Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

DE SAMUEL A SALOMON



SAMUEL
SALOMON

Cette période, d'une si grande importance pour la vie du peuple élu, rencontre peu de confirmations archéologiques directes, mais un grand nombre de confirmations indirectes qui offrent un intérêt considérable et dont nous allons indiquer les plus frappantes, en suivant l'ordre du récit sacré.

Signalons tout d'abord l'identification de plusieurs villes mentionnées dans les deux livres de Samuel:

«Ramathaïm-Tsophim» (I, Samuel, 1, 1), village situé au nord de Jérusalem (Josué XVIII, 25) ce nom signifie « double isthme », aujourd'hui Er-Ram dans le Nouveau Testament : Arimathée'

«Silo» (I, Samuel, 1, 3), la ville où le Tabernacle avait été déposé depuis Josué (Josué XVIII, 1). Sur une éminence on trouve encore quelques ruines de l'ancienne Silo. On voit sur le versant de la colline une terrasse de 77 pieds de largeur et de 412 de longueur sur laquelle, sans doute, le Tabernacle a été dressé.

«Beth-Sémis» (I, Samuel, 12). Actuellement Aïm-Schems : ville de sacrificateurs (Josué XXI, 16), sur la frontière de Juda et de Dan, à neuf lieues environ à l'ouest de Jérusalem.

«Kirjath-Jéarim» (I Samuel, VI, 21). Aujourd'hui Kuryet-el-Enab, sur la route de Jaffa à Jérusalem.

«Guibéa de Dieu» (I Samuel, X, 5). Cette ville est située au nord de Jérusalem. Aujourd'hui Tel-el-Fûl.

«Bézek» (I Samuel, XI, 8). Aujourd'hui Ibzik, au nord de Guibéa, sur la pente de la montagne de Guilboa vers le Jourdain ; emplacement très propre à rassembler une armée, à une journée de marche de Jabès. Une bonne route conduit encore aujourd'hui de là au gué du Jourdain.

«En Guédi» (I Samuel, XXIV, 1). Le hameau, à un quart de lieue du bord de la mer, est dominé par une montagne calcaire à pie, dans les flancs de laquelle se trouvent de nombreuses cavernes. David pouvait se rendre en six ou sept heures de Maon à En-Guédi. Le voyageur Harper dit en parlant de ces hauteurs qui dominent le bord occidental de la mer Morte : « Des parvis de rocher d'une hauteur immense, des ravins infranchissables caractérisent cette région que la Bible nomme les rochers des bouquetins (I Samuel XXIV, 3), c'est décidément ce que j'ai vu de plus sauvage, sans en excepter le Sine ».«Sunem» (I Samuel, XXVIII, 4). Aujourd'hui Solam ou Sulem, ville d'Issacar (Josué XIX, 18), dans la partie orientale de la plaine d'Esdraélon, au pied du petit Hermon, massif montagneux situé à quelque distance au nord des monts de Guilboa.

«Guilboa» (I, Samuel, XXVIII, 4). Ville située au sud-est de cette même chaîne, du haut de laquelle Israël pouvait voir le camp des Philistins. La chaîne a 500 mètres de hauteur.

«Sion» (II, Samuel, V, 7). Ce nom désignait originairement la colline orientale de Jérusalem sur laquelle fut bâtie le Temple... On pense généralement que la forteresse Jébusienne, que remplaça bientôt la ville de David, aurait été située sur l'emplacement s'étendant au sud du Temple, là où commence la pente d'Ophel, qui descend par degrés jusqu'au lieu où se rencontrent la gorge du Tyropéon et la vallée du Cédron.

«Millo» (II, Samuel, V, 9). « Ce mot qui signifie remblai, paraît désigner ici un ouvrage de fortification qui barrait la vallée du Tyropéon et unissait la colline orientale à l'occidentale. Ce passage partait de la partie sud de la terrasse où fut bâti le Temple. C'était un remblai qui servait à protéger la ville haute, assez accessible par la vallée du Tyropéon, contre les surprises de l'envahisseur. Wilson a retrouvé en cet endroit les restes d'un pont, et encore à cette heure on reconnaît l'existence de cet antique remblai à la pente qui se fait sentir de ce point du Tyropéon et vers le nord et vers le sud. Cet ouvrage commencé par David fut ensuite agrandi par Salomon (I, Rois, IX, 15 et XI, 27) ». (Bible annotée, II, Samuel page 290).

