Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

DE SALOMON A SEDECIAS

SYRIE, ASSYRIE ET BABYLONE

Les rois d'Assyrie que nous voyons apparaître dans le texte sacré appartiennent à la dernière période de l'empire assyrien, période qui va de l'an 900 environ à l'année 606, date de la chute définitive de Ninive. La puissance assyrienne connut alors un éclat nouveau ; sa domination s'étendit jusqu'à Tyr et Sidon et même jusqu'à l'Egypte ; sa civilisation atteignit son apogée. Fort heureusement, tous les rois d'Assyrie, dont la Bible nous parle, nous sont connus par des monuments ou des inscriptions qui, tout en nous permettant de les mieux connaître, confirment d'une manière frappante ce que l'Ecriture sainte nous en raconte.

Parlons tout d'abord de Salmanasar, fils d'Assurnasirpal, qui régna de 859 à 824. Ce roi audacieux et cruel étendit les conquêtes de son père. On a retrouvé un monolithe qui fut élevé par lui à Kurkh, en Arménie, et qui contient le récit de ses guerres. Il raconte comment il a conquis les villes de Eden, Barga, Argana et Gargara. Ce qui nous intéresse au point de vue biblique c'est la mention qu'il fait dl « Achab l'Israélite », auquel il a pris « 2.000 chariots et 10.000 hommes ». Cette indication nous montre qu'Achab était un des princes les plus riches et les plus puissants de la Syrie. Nous comprenons ainsi aisément qu'une princesse sidonienne ait accepté de l'épouser (1). Il est intéressant aussi de remarquer que Salmanasar donne à Achab le titre d' « Israélite », conformément à l'Ecriture qui nous apprend qu'Achab était roi d'Israël.

Il est remarquable de constater sur l'inscription du monolithe l'absence des noms de Moab, d'Edom et de Juda. Ce silence est aussi conforme avec ce que la Bible nous apprend. En ce qui concerne Moab, nous savons par le livre des Rois que le roi de Moab, Mésa, s'était révolté contre Israël(2) ; il est facile de voir pourquoi les Moabites ne firent pas alliance avec les Israélites contre l'Assyrie. Quant à Juda, nous savons quelle rivalité régnait entre Jérusalem et Samarie; la coalition momentanée du roi de Juda Josaphat et du roi d'Israël Achab contre le roi de Syrie n'était pas le fruit d'une réelle amitié. Enfin le texte sacré nous apprend qu'à cette époque « il n'y avait point de roi en Edom; c'était un intendant qui gouvernait » (II, Rois, XXII, 47). Ce verset, auquel on n'attache généralement pas d'importance, a cependant sa grande valeur car il nous explique pourquoi Edom n'avait pas osé se dresser contre l'envahisseur assyrien. Dans l'étude que nous avons entreprise, nous aurons souvent l'occasion de voir la véracité de la Bible confirmée jusque dans les moindres détails.

Quelques années après l'expédition relatée sur le monolithe de Kurkh, Salmanasar entreprit une nouvelle campagne, cette fois contre Damas et contre son roi Hazaël. Voici comment il parle de sa victoire: « La dix-huitième de mon règne, pour la seizième fois, je traversai l'Euphrate. Hazaël de Damas se confia en la force de ses armées et les assembla en grand nombre... Je le mis en déroute... Je l'enfermai dans Damas, sa cité royale... »

Il est question à plusieurs reprises de ce roi Hazaël dans la Bible. Nous apprenons comment il s'empara du pouvoir (Il, Rois, VIII, 7-15) ; comment aussi il fit la guerre à Israël (11, Rois, IX, 14) ; comment il battit « tout le pays de Galaad, les Gadites, les Rubénites et les Manassites, depuis Aroër sur le torrent de l'Arnon jusqu'à Galaad et à Basan » (II, Rois, X, 33). Nous le voyons aussi s'emparer de Gath (II, Rois, XII, 17). La dernière mention qui soit faite de lui résume cette vie de guerrier: « Hazaël, roi de Syrie, avait opprimé Israël pendant toute la vie de Joachaz... Hazaël mourut et Ben-Hadad, son fils, régna à sa place » (II, Rois, XIII, 23-24).

