Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

L'EXODE



VERS LA MER ROUGE
LE PASSAGE DE LA MER ROUGE

VERS LA MER ROUGE

Le voyage des Israélites vers la mer Rouge est raconté avec beaucoup de précision dans le texte sacré. Malgré cette précision, ce récit a longtemps été mis en doute, faute de certaines connaissances qui maintenant tendent de plus en plus à s'imposer comme absolument sûres. On ne savait pas autrefois que, au temps de Moïse, le golfe de Suez avançait beaucoup plus au nord. « Il s'étendait, dit M. Flinders Petrie, jusqu'aux lacs au delà de Ismaïliah jusqu'à Ero, c'est-à-dire Pithom (1). » C'est là l'opinion de plusieurs géologues et de plusieurs égyptologues, conformément, d'ailleurs, aux déclarations de certains auteurs latins.

Nous ne pouvons mieux faire que de donner ici la parole à M. Edouard Naville dont les découvertes à Pithom et dont les remarquables études ont enfin apporté la solution du problème qui paraissait insoluble. Grâce à lui, nous pouvons suivre les Israélites pas à pas et en stricte conformité avec le texte biblique. Les amis de la Bible doivent une grande reconnaissance au savant qui a le plus contribué, sur ce point délicat, à justifier le récit sacré. En face des faits tels que M. Naville les a reconstitués avec une admirable sagacité, toutes les théories péniblement accumulées par la critique s'écroulent et l'unité parfaite de ce récit apparaît en pleine lumière.

Ecoutons M. Naville à qui on a reproché de ne pas connaître l'hébreu, mais à qui l'on ne saurait reprocher de ne pas connaître l'égyptien, ni l'Egypte: « Les fouilles de Pithom ont jeté une vive lumière sur la direction de la route de l'exode et sur ses haltes. L'identification de l'emplacement d'Héroopolis, qui, selon Strabon, Pline et le géographe Ptolémée, était située à l'extrémité du golfe Arabique, a montré que la mer était très près de la région habitée par les Israélites ; on pouvait l'atteindre sans longues marches. Des géologues comme Du Bois-Ayme, Linant Bey, le Prof. Hull et Sir William Dawson avaient déjà établi par les sciences naturelles que la mer Rouge s'étendait autrefois beaucoup plus au nord qu'actuellement, mais ici les inscriptions latines nous ont fourni la preuve qu'il en était ainsi à l'époque romaine.

« Les enfants d'Israël (XII, 17) partirent de Ramsès pour Succoth. » Nous devons donner ici à « Ramsès » le sens de « pays de Ramsès ». Dans la Genèse, cette appellation paraît synonyme de pays de Gosen, dont le centre devait être à l'est de Bubastis, maintenant Zagazig. De là, ils marchèrent jusqu'à Succoth... Succoth est la forme hébraïque de Thuket ou Thukot, la région où Pithom était construite. Le nom de Thukot contient en égyptien un signe indiquant sa provenance étrangère ; ce n'est pas un nom égyptien. Je le crois africain ; il se rencontre dans plusieurs langues chamitiques du nord de l'Afrique où il signifie un pâturage... « Dans cette partie du voyage des Israélites, l'eau était abondante, puisqu'ils suivaient le canal d'eau douce, allant de Bubastis à la mer Rouge. En quittant Succoth, ils longèrent le golfe Arabique, et atteignirent le désert d'Ethom (XIII, 20). De là, ils pouvaient traverser tout droit le désert, en se dirigeant vers la partie sud de la Palestine, vers Beersheba. C'était la route suivie par Jacob, venant avec sa famille s'établir en Egypte. Les caravanes l'utilisèrent jusqu'au XIXe siècle.

