabaissée des exigences de la loi morale, qui en aperçoit pour la première fois l'étendue, la sainteté, la spiritualité ; - et qui comprend dès lors qu'il en a violé tous les commandements, sinon dans la lettre, du moins dans l'esprit.

Que la lumière soit dans cette âme!-- Et voilà ce pécheur qui, faisant Dieu à son image, se le représentait comme se le représente le monde : à peu près étranger à ce qui se passe sur la terre, indifférent au péché, indulgent par nature pour le pécheur, - qui voit ce même Dieu tel qu'il est, plein de miséricorde sans doute, mais juste, mais saint, mais offensé par le mal, et ne tenant point le coupable pour innocent.

C'est ainsi, mes frères, que dans l'univers spirituel, comme dans l'univers matériel, la lumière précède la vie et la prépare.

Mais si le chrétien est un enfant de la lumière ; s'il doit à la lumière, c'est-à-dire à la vérité, la vie nouvelle qui pénètre toutes ses facuités et toute son activité, il en résulte naturellement cette conséquence, c'est qu'il doit être fidèle a son origine, - c'est qu'il doit marcher ou se comporter en toutes choses comme un enfant de la lumière. Méditons aujourd'hui sur cette conséquence, examinons ce devoir, et rendons-nous compte de ce qu'il faut être pour marcher dans le monde comme des enfants de lumière. La pensée que l'apôtre a exprimée d'une si poétique manière peut, ce me semble, être traduite ainsi - « Vous, chrétiens, fils de la lumière, enfants de le la vérité, remplissez dans la société le même rôle que la lumière remplit dans le monde matériel. »

Et d'abord la lumière éclaire Eh bien, que notre vie 'serve en premier lieu à éclairer, c'est-à-dire qu'elle soit une manifestation continuelle de la vérité, qu'elle en soit une démonstration permanente.

Nous ne sommes pas tous appelés à servir la cause de la vérité par la science ou par la parole; - mais nous sommes tous appelés à la servir par notre vie, et pour cela il n'est pas nécessaire d'avoir une vocation particulière, ni de posséder des dons intellectuels éminents. La vie du plus humble enfant de Dieu peut être un rayon de lumière, une éloquente démonstration ,de la vérité et de la puissance de l'Évangile.

C'est aux fruits qu'on juge l'arbre. Il y a un rapport intime et nécessaire entre la sainteté et la vérité. Montrez-moi une vie vraiment sainte, vraiment sérieuse, dévouée, consacrée au service de Dieu, - je dis que cette vie plonge ses racines dans le sol de la vérité; - j'affirme que la puissance qui a créé et qui soutient cette vie est une puissance divine. Cela est plus fort que tous les raisonnements.

Et, en définitive, n'est-ce pas ainsi que la plupart d'entre vous ont été amenés à la certitude que ]'Évangile est la vérité ? Avez-vous trouvé cette certitude au bout d'un syllogisme, après l'examen philosophique des preuves du christianisme? Non, ce qui vous a convaincus, c'est la paisible et douce lumière qu'il a répandue dans telle âme que vous connaissez; c'est la supériorité morale qu'il a donnée à telle humble existence qui s'écoulait à côté de la vôtre. Pour moi, je le déclare, quand ma foi a traversé des époques de trouble, quand elle a été momentanément ébranlée par les objections de la science incrédule, - ce qui l'a raffermie, ce qui m'a rattaché au Christianisme, c'est la beauté morale, la sérénité, la profondeur de la vie de certains chrétiens que Dieu dans sa bonté, m'avait fait rencontrer sur mon chemin. Ce qui enfante une telle vie, me disais-je, ce qui rend si heureux, ce qui transforme ainsi la nature humaine est vrai. Il n'y a pas d'objection, il n'y a pas de système, qui tienne devant un tel fait. Aussi bien, qui dira ce qu'un enfant de lumière, un enfant de Dieu, pauvre peut-être, et petit aux yeux du monde, - a pu faire salis s'en douter, sans le chercher, par le seul exemple de sa vie, pour donner la conviction que l'Évangile est la puissance de Dieu en salut à tout croyant? Ah! au dernier jour, quand tous les voiles seront levés, quand nous contemplerons ceux qui luiront comme des étoiles, parce qu'ils en auront amené plusieurs à la vérité, nous verrons sans doute parmi eux quelques hommes qui ont possédé les dons éclatants du génie, les trésors de la science ou le prestige de l'éloquence; - mais nous en verrons un plus grand nombre qui n'ont eu d'autre moyen de persuasion que le rayonnement de leur piété, que le parfum de leur vie.

