Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

LA VÉRITÉ DU CHRISTIANISME
PROUVÉE PAR L'EXPÉRIENCE.

- 1866 -

Je sais bien une chose, c'est que j'étais aveugle et que maintenant je vois.

(JEAN, IX, 25.)


Mes Frères,

Si je demandais aux chrétiens de cette assemblée, à ceux qui sont persuadés que la doctrine chrétienne est vraie, comment ils sont arrivés à cette persuasion, que me répondraient-ils ? ..... Quelqu'un d'eux me répondrait peut-être : « J'y suis arrivé par le raisonnement; j'ai médité les dogmes de l'Évangile, je les ai analysés avec soin; et j'ai reconnu, par lie seul travail de mon intelligence, que ces dogmes sont parfaitement conformes aux données de la raison. » D'autres me diraient : « Nous sommes arrivés à la foi chrétienne par le témoignage de l'histoire; nous avons examiné les faits sur lesquels la révélation s'appuie, en particulier la résurrection de Jésus-Christ et l'accomplissement des prophéties; nous en avons reconnu la réalité, et de cette réalité nous avons conclu à la certitude d'une révélation de Dieu. » Mais le plus grand nombre, pour ne pas dire la presque totalité, me répondraient : « Ce n'est ni par la science, ni par le raisonnement, que nous sommes arrivés à la conviction que la doctrine chrétienne est vraie, c'est par l'expérience; nous croyons à la divinité de l'Évangile parce qu'il a répondu aux besoins de notre coeur, parce qu'il nous a donné le pardon, la paix, la sanctification. »

L'expérience! voilà bien, en effet, la preuve la plus ordinaire et la plus simple de la vérité du christianisme ; et j'ajoute : la plus forte. On peut contester, en effet - que ne conteste-t-on pas! - la valeur historique des témoignages sur lesquels repose la certitude des faits chrétiens ; on peut résister aux déductions logiques qui établissent la conformité du dogme aux principes de la raison; mais on ne résiste pas à l'expérience. Celui qui a éprouvé dans son âme et dans sa vie les effets de l'Évangile; celui qui a trouvé dans la doctrine chrétienne sa consolation, sa force, son bonheur; en vain vous entasseriez les objections et les raisonnements pour ébranler sa foi en la vérité du christianisme ; vous pourrez l'embarrasser, vous pourrez lui fermer la bouche, mais vous ne le convaincrez jamais ! car à tous vos arguments il pourra toujours répondre victorieusement comme l'aveugle-né guéri par Jésus : « Je sais bien une chose, c'est que j'étais aveugle et que maintenant je vois. »

C'est cette preuve de l'expérience que je voudrais vous exposer aujourd'hui, non pas dans tout son ensemble, un seul discours n'y suffirait pas, mais dans ses traits essentiels. Je vais essayer de vous faire voir que l'Évangile se démontre par ses effets comme l'arbre par ses fruits:

L'expérience nous vient d'une double source : des autres et de nous-mêmes. Adressons-nous d'abord à la première. Faisons appel à l'expérience de l'humanité, aux fruits de l'Évangile, soit dans la société en général, soit dans les individus. Personne, j'imagine, ne me contestera la valeur d'une telle preuve, car il est certain que l'expérience des autres, surtout quand elle est faite sur une vaste échelle, est une des principales sources de nos connaissances. D'ailleurs il n'est pas de meilleur critère de la valeur d'une doctrine que ses résultats pratiques. Eh bien, regardez ceux que la doctrine chrétienne a produits dans le monde.

Mes frères, il est un mot qui se trouve aujourd'hui dans toutes les bouches, un mot dont notre siècle est enivré et que chacun invoque à l'appui de ses idées, c'est le mot de progrès. Le progrès, c'est le mouvement, c'est la société en marche vers la perfection, c'est la vie des peuples comme des individus. Qu'une idée, qu'une doctrine, qu'une institution, qu'une oeuvre quelconque du génie humain réalise un progrès; qu'elle rende la société meilleure ou plus heureuse ; cette idée, cette doctrine, cette institution portera au front l'auréole de la vérité : on ne discutera plus, on s'inclinera et on croira. Le progrès prouve la vérité, comme le mouvement prouve la vie.

Eh bien, le progrès a une grande date dans l'histoire du monde, c'est celle de l'apparition de l'Évangile. Que voyons-nous avant Jésus-Christ? Dans quelle voie l'humanité est-elle en. gagée ?