«Rabba» (II, Samuel, XII, 26). Capitale des Ammonites. Rabba était dans un vallon bordé au nord et au sud par des hautes chaînes de collines ; la forteresse ou ville haute occupait la chaîne septentrionale, sur laquelle des voyageurs modernes et en particulier Tristram, ont retrouvé de vastes ruines.


SAMUEL

L'enfance de Samuel est rattachée au nom du souverain sacrificateur Héli et au souvenir des luttes d'Israël avec les Philistins. Tout ce que nous savons des Philistins est en harmonie avec ce que l'Ecriture nous en apprend, en particulier relativement au culte de Dagon, qui joue un rôle prédominant dans le récit sacré. On a confondu longtemps Dagon avec Ea, le dieu poisson. En réalité, et conformément au récit de Samuel, Dagon n'a rien à faire avec le symbole du poisson, mais bien plutôt avec le symbole du blé. C'est un dieu d'origine sumérienne qui est associé, dans les inscriptions, avec Anu, le dieu du ciel. Nous savons que son culte était répandu jusqu'en Babylonie, puisque Sargon inscrivit les lois de Harran « selon le désir des dieux Anu et Dagon ». Dagon est sans doute l'une des nombreuses divinités amorrites qui furent introduites en Babylonie comme le long de la côte palestinienne, partout où le vaste empire amorrite s'était étendu. En Canaan, Dagon devint Dagan, qui signifie blé et, ainsi, fut transformé en une divinité agricole ayant pour principale mission de veiller sur les moissons de céréales. Aussi les Philistins considèrent-ils l'invasion des souris (I, S., VI, 5) qui met leurs récoltes en danger, comme une offense directe à leur dieu Dagon.

L'auteur sacré nous informe que les Philistins, éprouvés par le double fléau des tumeurs et des souris, donnèrent, en signe de repentance et comme une sorte de réparation, « cinq tumeurs d'or et cinq souris d'or ». C'est là un trait, entre tant d'autres, qui montre l'exactitude du texte. Nous savons, en effet, que c'était la coutume, dans l'antiquité, d'offrir à la divinité une image du mal dont on avait été délivré cet usage se retrouve aux Indes. (Voir les exemples rapportés dans Burder « Oriental Customs », 6e édition, tome I, page 223, 224).

En ce qui concerne l'épisode si connu de la victoire de David sur Goliath, le géant, nous savons combien certains hommes de l'antiquité ont été puissants et immenses. La taille indiquée pour Goliath n'est pas une exagération. En Inde, au pied de l'Himalaya, on a trouvé, en 1838, un squelette de près de 3 mètres et, en 1879, on montrait, à Berlin, un géant chinois de 2 m. 79.

C'est surtout en ce qu'elle explique ou fait comprendre la rapide prospérité de David et l'extension de son royaume, que l'archéologie nous est précieuse pour cette époque.

Nous savons maintenant que, peu avant David, la puissance de Ninive avait passé par une éclipse. Voici ce qu'écrit à ce sujet M. George Smith : « Après la mort de Samsi-Bin, qui régnait vers 1080, l'empire d'Assyrie tombe dans l'oubli et les noms mêmes de ses souverains nous sont inconnus. Pendant cent cinquante ans les inscriptions ne nous fournissent qu'un rayon de lumière : elles indiquent un désastre des armées assyriennes ; le roi d'Aram défit les Assyriens sous le règne de Assurabamar (ou Assurirbi) ; Pethor et Mutkinu tombèrent et, avec ces villes, toute la région de l'Euphrate et du Naïri passe entre les mains des vainqueurs (1). »

La perte de Mutkinu, ville fortifiée par Tiglath-Piléser 1er, repoussa les Assyriens de la côte ouest d'Asie. Ce n'est qu'au cours du IXe siècle que nous les voyons de nouveau envahir la Syrie et la Phénicie.

La puissance de Babylone n'existe plus à cette époque. Quant à l'Egypte, elle est aussi sans force, ravagée par des guerres civiles qui lui enlèvent toute capacité conquérante. Il n'y avait, pour résister à David, que la haine et la jalousie des petits peuples de Palestine et de Syrie, qui furent vaincus les uns après les autres par le vaillant successeur de Saül.