... « En arrivant au bord du désert d'Etham, les Israélites pouvaient se considérer hors d'Egypte, ils n'avaient plus qu'à attendre avec impatience le jour heureux où, ayant traversé le désert, ils atteindraient la terre promise. Mais ils couraient un grand danger au cas où le désir de les poursuivre viendrait au roi d'Egypte. Ses chars de guerre auraient vite fait de rattraper cette multitude, incapable de marche rapide, et son armée eût massacré ces fugitifs, dépourvus de tout moyen d'échapper. Ceci parait être la raison du commandement que reçurent les enfants d'Israël, et qui dut leur paraître bien extraordinaire, de nature même à ébranler la confiance en leur chef. Il leur fut prescrit non pas de modifier la direction de leur marche, d'aller plus au sud, ou plus au nord ; il leur fut positivement ordonné de revenir sur leurs pas (Exode, XIV, 1) : « L'Eternel parla à Moïse et dit : Parle aux enfants d'Israël ; qu'ils retournent et qu'ils campent devant Pi-Hahiroth, entre Migdol et la mer, vis-à-vis de Baal-Tsephon ; c'est en face de ce lieu que vous camperez, près de la mer. Pharaon dira des enfants d'Israël : Ils sont égarés dans le pays ; le désert les enferme. »

... « A première vue, cet ordre est en effet très étonnant. Au lieu d'avancer tout droit sur une route tout à fait libre, il leur est dit de rebrousser chemin et de marcher au sud, vers un point défini, où ils auront en face d'eux la mer, obstacle insurmontable entre leur camp et le désert. Il semble qu'il leur soit ordonné de se jeter dans une trappe.

... « Bien que le récit de la Bible soit très concis, sans aucun détail superflu, il cadre si bien avec les circonstances, surtout avec les lieux qu'il est impossible de ne point l'attribuer à un témoin.

... « Pi-Hahiroth est le nom égyptien, prononcé par les Hébreux Pi-Kerehet ou Pi-Keheret. Nous apprenons par la grande inscription connue sous le nom de Stèle de Pithom qu'il y avait un sanctuaire d'Osiris à une faible distance de Pithom : c'était le Serapeum, mentionné sur l'itinéraire d'Antonin, comme distant de 18 kilomètres d'Ero, Héroopolis. A mon avis, ce Sérapeum, Pi-Hahiroth, est la grande ville romaine au pied du Djebel-Miriam, au sud du lac Timsah. Telle est la limite septentrionale. Celle du sud-est Migdol, nom signifiant en hébreu une tour. Il se rencontre dans les textes hiéroglyphiques. Plusieurs papyrus du Musée britannique nous fournissent des renseignements sur ce Migdol... Migdol était une tour d'observation que je placerais, d'après l'aspect de la contrée, sur la hauteur appelée par les Français le Sérapeum, et où se voyait, il y a une trentaine d'année, une tablette en égyptien et en cunéiforme, dédiée par Darius. Cette tour d'observation était nécessaire, comme nous allons le voir, du fait que, par un phénomène se produisant de temps à autre, les nomades trouvaient le lac ouvert et pouvaient alors facilement le traverser à gué et piller les domaines royaux sur l'autre rive. Les pâturages près de Pithom appartenaient au roi ; nous le savons par un papyrus où ils sont appelés le grand domaine ou la ferme du bétail. C'est pourquoi les Septante disent au lieu de « devant Pi-Hahiroth », « devant la ferme ».

« Vis-à-vis de Baal-Tsephon ». La plupart des commentateurs s'accordent à dire que ce n'était pas une ville, ni même un village, mais le lieu de culte d'une divinité sémitique, ayant la forme et le nom de Baal. C'était, comme l'explique le Targum, le sanctuaire d'une idole, d'aspect inconnu, peut-être une simple pierre. Le nom Baal-Zapouna, sous sa forme égyptienne, est mentionné dans un papyrus, comme étant hors d'Egypte, de l'autre côté de la mer. Nous avons tout lieu de le considérer comme un lieu saint, ainsi que les tombes des scheiks, bâties en général sur les collines et où la population s'assemble en certaines occasions. De nos jours, un endroit de ce genre existe encore dans la contrée.

... « Nous connaissons maintenant les limites du lieu de campement des Israélites. Au nord Pi-Hahiroth, Pi-Kerehet, non loin de Pithom, au pied du Djebel-Miriam d'aujourd'hui; au sud-est Migdol, la butte près de la station du canal, appelée maintenant le Sérapeum; devant eux la mer et, en face, sur la côte asiatique, une colline surmontée du sanctuaire de Baal-Tsephom.

