Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

OUI !

SERMON POUR UNE RÉCEPTION DE CATÉCHUMÈNES

- 1869 -
Que votre oui soit oui!

(JACQUES, V, 12.)


Mes Frères,

Il est peu de solennités dans notre culte austère qui fasse à la joie et à la poésie une plus grande place que celle qui nous rassemble aujourd'hui. Ces jeunes gens sérieux, émus, qui vont être bientôt présentés à l'Église et reçus dans son sein,; ces parents, ces amis qui les entourent et dont les coeurs se confondent tous dans un même attendrissement et dans une même prière; tout concourt à faire de cette journée une vraie fête chrétienne.

Et cependant, faut-il le dire? au milieu de tant de sujets de joie, je ne puis me défendre d'une certaine tristesse, et cette tristesse, je le sais, est partagée par plusieurs. Une réception de catéchumènes est toujours pour vos pasteurs et pour les âmes pieuses l'occasion d'une secrète angoisse.

Parmi ces jeunes gens qui vont tout-à-l'heure prononcer des voeux si solennels à la face de Dieu et de l'Église, combien en est-il qui sachent réellement ce qu'ils vont faire, qui aient les dispositions qu'ils doivent avoir, et qui pourront déclarer avec une entière sincérité qu'ils veulent faire partie de l'Église de Jésus-Christ et s'engager au service de Jésus-Christ ? Jusqu'à quel point ces admissions officielles de catéchumènes, faites ainsi en bloc , sont-elles légitimes et conformes à l'esprit de l'Évangile? Je l'avoue, ces questions me troublent et m'attristent .....

Ce n'est pas tout : l'inquiétude que j'éprouve me vient aussi de moi-même. Aujourd'hui nous avons fini votre instruction religieuse, chers catéchumènes. Y avons-nous apporté assez de soins, assez de zèle? Avons-nous assez prié pour vous? Avons-nous pris assez de peine en public et en particulier pour enfanter vos âmes à la vie nouvelle? Si jamais le fardeau de leur responsabilité redoutable pèse sur vos pasteurs; si jamais ils sentent le besoin de s'humilier devant Dieu dans le sentiment de leur insuffisance, c'est bien dans un jour comme celui-ci ! Ah! du moins, mes chers enfants, vous pourrez me rendre ce témoignage qu'au milieu de beaucoup d'infirmités et de lacunes, je vous ai pourtant annoncé tout le conseil de Dieu, et qu'en particulier je vous ai assez prémunis contre le formalisme et contre l'entraînement de l'habitude; que je vous ai assez fait comprendre le sérieux de ce oui solennel que vous allez prononcer tout à l'heure; que je vous ai assez répété que ce mot serait un affreux parjure s'il ne sortait d'un coeur sincèrement croyant et résolu de se consacrer à Dieu. Je me sens encore pressé de vous avertir à ce sujet pour la dernière fois et de vous bien montrer, avant que vous le prononciez, ce que doit être cet engagement par lequel vous allez confirmer le voeu de votre baptême et devenir membres de cette Église. Ce sera l'unique but de ce discours sur lequel j'implore, avec une insistance particulière, la bénédiction de Dieu.

Que votre oui soit oui; c'est-à-dire d'abord qu'il soit sincère, qu'il soit l'expression vraie de vos sentiments et de vos résolutions.

La sincérité est un devoir élémentaire dans nos rapports avec nos semblables; elle l'est à plus forte raison, vous le comprenez, dans nos rapports avec ce Dieu qui sait toutes choses, qui sonde nos coeurs et connaît nos plus intimes pensées. La sincérité est indispensable dans les circonstances les plus ordinaires de la vie; combien plus dans une circonstance comme celle d'aujourd'hui, dans un moment où vous allez être appelés à déclarer devant Dieu et devant cette assemblée que vous avez la foi en Jésus-Christ, et que vous êtes décidés à devenir membres de son Église.

