Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

LE SÉRIEUX DE L'INTELLIGENCE

- 26 Mars 1871 -
Mes Frères, ne soyez pas des enfants en intelligence ; mais soyez des enfants à l'égard de la malice; et, pour ce qui est de l'intelligence, soyez des hommes faits.

I Cor. XIV, 20.


Mes Frères,

C'est à l'occasion du don des langues que saint Paul adressait aux chrétiens de Corinthe l'exhortation que vous venez d'entendre. Un grand mystère enveloppe encore pour nous cette manifestation extraordinaire de l'Esprit de Dieu dans la primitive Église. Le don des langues fut d'abord la faculté donnée aux apôtres, le jour de la Pentecôte, de se faire comprendre des étrangers accourus à Jérusalem de toutes les contrées du monde. Mais plus tard, ce don merveilleux semble avoir changé de nature et le parler en langues dont il est question dans les épîtres de saint Paul serait devenu, d'après les meilleurs interprètes, l'expression d'une sorte d'extase, d'un état mystique qui se produisait dans certaines âmes, sous l'influence d'une inspiration particulière de l'Esprit de Dieu. Celui qui se trouvait dans cet état perdait pour ainsi dire la notion du monde extérieur, et, sans égard pour les personnes au milieu desquelles il se trouvait, plongé dans l'adoration ou emporté par les élans de son coeur, il se faisait une langue à lui, pour exprimer les phénomènes étranges qui se passaient dans son âme ; - mais ses paroles n'avaient aucun sens pour les autres.

Il parait que cette faculté de parler ainsi était considérée dans certaines Églises, en particulier dans celle de Corinthe, comme le don le plus éminent, le plus admirable de l'Esprit de Dieu. Mais l'apôtre saint Paul combat cette manière de voir et s'efforce de ramener les Corinthiens à des idées plus saines. Il leur montre qu'ils doivent préférer le don plus utile de prophétiser, c'est-à-dire d'exhorter ses frères. « Si les paroles que vous prononcez dans votre langue, leur écrit-il, ne sont pas entendues, comment saura-t-on ce que vous dites? Puisque vous désirez avec ardeur les dons spirituels, cherchez à en avoir abondamment pour l'édification de l'Église. J'aimerais mieux prononcer dans l'Église cinq paroles en me faisant entendre, afin d'instruire les autres, que dix mille dans une langue inconnue. » (I Cor. XIV.) Et il ajoute : « Ne soyez pas (à cet égard) des enfants en intelligence, » c'est-à-dire : Ne vous attachez pas de préférence à ce qui vous plaît, à ce qui est nouveau et brillant; mais soyez des hommes faits, c'est-à-dire préférez ce qui est simple et intelligible, ce qui peut le mieux contribuer à l'édification de l'Eglise.

Mes frères, le don des langues a cessé, et l'exhortation de l'apôtre ne peut plus s'appliquer à nous dans son sens littéral et historique. Mais ce qui n'a pas cessé, - c'est la disposition qui avait rendu cette exhortation nécessaire, c'est la légèreté d'esprit qu'elle était destinée à combattre. Nous retrouvons cette légèreté au milieu de nous. Semblables aux Grecs du temps de saint Paul, nous aimons dans les choses de l'esprit ce qui est nouveau, ce qui charme, ce qui est brillant; - et cette disposition de notre caractère national a été pour nous la source de bien des malheurs. Nous avons besoin de devenir plus sérieux par l'intelligence, si nous voulons nous régénérer comme nation. Appliquons-nous donc à nous-mêmes la parole de l'apôtre, dégagée des circonstances particulières qui l'expliquent et qui lui servent de cadre historique : « Ne soyez pas des enfants en intelligence, - soyez des hommes faits. »

Les enfants ont une prédilection marquée pour ce qui est nouveau. La mobilité est un des traits de leur esprit. Vivant plutôt d'impressions que de réflexions, leur attention ne s'arrête pas longtemps sur le même objet, elle s'en lasse bientôt et s'échappe dans une autre direction, à la recherche de quelque chose de nouveau.

Cette mobilité d'esprit, cet amour du nouveau, est un des charmes de l'enfance, - mais chez l'homme fait, elle est une marque de faiblesse ou une indigne frivolité.