Le texte sacré nous révèle ensuite que, sous le règne du fils de Hazaël, les Israélites purent conquérir les villes qu'ils avaient perdues. « Joas, fils de Joachaz, reprit des mains de Ben-Hadad, fils de Hazaël, les villes enlevées par Hazaël à Joachaz, son père, pendant la guerre. Joas le battit trois fois, et il recouvra les villes d'Israël. » (Il, Rois, XIII, 25). Ce brusque revirement de la fortune militaire a paru à plusieurs fort surprenant. Mais ici encore l'archéologie nous permet de comprendre. Nous savons, en effet, que Salmanasar avait à deux reprises attaqué et battu les Syriens et que la puissance de Damas avait été ainsi fortement ébranlée. Une fois Hazaël disparu, la décadence de la Syrie s'accentua et permit aux enfants d'Israël de reprendre ce qui leur avait été enlevé.

Après la mort de Hazaël, roi de Syrie, la ville de Damas lut épargnée pendant quelques années. Mais le petit-fils de Salmanasar (III), Nirari (III) fit à son tour la conquête de Damas, en même temps qu'il s'emparait de Tyr, de Sidon, du pays d'Edom, du pays des Philistins (en assyrien « Palastu »), etc. Son successeur, Salmanasar IV, en 773, fit aussi campagne contre Damas et il mentionne à ce propos qu'il envahit en même temps « le pays de Khatarika ». C'est le pays de « Hadrach » dont il est fait mention dans le livre de Zacharie (IX, 1). Ce passage nous apprend que le pays de Hadrach faisait partie du territoire de Damas.

Ces diverses expéditions contre Damas avaient épuisé cette capitale et affaibli sa puissance. Aussi n'avons-nous pas de peine à comprendre que Jéroboam, fils de Joas, roi d'Israël, ait pu « faire rentrer sous la puissance d'Israël Damas », selon le récit du livre des Rois (II, Rois, XIV, 28). Jéroboam Il acheva l'oeuvre qu'avait déjà commencée Joas, fils de Joachaz, dont nous avons déjà parlé (II, Rois, XIII, 25).

La décadence de la Syrie ne devait pas, en réalité, être un bienfait pour le royaume d'Israël, ni, en dernier ressort, pour le royaume de Juda. Le roi de Samarie, n'ayant plus rien à craindre de Damas, conçut l'espoir de vaincre enfin le roi de Jérusalem et de reconstituer l'ancien empire davidique à son profit. Cette ambition devait amener la ruine du royaume d'Israël et, plus tard, du royaume de Juda. Ici encore, les récits bibliques sont confirmés d'une manière frappante par les découvertes archéologiques. Sans doute, la chronologie biblique est assez souvent en désaccord avec la chronologie des annales assyriennes. Mais il n'y a plus, lieu de s'étonner' de ce désaccord lorsqu'on considère l'extraordinaire multiplicité des événements, l'enchevêtrement des règnes, notre ignorance de certains faits essentiels, comme aussi de certaines méthodes de chronologie antique. Ce qui est certain et absolument remarquable, c'est l'harmonie qui règne entre la Bible et les monuments en ce qui concerne les faits eux-mêmes.