Je ne vous demande donc pas, mes amis, si vous êtes aussi profondément émus que vous voudriez l'être; je ne vous demande pas si vous êtes bien au clair sur tous les points de la doctrine chrétienne, ni si vous êtes bien avancés dans la piété; je ne vous demande qu'une chose, c'est de répondre aux questions qui vous seront posées tout à l'heure par une affirmation entièrement sincère. Cette sincérité est pour vous aujourd'hui la chose essentielle, sans laquelle vous devez vous abstenir, sous peine de commettre la plus coupable hypocrisie.

Ce n'est pas à moi de vous juger, c'est à vous-mêmes. Mais, ce que je puis faire, c'est vous aider à vous juger, en vous rappelant ce que signifient les promesses que vous allez faire. Pour cela, j'ouvre le formulaire usité dans cette cérémonie, et j'y lis que vous allez déclarer que vous êtes bien persuadés des vérités de la religion chrétienne.

Est-ce là votre persuasion en effet ? Avez-vous la foi chrétienne ? Êtes-vous certains que l'Evangile est la vérité de Dieu, que Jésus-Christ est votre Sauveur, que sans lui vous ne pouvez pas être sauvés ? Vous n'êtes pas à l'âge du doute et de l'incrédulité; vous êtes à l'âge où l'on accepte en général de confiance l'enseignement religieux qu'on a reçu; aussi bien, s'il ne s'agissait ici que d'une simple persuasion de votre esprit, vous pourriez tous répondre sans hésiter: Oui, je crois à l'Évangile. Mais, vous le savez, la foi dont on vous demande la profession n'est pas une simple croyance, une doctrine répétée de mémoire; elle est un principe nouveau qui change le coeur et qui fait de nous des créatures nouvelles. Est-ce là la foi que vous professez? la foi du coeur ? La crise profonde qu'elle amène dans toute âme a-t-elle commencé dans la votre? Avez-vous commencé à vous convertir à Dieu ? Je ne sais, c'est à vous d'en juger; mais, quand on vous le demandera, que votre oui soit un oui sincère!

Le formulaire ajoute : Êtes-vous prêts à tout souffrir plutôt que d'abandonner la profession de la foi chrétienne?

Prêt à tout souffrir ? Ah ! c'était autrefois une question bien effrayante que celle-là! A une certaine époque, elle signifiait : Êtes-vous prêts à aller en prison, au bûcher, aux tortures, plutôt que de renier votre foi? et il fallait aux catéchumènes d'alors plus de courage qu'a vous pour répondre : Oui, nous sommes prêts à tout souffrir.

Que vous en coûtera-t-il aujourd'hui pour être chrétiens? Peu de chose relativement sans doute, mais il vous en coûtera néanmoins. « Tous ceux qui veulent vivre dans la piété, nous dit saint Paul, seront persécutés. » Il ne faut pas se faire d'illusion : les gens pieux déplaisent aux gens du monde et excitent souvent leur haine ou leurs moqueries. Eh bien! jeunes gens, jeunes filles, êtes-vous prêts à souffrir ces déplaisirs, ces moqueries, cette haine du monde, plutôt que d'abandonner votre foi? Êtes-vous prêts à avoir toujours le courage de vos convictions, à supporter les sourires ou les plaisanteries de ceux qui railleront vos sentiments chrétiens ou vos habitudes religieuses? C'est à vous d'en juger; mais, quand on vous le demandera, que votre oui soit un oui sincère!