Sans doute, le besoin du nouveau est jusqu'à un certain point légitime. Il tient au fond même de notre nature, il est une des formes de cette curiosité toujours éveillée, jamais satisfaite, qui nous pousse vers l'inconnu. Sans doute encore, la monotonie nous pèse; la vue incessante des mêmes objets, la répétition des mêmes actes nous causent du dégoût et de l'ennui; une existence toujours identique à elle-même nous fatigue presque autant qu'une existence toujours agitée, - et nous éprouvons le besoin d'en rompre de temps à autre l'uniformité.

Mais quand l'amour du nouveau n'est pas contenu dans ses limites naturelles, quand il dégénère en passion ou en inquiétude fiévreuse, quand il s'installe dans les âmes, quand il s'empare d'un peuple et devient un des traits saillants de son caractère, - de combien de ruines n'est-il pas la cause? Nous en savons quelque chose dans notre malheureux pays! Je veux bien que les révolutions qui l'ont si souvent bouleversé, hélas! et qui le bouleversent encore, tiennent à des causes morales ou politiques plus profondes que la disposition dont je parle; mais il n'en est pas moins certain que la mobilité d'esprit qui nous caractérise à contribué pour une grande part à l'instabilité de nos institutions, à ces ébranlements presque périodiques qui viennent changer soudain les hommes et les choses et tout remettre en question. Vous connaissez l'histoire de cet Athénien qui avait voté l'exil d'Aristide par la seule raison qu'il était ennuyé de l'entendre sans cesse appeler Juste. Hélas! il y a parmi nous beaucoup d'Athéniens semblables. Les hommes et les choses sont plus vite usés chez nous que partout ailleurs. L'idole du jour est la victime du lendemain. On dirait que nous redoutons ce qui a quelque chance de durée. Le nouveau nous attire et nous séduit, par cela seul qu'il est nouveau. Nous aimons mieux renverser qu'améliorer, - et nous en sommes toujours réduits à fonder, à recommencer l'oeuvre sociale, au lieu de la fortifier et de la développer. Aussi y a-t-il une amère vérité dans ce paradoxe ironique bien connu, qu'en France il n'y a que le provisoire qui dure.

Il ne faut pas nous le dissimuler : cette mobilité maladive est un obstacle au progrès. Car si le progrès s'accomplit parfois par des secousses violentes, - à l'ordinaire, il est l'oeuvre du temps, de la patience, et des efforts persévérants. Son fruit, qui n'est autre que celui de la justice, se sème dans la paix, comme dit l'Ecriture.

Le mal dont nous parlons est d'autant plus dangereux qu'il se perpétue par ses propres résultats; ici comme ailleurs, l'effet réagit sur sa cause et l'augmente : l'instabilité dans les faits accroît l'instabilité dans les idées. A être toujours remis en question dans la pratique, les principes les plus incontestables finissent par perdre leur autorité avec leur évidence; - et c'est ainsi que la ruine d'un système enfantant un nouveau système, les essais succédant aux essais, notre malheureuse patrie, en proie à toutes les opinions, ressemble à un vaisseau sans gouvernail, ballotté au gré de tous les vents!

Voilà le mal qu'il s'agit de combattre. Ce n'est pas le seul! Si nous sommes trop facilement épris de ce qui est nouveau, et si nous avons par conséquent besoin de nous dépouiller à cet égard de ce qui tient de l'enfant, - nous avons, d'un autre côté, à devenir enfants à l'égard de la malice. On sait que les Grecs étaient enclins à la raillerie et qu'ils aimaient à voir les choses sous leur côté comique et plaisant. Les habitants de Corinthe, une des cités les plus lettrées et les plus opulentes de l'ancienne Grèce, n'échappaient pas sans doute à ce défaut national ; - et il est peut-être permis de supposer que, dans l'Église, le don des langues, tel que nous l'avons expliqué, pouvait être quelquefois tourné en ridicule, et fournir un prétexte aux malicieux et aux moqueurs. De là l'exhortation de l'apôtre

Soyez des enfants à l'égard de la malice.

Cette exhortation, vous le sentez, s'adresse .aussi à nous. Comme les Grecs du temps de saint Paul, nous sommes enclins à la raillerie, à la malice. Comme eux, nous sommes facilement séduits par cette faculté brillante et légère qu'on appelle l'esprit; et, comme eux, disposés à en abuser. Assurément, aucun des dons de Dieu n'est à dédaigner. Chacun de ces dons a son rôle à jouer, sa mission à remplir dans l'histoire de la pensée humaine et dans le développement de la vérité. Qu'est-ce que l'esprit, - sinon l'éclair rapide de l'intelligence, et le don d'exprimer d'une manière fine et agréable nos impressions ou nos jugements? N'est-ce pas à ce don merveilleux que notre langue et notre littérature doivent en partie l'éclat et l'universalité qui les distinguent? N'est-ce pas l'esprit qui donne à l'idée ce vêtement splendide, cette forme parfaite qui la font accepter et la rendent populaire?