Cette humanité, livrée à elle-même, recueille les tristes conséquences de sa chute originelle ; elle se développe dans les arts, dans les sciences, dans la littérature; elle se développe même dans certaines idées religieuses; mais elle ne devient ni meilleure ni plus heureuse. Et la preuve, c'est l'état moral et religieux de la société à l'époque où Jésus-Christ vint au monde. Tous ceux qui ont écrit l'histoire de cette époque nous font de sa corruption un tableau effrayant. La philosophie avait abouti à un scepticisme absolu chez les uns, au désespoir chez les autres. La religion n'était plus qu'un vain mot quand elle n'était pas une ridicule superstition; les augures ne pouvaient plus se rencontrer sous les portiques des temples sans rire; quelqu'un avait jeté ce cri qui marque l'heure de toutes les décadences : « Les dieux s'en vont! » L'esclavage avait atteint ses dernières proportions et ses dernières infamies. Les moeurs, d'abord austères, étaient arrivées à un degré de corruption dont les hideux détails étonnent l'imagination même la plus dépravée. La liberté n'était plus qu'un souvenir; son étoile avait brillé sur le berceau de tous les peuples, mais pour s'éteindre ensuite clans la nuit universelle du despotisme romain.

Tel était l'apogée, le dernier terme du développement de la société païenne, la conséquence naturelle et inévitable des principes qu'elle représentait. Tel était l'abîme de souillure et de malheur vers lequel l'humanité avant Jésus-Christ descendait sur une pente toujours plus rapide. Pour trouver la vertu, le désintéressement, le, courage, l'austérité des moeurs, il ne faut pas suivre le cours des âges, il faut le remonter. C'est que l'erreur a sa logique comme la vérité; or la logique de l'erreur, c'est l'avilissement des caractères, c'est le règne de la force brutale, c'est la décadence des sociétés!

A partir de Jésus-Christ, au contraire, nous assistons à un phénomène opposé: les peuples qui acceptent le dogme chrétien ou qui en subissent seulement l'influence, suivent une marche ascendante et deviennent de siècle en siècle plus moraux, plus instruits et plus heureux. L'esclavage y diminue par degrés et finit par y cesser complètement; la famille est constituée sur sa véritable base, sur le respect dû à la femme considérée désormais comme l'aide et l'égale de l'homme; la charité, ce vrai nom du vrai progrès, s'introduit dans les lois qu'elle adoucit, puis dans les moeurs, et crée des asiles pour toutes les souffrances; la liberté, fille de la justice, se penche avec amour vers tous les opprimés. A partir de Jésus-Christ, - l'histoire est là pour le prouver, - la société, fondée sur les deux grands principes de la justice et de l'amour, réalise sans cesse de nouveaux progrès.

Mais qu'avons-nous besoin de faire appel au passé? Jetez un regard sur le présent, sur l'état actuel du monde. Quels sont les peuples qui progressent, sinon les peuples chrétiens, ou qui aspirent à le devenir? Toutes ces nations, petites ou grandes, que nos missionnaires vont évangéliser, est-ce que, depuis des siècles, elles ne suivent pas la même ornière et ne sont pas plongées dans la même barbarie et la même ignorance? L'idée seule de changer quoi que ce soit aux vieux usages leur est odieuse. Eh bien, que ces peuples abrutis écoutent la parole de nos missionnaires, qu'ils se convertissent à l'Évangile, et les voilà qui se mettent en marche vers la civilisation, les voilà qui progressent. On l'a bien vu de nos jours dans l'archipel de la Société. Il s'est fait là une oeuvre missionnaire admirable. Au commencement de ce siècle, ces îles étaient plongées dans l'immoralité et la barbarie la plus complète : la guerre, le pillage, l'infanticide, la débauche, le massacre des étrangers, y étaient à l'état de coutumes établies. Aujourd'hui, grâce à l'Évangile, c'est une petite nation qui se développe au point de vue de l'instruction, du commerce, de l'industrie; où la vie de famille est respectée; où l'on trouve des écoles, des temples, des imprimeries, des journaux, un code de lois fondé sur les principes évangéliques. Et ce n'est pas là un exemple isolé; nous pourrions en citer une foule d'autres. Voyez d'ailleurs les nations qui portent le nom de chrétiennes. Quelles sont, de l'aveu général, les plus prospères, les plus heureuses? Quelles sont les plus avancées sous le rapport de l'instruction, de la liberté, de la moralité? Ne sont-ce pas les nations protestantes, c'est-à-dire celles où le christianisme est le mieux compris ?