Le chapitre VIII, du 2 ème livre de Samuel, nous donne des détails précieux sur les conquêtes de David. Tout d'abord, sa victoire sur Moab, le pays de Ruth. Puis Hadad-ézer, roi de Tsoba ou Zobah. Le nom de Tsoba apparaît dans les textes assyriens sous la forme Tsubiti. Dans les listes relatives aux tributs, Tsubiti est nommé entre Hadrach ou Damas et Samahla, la moderne Sinjerli. Le royaume de Hadad-ézer devait donc comprendre la région de la Syrie qui se trouve entre Hamath et l'Oronte, et allait des alentours de Baalbek aux alentours d'Alep et Karkémish au nord. Plus tard, Palmyre fut la capitale de ce royaume. Mais c'était, au temps de David, un royaume araméen, qui s'était élevé sur les ruines des Hittites et de Mitani. Ce royaume est un signe du réveil des Araméens Sémites qui avaient été si longtemps soumis aux envahisseurs venus du Nord.

Nous ne sommes pas étonnés d'apprendre que David trouva, dans sa lutte contre Hadad-ézer, un allié en la personne de « Toi, roi de Hamath ». Conformément aux indications de Il Rois, XIV, 28, Hamath avait été en contact direct avec Juda, ce qui est confirmé par les inscriptions cunéiformes. Hamath avait été longtemps en possession des Hittites et sans doute peu de temps avant David. Le roi Toï est sans doute d'origine Hittite, comme semble l'indiquer son nom qui ne paraît pas Sémite.

Quant à Hadad-ézer lui-même, les inscriptions nous parlent de lui et de son royaume. Il est appelé en assyrien :

Hadad-idri ; idri étant la forme araméenne de Ezer. Le récit sacré nous apprend que « David enleva de l'airain en très grande quantité de Bétach ou Tibhath et Bérothaï ». Tibhath est une ville dont nous parlent les inscriptions égyptiennes. C'est la ville appelée Tebah dans le livre de la Genèse (XXII, 24) et Tubikhu en égyptien. Il en est question dans la liste des cités conquises par Thotmès III et dans les tablettes de Tel-El-Amarna.

Dans le fameux ouvrage d'un scribe de Ramsès II, il est question du voyageur qui va du nord au midi de la Palestine et prend la route de Kadès à Tubakhi. Quant à la ville de Bérothaï, mentionnée aussi dans le livre de Samuel, elle apparaît aussi dans l'itinéraire du scribe égyptien après le nom de la rivière Magar ou Magoros et celui de la montagne de Shana. C'est sans doute la « Bartu » qui se trouve dans la liste de Thotmès III, peu après la mention de Damas et trois noms avant le « pays de Tubi » ou Tob. Ce Tubi ou Tob est certainement le même que le roi Thoï sur lequel Hadad-ézer voulait exercer sa suzeraineté.

Après avoir vaincu Hadad-ézer, David triompha des Edomites, « dans la vallée du Sel ». Cette vallée a été identifiée avec le Gor, au sud de la mer Morte. Cette victoire débarrassa David de ses derniers ennemis. Elle fut d'autant plus éclatante que la puissance des Edomites était encore très réelle, comme en témoignent les efforts infructueux des Egyptiens pour dominer sur le peuple intrépide.

Il ressort du texte que le pays d'Edom était alors très peuplé, alors qu'il n'est plus maintenant qu'un désert. Les récentes découvertes archéologiques dans la région de Pétra montrent, elles aussi, que ce pays a été autrefois prospère.


SALOMON

Le règne de Salomon nous montre Israël de plus en plus en relation avec les peuples païens, en particulier avec l'Egypte et avec la Phénicie. Ici encore, l'archéologie, sans nous fournir des inscriptions mentionnant expressément tel ou tel événement de ce règne illustre, nous donne cependant des informations fort utiles pour l'étude de cette période.