Nous apprenons par le livre des Rois que le roi d'Israël Pékach, fils de Rémalia, fit alliance avec Retsin, roi de Syrie, pour envahir le royaume de Juda gouverné par le faible Achab. « Ils montèrent contre Jérusalem pour l'attaquer; ils assiégèrent Achaz, mais ne purent le vaincre. » (II, Rois, XVI, 5). Cependant le pays de Juda était envahi, pillé par l'ennemi et Achaz se sentait en grand péril, malgré la protection des murs de Jérusalem. Achaz se tourna vers le roi d'Assyrie, Tiglath-Piléser, et obtint son secours. Il est facile de voir la faute commise par Achaz, qui, en dépit des conseils d'Esaïe, se mit ainsi entre les mains du puissant roi d'Assyrie, du conquérant ambitieux. Tiglath-Piléser comprit tout le parti qu'il pouvait tirer de cette situation. Il délivra Achaz de Pékach et de Retsin, mais il en fit son vassal. Achaz, pour lui plaire, se rendit coupable d'un sacrilège. « Il prit l'argent et l'or qui se trouvaient dans la maison de l'Eternel. » (II, Rois, XVI, 8). Il alla même jusqu'à « changer dans la maison de l'Eternel, à cause du roi &Assyrie, le portique du sabbat qu'on y avait bâti et l'entrée extérieure du roi » (II, Rois, XVI, 18). Désormais le roi d'Assyrie se crut des droits sur Jérusalem. Sans doute, Damas et Samarie étaient définitivement réduites à l'impuissance, mais Jérusalem, seule en face de Babylone, et liée en une mesure par des obligations de reconnaissance, voyait déjà son indépendance singulièrement compromise. La ruine du royaume de Juda n'était plus qu'une question d'années.

Les inscriptions cunéiformes de Tiglath-Piléser font allusion à la double défaite de Retsin et de Pékach. Elles mentionnent la déportation en Assyrie dont il est question au livre des Rois (II, Rois, XV, 29) : « J'ai occupé, dit Tiglath, le pays de Beth-Omri, et tous ses hommes je les ai emmenés en Assyrie. » Tiglath-Piléser indique aussi la mort violente de Pékach et le fait que son successeur s'appelle Osée. Il s'attribue l'honneur d'avoir fait périr Pékach et d'avoir lui-même nommé Osée, son successeur. Le récit biblique ne donne pas cette précision qui est peut-être le fait de la vanité du conquérant. Mais il n'y aurait rien d'impossible à ce que Osée ait conspiré contre Pékach (II, Rois, XV, 30) sous l'inspiration de Tiglath-Piléser, et ait été, en effet, placé au pouvoir par le roi assyrien. Voici le texte des inscriptions : « J'ai fait périr Pékach, leur .roi, et j'ai choisi Osée pour régner sur eux. »

Les inscriptions assyriennes parlent aussi d'Achaz, le roi de Juda, auquel Tiglath prêta secours. Mais son nom est au complet: Jéhoachaz au lieu d'Achaz. On a pensé que l'histoire biblique avait supprimé la première partie du nom à cause de sa portée religieuse, Jého, en signe de protestation contre l'abominable impiété d'Achaz. Quoi qu'il en soi, c'est bien de l'Achaz du livre des Rois qu'il est question dans les annales assyriennes. Elles mentionnent l'acte de vasselage qu'il accomplit en allant à la rencontre du roi d'Assyrie (II, Rois, XVI, 10). Elles nous apprennent que Tiglath-Piléser réunit en une imposante assemblée tous les princes occidentaux qui lui payaient tribut. « Jéhoachaz, le Juif » est nommé parmi d'autres rois, ceux de Tubal, Hamath, Ammon, Moab, etc.

Il est intéressant de savoir que la forme du nom Tiglat-Piléser, un peu différente de la forme assyrienne, est exactement celle que l'on retrouve sur les monuments de Sinjerli, au nord-est d'Antioche. Il ressort de cette découverte que « Tiglath-Piléser » était l'orthographe araméenne du nom assyrien Tukulti-Pal-Esar et que c'était bien la forme employée, non seulement en Palestine mais en Syrie, pour désigner le grand conquérant contemporain d'Achaz. Nous avons dans le témoignage des monuments de Sinjerli une preuve nouvelle de l'exactitude des données bibliques comme aussi la preuve certaine que le récit des Rois est l'oeuvre d'un auteur contemporain des événements et habitant la Palestine ou la Syrie.

