LE PÈLERINAGE
DOULOUREUX
de
L'ÉGLISE A
TRAVERS LES ÂGES
7. Coménius
En ces temps de détresse, parut la
figure héroïque de Jean Amos Coménius, né
en 1592, qui acquit plus tard une réputation mondiale par sa
réforme dans l'éducation. Il n'approuva pas la
manière dont les frères s'étaient lancés
dans la politique et dans la guerre. Lors du grand désastre,
il était établi depuis trois ans comme pasteur de la
congrégation des Frères, à Fulneck, en Moravie.
Cette localité ayant été mise à sac par
des soldats espagnols, Coménius dut s'enfuir. Il se
réfugia au château de Charles de Zerotin, où il
devint le conducteur des réfugiés qui s'y trouvaient
déjà. Ce fut là qu'il écrivit: «Le
Labyrinthe du monde et le Paradis du coeur», allégorie
par laquelle il enseignait que le monde ne peut donner la paix, mais
Christ seul habitant dans un coeur. Chassé de Zerotin,
Coménius fit sortit de Moravie la dernière bande de
fugitifs. Il avait tout perdu. Sa femme et son enfant étaient
morts, suite des privations subies en cours de toute. Lorsqu'ils
dirent adieu à leur pays natal, il les encouragea à
croire que Dieu veillerait en Moravie sur une «semence
cachée» qui, un jour, croîtrait et porterait du
fruit.
Les exilés trouvèrent enfin un
asile à Lissa (Lesno), en Pologne (1628), où
Coménius devint directeur de l'école et d'où, en
1641, il visita l'Angleterre, sur une invitation à venir
réorganiser les établissements d'éducation.
Là, la guerre civile l'obligea à voyager encore, en
Suède et ailleurs. En 1656, une défaite des
Suédois par les Polonais eut pour résultat l'incendie
par les vainqueurs du «nid d'hérétiques» de
Lissa. Coménius perdit de nouveau tous ses biens, y compris
des manuscrits prêts à être publiés et
représentant des années de labeur. La Paix de
Westphalie (1648) avait déjà anéanti le dernier
espoir de la restauration des Frères de Bohême, les
puissances catholiques et protestantes refusant de les
reconnaître. Dans ces circonstances si douloureuses,
Coménius écrivit aux Frères et au monde en
général, donnant des conseils tels que seule peut le
faire l'âme qui s'appuie sur son Dieu quand toutes les
ressources terrestres lui font défaut.
En 1650, il écrivit à Lissa
«Le Testament de la mère mourante» (57), dans lequel il exhorte les
prédicateurs de l'Église morave privés de toute
communion fraternelle à accepter des invitations à
prêcher dans les églises évangéliques, non
pour flatter leurs auditeurs, en accentuer les divisions, mais avec
un fervent amour et dans un esprit d'unité. Il conseille aux
«orphelins» qui ne sont pas prédicateurs, de se
joindre aux congrégations, où ils ne seront pas
obligés de suivre des hommes, mais plutôt
enseignés à suivre Christ, où ils entendront
proclamer l'évangile de Jésus. Il leur dit de prier
pour la paix de telles églises, de chercher à les faire
progresser en tout ce qui est bien, en leur donnant un exemple
lumineux et en les entraînant à de ferventes
prières, afin que la colère du Dieu tout puissant, qui
doit frapper la chrétienté, s'éloigne
d'eux.
Après des exhortations d'ordre
général, il ajoute: «Je ne puis vous oublier,
chères soeurs, églises évangéliques, ni
toi, notre mère qui nous donna naissance, Église de
Rome. Tu étais une mère, mais tu es devenue pour nous
un... vampire qui suce le sang de ses enfants. C'est pourquoi je
souhaite que, dans ta misère, tu te tournes vers la'
repentance et abandonnes la Babylone de tes blasphèmes... A
toutes les assemblées chrétiennes réunies, je
lègue mon ardent désir d'unité et de
réconciliation, d'union dans la foi et dans l'amour, en vue de
l'unité de l'Esprit. Oh! puisse cet esprit que le Père
des esprits me donna dès le commencement descendre en vous,
afin que vous aspiriez, comme je l'ai fait, à l'union et
à la communion, dans la vérité
chrétienne, de tous ceux qui invoquent sincèrement le
nom de Jésus. Puisse Dieu vous conduire sur la base de tout ce
qui est essentiel et nécessaire, comme Il me l'a
enseigné, afin que vous compreniez sur quels points vous devez
être zélés et évitiez tout zèle
sans connaissance, qui au lieu d'aider aux progrès de
l'Église, tend à sa destruction. Puissiez-vous encore
discerner où il faut déployer un zèle
brûlant pour la gloire de Dieu, même jusqu'à
l'abandon de vos vies! Puissiez-vous être tous
entraînés par le désir intense de posséder
la grâce de notre Dieu, la beauté divine de Jésus
et ces dons intérieurs et excellents du St-Esprit,
accordés à la vraie foi, à l'amour
sincère et à l'espérance vivante en Dieu! En
ceci consiste la nature du vrai christianisme.»
«La Voix de l'affliction»
(58) fut écrite, en 1660, à
Amsterdam. Ce fut la dernière résidence de
Coménius, qui y mourut dix ans plus tard. Il y écrit
entre autres: «Nous savons que l'Éternel ne guérit
que les blessés, ne rend la vie qu'aux morts et ne fait
remonter du sépulcre que ceux qui y sont descendus (1 Sam. 2).