C'est donc au christianisme que le monde moderne doit l'impulsion qui le porte en avant vers les destinées glorieuses de l'avenir c'est à l'Evangile que la société est redevable de ses progrès dans la civilisation. Qu'aux fruits de la vérité on reconnaisse donc la vérité! Et qu'au nom du progrès on ne vienne pas aujourd'hui attaquer les doctrines chrétiennes ! Que le navigateur ne détruise pas sous ses pieds le navire qui le porte! Que l'enfant ne renie pas son père !

A côté de l'expérience de l'humanité, plaçons celle des individus. Elle vous frappera peut-être davantage, précisément parce qu'elle est moins générale et plus rapprochée de vous.

Avez-Vous rencontré des chrétiens dans votre vie? Je ne parle pas de ces demi-chrétiens que rien ne distingue du monde, ni de ces étroits dévots, remplis d'aigreur pour tout ce qui est en dehors de leur petite secte et de leurs petites idées; je parle de ces vrais chrétiens, dont la piété simple, large et sympathique se fait immédiatement sentir. Avez-vous respiré le parfum d'une de ces âmes régénérées et sanctifiées par la foi chrétienne? Ah! il ne se peut pas que, dans sa bonté pour vous, Dieu n'ait pas fait sentir à votre coeur le battement d'un coeur chrétien! Ce coeur chrétien qui a battu près du votre, c'était peut-être celui d'une mère, d'une femme, d'un ami. Eh bien, quand ce coeur s'est ouvert à vous dans l'intimité; quand il a épanché dans le vôtre le trésor de ses expériences; quand il vous a raconté ce qui faisait sa joie et sa force; quand il vous a dit qu'il n'avait compris la vie et connu le bonheur que du jour où il s'était donné à Jésus-Christ; avez-vous pu douter de cc témoignage? L'idée vous est-elle venue seulement que ce langage était celui de l'illusion ou d'un vain enthousiasme ? Non, cette idée ne vous est pas venue ; non, vous n'avez pas douté ; car la vérité a un accent qui n'appartient qu'à elle. D'ailleurs, vous avez eu mieux que des paroles pour vous instruire, vous avez eu des faits : vous avez pu contempler la sérénité, l'élévation, la beauté de la vie chrétienne, de je ne sais quoi d'affectueux, de profond, d'extraordinaire, qui n'appartient qu'à elle. Cette vie ne vous a-t-elle pas frappé, mon cher auditeur ? N'a-t-elle pas été pour vous une révélation ? En face d'un vrai chrétien, ne vous êtes-vous pas surpris à penser: « Cet homme est dans le vrai! Je voudrais bien être cet homme-là! »

Oui, nous l'affirmons , l'Évangile se rend témoignage à lui-même par les fruits bénis qu'il porte dans la vie des peuples comme dans la vie des individus; et ce témoignage, vous l'avez immédiatement saisi par cet instinct du vrai que chacun porte en soi et qui ne saurait nous tromper. Entre la vérité et nous il y a de si grandes affinités, il y a une si parfaite convenance, que nous la reconnaissons aussitôt qu'elle nous est présentée sous sa forme concrète et vivante. Lumière du monde moral, l'Évangile se démontre en se montrant comme l'éclat du soleil !

En fait d'expérience cependant, on est surtout instruit par la sienne. Aussi bien, quelle que soit la valeur des considérations générales que je viens de vous présenter, j'aurais peu fait si je ne. vous montrais pas maintenant que votre propre expérience du christianisme suffit à vous en prouver la vérité.

Votre propre expérience du christianisme, ai-je dit ? - Oui, mes frères;" car enfin, alors même que vous n'auriez pas foi au christianisme, vous l'avez pourtant expérimenté de quelque manière; vous avez été mille fois en rapport avec lui; vous avez vécu dans son atmosphère; vous avez été en contact avec des idées et des sentiments chrétiens. Le christianisme et vous., vous n'êtes pas étrangers l'un à l'autre: vous vous êtes rencontrés sur les genoux de votre mère et sur, les bancs de l'école; vous vous êtes rencontrés plus tard, aux heures difficiles, aux jours d'épreuve. Malgré votre abandon, ami fidèle il est venu vous offrir l'appui de sa main pour vous aider à gravir quelque voie douloureuse.