Enfin, il faut remarquer, à propos de Tiglath-Piléser, une autre preuve de la précision biblique. L'histoire nous apprend, en effet, que Tiglath-Piléser s'appelait Pul ou Pulu, avant d'avoir pris sur lui le nom d'un ancien roi d'Assyrie. C'était un capitaine d'obscure origine qui, après. la mort d'Assur-Nirari, s'était emparé du pouvoir. Il se donna le nom de Tiglath-Piléser III en souvenir d'un des rois assyriens les plus puissants, environ 400 ans avant lui. Or, il est remarquable de constater que la Bible le mentionne sous le nom de Pul avant de le mentionner sous le nom de Tiglath-Piléser. De plus, le nom de Pul apparaît, conformément à l'histoire, sous le règne du roi d'Israël, Menahem, et non sous le règne du roi de Juda, Achaz. Nous lisons, en effet, dans le livre des Rois (II, XV, 19) : « Pul, roi d'Assyrie, vint dans le pays, et Menahem donna à Pul mille talents d'argent, pour qu'il lui aidât à affermir la royauté entre ses mains... Le roi d'Assyrie s'en retourna et ne s'arrêta pas alors dans le pays. »

Comme conclusion des données qui précèdent, nous pouvons constater que les rapports du roi d'Assyrie, Tiglath-Piléser, avec la Palestine au temps d'Achaz, comme ceux du roi d'Assyrie, Salmanasar III, avec la Palestine au temps d'Achab, tels que l'archéologie nous les révèle, sont conformes à ceux que la Bible nous fait connaître.

Le successeur de Tiglath-Piléser fut Salmanasar V, qui ne régna que cinq ans, de 727 à 722. Ce règne très court fut fatal à la puissance de Samarie, ainsi que nous l'apprend le second livre des Rois (XVIII, 9) : « La quatrième année du règne d'Ezéchias, qui était la septième année du règne d'Osée, fils d'Ela, roi d'Israël, Salmanasar, roi d'Assyrie, monta contre Samarie et l'assiégea. » Le chapitre précédent nous donne l'explication de cette campagne du roi d'Assyrie. Nous apprenons que Salmanasar avait assujetti Osée et avait reçu de lui un tribut. Mais Osée avait comploté contre son suzerain ; il avait envoyé des députés à So, roi d'Egypte, et avait refusé de payer le tribut. C'est alors que le roi d'Assyrie, informé de ce complot, « envahit tout le pays, arriva devant Samarie et l'assiégea pendant trois ans ».

Plusieurs archéologues ont identifié le roi d'Egypte So dont parle le livre des Rois avec le roi éthiopien Schabak, qui était devenu, en 725, maître de l'Egypte. - Cette tentative du roi Osée pour obtenir le secours de l'Egypte, et sans doute d'autres nations, contre la puissance assyrienne menaçante, est confirmée par tout ce que nous savons de la situation politique à cette époque. Les Annales de Sargon, successeur de Salmanasar, font allusion à Schabak (Sibahi) et à sa lutte contre Ninive : « Hanun, roi de Gaza, et Sibahi, sultan d'Egypte, dit la grande inscription de Khorsabad, se réunirent à Rapi (Raphid) pour me livrer combat et bataille; ils vinrent en ma présence, je les mis en fuite, Sibahi céda devant les cohortes de mes serviteurs; il s'enfuit et jamais on n'a revu sa trace. »

Ainsi, nous avons dans cette inscription la preuve que l'Egypte cherchait à lutter contre l'Assyrie et qu'elle était disposée, pour vaincre, à s'allier avec d'autres pays. C'est ce que savait Osée, roi d'Israël ; aussi crut-il sage « d'envoyer des députés à So, roi d'Egypte ». Mais il avait mal placé sa confiance ou, tout au moins, mal gardé son secret ; le complot fut découvert et le royaume d'Israël fut envahi avant que l'Egypte ait pu lui porter secours.

La date de la chute de Samarie fournie par les inscriptions cunéiformes est l'an 722 ou 721. Elle concorde parfaitement avec les données bibliques. La chute de Samarie fut un événement d'une grande importance. L'Egypte s'en trouva singulièrement affaiblie, car Samarie et Jérusalem étaient ses deux remparts les plus solides contre l'ambition assyrienne. D'autre part, et plus encore, Jérusalem fut terriblement atteinte par cet effondrement. Il était évident qu'un jour ou l'autre elle subirait le sort de sa rivale et qu'aucune coalition ne pourrait la préserver de l'invasion définitive.