Serez-vous de ceux-là, mon cher auditeur ? Laissez-vous partout où vous passez, partout où vous êtes, un sillon lumineux? Votre vie est-elle un témoignage rendu à la puissance de l'Évangile ? Est-elle édifiante dans le sens profond du mot, c'est-à-dire contribue-t-elle à élever l'édifice de la foi dans les âmes ? Ceux qui vous connaissent peuvent-ils dire de vous - « Cet homme a raison de vivre ainsi, il est dans le vrai, et la foi qui est au fond de cette vie ne saurait être un mensonge et une illusion. »

Ah! si chacun de nous était dans le sens que je viens d'indiquer, un enfant de lumière, il exercerait autour de lui une influence immense et bénie, il serait un véritable missionnaire. L'Église alors ferait des conquêtes dans le monde. Mais comment voulez-vous qu'elle en fasse quand on entend dire: « Les gens d'église ne valent pas mieux que les autres; après tout, ils sont aussi frivoles, aussi mondains, aussi médisants, aussi intéressés que les autres. » Quelquefois nous nous étonnons de la lenteur de progrès de la vérité dans l'humanité ; notre foi se trouble à la pensée qu'après dix-huit siècles de christianisme, l'Évangile a encore si peu d'empire sur les masses; - hélas ! pourquoi en est-il ainsi, sinon parce que notre piété est si pâle ! parce qu'entre nos convictions et notre vie il y a une si grande distance! « Si le sel perd sa saveur, a dit le Sauveur, il ne vaut plus rien qu'à être jeté dehors et à être foulé aux pieds par les hommes. » Foulé aux pieds, - remarquez cette expression. Oui, le rejet et le mépris du christianisme viennent souvent de l'insipidité, de la fadeur, de l'insignifiance morale de notre vie. Nous nous indignons contre les incrédules qui foulent aux pieds l'Évangile; commençons par nous indigner contre nous-mêmes et par nous frapper la poitrine. Comment voulez-vous qu'on vous croie et qu'on vous prenne au sérieux' Vous dites que sans la foi en Jésus-Christ on ne peut être sauvé, - et vous ne faites peut-être rien pour communiquer cette foi aux autres, et vous n'oseriez pas, dans une réunion mondaine parler de Jésus-Christ et de sa doctrine! - Vous proclamez que l'Évangile est la source de la véritable joie, - et vous êtes peut-être aussi tristes, aussi mécontents, aussi abattus par l'épreuve, aussi prompts au murmure que ceux qui ne croient pas à l'Évangile! - Vous dites qu'une seule chose est nécessaire, et qu'il ne servirait de rien à un homme de gagner tout le monde s'il vient à perdre son âme, - et vous êtes peut-être aussi âpres au gain, aussi avides de plaisirs terrestres, aussi absorbés par vos affaires temporelles, que ceux qui ne vivent que pour ce monde.

On ne vous croit pas, parce qu'en vous voyant agir, on peut se demander si vous vous croyez vous-mêmes ;si votre profession de christianisme est sincère, ou si elle n'est qu'une forme, qu'un vernis, - que le respect d'un homme bien élevé pour la religion. - Ah! il faut avoir un christianisme autrement sérieux et réel que le notre, pour qu'il soit une lumière; - il faut que la vérité s'incarne dans la vie, qu'elle soit une vie pour qu'elle ait la faculté de se communiquer et de se répandre. Tant qu'elle reste figée dans des idées, elle ressemble à un glacier immobile, dur, et dont le contact est mortellement froid. Mais que la chaleur de la vie pénètre ces idées, - que la glace se fonde aux rayons d'un soleil ardent, - et il en jaillit un fleuve dont les eaux bienfaisantes vont répandre dans la plaine la richesse et l'activité.

En même temps qu'elle éclaire, la lumière purifie.