Poursuivons : Vous allez affirmer en second lieu que vous êtes résolus à renoncer au péché et à régler toute votre vie sur les commandements de Dieu. - Renoncer au péché, régler toute votre vie sur les commandements de Dieu! Pesez bien ces termes! Comprenez bien l'étendue de cette promesse! Ce que vous promettez ici, c'est de renoncer à tout péché, quelque nom qu'il porte, quelque forme qu'il revête; non pas seulement aux péchés scandaleux et grossiers, mais encore a ceux qui, dans le monde, passent pour innocents; non pas aux mauvaises actions seulement, mais aux paroles légères, aux pensées coupables, aux sentiments indignes. A côté du mal que vous promettez d'éviter, il y a le bien que vous promettez de faire; vous vous engagez à régler toute votre vie sur les commandements de Dieu, c'est-à-dire à prendre en toutes choses, en tout temps, en toutes circonstances, pour guide et pour règle, non votre propre volonté, mais celle de Dieu, telle que vous la trouvez dans sa parole et dans votre conscience. -'Avez-vous, en d'autres termes, cette droiture de coeur, cette loyauté morale par laquelle on peut toujours dire à Dieu : « Seigneur, me voici, que veux-tu de moi? Parle, ton serviteur écoute. Je veux t'obéir. Ceci est-il mal ? J'y veux renoncer, quoi qu'il m'en puisse coûter. Ceci est-il bien? Je le ferai, quelque difficile que cela soit. » Mes chers amis, est-ce là votre ferme intention ? C'est à vous d'en juger; mais, quand on vous le demandera, que votre oui soit un oui sincère!

Je ne dis rien de l'article suivant qui se rapporte à l'amour du prochain, parce qu'il est compris dans la promesse précédente, et j'arrive au quatrième.

Ici, vous promettez de vous appliquer avec soin à la prière à la lecture et à la méditation de la parole de Dieu; de fréquenter assidûment les saintes assemblées,, et d'employer tous les autres moyens que la Providence vous fournira pour avancer votre salut. Avez-vous, en effet , l'intention de prendre ces habitudes de piété, de lire régulièrement votre Bible, de vous appliquer à la prière, de venir assidûment au culte public, de communier toutes les fois que vous en aurez l'occasion ~ J'adresse surtout cette question aux jeunes gens. Nous avons eu la douleur de voir les années précédentes un grand nombre de jeunes gens, une fois leur 'première communion faite, lie plus remettre les pieds à l'église, ne plus s'approcher de la Table sainte. Si c'est ainsi que vous comptez faire cette année, jeunes gens, je vous en conjure, abstenez-vous, ne dites pas un mensonge, ne promettez rien, n'entrez pas dans l'Église, ne faites pas votre première communion : rien ne vous y force; - attendez que vous soyez mieux disposés. Une promesse est une chose sacrée, sachez-le bien ! Dire devant cette Église et devant Dieu : « Je promets de suivre assidûment le culte public et de communier quand je le pourrai; » dire cela, et puis disparaître ensuite et rester étrangers à tout ce qui concerne notre Eglise, c'est faire un acte d'hypocrisie, c'est se moquer de Dieu ! Ou ne promettez rien de tout cela, ou que votre oui soit un oui sincère!

Je passe au dernier article. Il est ainsi conçu.

Confirmez-vous donc sincèrement le voeu de votre baptême qui vous oblige à combattre vos passions, à vous consacrer à Dieu et à Jésus-Christ votre Sauveur, et à vivre dans sa Communion selon la tempérance, la justice et la piété? -

Vous le voyez, cet article résume tous les autres. Ce que nous avons dit des autres peut donc s'y appliquer. Confirmer le voeu de votre baptême, c'est déclarer que vous voulez faire partie de cette Église du Christ dans laquelle on vous a introduits à un âge où vous n'y pouviez consentir vous-mêmes ; - c'est dire que de votre plein gré et sachant bien ce que vous allez faire, vous voulez vivre dans la piété et dans la foi chrétiennes. Encore une fois, chers catéchumènes, est-ce là votre sérieux désir, votre intention sincère?