Il est digne de remarque que la destruction de Samarie par le roi d'Assyrie est mentionnée en détail dans la grande inscription de Sargon, qu'on a appelé ses « Fastes ». Conformément au récit sacré, il raconte que Samarie a été « assiégée et prise » qu'un grand nombre de ses habitants (Sargon parle de 27.280) ont été déportés (Il Rois, XVII, 6, et XVIII, 11). Sargon ajoute que 50 choristes ont été enlevés de Samarie et que des lieutenants assyriens ont été établis sur elle.

Mais ici apparaît une particularité qui a été une source de perplexité pour beaucoup d'archéologues. Sargon s'attribue tout le mérite du siège, et de la prise, comme aussi de la déportation des Israélites. Il ne mentionne même pas son prédécesseur, sauf qu'il y fait sans doute allusion dans cette phrase énigmatique : « Le tribut du roi précédent je l'ai imposé à Samarie. » Il est fort probable que le silence de Sargon relativement à son prédécesseur Salmanasar V est voulu. Il n'y aurait rien d'étonnant à ce que Sargon ait été pour quelque chose dans la mort soudaine de Salmanasar et qu'il ait eu tout intérêt à faire disparaître de l'histoire le nom d'un ennemi. Il y a d'autres exemples de l'animosité d'un roi pour son prédécesseur et des efforts faits pour jeter dans l'oubli un nom compromettant.

On peut aussi admettre que Sargon ait pris part lui-même, comme général en chef, au siège et à la prise de Samarie et surtout à la déportation. Après la mort soudaine de Salmanasar, devenu le maître, il n'aurait eu aucun scrupule à se donner toute la gloire. Il est certain, en tout cas, que la brièveté du règne de Salmanasar ne lui permit pas de tirer lui-même tout le parti de sa victoire et que ce fut Sargon qui organisa la paix, si ce n'est pas lui qui organisa la guerre. Il est certain aussi que Sargon avait bien des raisons pour s'attribuer tout le mérite d'une entreprise qui le mettait en possession, dès le début de son règne, d'une situation extrêmement avantageuse. Tels que nous connaissons les rois d'Assyrie, Sargon ne pouvait guère écrire autre chose que ce qu'il a écrit ; mais il faut constater (comme nous aurons à le faire en d'autres circonstances) que le récit sacré est d'une rigoureuse exactitude, bien plus que les documents de conquérants orgueilleux qui savent aisément accaparer l'histoire à leur profit.

Ainsi la prise de Samarie et les conséquences qui en découlent sont mentionnées à la fois dans la Bible et dans les archives assyriennes. Or il est nécessaire de savoir que, jusqu'à la découverte du palais de Sargon à Khorsabad (découverte qui eut lieu vers le milieu du siècle passé, et qui est due au labeur du consul français Botha), l'on ne savait rien ou presque rien de ces événements, autrement que par l'Ecriture sainte. Pendant de longs siècles on a pu mettre en doute le récit biblique, comme on a mis en doute ce que la Bible disait de Sargon lui-même, au sujet duquel l'Antiquité était absolument muette. Les critiques avaient alors beau jeu pour discréditer le livre des Rois. Mais, depuis Botha, tout est changé. Les pierres, si longtemps silencieuses parce que cachées, ont enfin pu parler et elles ont parlé pour glorifier une fois de plus la Parole de Dieu.- Ils. sont bien peu scientifiques, certes, ceux qui interprètent dans un sens défavorable à la Bible le silence de l'histoire. Les pierres ne demandent qu'à se faire entendre ; celles qui sont encore enfouies parleront à leur tour et confondront à leur manière les détracteurs du saint Livre.