Eh bien, c'est à cette connaissance que vous ne pouvez pas ne pas avoir du christianisme, - connaissance vague, incomplète, fausse peut-être en bien des points, mais enfin connaissance quelconque, que je fais appel. Je viens vous dire: Ce que vous connaissez de l'Évangile, l'impression que vous avez reçue de sa doctrine, le jugement secret et spontané de votre coeur à son endroit vous sont des témoignages de sa vérité.

Je fais appel en premier lieu au jugement de votre intelligence sur les idées du christianisme, ,sur ses enseignements. Vous avez été préoccupés par les grands problèmes de la vie. Plus d'une fois, vous vous êtes pose des questions comme celles-ci : Qu'est-ce que l'homme? Quelle est sa destinée ? Y a-t-il une vie à venir ? Y a-t-il un Dieu? Et s'il y a un Dieu, pourquoi le mal? Ces questions-là, ce ne sont pas seulement les hommes d'étude qui se les posent dans le silence de leur cabinet, c'est tout homme sérieux qui veut comprendre la vie et en remplir la tâche. Ce n'est pas une vaine curiosité qui en sollicite la solution, ce sont les douloureuses réalités de l'existence qu'on rencontre à chaque pas.

Eh bien comment la science humaine répond-elle à ces questions? Prenons la première. Qu'est-ce que l'homme? avez-vous demandé. Quel est le but de sa vie? - Que vous ont répondu les sages de ce monde, les princes de la pensée ?

Celui-ci vous a dit : « Mon ami, vous n'êtes rien ; vous croyez avoir un corps à votre disposition, mais c'est une pure illusion de votre esprit; et votre esprit lui-même n'est probablement aussi qu'une illusion, une pensée qui se pense, le rêve d'une ombre ! »

Un autre vous a dit: « Il n'y a qu'un seul être, Dieu, qui se développe sans cesse et qui se manifeste sous des millions de formes diverses. Vous êtes une de ces formes; vous n'avez aucune existence personnelle, aucune liberté; ce ,qui pense, ce qui sent, ce qui veut en vous, c'est ce grand Être dans le sein duquel vous irez vous absorber à votre mort. Avez-vous vu la vague, un instant soulevée sur la surface de l'Océan, retomber ensuite et disparaître dans l'abîme ? Elle a gémi un instant, elle a fait briller un instant au soleil son panache d'écume, et puis elle s'est effacée pour toujours. Voilà votre image ! »

Peu satisfait de ces réponses, vous vous êtes adressé à un troisième qui vous a répondu en souriant: « Pourquoi vous fatiguer la tête à la solution de ces hautes questions? vous y perdez un temps précieux; faites fortune, jouissez de la vie du mieux que vous pourrez et conservez-vous ; toute la sagesse est là ! Car vous n'êtes qu'un peu de matière; ce que vous appelez votre âme n'est autre chose qu'une substance plus subtile que le reste, mais qui se réduira comme le corps en poussière. »

Vous avez enfin consulté quelques-uns des sages du jour, des représentants les plus accrédités de la pensée contemporaine; et, sous l'élégance de leur style ondoyant, insaisissable, souple comme le serpent, vous avez été assez heureux pour surprendre leur dernier mot, le fond de leur système. Et quel est ce dernier mot? C'est qu'il est vraiment bien vulgaire d'affirmer ou de nier quoi que ce soit sur la destinée humaine ou sur tout autre sujet; c'est qu'au fond nous ne savons rien et que nous ne pouvons rien savoir, - en dehors des faits constatés par les sciences positives.

A votre question : qui suis-je et quelle est ma destinée? voilà donc ce que la science non chrétienne a répondu. Voilà ce que l'effort de la pensée humaine livrée à elle-même a su découvrir! Rappelez-vous maintenant ce que vous enseigne sur le même sujet cette sublime folie qu'on appelle l'Évangile.

« L'homme est l'image et la gloire de Dieu. » Voilà la définition de saint Paul (1). Son corps, tiré de la poudre, retournera en poudre, mais l'esprit retourne à Dieu qui l'a donné. Il a été créé par un libre amour, pour glorifier son Créateur par une libre obéissance. Le mal qui est en lui n'est pas une imperfection de sa nature, sortie pure des mains de Dieu, c'est une révolte de sa liberté. La tâche de l'homme ici-bas est de combattre le mal avec le secours de l'Esprit de Dieu; sa destinée, d'habiter le séjour d'une gloire et d'une félicité éternelles.