... « De Ramsès à Succoth, la marche n'est pas longue, et sans doute la joie de se sentir libres et le désir d'être le plus vite possible hors de la portée de leurs oppresseurs communiquèrent aux Israélites des forces toutes nouvelles. On peut supposer que cette première marche lut plus ou moins une marche forcée ; ils s'avancèrent aussi loin que possible dans la région des pâturages de Succoth. De là jusqu'à l'entrée du désert d'Ethom, qui doit avoir été l'emplacement de la ville d'Ismaïliah, ils ne durent guère avoir à marcher plus de six à sept kilomètres, et quand ils rebroussèrent chemin et longèrent le lac Timsah actuel, ce ne fut pas une étape de toute une journée. Leurs marches, ainsi qu'elles sont décrites dans l'Exode, n'offrent donc aucune difficulté insurmontable. C'était tout le contraire avec l'ancienne explication qui fixait aux environs de la ville actuelle de Suez le passage de la mer Rouge. Cette route suppose de longues marches pour une grande multitude de piétons et qu'une caravane de chameaux aurait déjà peine à accomplir. En outre, les Israélites auraient rencontré sur ce chemin un sérieux obstacle : ils auraient eu à franchir la chaîne du Djebel-Geneffeh, d'une hauteur considérable et d'accès difficile (2). »

La situation des enfants d'Israël paraît désespérée, Derrière eux, le désert ; devant eux, la mer. Tout à coup, la crainte devient de l'angoisse : des Egyptiens approchent ; on voit apparaître « tous les attelages de Pharaon, ses cavaliers et son armée » (Exode, XIV, 9). Ici encore, donnons la parole à M. Naville: « Là, de nouveau se discerne l'oeil du témoin. Il a vu les événements qu'il décrit. Il a levé les yeux « et voici, les Egyptiens étaient en marche ». Il a entendu les Israélites accabler de reproches leurs chefs :

« N'y avait-il pas des sépulcres en Egypte, sans qu'il fût besoin de nous mener mourir au désert ? Que nous as-tu fait en nous faisant sortir d'Egypte ? » Ces paroles ne sont pas les inventions d'un auteur écrivant plusieurs siècles après. Dans sa langue si concise, Moïse décrit l'angoisse et la terreur du peuple sur le point de se révolter contre lui ; ce qui lui permit de demeurer parfaitement calme au milieu de ce déchaînement de colère et d'effroi, ce fut sa confiance absolue en l'Eternel. « Ne craignez rien, restez en place et regardez la délivrance que l'Eternel va vous accorder en ce jour... l'Eternel combattra pour vous, et vous, gardez le silence. » (XIV, 13-14). Cette confiance est récompensée par la réponse : « Pourquoi ces cris ? Parle aux enfants d'Israël ; et qu'ils marchent. » En jugeant ce récit purement au point de vue littérature, il présente le caractère d'une scène vécue, en harmonie parfaite avec la précision remarquable des données géographiques, révélant un auteur qui connaît à fond l'endroit dont il parle. » (p. 124-125).

Ce que Moïse nous dit de l'armée égyptienne est conforme à ce que nous en savons. L'une des principales forces de cette armée était ses chars. Dès le commencement de la XVIIIe dynastie, les chariots furent l'élément essentiel des troupes des Pharaons. Diodore affirme que l'armée de Sésostris (Ramsès II) en comptait vingt-sept mille. Il y avait diverses catégories de chars. Le récit sacré mentionne ici les plus rapides et les plus redoutables, qu'il appelle « les chars d'élite ». On comprend que la vue de tous ces chars et de tous ces soldats fût de nature à plonger le peuple dans l'épouvante. Mais nous savons comment la force du Pharaon se tourna contre lui puisque ses chars et ses chevaux furent anéantis en un instant par les flots.


LE PASSAGE DE LA MER ROUGE

Le passage de la mer Rouge est l'une des plus remarquables délivrances que Dieu ait jamais accordée à des hommes. Sans doute, Dieu s'est servi ici d'une force naturelle, d'un « vent violent d'Orient qui souffla toute la nuit » et grâce auquel « les eaux se fendirent ». Mais l'emploi du vent n'enlève rien au caractère miraculeux de cet événement unique, dont le souvenir devait rester gravé, de génération en génération, dans le coeur des peuples. Ce qui est providentiel, c'est l'action du vent à ce moment précis, sa force suffisante pour refouler les eaux et pour laisser un vaste espace à sec qui pût permettre à une foule très nombreuse de passer sans encombre ; ce qui est providentiel, c'est la continuation du phénomène libérateur jusqu'au moment où tout le peuple est de l'autre côté de la mer et en parfaite sécurité ; alors, mais alors seulement « les eaux revinrent et couvrirent les chars et ceux qui les montaient » (Exode, XIV, 28).