Mais hélas! le péché corrompt les Plus beaux dons; il transforme les grâces de Dieu en dissolution, comme dit l'Ecriture. Cela s'est vu dans notre pays. Notre esprit est devenu frivole. Il a dégénéré en moquerie. On s'est raillé de tout, même des choses les plus respectables et les plus saintes. On a tourné les sujets les plus sérieux de la politique, de la religion et de la littérature, en divertissement intellectuel. Le bon mot a pris la place de l'argument; le comique a envahi tous les domaines ; et la presse, au lieu de réagir contre cette funeste tendance, l'a encouragée, en cherchant le succès, moins dans le ferme langage du bon sens et de la vérité que dans l'amusement du public. L'art lui-même, infidèle aux sévères traditions des grands maîtres, s'est rabaissé, et la musique du ricanement, passez-moi l'expression, est devenue la musique à la mode.

Que dirai-je encore? nous nous laissons tellement fasciner par l'esprit qu'il suffit à un pamphlétaire ou a un orateur d'être un homme d'esprit pour se faire une immense réputation, pour acquérir une influence, allons jusqu'au bout, pour être porté par les acclamations de la foule aux plus hautes charges de l'État, - alors même qu'il n'aurait donné aucune preuve de capacité comme homme politique.

Ainsi l'esprit frivole, le plaisir de rire, est devenu chez nous une véritable idole, à laquelle nous avons trop longtemps sacrifié la vérité, la raison, la justice, et jusqu'à notre propre dignité elle-même.

Eh bien, il est temps de renverser cette idole; il est temps de devenir plus sérieux, plus. pratiques plus positifs, dans le sens élevé du mot, et je dirai aussi: plus fidèles à notre véritable génie national, dont le bon sens profond est certainement la qualité dominante. Oui, assez de frivolités, assez de bons mots, assez de ces plaisanteries et de ces bouffonneries qui, selon la parole de Dieu, sont des choses malséantes ; assez de littérature légère et de journaux amusants! 0 Français, vous avez assez ri, et volontiers, dans les heures lugubres et humiliantes que nous traversons, je vous dirais avec un apôtre : Que votre ris se change en pleurs !

J'ai dit le mal, et ce n'a pas été sans douleur, car il en coûte à celui qui aime sa patrie de mettre ses plaies à nu. Maintenant je vais essayer d'indiquer le remède.

Pour ce qui est de l'intelligence, dit l'apôtre, soyez des hommes faits. Voilà le but à atteindre. Il faut qu'aujourd'hui chacun de nous, fidèle à l'exhortation de mon texte, s'applique à dépouiller tout ce qui, dans son intelligence, tient encore de l'enfant, - et à acquérir ce sérieux de la raison, cette sagesse élevée et pratique, ce jugement calme et ferme des choses, sans lesquels on ne parvient pas, malgré les années, à l'état d'homme fait.

C'est donc une oeuvre de relèvement intellectuel que nous avons à poursuivre, en même temps qu'une oeuvre de relèvement moral. Au fond, remarquez-le, ces deux oeuvres ne se séparent pas; elles sont solidaires, chacune étant d'une certaine manière la condition de l'autre. Si d'un côté, en effet, l'intelligence influe sur la formation de notre caractère et contribue à notre moralité , - d'un autre côté, notre caractère modifie notre intelligence; - notre manière d'être, je veux dire notre état moral, détermine notre manière d'envisager les choses. Un jugement droit est le fruit d'un coeur honnête et bon. Il est cet oeil dont parle Jésus, qui est sain quand la lumière intérieure de la conscience est pure, et mauvais quand cette lumière n'est que ténèbres.