Rien n'est aussi pur que la lumière. Elle descend du ciel ; sa source est dans ces régions éthérées dont rien ne trouble l'azur limpide et profond. Et, quand elle atteint notre terre, elle touche à toutes ses souillures sans s'y mêler, sans s'y ternir. Aucun contact impur n'en altère la transparence et la beauté ; et non-seulement elle reste toujours pure, mais elle purifie tout. Elle apporte partout avec elle la santé et la vie. Voyez cet obscur réduit, ce coin humide et sombre, fermé depuis longtemps à la lumière du jour. On dirait qu'une malédiction s'y est attachée : il s'y est développé une végétation malsaine, il est rempli de miasmes délétères, il y rampe toutes sortes d'êtres hideux. Mais qu'un rayon de soleil y pénètre, et tout cela disparaît bientôt sous son action bienfaisante. La lumière, c'est la guérison, parce que c'est la pureté. Le mal fuit devant elle, il se cache, il est refoulé. « Telle est la nature de la lumière qu'elle ne saurait se trouver à côté des ténèbres sans les pénétrer et les absorber, et les transformer en sa propre substance. Le seul contraste de la lumière avec les ténèbres est déjà la victoire de celle-là sur celles-ci. » (Ad. Monod,)

Enfants de lumière, telle doit être votre influence dans ce monde corrompu, - « au milieu de la race dépravée et perverse, parmi laquelle, pour employer le langage de saint Paul, vous brillez comme des flambeaux. » (Phil. II, 15.) Non-seulement vous ne devez pas vous souiller vous-mêmes au contact des souillures du monde, mais vous devez, vous pouvez, par votre seule présence, les reprendre, les condamner, les faire disparaître.

Soyez saints, vivez dans la communion de Dieu, et il s'échappera de tout votre être comme une vertu sanctifiante, - et votre présence seule fera du bien. Je n'exagère rien ici; l'expérience a montré plus d'une fois la puissance de régénération qui se trouve dans le contact de la vertu. Que de fois la vue seule d'un être pur, d'une mère, d'une soeur, a ramené au bien un coeur dépravé! S'il y a dans la beauté physique un si grand charme, un si merveilleux pouvoir d'attraction, la beauté morale exerce sur les âmes une puissance égale. Sans doute, on peut résister à cette puissance, on est toujours libre de fermer son coeur., mais il y faut un effort. La sainteté répond si bien à notre vraie destination, à notre vraie nature; elle est tellement faite pour nous, et nous tellement faits pour elle, qu'à son aspect notre coeur tressaille involontairement ; le moi divin que le péché tient endormi dans le fond de notre être, se réveille à sa voix et s'élance vers elle.

Qu'est-ce donc en effet, dans les chefs-d'oeuvre de la fiction ou dans les annales de l'histoire, qui fait vibrer les cordes les plus intimes de notre nature ? Qu'est-ce qui nous attendrit et nous émeut? Ce n'est pas le mal, ce n'est pas le triomphe de l'intérêt et de l'égoïsme, ce n'est pas ce qui est vil et petit,- c'est ce qui est grand, c'est le spectacle de fa beauté morale, c'est le courage, c'est l'amour désintéressé, c'est le triomphe de ce qui est noble et pur. - Ou bien encore, au nom de quoi passionne-t-on les multitudes, même pour une mauvaise cause ? Jamais au nom d'une injustice avouée, d'un crime manifeste, - toujours au nom du bien et de la vérité. Quand Satan veut des armées, il faut qu'il se déguise en ange de lumière, pour se mettre à leur tête! Ne rabaissons pas la nature humaine. Ali ! sans doute le péché l'a dégradée ; de ce temple auguste, demeure du Dieu vivant, il a fait une ruine ; mais dans cette ruine, un hôte divin, la conscience, est resté debout pour reconnaître et pour saluer tout ce qui vient d'en haut, tout ce qui nous rappelle notre grandeur native et peut nous la faire retrouver !

Chrétiens, ne vous laissez donc pas abattre par la pensée que vous ne pouvez rien contre les ténèbres du mal. Si votre vie est sainte, elle sanctifiera; elle sera un appel, et le plus éloquent de tous, à la conscience des pécheurs et des mondains,~ elle sera une prédication, et la plus écoutée, dans la famille et dans la société au milieu de laquelle Dieu vous appelle à vivre.

Il y a peut-être, dans cette famille et dans cette société, des âmes qu'aucun appel, aucune exhortation , aucune; épreuve n'a ouvertes à l'Évangile, et qui se donneraient à Dieu, - si elles voyaient en vous ce que la foi chrétienne peut mettre d'amour, de puissance morale et de beauté dans une vie humaine. Je crois que le monde est rassasié de paroles, de livres et de discours, et qu'il a soif de voir des saints. Je crois que notre génération blasée a besoin, pour se convertir, de la prédication de l'exemple. La donnez-vous, mes chers auditeurs, cette prédication ? Avez-vous la réputation d'être une Église réellement vivante ? 'La société protestante de cette ville est-elle connue par sa piété, par son sérieux, par ces vertus à la fois si aimables et si austères qui distinguaient jadis nos pères ? Est-il notoire que dans vos maisons règnent la simplicité et l'humilité chrétiennes, - qu'on y a des habitudes de piété, - que le culte domestique y est fidèlement célébré? Y a-t-il parmi vous une véritable activité chrétienne? Y a-t-il beaucoup de laïques, comme on en voit dans les églises d'Angleterre et d'Amérique, qui s'occupent d'évangélisation, d'écoles du dimanche et d'instruction populaire ? Ètes-vous tous enrôlés dans quelque bonne et sainte oeuvre ?