Peut-être mes paroles, destinées à vous montrer l'étendue et le sérieux des engagements que vous allez prendre, jettent-elles le trouble et le doute chez plusieurs d'entre vous; peut-être tel d'entre vous se dit-il avec une secrète angoisse : « Puis-je en toute sincérité répondre en effet oui à ces diverses questions qui vont m'être adressées? Puis-je prendre dés engagements si sérieux? » Je dirai à ceux-là : Est-ce la première fois que ce doute s'élève dans votre coeur? Est-ce seulement d'aujourd'hui que vous comprenez la gravité de l'acte que vous allez accomplir? Alors, en effet, il est fort à craindre que vous ne soyez pas prêts à vous approcher de la Table sainte, - et vous ferez mieux d'attendre. Mais si la question que vous vous posez en ce moment : « Suis-je bien préparé? Suis-je bien décidé à me consacrer à Dieu?» Vous vous l'êtes posée auparavant; si elle a été pour vous un sujet de préoccupation sérieuse et de prière; si vous l'avez examinée avec soin devant Dieu et devant vous-mêmes; - il y a tout lieu de croire alors que votre oui sera sincère et sérieux. Que votre coeur ne se trouble donc point! Que le sentiment de votre faiblesse soit votre force! Quelles que soient votre faiblesse naturelle et vos tentations, si vous pouvez vous rendre le témoignage que vous avez un sincère désir d'appartenir à Dieu, venez sans crainte, vous pouvez entrer dans la compagnie des enfants de Dieu, car ce désir est un commencement de conversion; venez, car alors votre oui sera ce qu'il doit être en premier lieu : un oui sincère.

Si je n'avais en vue dans ce discours que le moment présent, je pourrais m'en tenir à l'exhortation que je viens de vous adresser d'être sincères. Mais quand je pense à l'avenir qui vous attend, quand je songe aux difficultés que vous allez rencontrer si vous voulez être fidèles à vos engagements, - je me sens pressé de vous adresser cette seconde exhortation : Que votre oui soit un oui énergique et décidé.

Vous avez, en effet, besoin de prendre aujourd'hui une résolution énergique, - car si la piété est difficile à tous les âges de là vie, elle l'est surtout au votre, mes chers amis. C'est surtout alors qu'elle a le caractère d'un combat; la jeunesse est l'époque des grandes luttes, des luttes décisives dont l'issue fixe le caractère et prépare l'avenir. La grande bataille de la vie se gagne ou se perd dans la jeunesse. A votre âge, on n'a pas, d'ordinaire, à lutter contre les hommes ou les événements, à triompher de l'injustice ou de l'épreuve; on a à lutter contre soi-même, à former son caractère et soli individualité par un travail continuel, à maintenir bien haut son idéal contre tout ce qui tend à le rabaisser; à se développer au point de vue de la conscience et du coeur. Voilà la tâche de la jeunesse. Mais cette éducation de soi-même, cette discipline morale, sachez-le, c'est un rude labeur; il y faut beaucoup de vigilance et de prières, beaucoup de persévérance et de renoncements. Il est donc nécessaire, pour pouvoir accomplir cette oeuvre si difficile en elle-même, de l'entreprendre virilement, avec l'énergique résolution d'y réussir.

Cela est nécessaire aussi parce que vous avez à l'accomplir au milieu d'un monde qui comprend la jeunesse d'une manière tout opposée.

Vous aurez à lutter non-seulement contre les répugnances de ce coeur charnel que vous travaillerez à vaincre, mais contre les fausses maximes et les mauvais exemples d'une génération incrédule et sensuelle. Qu'est-ce que la jeunesse pour les gens du monde? C'est le temps du plaisir et de l'indépendance. Parlez-leur d'une jeunesse austère et pieuse, ils souriront de pitié. Ils vous répéteront la maxime impie : Il faut bien que jeunesse se passe! ce qui veut dire : Il faut bien que jeunesse se dissipe et se corrompe! Hélas! vous ne la verrez que trop réalisée par la plupart des jeunes gens de notre époque, cette idée qu'il est bien permis, pendant qu'on est jeune, de mener joyeuse vie et de s'amuser. Une des plus grandes difficultés dont vous aurez à triompher, ce sera précisément l'entraînement du siècle, la séduction de l'exemple. A votre âge facilement impressionnable, cette séduction est puissante. Il faut beaucoup de caractère et de volonté, même avec des convictions chrétiennes, pour faire autrement que les autres, au risque de leur déplaire et d'attirer leurs moqueries. Rien n'est plus rare qu'un jeune homme sérieux au milieu de camarades légers, ou qu'une jeune fille pieuse au sein d'une société mondaine.