Les circonstances de la politique étrangère, qui avaient tellement servi David, servirent aussi, et plus encore, soit fils Salomon. Tout au moins, pendant la première partie de son règne, il put conserver intact et sans luttes l'immense empire qu'il avait reçu en héritage et qui s'étendait du « torrent d'Egypte » jusqu'à l'Euphrate. L'archéologie confirme cette période de prospérité inouïe pour Israël en nous montrant qu'à ce moment précis l'Assyrie, la Babylonie, la Syrie et l'Egypte sont essentiellement pacifiques, dépourvues de toute ambition conquérante à cause de leur faiblesse ou de leur épuisement. C'est l'heure, unique dans l'histoire du Peuple Elu, où presque toute la force et la richesse du monde civilisé d'alors se concentrent en ses mains. Si la prospérité matérielle avait été accompagnée de la prospérité spirituelle, la face de l'histoire aurait été changée et le Seigneur attendu, le Messie de la Promesse, aurait sans doute pu apparaître bien longtemps avant les débuts de l'empire romain. Malheureusement Salomon ne sut pas rester fidèle à son Dieu et le peuple se laissa entraîner, à partir de cette époque, à une immoralité, à une idolâtrie grandissante, dont le juste châtiment fut la défaite et l'exil et la perte définitive de l'indépendance nationale.

Une première faute commise par Salomon fut son mariage avec la fille du Pharaon d'Egypte. Il faut reconnaître, cependant, que ce ne fut point une faute au point de vue politique. Il est évident que Salomon avait intérêt à s'allier avec la cour d'Egypte, tout d'abord parce que l'Égypte était alors la nation la moins affaiblie et aussi parce que la Palestine avait besoin d'être en paix avec un pays aussi commerçant que le pays des Pharaons. Nous ne connaissons pas le nom du Pharaon qui donna sa fille à Salomon, mais il y a lieu de croire qu'il appartenait à la XXVe dynastie et qu'il était d'origine sémite. M. Maspéro hésite entre Psinakhès et Psiounkha ou Psousennès, pharaons de la XXIe dynastie, qui nous sont connus par les listes de Manéthon et dont la résidence était à Tanis (2).

Le livre des Rois nous informe que le roi Pharaon donna comme dot à sa fille la ville de Ghézer qu'il avait prise aux Cananéens (I, Rois, IX, 16). C'était, en effet, la coutume de donner des villes comme dot et l'on comprend que le Pharaon ait été très heureux de donner une ville cananéenne plutôt qu'une ville égyptienne. Il avait été d'autant plus poussé à prendre Ghézer que cette ville avait été longtemps sous la domination des Pharaons. Salomon, de son côté, ne pouvait qu'être reconnaissant de posséder l'une des dernières places fortes des Cananéens restées irréductibles et qui constituaient une fâcheuse menace pour la sécurité d'Israël. On a été longtemps sans rien savoir de Ghézer. Fort heureusement, en 1870, M. Clermont-Ganneau, le célèbre archéologue français, put en découvrir les ruines qui ont été depuis minutieusement explorées par Macalister, comme nous l'avons déjà vu à propos du livre de Josué. Ghézer est maintenant le Tel-el-Djézer, à trois milles environ de Khoulda. On y a trouvé plusieurs inscriptions qui portent son nom, et un grand nombre d'objets qui se rapportent à l'occupation égyptienne, à l'occupation cananéenne et enfin à l'occupation israélite.

Salomon se rendit, après son mariage, à Gabaon pour y sacrifier (I, Rois, III, 4). « Gabaon, aujourd'hui El-Djib, était bâtie sur une des nombreuses collines qui s'élèvent, en forme de mamelons, au-dessus du plateau de la plaine de Benjamin... Gabaon était située sur la partie la plus septentrionale d'une de ces collines, vis-à-vis de Maspha (Mitspa), placée au sud, sur une autre éminence. La route qui conduit à la mer, à Jaffa, passe, à peu de distance, au nord de l'élévation sur laquelle est bâtie El-Djib. Les flancs de la colline, disposés en terrasse, sont couverts de vignes et d'oliviers. A l'est, une source abondante sort d'un rocher et forme un large réservoir. Un peu plus bas, au milieu des oliviers, se trouvait un étang considérable, dont on voit encore les ruines. C'étaient sans doute les « grandes eaux de Gabaon » dont parle le prophète Jérémie (3). »