Soyons donc prêts à accepter sa volonté pour
nous, et, s'Il juge bon de nous blesser d'abord, de nous tuer et de
nous jeter dans le sépulcre, que sa volonté soit faite!
Nous sommes assurés cependant que, soit ici, soit dans
l'éternité, nous serons guéris,
ressuscités et introduits dans le ciel. Même notre
Seigneur qui endura une mort douloureuse entre toutes, ignominieuse
et angoissante, se consola par la pensée que le grain de
blé, s'il ne meurt, reste seul, mais que, s'il meurt, il porte
beaucoup de fruit. Si donc la guérison découle de ses
blessures, la vie de sa mort, de son sépulcre le ciel et le
salut, pourquoi nous, petits grains de blé, ne mourrions-nous
pas selon la volonté de Dieu? Si le sang des martyrs, et
même le nôtre, doit être la semence de
l'Église pour les croyants qui viendront après nous,
ah! répandons en pleurant la précieuse semence afin de
revenir un jour avec allégresse en portant nos gerbes. Si Dieu
détruit, Il rebâtira. Il fait toutes choses nouvelles.
Dieu sait ce qu'Il fait. Restons confiants lorsqu'Il démolit
ou bâtit, selon son bon plaisir. Il ne fait rien sans un but
déterminé; quelque chose de grand se cache en toutes
ses actions. La création tout entière est
subordonnée à la volonté de Dieu, et nous aussi,
que nous comprenions ou non ce qu'Il fait. Il n'a pas besoin de nous
consulter sur ses actes.»
A l'âge de septante-sept ans, alors qu'il
avait acquis dans toute l'Europe une grande réputation pour
l'heureuse révolution accomplie dans l'esprit et les
méthodes de l'enseignement, Coménius écrivit:
«La seule chose nécessaire» (59).
Dans cet ouvrage, il compare le monde à un
labyrinthe et démontre que le seul moyen d'en sortir est de
délaisser ce qui est inutile et de choisir «la seule
chose nécessaire : Christ». «Des maîtres en
grand nombre - dit-il - ont produit une multitude de sectes, pour
lesquelles on ne pourra bientôt plus trouver de noms. Chaque
église croit être la seule vraie, ou du moins celle qui
se rapproche le plus de la vérité, alors que les
églises se persécutent amèrement les unes les
autres. On ne saurait espérer de réconciliation entre
elles; elles répondent à la haine par une haine
implacable. Elles fabriquent leurs confessions de foi diverses en les
tirant de la Bible. Ce sont là leurs forteresses et leurs
remparts, derrière lesquels elles se retranchent et
résistent aux attaques. je ne veux pas dire que ces
confessions de foi - car elles le sont, dans la plupart des cas -
soient mauvaises en elles-mêmes. Mais elles le deviennent parce
qu'elles attisent le feu de l'inimitié. Ce ne sera qu'en les
mettant tout à fait de côté qu'on pourra se
mettre à guérir les blessures de
l'Église...
A ce labyrinthe de sectes et de confessions
diverses vient s'ajouter l'amour des disputes. A quoi cela
avance-t-il? Y eut-il jamais une querelle de mots qui ait
amené une solution? jamais. Le nombre de ces disputes ne fait
que s'accroître. Satan est le plus grand des sophistes; il n'a
jamais été vaincu dans une bataille de mots... Au
service divin, en général, on entend beaucoup plus les
paroles des hommes que la Parole de Dieu. Chacun babille à son
gré; on tue le temps par de savantes dissertations, en
cherchant à réfuter les arguments des autres. C'est
à peine si l'on mentionne la nouvelle naissance, la
nécessité pour l'homme d'être rendu semblable
à Christ, de devenir participant de la nature divine (2 Pierre
1. 4). Quant au pouvoir des clés du Royaume, l'Église a
presque entièrement perdu le pouvoir de lier; il ne lui reste
que celui de délier... Les sacrements, donnés comme
symboles d'unité, d'amour et de vie en Christ, sont devenus
l'occasion de luttes acharnées, une cause de haine mutuelle,
un centre de sectarisme... Bref, la chrétienté est
devenue un labyrinthe. La foi a été divisée en
mille parties infimes et celui qui ne les accepte pas toutes est
considéré comme hérétique... Qu'est-ce
qui nous aidera? Seulement la seule chose nécessaire: le
retour à Christ, à Lui comme seul Chef, pour marcher
sur Ses traces, en délaissant tous les autres sentiers,
jusqu'à ce que nous ayons atteint le but et soyons parvenus
à l'unité de la foi (Eph. 4. 13). Comme le Maître
céleste, qui a tout édifié sur le fondement des
Écritures, laissons de côté toutes les
particularités de nos confessions spéciales et
contentons-nous de la Parole révélée de Dieu qui
appartient à tous. La Bible en main, nous déclarerons:
je crois ce que Dieu a révélé dans ce Livre; je
veux obéir à ses commandements; j'espère en ses
promesses. Chrétiens, écoutez! Il n'y a qu'une Vie,
mais la mort vient à nous sous mille formes. Il n'y a qu'une
Vérité, mais l'erreur a mille formes. Il n'y a qu'un
Christ, mais mille antichrists... Tu connais donc, ô
chrétienté, la seule chose nécessaire. Ou bien
tu reviens à Christ, ou bien tu marches à la
destruction comme l'antichrist. Si tu es sage, si tu veux vivre, tu
suivras le Chef de la Vie.
»Mais vous, chrétiens,
réjouissez-vous d'être enlevés auprès de
Lui... Écoutez les paroles de voire Conducteur céleste:
Venez à moi... Répondez d'une seule voix: Oui, nous
venons!»
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