Mais les tentations les plus redoutables ne vous viendront pas du dehors, elles vous viendront du dedans, de vous-mêmes. Il en est deux que je vais vous signaler, contre lesquelles vous aurez surtout à lutter. La première, c'est un amour excessif d'indépendance. Combien ne voit-on pas de jeunes gens qui, à peine leur première communion faite, se croient des hommes et s'imaginent pouvoir secouer toute espèce de joug et d'autorité, et se conduire comme bon leur semble! Combien de jeunes filles qui se croient aussi sages que leurs mères, et à qui il devient difficile de faire des observations! Cet esprit d'indépendance est favorisé par les tendances générales de notre époque et de notre nation. Aujourd'hui il n'est pas de mot plus décrié peut-être parmi nous que celui d'autorité. On parle sans cesse de droit et de liberté, rarement d'obéissance et de devoir. On s'imagine que l'autorité est le contraire de la liberté; on ne voit pas qu'elle en est bien plutôt la condition et la sauvegarde. Gardez-vous, mes chers amis, de cet esprit de fausse indépendance! Il pourrait vous conduire loin! Après vous avoir fait secouer le joug de l'autorité paternelle, qui vous est encore si nécessaire, il vous ferait secouer le joug de la piété et de la foi chrétiennes; - car de nos jours, c'est surtout dans le domaine religieux que cet esprit exerce ses ravages.

Un jour, jeune homme chrétien, tu rencontreras à l'atelier ou au cercle un incrédule, un esprit fort, qui se moquera de tes habitudes religieuses et des saintes croyances de ton catéchisme. Il y sourira d'un air railleur et entendu; il te dira que tu es bien simple et bien crédule de croire encore ces choses-là; il te répétera les arguments usés de l'incrédulité; il fera sonner bien haut les grands mots de progrès, de science moderne, d'émancipation de la pensée... Tu t'en iras pensif et troublé; pour la première fois le doute viendra glacer, peut-être empêcher ta prière du soir. Ah! prends-y garde! Tiens ferme à tes principes chrétiens; résiste à la voix de l'orgueil et de l'indépendance; c'est celle qui entraîna le monde dans le péché; c'est celle qui t'entraînerait toi-même aux abîmes, comme un vaisseau sans gouvernail!

Toutefois les grandes tentations ne vous viendront pas du côté de la raison, - elles vous viendront du côté de l'imagination, - et c'est ici le second danger que je veux vous signaler. A votre âge, l'imagination, facilement excitée, est une puissance dangereuse, un prisme trompeur au travers duquel on voit souvent la vie tout autrement qu'elle n'est. Loin de moi la pensée de jeter aucune défaveur sur cette belle faculté qui est un des charmes de la jeunesse! Je plaindrais un jeune homme, je plaindrais une jeune fille sans imagination; car c'est par elle que nous goûtons les jouissances si vives que donne tout ce qui est beau dans la nature et dans l'art; c'est par elle que la poésie nous fait boire à sa coupe enchantée. Mais l'imagination est aussi la porte par laquelle le tentateur pénètre souvent dans l'âme des jeunes gens ; c'est elle qu'il charge d'alimenter leurs convoitises, en déguisant le mal sous les noms les plus doux, sous les formes les plus séduisantes ; c'est elle qu'il charge d'exciter en eux cette curiosité malsaine, cette impatience fiévreuse de tout sentir et de tout connaître qui en a perdu un si grand nombre. Vous aurez donc à veiller soigneusement sur votre imagination pour la contenir, pour lui interdire toute pensée mauvaise, toute rêverie coupable; vous aurez à veiller sur vos lectures, afin de fuir tous ces livres faux et corrupteurs que la littérature du jour répand à profusion dans le public.