Je ne m'arrête pas à examiner chacun des termes de cette définition de l'homme et à vous en prouver la vérité; j'en appelle seulement à votre impression première, à votre sentiment immédiat. Sérieusement, sincèrement, cette impression n'est-elle pas pour l'Évangile? Quand, après avoir vu les erreurs, les incertitudes et les contradictions des systèmes humains, vous vous êtes tourné vers la doctrine chrétienne dont vous n'avez eu qu'à vous souvenir, n'avez-vous pas été frappé de sa supériorité, étonné de sa sagesse et de l'harmonie de ses enseignements? attiré par cette simplicité unie à la profondeur qui est le cachet du vrai? Quand cette doctrine qui n'est pas une idée sèche, mais une personne vivante, mais un coeur, oui un coeur qui vous aime et qui vous cherche; quand cette doctrine s'est penchée vers vous et qu'elle vous a dit :

« Viens à moi, pauvre douteur, je suis la vérité, je suis la lumière, je suis la certitude et la paix de l'intelligence, » sa voix n'a-t-elle pas trouvé un sympathique écho dans les. profondeurs de votre intelligence? La lumière du dedans ne s'est-elle pas allumée au contact de la lumière du dehors? Ah! sans doute, il y a une raison superficielle, une philosophie vulgaire qui se heurtent au christianisme; mais il y a aussi une raison sérieuse et profonde qui le comprend, qui l'accepte, et qui y trouve une pleine satisfaction. Ne me dites donc pas que la doctrine chrétienne est contraire à votre raison! J'en appelle à votre raison elle-même qui est chrétienne par ses grands cotés, et qui n'a trouvé qu'à l'école de Jésus-Christ la solution du problème de la vie.

J'ai parlé à votre intelligence; je descends maintenant dans un terrain plus profond de votre être; j'interroge votre conscience; je prends à partie ce qu'il y a de meilleur en vous, ce qui aime le bien, ce qui tend vers la perfection morale; et, faisant appel à votre sincérité, j'affirme que par ce noble coté de votre nature vous êtes chrétien ou du moins que vous tendez à le devenir.

« Si quelqu'un veut faire la volonté de Dieu, il connaîtra que ma doctrine est de Dieu (2) . » Votre expérience a certainement confirmé plus d'une fois la vérité de cette parole du Sauveur. Quand vous vous êtes trouvé dans de bonnes dispositions morales; quand votre coeur, plein de sérieux et de droiture, a cherché le bien pour l'accomplir; quand vous avez lutté énergiquement contre le mal; quand vous avez pu dire sincèrement à Dieu: « Me voici prêt à tous les sacrifices plutôt que de te désobéir; me voici résolu à conformer ma vie à la vérité quelle qu'elle soit et quoi qu'il m'en puisse coûter, » vous étiez sur le chemin royal qui conduit infailliblement à la foi chrétienne. Et savez-vous pourquoi? C'est parce que la doctrine chrétienne, dans son ensemble comme dans ses moindres détails, poursuit un seul but : régénérer l'homme, le rendre parfait et accompli. Si donc vous tendez au même but, si votre préoccupation dominante est de devenir chaque jour meilleur, il en est de vous et de l'Évangile comme de deux lignes qui se dirigent vers le même point : quelque éloignées qu'elles soient au départ, elles se rapprochent toujours plus et finissent par se confondre. Et n'avez-vous pas fait l'expérience contraire? N'avez vous pas senti que vous ne vous éloigniez de Jésus-Christ que par les cotés inférieurs et charnels de votre nature? et qu'au fond, ce qui vous déplaît dans le christianisme, ce sont moins les difficultés de ses dogmes que les exigences de sa morale, que la nécessité de vous humilier, de vous convertir, de faire à Dieu le sacrifice de vous-même?