Salomon fut remarquable par sa sagesse. Le livre des Rois établit une intéressante comparaison entre sa sagesse, don du Seigneur, et celle des peuples païens. « La sagesse de Salomon surpassait celle de tous les fils de l'Orient et toute la sagesse de l'Egypte. » (I, Rois, IV, 30). Par cette expression, « les fils de l'Orient », l'auteur sacré entend sans doute les tribus de l'Arabie, jusqu'à l'Euphrate, surtout les Thémanites et les Sabéens qui avaient une réputation de science, et les Chaldéens, célèbres par leurs connaissances scientifiques (Esaïe, XI, 14, et Jérémie, XLIX, 7-28). Quant à la « sagesse de l'Egypte », nous la connaissons de mieux en mieux à mesure que les merveilleux monuments de la terre des Pharaons se révèlent à nous dans leur mystère. L'auteur sacré ne parle pas de la sagesse des Grecs, car la civilisation grecque était encore à naître.

Salomon révéla de bonne heure un génie organisateur de premier ordre. Il s'inspira sans doute de ce qu'il voyait autour de lui, mais rien dans l'ancienne Egypte, ni l'ancienne Chaldée ne peut se comparer à cette administration complexe et simple tout à la fois qui remplissait d'admiration tous les rois et tous les princes qui venaient rendre visite au grand roi. Même Ninive, même Babylone, dans toute leur gloire, n'eurent jamais une telle méthode, un tel équilibre dans la discipline du pays. Le livre des Rois nous donne une indication précieuse sur le sort des peuples cananéens que les Israélites avaient peu à peu vaincus et dont l'archéologie a identifié au moins deux. Ces descendants de puissantes nations, telles que les Amorrites et les Hittites, ne sont plus que des esclaves des Israélites. « Tout ce peuple qui était resté, des Amorrites, des Hittites, des Phéréziens, des Héviens et des Jébusiens, ne faisaient point partie d'Israël; leurs descendants qui étaient restés après eux dans le pays et que les fils d'Israël n'avaient pu vouer à l'interdit, Salomon les leva comme serfs de corvée. » (I, Rois, IX, 20-21). Après Salomon, il n'est presque plus fait mention de ces réchappés de la conquête qui finirent sans doute par s'amalgamer, mais restèrent toujours en dehors d'Israël, et toujours prêts à lui faire obstacle.

La sagesse de Salomon acquit bientôt une telle renommée que, de tous côtés, les grands venaient pour l'entendre. La visite la plus célèbre que reçut Salomon fut, sans contredit, celle de la reine de Séba, qui a laissé des traces profondes dans les traditions orientales. Nous n'avons pas de documents qui relatent cette visite, mais les inscriptions égyptiennes ou assyriennes nous font connaître le rôle joué, dans l'antiquité, par plusieurs reines de grand renom. Il y a eu des reines, en particulier, à la tête de certains pays de l'Arabie, où Séba était situé. C'est ce que nous apprenons par les bas-reliefs qui représentent l'expédition de la reine égyptienne Hatséput, de la XVIIIe dynastie, dans le pays de Tancter, en Arabie. Les monuments assyriens mentionnent aussi des reines arabes qui régnaient du temps d'Essarhaddon comme aussi du temps de Tiglath-Piléser II (4).

Salomon fut grand aussi comme constructeur. Il bâtit de splendides demeures, des fortifications et même des villes. Nous avons déjà parlé de Ghézer qui lui avait été donnée comme dot de sa femme, la fille du Pharaon et qu'il reconstruisit (I, Rois, IX, 17). Il reconstruisit aussi une autre localité identifiée par l'archéologie et dont nous avons déjà parlé, la Basse Beth-Horon (V. Josué, X, 11). Beth-Horon est aujourd'hui le village de Beit-ur-Tachta. Il construisit ou reconstruisit aussi Thamar (I, Rois, IX, 18) que plusieurs savants ont identifiée avec la fameuse Palmyre, longtemps capitale de toute une partie de la Syrie et dont les ruines sont encore si importantes. Palmyre était située au nord-est de la Palestine, dans le désert syrien et servait d'entrepôt entre Damas et l'Euphrate. Il ne serait pas surprenant que Salomon ait posé les bases de cette ville admirablement située et dont le rôle fut longtemps considérable. Nous savons, en effet, que Salomon ne se borna pas à bâtir à Jérusalem et dans la région avoisinant la capitale, mais aussi « au Liban et dans tout le pays de sa domination » (I, Rois, IX, 19). Or il est certain que la région où se trouvent les ruines de Palmyre appartenait alors à Israël.