Sans chercher à rien enlever au miracle, il est intéressant de faire remarquer qu'il n'est en aucune manière invraisemblable, surtout si l'on s'en tient aux données bibliques et si l'on accepte la situation indiquée par M. Naville pour Pi-Hahiroth. Il est certain, en effet, qu'à cet endroit la mer était spécialement étroite et peu profonde. Voici ce que M. Naville écrit à ce sujet : « Des voyageurs en Egypte ont souvent remarqué que lorsque un vent violent souffle d'un certain côté, la mer se retire, parfois sur une grande étendue, et revient dans son ancien lit, aussitôt que le vent cesse ou change de direction. Ce phénomène n'est pas rare au lac Menzaleh, en communication avec la mer, au lac Bourlos et dans d'autres parties de l'Egypte. Qu'il se soit produit dans la partie s'étendant entre le lac Timsah et les lacs Amers, rien n'est plus plausible ; d'ailleurs, l'élévation graduelle du sol qui, à une époque postérieure, sépara le lac Timsah des lacs Amers, se faisait déjà sentir ; la mer devait y être peu profonde et de peu de largeur.

« La description donnée du phénomène, surtout ce détail que l'eau leur servait de muraille, indique un courant ne pouvant être produit que par la marée. Car le fait de l'eau dressée comme un mur est la caractéristique de cette manifestation naturelle, lorsqu'elle se produit dans une rivière. Il existe des récits authentiques d'une semblable ouverture des eaux du Rhône à Genève, provoquée par un vent très violent. Il est dit positivement que les gens purent traverser le lit du fleuve à sec d'un bord à l'autre, et que l'eau avait l'aspect d'une muraille. En ce qui concerne les Hébreux, le sol qu'ils foulaient devait être un sol sablonneux, et tandis qu'ils pouvaient facilement y marcher, c'était au contraire un sol des plus mauvais pour des chars dont les roues s'embourbaient, ce « qui rendait la marche difficile » (v, 25) (« Archéol. de l'Ancien Test. », p. 123, 124).

Nous ne trouvons pas, dans les documents égyptiens, de confirmation positive du départ des Israélites. Cet épisode n'était pas un souvenir heureux pour les rois et nous savons qu'ils ne relataient que leurs victoires. De plus, nous l'avons dit, les Israélites devaient être particulièrement détestés des Egyptiens à cause de leurs relations amicales avec les Hyksos ; tout ce qui rappelait de près ou de loin cette dynastie usurpatrice était odieux aux yeux des Egyptiens.

Cependant, nous possédons un document très intéressant qui a probablement trait à l'Exode (3). Parmi les papyrus conservés au British Museum, se trouve une lettre écrite par un scribe, au roi, au cours de la huitième année de Menephtah, le Pharaon de l'Exode. Voici cette lettre: « Un autre sujet de satisfaction pour le coeur de mon maître : Nous avons permis aux tribus des « Shasu » venus du pays d'Edom, de traverser la forteresse de Menephtah dans la région de Thuku, et d'aller aux lacs de Pithom, de Menephtah dans le pays de Thuku, pour qu'ils puissent se nourrir et nourrir leurs troupeaux sur le grand domaine de Pharaon, le soleil bienfaiteur de toutes les contrées. Dans l'année 8 (4). »

Il est très probable que ces « Shasu » ou Bédouins, autorisés à s'installer dans la région de Pithom, purent obtenir la permission qu'ils réclamaient à cause du récent départ des Israélites qui laissaient la place disponible. On comprend que cette autorisation ait été accordée facilement et que l'arrivée des nouveaux bergers soit considérée comme un sujet de joie, peut-être comme une sorte de consolation, pour le Pharaon humilié, et appauvri par le départ des Hébreux.

1) Flinders PETRIE, p. 39.

2) Edouard NAVILLE, Archéologie de l'Ancien Testament. p. 116, 118, 121, 122, 125, 126.

3) Voir aussi l'Appendice D : Ménephtah.

4) BRUGSCH Egypt under the Pharaons, traduction anglaise, 2e édition, II, P. 133.

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