Oui, soyez de bonne foi, qu'est-ce qui vous retient? qu'est-ce qui vous arrête? qu'est-ce qui vous empêche de vous jeter entre les bras de Jésus-Christ en lui disant : Mon Seigneur et mon Dieu? Je veux bien que les mystères et les difficultés de la doctrine chrétienne soient pour quelque chose dans votre hésitation et dans vos doutes; mais, convenez-en, le grand obstacle n'est pas là : il est dans votre volonté qui n'est pas résolue à renoncer à tout pour obéir à Dieu. Vous sentez que pour embrasser la doctrine de Jésus-Christ il vous faudrait échanger la vie facile et superficielle que vous vous êtes faite contre une vie austère, sainte, dévouée; et au fond, vous ne le voulez pas! Vous sentez qu'il vous faudrait crucifier journellement la chair et ses convoitises, c'est-à-dire renoncer à la mondanité, à l'avarice, à la sensualité, à telle idole secrète à laquelle vous sacrifiez encore, et vous ne le voulez pas sincèrement! Vous comprenez que pour être chrétien, il vous faudrait faire une profession ouverte de votre foi et affronter peut-être les sourires railleurs de cette société frivole qui vous encensait hier, et vous ne pouvez vous' y résoudre!

Est-ce que j'exagère? Est-ce que telle n'est pas la vraie cause de l'incrédulité? Si je me trompe, je me trompe avec Jésus-Christ qui a déclare que la lumière est venue dans le monde, mais que les hommes ont mieux aimé les ténèbres que la lumière, parce que leurs oeuvres sont mauvaises.

Mais si je ne me trompe pas, la double expérience que je viens de rappeler suffit à vous prouver la vérité du christianisme. Si, en vous écartant de la voie du bien et du devoir, vous vous éloignez de Jésus-Christ; si, en la suivant fidèlement au contraire, vous arrivez au christianisme, qu'en faut-il conclure, sinon que le christianisme correspond à votre vraie nature, qu'il est fait pour elle, c'est-à-dire qu'il est vrai?

Si les lumières de l'intelligence exercent une grande influence sur notre foi; si le témoignage de la conscience est d'une importance capitale dans la question qui nous occupe; - il y a pourtant en nous une faculté dont les expériences sont d'un plus grand poids encore dans la balance de nos convictions, c'est le coeur.

J'interroge donc maintenant votre coeur. Votre coeur! mais qu'y a-t-il de plus inconstant et de plus difficile à analyser? Quel monde de contradictions que le coeur de l'homme? Quels éléments opposés? Que de grandeur et combien de petitesses? Que de nobles aspirations à coté d'instincts inférieurs! Comment y trouver l'unité? Comment démêler, au milieu de ce chaos, un sentiment vrai, profond, permanent? Ah! l'unité, je vais vous la dire; vous souffrez et vous avez besoin de bonheur! Être heureux, voilà l'aspiration permanente que je découvre au fond de votre coeur sous mille formes diverses; voilà ce que vous cherchez sous les noms d'ordre, de paix, d'amour, de consolation. Je n'ai pas besoin de prouver, j'affirme! Homme, mon frère, mon semblable, rien dans ce monde n'a été capable de vous satisfaire; quand même vous seriez un des enfants gâtés de l'existence; quand vous auriez la fortune, la santé, la considération, les joies de la famille et de l'amitié, - si vous n'êtes pas chrétien, si vous n'êtes pas croyant, il vous manque quelque chose, et ce quelque chose, c'est tout! - il y a une place vide dans votre coeur; et cette place, c'est celle du bonheur! Démentez. Moi, si vous l'osez!

Eh bien! ce besoin de bonheur, je m'en empare maintenant; je vous saisis par là, et je vous dis : Ce besoin de bonheur, un jour il a pris une voix, il a pris une main, il vous a conduit au pied de la croix de Jésus-Christ, et il vous a dit : Là tu trouveras ce quelque chose qui te manque, là seulement! Ce jour, c'était peut-être celui de quelque chute grave qui vous avait éveillé au sentiment de votre misère et qui vous avait fait soupirer après le pardon et la paix. Ce jour-là, dans le ciel assombri de votre âme, il s'est fait une lueur mystérieuse au sein de laquelle vous avez vu se dresser la croix du Sauveur, et d'où vous avez entendu sortir ces douces paroles: « Je suis venu chercher et sauver ce qui était perdu. Venez à moi, vous tous qui êtes travaillés et chargés, et je vous soulagerai; et vous trouverez le repos de vos âmes. »

Ou bien, c'était peut-être, - rappelez vos souvenirs, - un de ces jours où, recueilli devant vous-même, vous avez senti l'impuissance de la vie à vous satisfaire. Vous étiez seul, votre âme était empreinte de je ne sais quelle vague mélancolie; vous comptiez vos déceptions, vos illusions perdues; vous pensiez à vos joies si fugitives et si mélangées, à vos bonheurs disparus; hélas! à ceux qu'il vous reste à voir disparaître encore, au néant d'une vie qui se hâte si rapidement vers la tombe; eh bien, n'est-il pas vrai qu'alors le flot de ces pensées amères vous poussait doucement vers Celui qui a dit : « Je suis le chemin, la vérité et la vie. Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi et qu'il boive! Celui qui boira de l'eau que je lui donnerai n'aura jamais soif? » N'est-il pas vrai qu'un instinct secret vous avertissait que la foi chrétienne pouvait seule vous donner un vrai contentement, une vraie consolation?