Mais la grande oeuvre de Salomon fut sans contredit le Temple. Les critiques ont eu l'audace de nier la construction du Tabernacle dans le désert, faisant ainsi de presque tout le Pentateuque un tissu d'incohérences et de faux. Ils auraient bien voulu pouvoir nier aussi la construction du Temple, mais cette prétention leur est impossible, car le Temple de Salomon a laissé des ruines qui se révèlent et livrent de plus en plus leur secret. Depuis de longues années, mais surtout dernièrement, d'importants travaux ,ont permis de reconnaître, en une mesure tout au moins, les formidables fondations de cette merveille. Voici ce qu'écrit à ce propos la « Bible annotée » - « L'emplacement du Temple, choisi déjà par David (II, Chron., III, 1), fut cette montagne de Morija sur laquelle Abraham s'était rendu de Béersheba pour offrir son fils en holocauste (Genèse, XXII, 2). C'était la colline orientale de Jérusalem, qui était située entre le ravin du Tyropéon et la vallée du Cédron, et dont les pentes méridionales avaient porté la citadelle des Jébusiens et reçu le palais et la cité de David... C'était là la colline de Sion, moins élevée de trente-huit mètres que la colline occidentale à laquelle la tradition a, par erreur, appliquée ce nom. Comme elle était naturellement d'une surface peu étendue, Salomon fit des travaux considérables pour créer sur ses déclivités les terrasses qui devaient porter ses palais et, à l'étage supérieur, le Temple et ses parvis. L'Ecriture ne parle pas de ces travaux de terrassement, mais des études récentes, faites sur le terrain, permettent de s'en rendre compte et de comprendre tout ce qu'il a fallu de travaux pour aplanir la surface du roc et obtenir pour le Temple une assiette convenable... Dans les assises inférieures du Haram actuel, on croit avoir retrouvé les restes des murailles élevées par Salomon pour soutenir et agrandir le mont Sion.

« Les gigantesques substructions qui ont été mises à jour expliquent la masse énorme d'ouvriers employés aux travaux du Temple. Cet emplacement existe encore aujourd'hui; les Arabes lui donnent le nom d'Haram-esch-Schérif (le noble sanctuaire). Au centre de cette vaste enceinte, sur une plate-forme haute de trois mètres, s'élève la mosquée d'Omar, appelée le Dôme-du-Rocher. Trois Temples, celui de Salomon, celui de Zorobabel et celui d'Hérode, se sont succédé sur cette plate-forme avant qu'elle fût occupée par la mosquée musulmane.

« Plusieurs savants ont cru retrouver dans l'architecture du Temple des traces de l'influence égyptienne ou phénicienne. Il ne serait pas étonnant que, Salomon ayant employé des ouvriers étrangers, ceux-ci eussent fait prévaloir leurs goûts et leurs habitudes dans l'exécution de quelques détails. Mais les lignes générales de la construction sont trop fortement empreintes du génie de la religion israélite pour avoir pu être empruntées aux cultes païens environnants. L'ordonnance générale était celle du Tabernacle dont Moïse avait contemplé le modèle sur Sinaï (Exode, XXV, 40). Le plan détaillé du Temple était dû à David (I, Chro., XXVIII, 11) qui, lui-même, le rapportait à l'inspiration de l'Esprit divin. Il est bien certain que tout dans ce sanctuaire était exactement approprié aux exigences de l'esprit et du monothéisme israélite (5). »

Salomon eut besoin de beaucoup de cèdres pour le Temple et pour sa maison royale. Il est intéressant de remarquer que l'emploi du cèdre fut très fréquent, dans l'antiquité, pour la construction des temples et des palais. Les rois de Ninive, qui dominèrent à diverses reprises sur le Liban, se faisaient donner en tribut une certaine quantité de bois de cèdre et de cyprès ; Assurnasirpal raconte qu'on transportait ces arbres par mer dans des vaisseaux d'Arvad et Assurbanipal dit, dans un de ses cylindres, qu'il a employé des cèdres du Liban pour construire son palais.