Il est fort intéressant d'étudier de près la personne et l'oeuvre de ce Sargon qui, avant la découverte de Botha, lut la pierre d'achoppement de beaucoup d'historiens. On ne savait que faire de ce roi que seul le prophète Esaïe mentionnait dans son livre (Esaïe, XX, 1). Toutes sortes d'hypothèses étaient mises en avant, soit pour nier son existence, soit pour l'assimiler à Salmanasar lui-même. A mesure que les magnifiques ruines du palais de Khorsabad ont livré leur secret, on a pu voir apparaître, en un vigoureux relief, la figure de ce personnage mystérieux qui, très soucieux de laisser son nom à la postérité, eut cette étrange fortune d'être complètement oublié pendant plus de 2.500 ans. Ce fut un roi puissant, conquérant, victorieux; ce fut aussi un roi lettré, ami des arts, comme en témoigne son palais de Khorsabad. Ce fut l'une des gloires de l'empire assyrien environ un siècle avant son effondrement total (3).

Deux de ses inscriptions nous intéressent particulièrement au point vue biblique. Tout d'abord celle relative à la prise d'Asdod dont parle le prophète. Voici ce que dit Esaïe: « L'année où le Tartan, envoyé par Sargon, roi d'Assyrie, vint à Asdod, assiégea cette ville et la prit, en ce temps-là l'Eternel parla par le ministère d'Esaïe... » (XX, 1 et 2). - Or, dans les inscriptions de Sargon, nous trouvons une mention formelle de cette expédition, avec cette particularité que Sargon s'en attribue le mérite exclusif alors que, d'après Esaïe, ce fut le Tartan qui remporta la victoire. Mais les rois de l'antiquité, nous l'avons déjà dit, sont coutumiers du fait; ils ne nomment pas leurs généraux ; il leur suffit de les envoyer vaincre pour se croire le droit de revendiquer le succès. Ici encore, l'auteur sacré, dépourvu de toute préoccupation d'orgueil ou de flatterie, dit la vérité, rien que la vérité.

Dans ces deux premiers versets du chapitre XX d'Esaïe, nous trouvons quatre affirmations confirmées par l'archéologie:

1° Esaïe, contemporain d'Achaz, puis d'Ezéchias, vivait certainement au moment où régnait Sargon, comme le prouvent les dates suivantes : Sargon: 722-705 ; Ezéchias: 727-699 ;

2° Asdod, ville des Philistins, fut prise, en effet, sous le règne de Sargon, comme Esaïe l'indique. Voici des extraits du texte assyrien: « En ma neuvième année (une autre inscription de Sargon donne la onzième année), au pays qui est au bord de la grande mer, en Philistie et à Asdod, j'allai. Azuri, roi d'Asdod, pour ne pas apporter le tribut avait endurci son coeur, et aux rois autour de lui, ennemis de l'Assyrie, il envoya (des messagers) et fit du mal. Sur le peuple qui était autour de lui, je brisai sa domination, et j'emportai ... ... Les villes d'Asdod, de Gimzo des Asdodéens, j'assiégeai et je pris » ;

3° les assyriologues nous apprennent que, sous les Sargonides, le ministre de la Guerre s'appelait « le Tartan ». C'est précisément l'expression employée par Esaïe. La vraie traduction est « le Tartan » et non pas « Tartan ». Tartan n'est pas, comme on l'a cru longtemps, le nom d'une personne, mais un titre honorifique, tel que celui du Pharaon égyptien ;

4° les assyriologues nous apprennent enfin que les Sargonides avaient l'habitude d'envoyer le Tartan à leur place pour diriger les expéditions, exactement comme le dit Esaïe. Voici, à ce propos, le témoignage du Dr Contenau (4), chargé de missions archéologiques en Syrie, en ce moment professeur d'archéologie au Musée du Louvre. Dans son livre remarquable sur la « Civilisation assyro-babylonienne » (p. 120), il écrit : « Au-dessus des chefs d'unité de l'armée, était le Tartan, qui souvent dirigeait l'expédition à la place du roi. »

Ces quatre confirmations apportées par l'histoire à l'exactitude de deux courts versets, dans un livre qui est plutôt une prophétie qu'un récit, sont véritablement remarquables, et il faut être aveuglé par le parti-pris pour ne pas en voir la portée.