Aussi bien ne parviendrons-nous à la virilité d'intelligence, à laquelle l'apôtre nous exhorte - qu'en travaillant sur notre caractère, qu'en faisant une oeuvre avant tout morale. Quelle est cette oeuvre ? Mes frères, c'est celle qui consiste à développer dans nos coeurs l'amour de la vérité. Oui, c'est cet amour dont. il s'agit d'allumer ou de ranimer sans cesse en nous le feu sacré. C'est cette flamme pure qui consumera tout ce qu'il y a de frivole et de faux dans nos pensées. Là est le remède unique aux maux que je signalais tout à l'heure. Quand nous aimerons la vérité comme elle veut être aimée, avec ardeur, laissez-moi dire avec passion; quand nous ne voudrons qu'elle seule pour inspiratrice et pour guide; quand nous l'aimerons partout, dans les petites choses, comme dans les grandes; quand nous la placerons au-dessus de notre intérêt, de notre parti, de notre repos, de nos amitiés, de notre vie elle-même; - nous commencerons à devenir un peuple sérieux, nous ne nous laisserons plus si facilement éblouir par ce qui est nouveau, ni entraîner par des mots sonores ou de vaines utopies. C'est la vérité qui nous rendra libres, parce que c'est elle seule qui nous rendra sages. C'est la vérité qui guérira nos plaies, parce que c'est elle qui nous les montrera telles qu'elles sont et nous fera comprendre par là la nature du remède que nous devons leur appliquer.

Mais hélas! nous sommes encore loin de posséder cet amour de la vérité. Nous en avons fait la triste expérience au milieu des douloureuses épreuves que nous venons de traverser. L'histoire dira quelle part immense revient dans nos désastres à l'ignorance, à l'illusion, au mensonge, à la facilité avec laquelle nous nous sommes tous plus ou moins payés de mots ou de vaines apparences, au lieu de chercher à connaître la réalité telle qu'elle était.

Et maintenant encore, après de si terribles leçons, croyez-vous que la majeure partie de notre peuple réfléchisse assez, ait une intelligence assez sérieuse, un amour assez sincère de la vérité pour discerner la cause réelle de nos revers ? pour chercher cette cause avant tout dans l'état moral de la nation? Hélas! on peut en douter, à entendre ce qui se dit encore et à lire ce qui se publie. On accuse la légèreté de celui-ci, l'incurie de celui-là, l'incapacité d'un troisième, au lieu de s'accuser soi-même. On cherche à expliquer par la fatalité des événements ce qui ne s'explique que par l'effacement des caractères, la faiblesse des convictions ou la rareté des dévouements. 0 mes frères, mon coeur se serre d'angoisse à la pensée que la vérité est peut-être encore voilée, à cette heure, aux yeux de notre peuple, et qu'il ne comprend que si imparfaitement encore qu'il expie en ce moment son indifférence religieuse et son relâchement moral , et qu'il moissonne la tempête parce que depuis longtemps il n'a semé que le vent!

A nous, chrétiens, enfants de la lumière; à nous, membres de cette glorieuse Église, qui a tant souffert pour la cause de la vérité; à nous d'offrir à nos concitoyens l'exemple de cette sagesse d'appréciation, de ce sérieux intellectuel que donne l'amour de la vérité. Faisons en sorte que chacun sente dans nos paroles, dans nos jugements, dans tous nos actes, que nous sommes les hommes de la vérité, et que nous l'aimons ardemment. Ayons en horreur tout mensonge, toute hypocrisie, toute exagération, toute illusion volontaire. Soyons sincères jusqu'au scrupule dans nos convictions, dans notre caractère, dans nos conversations, dans nos amitiés, dans la profession de notre foi, dans la manifestation de notre piété. Que la vérité soit en quelque sorte le parfum de notre âme et le cachet de notre vie. Par là nous contribuerons à relever ce qui nous manque le plus en France, le caractère; - par là nous travaillerons à remettre la conscience à sa vraie place dans la vie, c'est-à-dire à la première, et à faire sentir qu'elle seule est la source de la force, la base de la vraie grandeur, pour les peuples comme pour les individus. Par là aussi, nous réaliserons ce type de l'homme intègre, de l'honnête homme, auquel l'Écriture sainte aime si souvent à rendre hommage. L'honnête homme! ah! quand ces deux mots ne désignent que le possesseur de cette moralité vulgaire, de cette vertu moyenne et sans idéal, satisfaite d'elle-même pourvu que les apparences soient sauvegardées, ils n'éveillent en moi qu'un sentiment de tristesse et de dégoût ; mais quand ils désignent un caractère, une conscience, un homme qui ne sait pas ce que c'est que la dissimulation ou le mensonge, un coeur dévoué coûte que coûte à la vérité, quelque part qu'il la rencontre sur son chemin et de quelque nom qu'elle s'appelle,, - il suffit de les prononcer ces deux mots pour que mon âme se sente émue et que je m'incline avec respect!