Telles sont, chers catéchumènes, les difficultés que vous allez rencontrer dans le chemin étroit de la vie chrétienne. Luttes douloureuses, entraînement de l'exemple, amour de l'indépendance, dangers de l'imagination, - voilà ce qui vous attend. Je n'ai voulu vous le rappeler que pour vous faire bien sentir que vous avez besoin de prendre aujourd'hui une résolution énergique de vous consacrer à Dieu.' Une consécration entière de vous-mêmes, en effet, pourra seule vous rendre victorieux de toutes ces tentations. - Il est dans la vie des moments décisifs, où toute l'énergie de l'âme, où toute la puissance de la volonté doit se concentrer dans une seule résolution. Vous êtes à un de ces moments ; il peut décider de votre vie tout entière. Que le oui que vous allez prononcer tout à l'heure sorte des profondeurs de votre âme, et il retentira dans tout le cours de votre vie comme une protestation virile contre tout ce qui tenterait de vous détourner de la foi et de la piété! Qu'il signifie pour vous : Je veux! - Non pas je voudrais, non pas j'ai bien le désir, mais je veux! Je veux avoir une sainte et pure jeunesse'; je veux combattre mes passions et mes convoitises; je veux me donner à Dieu, non pas à demi, mais tout entier, avec tout ce que j'ai de force et de vie. Jeunes gens, je vous écris, disait un apôtre, parce que vous êtes forts; eh bien! je vous parle ainsi parce que vous êtes forts. Soyez humbles, vous souvenant que vous ne pouvez rien sans Dieu; mais soyez forts, 0 mes jeunes frères et soeurs, car vous n'avez pas trop de toutes vos forces pour vaincre, - et que votre oui soit un oui énergique et décisif!

En m'écoutant vous retracer, comme je viens de le faire, les difficultés et les combats, de la jeunesse chrétienne, plusieurs ont pensé peut-être qu'une telle jeunesse doit être bien triste et bien sombre. J'ai hâte de vous rassurer, chers catéchumènes, et de vous dire : que le oui que vous allez prononcer tout à l'heure soit aussi un oui joyeux, car en vous engageant aujourd'hui au service de Dieu, vous allez commencer la plus belle, la plus heureuse des vies.

S'il est un âge où l'on soit avide de bonheur c'est le vôtre assurément. La jeunesse est l'âge de l'espérance. Et qu'espère-t-elle ? Une seule chose sous des noms divers : le bonheur. Et non-seulement elle l'espère, mais elle l'attend, mais elle y croit. Eh bien, oui, croyez au bonheur, croyez-y de toutes vos forces ; car s'il y a quelque chose de repoussant au monde, c'est d'entendre sortir d'une bouche qui n'a pas vingt ans le langage du désillusionnement et du dégoût de la vie. Croyez au bonheur, mais à la condition de le chercher où il se trouve, non dans la jouissance et la mondanité, mais dans une vie élevée, laborieuse, chrétienne. Croyez au bonheur, mais à la condition de renoncer souvent à ce que le monde, dans sa fausse sagesse, appelle de ce nom. En renonçant aux joies d'une jeunesse dissipée, vous n'aurez rien. à regretter; c'est Pour vous surtout qu'elle est vraie cette parole du Maître : « Celui qui perd sa vie la retrouvera. » En perdant une telle jeunesse, vous trouverez et vous garderez la vraie jeunesse, celle du coeur, que ni les années ni les chagrins ne sauraient flétrir et qui vient encore embellir les nobles vies jusqu'à leur dernier soir. 0 mes amis, si vous voulez rester jeunes, éternellement jeunes, soyez chrétiens ! Cette chaleur d'âme, cette confiance instinctive, cette élasticité de caractère, cette facilité d'enthousiasme au contact de tout ce qui est émouvant et beau, cette sève abondante de vie, tous ces trésors de votre âge, vous ne les garderez que si vous les placez dès maintenant dans une arche sainte ! Regardez ceux qui les ont jetés au vent de l'impureté et de la dissipation. Ils sont vieux avant d'être mûrs, mous et énervés à l'âge de la vigueur, froids et railleurs à l'âge de l'enthousiasme, désabusés à l'âge de l'espérance, blasés et ennuyés à l'âge du bonheur. C'est le salaire du péché, c'est la décrépitude, c'est la mort! Ah ! croyez-en l'expérience de tous ceux qui vous ont devancés dans la vie : rien n'est beau, rien n'est vrai, rien n'est assez grand pour nous, - que la passion du bien, que la lutte morale, que le triomphe sur tout ce qui est inférieur et coupable, - que la vie chrétienne enfin dans toute sa sainteté.