Il est frappant de constater que les malheurs qui frappèrent les villes des Philistins avaient été prédits par Esaïe. Nous lisons, en effet, au chapitre XIV que le prophète inspiré annonça la catastrophe, « l'année de la mort d'Achaz », c'est-à-dire plusieurs années avant la prise d'Asdod. Voici ce que nous lisons aux versets 29-31 : « Ne te réjouis pas, terre des Philistins, de ce que la verge qui te frappait a été brisée (5)... Terre des Philistins, sois toute dans l'épouvante! Car du septentrion (6) vient une fumée, une troupe dont aucun guerrier ne déserte les rangs. » Si l'on étudie de près les prophètes, on verra avec quelle exactitude, non seulement Esaïe, mais tous les prophètes, ont su prévoir les événements qui allaient se produire en un temps plus ou moins rapproché, alors que la plupart de leurs contemporains attendaient un tout autre avenir. L'un des résultats des découvertes archéologiques est de mettre en lumière l'admirable perspicacité des hommes de Dieu.

Après l'inscription relative à Asdod et au pays des Philistins, revenons à celle qui raconte, non seulement la prise de Samarie, mais aussi la déportation. Ici encore, nous verrons confirmé jusque dans ses moindres détails le récit sacré.

a) Sargon raconte qu'il a emmené en captivité 27.280 des habitants de Samarie ». Le livre des Rois (XVII et XVIII) déclare aussi que « le roi d'Assyrie transporta les Israélites en Assyrie ». La Bible n'indique pas le nombre des déportés, mais, d'autre part, elle donne des précisions que le texte assyrien passe sous silence et qui sont confirmées, elles aussi, par l'archéologie. Nous lisons au chapitre XVII, v. 6: « Le roi d'Assyrie les établit à Chalah et sur le Chabor, fleuve de Gozan et dans les villes de la Médie. » Ces noms sont connus des archéologues. Chalah est généralement identifié avec « Chalcitis » dont parle Ptolémée ; le Chabor (en Assyrien Habur) est un affluent célèbre de l'Euphrate ; ses rives sont couvertes de ruines, restes des cités qui ont fleuri sur ses bords au temps des grands rois assyriens. Gozan est la province appelée par Ptolémée « Gausanités », voisine de Chalcitis. Ainsi tous les lieux mentionnés par l'auteur sacré étaient groupés à côté les uns des autres dans la Mésopotamie. Quant à la présence de déportés « dans les villes de Médie », elle est confirmée par le livre apocryphe de Tobie (I, 16). Nous savons, par les inscriptions assyriennes, que Sargon fit plusieurs fois la guerre à la Médie, et qu'il transporta les principaux habitants des petits royaumes qu'il avait vaincus, à Hamath en Syrie

b) Ce qui est aussi très frappant, c'est l'accord entre le texte de Sargon et celui des Rois en ce qui concerne l'envoi à Samarie d'étrangers qui prirent la place des Israélites déportés. Voici ce que dit Sargon : « A la place de ceux que j'avais déportés, je fis venir les habitants des pays que j'avais conquis ; je leur imposai un tribut comme aux Assyriens. » Voici ce que dit le texte sacré, plus précis que l'autre : « Le roi d'Assyrie fit venir des gens de Babylone, de Cutha, d'Ava, de Hamath et de Sépharvaïm, et il les établit dans les villes de Samarie à la place des enfants d'Israël. » (II, Rois, XVII, 24). Sauf en ce qui concerne Ava, les noms de localités mentionnés ici ont été identifiés. Il est question de Cutha dans l'inscription de l'obélisque de Salmanasar. « J'offris de riches sacrifices à Babylone, à Borsippa et à Cutha. » Hamath est souvent mentionnée dans les textes cunéiformes, comme étant une ville syrienne. Elle avait eu une grande importance à cause de sa situation ; elle commandait tout le pays baigné par l'Oronte. Elle était célèbre du temps de Moïse et le prophète Amos l'appelait encore « Hamath la grande » (VI, 2). Quant à Sépharvaïm, forme du duel pour le singulier Sippara, c'était, comme le duel l'indique fort exactement, l'ensemble des deux villes du même nom situées sans doute vis-à-vis l'une de l'autre, de chaque côté du fleuve; il y avait Sippara, la ville du soleil et Sippara, la ville d'Anunit.