En France, plus qu'ailleurs, et à notre époque plus que jamais, nous avons besoin d'une classe dirigeante, d'une classe modèle qui, au lieu de s'enfermer dans son bien-être et son repos, s'occupe des petits, des ignorants, de ceux qui sont égarés par de mauvaises passions ou de mauvaises doctrines; - qui leur donne l'exemple du bien, qui les aime et qui travaille à leur relèvement intellectuel et moral. Il ne suffit pas de déclamer contre le « péril social, » ni de dire ce qu'il faudrait faire pour le conjurer; il ne suffit, pas non plus de comprimer, il faut mettre la main à l'oeuvre pour guérir le mal. Voilà la vocation des enfants de lumière, voilà ta vocation, peuple chrétien de cette ville.

Une lumière qui se renferme, qui s'emprisonne, qui se cache sous le boisseau, pour parler avec Jésus-Christ, n'accomplit pas son oeuvre, - elle est infidèle à sa nature; il faut qu'elle brille, il faut qu'elle se répande partout pour tout purifier.

Faites de même, enfants de lumière. Il y a un mot dans mon texte, auquel je vous rends attentifs, c'est le mot marchez. Marchez comme des enfants de lumière. La lumière est toujours en marche ; - son essence est de pénétrer partout, d'être toujours agissante; - eh bien, mettez-vous en marche, vous aussi; allez auprès de tant de frères qui vivent dans les ténèbres du péché; allez leur faire part de la lumière que Dieu vous a donnée. Je vous déclare qu'il y a une foule d'existences ravagées par le mal, couvertes d'obscurité, où l'on vous attend, où l'on a besoin de vous, - où votre action sera bénie, - où votre coeur chrétien aura des trésors à donner.

Il n'y a ici personne qui ait le droit de « rester tout le jour sans rien faire » comme les ouvriers de la parabole; personne qui ait le droit de dire : Je ne suis rien et je ne peux rien. Vous êtes beaucoup, car vous êtes un enfant de lumière, - et vous pouvez beaucoup, car vous pouvez l'aire luire cette lumière devant ceux qui ne la connaissent pas.

0 mes frères, il est si doux de travailler avec Dieu, et pour Dieu! il est si doux de contribuer au relèvement d'une seule âme! - Est-ce que cela ne vous tente pas ? Est-ce que vous ne sentez pas, en m'écoutant, la sainte ambition de faire l'oeuvre d'un enfant de lumière ? ...

La lumière, avons-nous dit, éclaire et purifie, elle a une autre mission encore : elle réjouit, elle apporte avec elle la consolation et le bonheur. Telle doit être encore l'influence, la vocation du chrétien dans le monde.

Connaissez-vous rien de plus beau et de plus doux dans la nature que la lumière ? C'est elle qui nous révèle le monde extérieur, et qui nous le montre sous une foule d'aspects différents dont chacun a un charme particulier. La: lumière, c'est ce ciel merveilleux dont le regard ne se lasse jamais de contempler l'azur ou les milliers d'étoiles répandues comme une poussière d'or;. c'est l'aurore avec ses feux ; - c'est le couchant avec ses tranquilles splendeurs ; c'est l'astre des nuits versant sur la nature endormie sa douce et mélancolique clarté. Sous chacune de ces formes, la lumière exerce sur notre âme une influence salutaire; sous chacune, elle nous apporte un apaisement et une bénédiction. Que de fois, n'est-il pas vrai ? elle vous a fait du bien! Que de fois la lumière du monde extérieur a chassé les ténèbres et la tristesse de votre âme ! Et cette expérience est générale. Interrogez le prisonnier: il vous dira qu'un seul rayon de soleil pénétrant à travers les barreaux de sa cellule, a été pour lui comme la visite d'un ami qui lui apportait l'espérance et la consolation. Parlez à ce malade depuis longtemps couché sur un lit de souffrance : il pourra vous raconter tout ce que la vue d'une seule petite étoile a dit à son coeur de choses paisibles et rassurantes, toutes les méditations bénies qu'elle lui a inspirées pendant les longues et silencieuses veilles de la nuit.