D'ailleurs l'Évangile ne veut rien vous retrancher de ce qui peut développer les facultés de votre âme agrandir votre horizon, vos jouissances et l'intensité de votre vie. Il veut que vous aimiez la vie dans ce qu'elle a de beau, de légitime et d'élevé. Il veut que toutes les choses qui sont véritables, honnêtes, justes, pures, aimables, toutes les choses qui sont de bonne réputation et où il y a quelque vertu et qui sont dignes de louange occupent vos pensées. (Phil. IV, 58.) Loin de vous donc l'idée que la piété est quelque chose qui rétrécit et qui assombrit l'existence! Tout au contraire, elle l'agrandit, elle la féconde, elle seule lui donne tout son prix et toute sa beauté. Plus vous serez chrétiens, plus vous serez vous-mêmes, plus vous serez vraiment hommes, plus vous saurez accorder de chaleureuse sympathie à toutes les nobles causes et à toutes les aspirations généreuses de notre époque.

Que j'aime à me représenter le jeune homme chrétien tel que je le conçois quand je le prends dans la position de la plupart d'entre vous ! Il est humble, il est laborieux, il est matinal; il éloigne de lui tout ce qui pourrait souiller son imagination et tromper son coeur. Il élève peu à peu par l'économie, l'ordre et le travail, l'édifice d'un légitime bien-être. C'est le plus habile ouvrier de son atelier; c'est l'employé le plus intelligent de son bureau; c'est l'étudiant le plus sérieux de son année. Le soir, sa journée de labeur finie, il rentre dans sa famille où il est bon, affectueux, serviable envers chacun; s'il a quelques loisirs, il les consacre à de bonnes lectures qui l'instruisent et le rendent meilleur. Son dimanche, il le sanctifie en assistant au culte public et en méditant plus soigneusement sa Bible que pendant la semaine. Un tel jeune homme est l'honneur et le soutien de sa famille, la joie de son père, l'orgueil de sa mère. Ses camarades peuvent se moquer de lui peut-être; mais, au fond, ils le respectent, ils l'aiment; allez, il en est plus d'un qui voudrait bien lui ressembler! Jeunes gens, en est-il un seul parmi vous qui trouve une telle vie ennuyeuse et triste?

Et que dirai-je de la jeune fille chrétienne! Ah! c'est dans sa vie surtout que la piété exhale ses plus doux parfums. Elle est modeste, elle est simple dans sa mise et dans ses manières; elle est aimable et bonne, mais elle ne cherche point à plaire et à attirer les regards; elle ne veut d'autre parure que celle de l'homme caché et du coeur, que la pureté incorruptible d'un esprit doux et paisible. (1 Pierre, III, 4.) Elle a vite .compris que la part de la femme dans ce monde est celle du dévouement, et que cette part est la plus belle de toutes. Aussi quelle influence bénie. elle exerce autour d'elle! Allez auprès de cette voisine malade : c'est elle que vous verrez à genoux auprès de son lit. Pénétrez dans cette pauvre demeure, auprès de cette femme âgée et infirme, c'est elle que vous entendrez le dimanche lui lire quelques pages dans sa petite Bible.