Enfin, le livre des Rois nous donne des Précisions d'un grand prix sur les cultes de ses exilés, fidèles, à Samarie, aux dieux de leur pays d'origine. « Cependant, chaque peuple se fit son propre dieu, et le plaça dans les sanctuaires des hauts lieux. que les Samaritains avaient érigés ; chaque peuple plaça le sien dans les villes où il habitait. Les gens de Babylone dressèrent la statue de Succoth-Bénoth ; les gens de Cuth, celle de Nergal; les gens de Hamath, celle d'Asima; les Aviens, celle de Nibcaz et de Tartac ; les Sépharviens brillaient leurs enfants dans le feu, en l'honneur d'Adrammélec et d'Anammélec, dieux de Sépharvaïm. » (II, Rois, XVII, 29-31). Ces versets ont été longtemps un mystère pour les exégètes. Mais les découvertes archéologiques en Assyrie sont venues, les unes après les autres, en confirmer la véracité et en donner l'explication. A propos de Nergal, adoré par les gens de Cutha, voici ce qu'écrit le Dr Schrader : « Il est certain que les Cuthéens adoraient le dieu-lion ou Nergal comme leur dieu local ; c'est là, en vérité, une confirmation des plus éclatantes de l'exactitude des auteurs bibliques, par des inscriptions cunéiformes. » M. Oppert croit avoir retrouvé le temple de Nergal à Cutha dans les ruines de l'Oheymir (7).

Quant aux dieux de Sépharvaïm, en Assyrien Adarmalik et Anumalik, on retrouve très fréquemment la forme Adar et Anu dans les textes cunéiformes. Adar était une divinité solaire ; or, nous avons vu qu'une des deux villes appelées Sippara était désignée sous le vocable de « ville du soleil ». L'autre, appelée « ville d'Anunit », était certainement celle qui honorait Anu, désigné sur les inscriptions comme « l'antique, le caché, le Seigneur du monde inférieur, le Seigneur des ténèbres, le Seigneur des trésors cachés ». Il y a dans le duel « Sépharvaïm » appliqué à la double localité et dans la mention de deux divinités, une rigoureuse exactitude que l'archéologie a enfin mise en lumière après de longs siècles d'ignorance.

Le fait que Sippora était « la ville du soleil » explique ce que le récit sacré nous dit des enfants brûlés dans le feu. Le culte du soleil entraînait, en effet, cette affreuse coutume. On offrait les enfants au soleil en les brûlant. Telles étaient les monstruosités du paganisme antique dont certains cherchent à nous vanter les bienfaits!


1) La richesse d'Achab est aussi mise en évidence par le livre des Rois (I, XXII. 39) : « Le reste des actions d'Achab. tout ce qu'il a fait, la maison d'ivoire, et toutes les villes qu'il a bâties, cela n'est-il pas écrit dans le livre des Chroniques des rois d'Israël ? » Des fouilles toutes récentes, à Samarie. viennent de mettre à nu les ruines du palais d'Achab et attestent. elles aussi, une période de luxe et d'opulence. Voir le chapitre « Récentes découvertes ».

2) Voir l'Appendice : « La Pierre Moabite ».

3) Règne de Sargon: 722-705. Chute de Ninive. 606.

4) Le Dr Contenau a publié un livre de grande valeur et du plus haut intérêt : La civilisation phénicienne (Payot, Paris).

5) Le joug de Samarie.

6) Allusion à l'invasion assyrienne.

7) OPPERT, Expédition en Mésopotamie, tome I, p. 219.

Chapitre précédent Table des matières Chapitre suivant