Honnêtes dans ce sens élevé, mes frères, nous avons tous à le devenir de plus en plus en travaillant à acquérir des convictions plus personnelles et plus énergiques, une foi plus éclairée, une piété plus sincère. Plus notre foi se fortifiera, plus aussi notre intelligence gagnera en virilité. Car il n'y a pas conflit entre la raison et la foi

Le christianisme ne demande pas l'abdication ou l'abaissement de l'intelligence, et nous n'avons pas à cesser d'être hommes pour être chrétiens. Tout au contraire, c'est dans la foi chrétienne que la raison humaine trouve son plein épanouissement; car c'est elle qui, plaçant d'emblée cette raison au vrai point de vue des choses, comme à leur centre, lui permet de les juger telles qu'elles sont dans leurs rapports entre elles et dans le rapport de chacune avec l'ensemble. Les plus hautes intelligences dont s'honore l'humanité sont celles qui se sont formées à l'école de Jésus-Christ. C'est en Jésus-Christ, suivant la belle parole de saint Paul, que sont renfermés tous les trésors de la sagesse et de la science. C'est en lui que se trouve la solution de tous les grands problèmes qui tourmentent la pensée, non-seulement dans le domaine des idées abstraites, mais encore dans le domaine des questions sociales. Les peuples chrétiens ne sont-ils pas, sous le rapport de l'intelligence, infiniment plus développés que ceux qui ne le sont pas ? et parmi les peuples chrétiens, ceux qui ont le mieux compris les enseignements de l'Évangile, - les peuples protestants, - ne se distinguent-ils pas entre tous par la supériorité de leur instruction et la sagesse de leurs institutions ?

Nous tous donc qui avons à coeur le relèvement intellectuel et moral de notre chère patrie; nous qui désirons ardemment la voir grande, heureuse et libre ; nous qui souffrons d'autant plus de ses plaies que nous en voyons mieux que d'autres toute la profondeur; attachons-nous de plus en plus fortement à nos convictions chrétiennes, et soyons fidèles à ces convictions. Commençons par nous-mêmes l'oeuvre de régénération que nous souhaitons de voir s'accomplir au sein de, notre peuple. Dépouillons-nous de tout ce qui tient de l'enfant, de tout ce qui est frivole, et soyons des hommes faits par le sérieux de l'intelligence et des convictions. -On ne saurait trop le répéter - c'est par le réveil individuel de. la foi que commencent les réveils collectifs. N'attendons pas les uns des autres l'impulsion et le mouvement. Ne nous contentons pas d'exhorter les autres à marcher, mettons-nous les premiers en marche.

Ah ! si notre Église était ce qu'elle devrait être, ce qu'elle pourrait être ; si, au lieu d'être composée de tant de chrétiens de nom, elle était composée de chrétiens vivants; croyez-vous qu'elle ne serait pas dans notre patrie un levain bienfaisant qui pourrait un jour faire lever toute la pâte? Croyez-vous que si chacun de nous, au lieu d'avoir une foi faible, un coeur tiède et une piété languissante, était rempli du Saint-Esprit et dévoré du zèle de la maison de Dieu, nous n'accomplirions pas de grandes choses? Nous ne sommes qu'une poignée, il est vrai; Mais depuis quand Dieu a-t-il cessé de se servir des choses faibles pour confondre les fortes? Oui, nous accomplirions de grandes choses; vivante, notre Église enfanterait des apôtres et des missionnaires qui s'en iraient courageusement porter la lumière de l'Évangile au milieu des ténèbres d'incrédulité et de superstition qui nous entourent. Elle-même deviendrait, au sein de notre patrie, une lumière brillante et pure qui attirerait l'attention et servirait de guide. Au lieu d'être une petite minorité perdue, oubliée, et souvent méconnue, elle serait la ville située sur la montagne! que tous apercevraient, et vers laquelle bientôt un grand nombre s'achemineraient pour chercher un refuge.

Réveillons-nous donc, mes frères, réveillons-nous ! sortons de notre indifférence et de notre apathie! Ne soyons pas, au milieu des événements extraordinaires qui s'accomplissent, des enfants en intelligence, n'en comprenant ni le sérieux, ni les enseignements, ni les appels. L'heure est venue des pensées graves, des résolutions viriles, des conversions décisives; l'heure est venue de mettre en pratique l'exhortation de mon texte. Soyez des hommes faits, c'est-à-dire soyez des chrétiens !


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