Quant aux immenses pierres nécessaires pour les fondements de la maison, « les pierres de choix », elles furent extraites sans doute des carrières du Liban ; mais on a trouvé des carrières de pierre près de Jérusalem qui ont peut-être servi aux travaux de soutènement préparatoires à la construction du Temple. L'entrée de ces carrières dont parle Tacite (Histoire V. 12) fut accidentellement découverte, en 1854, par la chute d'une partie du mur de la ville, près de la porte de Damas (du nord). L'étendue de ces cavernes est considérable.

Ces travaux gigantesques exigeaient un énorme personnel et l'on comprend que les chiffres donnés par le livre des Rois (I, Rois, V, 12-16) soient conformes à la réalité. Hérodote raconte que l'on mit vingt années et que l'on employa 100.000 hommes relayés tous les trois mois, à la construction de la pyramide de Chéops (Hérodote, II, 124). Ramsès, pour dresser un obélisque, avait besoin de 20.000 hommes. Il est utile de consulter, à ce sujet, les détails donnés sur la construction des pyramides par M. Maspéro, dans son « Histoire ancienne de l'Orient » (page 68).

Toutes ces entreprises colossales qui suffiraient, à elles seules, à rendre le nom de Salomon à jamais illustre, ne furent possibles qu'avec la collaboration de plusieurs peuples et que grâce à l'état de paix qui régnait alors entre l'Egypte, la Palestine et la Mésopotamie. Salomon dut faire appel, en particulier, au concours de l'Egypte et de la Phénicie. Il tirait ses chevaux et ses chars d'Egypte (I, Rois, X, 28-29). Les monuments égyptiens confirment ce détail en nous montrant le cas que les Egyptiens faisaient de leurs chevaux dont l'exportation en divers pays était pour eux l'une des principales sources de revenus. Les habitants de la vallée du Nil avaient pu former une race de cheval particulière (6). Assurbanipal mentionne dans son butin à Thèbres « de grands chevaux ». La race des chevaux égyptiens était remarquable par sa force et sa souplesse ; aussi ne sommes-nous pas étonnés de voir Salomon acheter des chevaux en Egypte, chevaux qu'il lui était ensuite facile de revendre en Syrie, après s'en être servi. L'Egypte >était aussi célèbre par ses chars, à deux roues, très rapides, traînés par deux chevaux. On voit souvent des représentations de ces chars sur les bas-reliefs.

Ce fut surtout avec la Phénicie et Hiram, roi de Tyr, que Salomon eut affaire pour la construction du Temple. Conformément aux données archéologiques, Tyr était alors en pleine prospérité, mais ne jouissait sans doute pas d'une pleine indépendance. Il semble bien que Hiram était plus ou moins tributaire de Salomon. Il avait, en tout cas, des raisons majeures de se montrer extrêmement serviable et conciliant à l'égard de Salomon, même quand celui-ci lui fait des cadeaux, en paiement des services rendus, qui ne lui plaisent qu'à moitié (I, R., IX, 13). Hiram avait une flotte qui avait alors la suprématie en Méditerranée. Salomon en avait une aussi qui était appelée « flotte de Tharsis » (I, Rois, X, 22), c'est-à-dire une flotte composée de bateaux semblables à ceux que les Phéniciens employaient pour aller à Tharsis (en Espagne). Grâce à cette flotte qui naviguait constamment, Salomon avait des relations suivies avec l'Inde, comme l'indique l'énumération des marchandises apportées, tous les trois ans, par les bateaux : « De l'or. de l'argent, de l'ivoire, des singes et des paons. » (I, Rois, X, 22).

Salomon, maître du golfe Persique, était d'une grande utilité à Hiram dont la flotte allait souvent dans ce golfe et y recueillait le produit des caravanes venues de la Mésopotamie et même de l'Inde. Les caravanes avaient amené la création, depuis longtemps déjà, de ports dans le golfe Persique. M. Lindsay écrit à ce sujet: « Comme les caravanes de l'Idumé allaient et venaient sans cesse entre l'Egypte et les frontières de l'Arabie, la fondation des ports d'Elath et d'Aziongaber avait été une nécessité. Mais quand David se fut emparé de ces villes, elles acquirent une plus grande importance qu'entre les mains d'Hadad ou de tout autre prince iduméen (7). » Aziongaber, surtout, devient un port d'une grande utilité et c'est de là que Salomon faisait partir sa flotte pour Ophir.