Oui, la lumière est douce aux yeux des mortels, comme le chantait le prince des poètes, et non-seulement aux yeux, mais aux coeurs. Elle est l'élément de la joie, elle est l'emblème du bonheur. Chrétiens, voilà votre image, voilà le genre d'influence et d'action que vous êtes appelés à exercer autour de vous. Ah, au sein de quelle obscurité vous avez à briller! Dans combien d'existences couvertes des ténèbres de l'adversité, du deuil, de la maladie, de la pauvreté, vous pouvez passer comme une bienfaisante lumière, comme un rayon de bonheur!

Soyez donc joyeux et apportez la joie avec vous dans cette pauvre vie assombrie par le péché et le malheur. Allez vers ceux qui pleurent, allez vers ceux qui souffrent; consolez et réjouissez, non-seulement avec votre argent, mais encore, mais surtout avec votre coeur, avec de l'affection, avec de la sympathie ; pénétrez dans la maison du pauvre, dans la demeure du malade et de l'affligé, et que votre visite laisse après vous comme un sillon de lumière!

Noble et sainte mission, vous le voyez, mes frères, que d'être des enfants de lumière dans le sens que nous venons d'indiquer! - mission que chacun de, vous peut remplir, soit dans le cercle de sa famille, soit au dehors. La remplissez-vous fidèlement ? Exercez-vous autour de vous une action encourageante et douce comme celle de la lumière? Vous tous, chrétiens et chrétiennes qui m'écoutez, vous qui avez par cela seul que vous êtes chrétiens, tant de bonheur entre les mains et tant de bonheur à espérer, en répandez-vous un peu autour de vous, sur tant d'infortunés que vous rassasieriez des miettes de votre table ?

Mais, remarquez une chose qui a son importance, c'est que l'action bienfaisante de la lumière, quelque étendue qu'elle soit, s'exerce sans bruit, d'une manière douce et paisible. Il faut qu'il en soit de même de la notre. Il faut faire le bien, mais sans bruit, sans faire sonner la trompette devant ou derrière soi. Souvent la manière de faire le bien touche davantage le coeur que le bien lui-même. C'est donc une chose à laquelle il faut prendre garde. Que de personnes on rencontre qui gâtent tout le bien qu'elles font par l'ostentation bruyante de leur charité, par l'importance exagérée qu'elles y mettent, par la vanité qu'elles en tirent! Ce n'est pas ainsi que doivent agir les enfants de lumière : leur activité bienfaisante doit s'exercer humblement, simplement, sans agitation, sans que leur main droite sache ce que fait la gauche.

Je me résume : j'ai essayé de vous montrer qu'être un enfant de lumière, c'est remplir dans la société le beau rôle que la lumière remplit dans le monde extérieur, c'est éclairer, purifier et réjouir. Je ne me suis pas écarté dans les développements que je vous ai présentés sur ce sujet de la pensée même de l'Apôtre. C'est lui-même qui me les a fournis, puisqu'il nous dit que le fruit de la lumière consiste dans toute sorte de bonté, - de justice, - et de vérité. C'est en effet la vérité qui éclaire, la justice qui purifie, la bonté qui réjouit et qui console.

Bonté, justice, vérité, c'est tout l'Évangile, mes frères, tout le dogme d'une part, toute la morale de l'autre, - unis et confondus dans le même rayon divin comme la clarté et la chaleur dans la lumière du soleil.

Et si nous marchons ici-bas comme des enfants de lumière, nous serons plus tard les héritiers de la lumière. Le bonheur du ciel est souvent comparé dans sa beauté, dans sa gloire, dans sa pureté, à la lumière. Il nous est dit que Dieu habite une lumière inaccessible; - et ailleurs il est parlé dans l'Écriture de l'héritage des saints dans la lumière.

C'est vers ces régions sereines et lumineuses que nous nous avançons Il est bien doux de le penser, et du fond de cette vallée terrestre si souvent obscurcie par le péché et par l'épreuve, d'élever vers ces régions nos regards et nos coeurs. Courage donc, mes frères! Avançons-nous joyeusement dans ce sentier du juste dont il est dit quel a lumière resplendissante augmente en éclat jusqu'à ce que le jour soit en sa perfection. (Prov. IV, 18.)


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