Ah! revenez, revenez à la mémoire de ceux que je voudrais convaincre par leur propre expérience, heures bénies et silencieuses, heures de tristesse et de recueillement, heures de souffrance intime où leur âme a connu et la vanité des joies du monde et l'amertume du péché. Redites-leur ce qui se passait dans le secret de leur coeur; rappelez-leur les expériences par lesquelles vous les avez fait passer : vous serez plus persuasives que toutes mes paroles!

Oui, plus persuasives en effet; car, en fait de bonheur, le coeur est plus intelligent que la tête; vous pouvez vous fier à ses inspirations; il a des raisons, comme dit Pascal, que la raison ne connaît pas; il a un instinct plus sûr que la logique. Si ses besoins, besoins de paix, d'amour, de pardon, de consolation, - besoins de bonheur, pour les résumer tous en un mot, - nous poussent vers la foi chrétienne; si nous nous abandonnons avec une confiance instinctive a l'Évangile comme le naufragé luttant contre la mort s'abandonne au navire qui vient le recueillir sur les flots; c'est là une preuve nouvelle qu'il y a entre l'Évangile et notre coeur une profonde harmonie, qu'ils sont faits l'un pour l'autre; en d'autres termes, c'est un sentiment intérieur de la vérité du christianisme contre lequel aucune objection ne saurait prévaloir.

Je me résume : J'ai fait appel à l'expérience des autres; et l'humanité nous a montré dans ses progrès, le chrétien dans sa vie, des témoignages évidents de la vérité du christianisme. J'ai interrogé votre intelligence, et je l'ai forcée à rendre hommage à la supériorité de la doctrine chrétienne; j'ai interrogé votre conscience, et je n'ai pas eu de peine à vous montrer qu'elle est un guide qui vous conduit à Jésus-Christ; j'ai enfin parlé à votre coeur, et son instinct plus rapide et plus sûr que la raison lui a fait pressentir dans l'Évangile la source du vrai bonheur. Ma tâche est achevée, mes frères, mais la vôtre commence! A vous maintenant de tirer la conclusion pratique de ce discours! A vous de croire à l'Évangile, puisqu'il répond à votre vraie nature, puisque vous ne pouvez trouver qu'en lui la vérité, la sainteté et le bonheur; puisque, si vous êtes sincères, vous ne pouvez échapper à la conviction, fondée sur votre propre expérience, qu'il n'est pas de l'homme mais de Dieu! Ah! n'êtes-vous pas presque persuadés comme Agrippa de devenir chrétiens! Et pourquoi ne le seriez-vous pas? Pourquoi refuseriez-vous plus longtemps le pardon de Dieu, l'assurance d'une bienheureuse éternité, les joies profondes de la vie chrétienne? Pourquoi résisteriez-vous plus longtemps, je ne dis pas aux arguments de la science chrétienne, mais aux arguments infiniment plus pressants de votre conscience et de votre coeur? à ce témoignage intérieur que la vérité se rend à elle-même dans le dernier fond de votre âme?...

Et vous, mes frères, qui avez le bonheur de croire, profitez de la méditation de ce jour pour vous fortifier dans la foi. Qu'elle serve à vous montrer combien est inébranlable le fondement sur lequel reposent vos certitudes et vos espérances. Ne vous laissez pas troubler par les négations du jour. Soyez de plus en plus fidèles dans votre vie; et ce fondement, qui n'est autre que celui de l'expérience, deviendra toujours plus assuré; - et chacun de vous pourra répondre à toutes les attaques de l'incrédulité: « Je crois au christianisme parce qu'il m'a dit la vérité, parce qu'il m'a consolé, parce qu'il m'a rendu meilleur. Discutez, contestez, niez tant que vous voudrez; je sais bien une chose, c'est que j'étais aveugle, et que maintenant je vois! »


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