Ophir a été un mystère, une source de contestation entre les géographes, les archéologues. Les uns la situent en Afrique, d'autres en Arabie, d'autres dans l'Inde. Il semble bien que ce soit cette dernière thèse qui est la plus vraisemblable, tout d'abord à cause de la nature même des objets rapportés par la flotte et qui sont d'origine indienne et aussi à cause de la longue durée du voyage, qui s'explique bien mieux avec l'Inde qu'avec l'Afrique ou avec l'Arabie. Rien ne nous empêche de croire que les marins de Hiram et ceux de Salomon aient été assez hardis pour aller chercher de l'or et de l'ivoire et des animaux rares en Inde comme ils allaient chercher l'argent en Espagne et l'étain en Grande-Bretagne.

L'énorme quantité d'or rapportée par la flotte est venue sans doute de l'Inde qui, dans toute l'antiquité, fut célèbre par l'abondance de l'or qui s'y trouvait. Peut-être pouvons-nous ici rappeler ce détail qui a sa valeur : c'est que dans l'île de Sumatra il y a une montagne que l'on appelle Ophir et qui contient d'anciennes mines d'or qui ont été considérables. La tradition de ce pays veut que la flotte phénicienne venait se ravitailler en or à Sumatra. Cette tradition nous paraît plausible.

Disons enfin quelques mots de la chronologie de Salomon selon les données archéologiques. Nous savons par le livre des Rois que le Pharaon Schischak vivait du temps de Salomon puisque Jéroboam, qui conspirait contre Salomon, dut s'enfuir et se réfugier auprès de « Schischak, roi d'Egypte, auprès duquel il demeura jusqu'à la mort de Salomon » (I, Rois, XI, 40). Nous savons d'autre part, que Jéroboam, fils de Nébah, commença à « lever la main contre le roi » lorsque celui-ci bâtissait Millo et fermait la brèche de la cité de David, son père » (I, Rois, XI, 27). Ce Schischak n'est évidemment pas le beau-père de Salomon, mais, sans doute, son successeur. Ce Pharaon, à l'inverse du précédent, était hostile au peuple d'Israël et il entreprit l'invasion de Juda, cinq ans après la mort de Salomon. On trouve à Karnak une inscription qui relate cette invasion dont parle aussi la Bible (I, Rois, XIV, 25). Ces différentes données permettent d'établir à peu près la durée du règne de Salomon et de préciser le commencement de son règne. Il semble bien que l'on puisse indiquer la date de 962 pour le commencement du règne et le chiffre de 32 ans pour la durée. Ces chiffres nous permettent de porter à l'année 1002 le début du règne de David et à 1040 environ la fondation de la royauté par Saül, à peu près 60 ans après que le roi assyrien Assur-bil-Kala établissait des statues en son honneur dans les villes et les districts de ce qu'il appelait « le pays des Amorrites ». (A.-H Sayce: « The Higher Criticism and the verdict of the monuments », pages 320-323).

A partir de Salomon, l'étude des relations du Peuple élu avec les puissances qui l'environnent et le menacent devient de plus en plus instructive. Désormais, la vie d'Israël va être plus que jamais dépendante de celle de la Syrie, de l'Assyrie, ou de la Babylonie et les confirmations apportées par l'archéologie aux récits bibliques vont devenir de plus en plus fréquentes et précises.


1) G. SMITH, Ancient History from the monuments : Assyria. P. 34.

2) MASPERO, Histoire ancienne des Peuples de l'Orient. p. 323.

3) Abbé F. VIGOUROUX, tome III. p. 443 et 444.

4) Consulter à ce propos : BOSCAWEN, Transactions of Biblical Archoeology, 1875. tome IV, P. 87, et aussi : TALBOT, Records of the Post tome III, P. 106 et 107.

5) Bible annotée, I Rois, P. 57.

6) MARIETTE, Fouilles en Egypte. - Mariette dit que, vers 74.5, l'Egypte était divisée en un grand nombre de petites principautés qui avaient chacune son haras.

7) LINDSAY, History of merchant shipping and Ancient Commerce. tome II. p. 26 et 27.

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