Et dans sa famille, voyez comme sans bruit, sans ostentation, elle sait se rendre utile à sa mère dans les besoins du ménage et dans l'éducation de ses frères et soeurs plus jeunes qu'elle. Comme elle sait par sa tendresse, par mille attentions délicates, dérider le front souvent soucieux de son père! Savez-vous comment l'Écriture désigne une telle jeune fille ? Elle l'appelle la pierre angulaire de la maison. (Ps. CXLIV, 12.) La pierre angulaire ?... oui, et si vous voulez une explication de cette comparaison étrange au premier abord, cherchez-la dans le vide qu'elle laisse derrière elle quand elle quitte la maison paternelle, cherchez-la dans l'âme déchirée des siens à l'heure des adieux!... Jeunes filles, n'est-ce pas ainsi que vous comprenez la vie, que vous entendez le bonheur?

Ah! tous ensemble, chers catéchumènes, dites-moi que mes efforts pour vous prouver le bonheur de la vie chrétienne sont inutiles ! Dites-moi que vous en savez déjà quelque chose par expérience! Dites-moi qu'entre les joies du monde et celles de la piété, votre choix est fait, et que votre oui. de tout à l'heure ne sera pas seulement sincère et énergique, mais qu'il sera aussi plein d'enthousiasme et de joie.

En ce moment, que de coeurs émus, vous pressent de vous consacrer à Dieu ! C'est d'abord celui de votre pasteur, de celui qui a pris soin de vos âmes et qui vous a si souvent exhortés et instruits. Donnez-lui la joie de savoir que sa parole a trouvé le chemin de vos coeurs. Soyez la récompense et l'encouragement de son ministère en attendant d'en être la glorieuse couronne au jour de l'éternité. Soyez nos enfants dans la foi afin que, quand notre maître et le votre nous appellera à rendre compte de notre administration, nous puissions nous présenter avec vous devant lui, en lui disant : « Me voici avec ceux que tu m'a donnés. » Nous ne voulons pas cesser d'être votre pasteur dans le sens le plus intime de ce mot; continuez avec nous des rapports; regardez-nous comme un ami, comme un frère aine qui s'intéresse à tout ce qui vous intéresse, qui vous aime, - et qui sera heureux toutes les fois qu'il pourra prier ou pleurer avec vous !

Mais à la voix de votre pasteur s'ajoute une voix plus tendre et plus aimée encore, celle de vos parents, celle de votre mère... Ah ! si elle pouvait se faire entendre en cet instant, elle vous dirait « Mon fils, ma fille, que ton oui soit oui; - que ton coeur se donne à Dieu! crois-en mon expérience de la vie, crois-en mon amour pour toi : là sera ta paix,- ta force, ta sauvegarde au milieu des tentations du monde; là seulement le chemin du bonheur et du salut.» - Ah! donnez-leur aujourd'hui la joie, la grande joie, chers catéchumènes, de vous voir entrer véritablement au service de Dieu.

Et n'est-ce pas, enfin, qu'à toutes ces voix s'ajoute aussi la votre, celle de votre coeur ? N'est-ce pas qu'elle vous presse de vous consacrer à Dieu, non pas à demi, mais complètement ; non pas un jour, mais toute votre vie ; non pas demain, mais aujourd'hui ? - N'est-ce pas que cette voix intérieure vous crie : « Aujourd'hui doit être pour toi le jour du salut, le jour de la conversion, le commencement d'une vie nouvelle ! » - Ah! pour qu'il en soit ainsi, chers catéchumènes, que Dieu vous fasse la grâce de prononcer tout à l'heure un oui sincère, énergique et joyeux!


Chapitre précédent Table des matières Chapitre suivant