Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

II.- LE PARADIS ET LA CHUTE



L'ARBRE SACRE
LA CHUTE

La description qui nous est donnée du Jardin d'Eden est d'une précision remarquable. Il est bien évident que nous sommes ici en présence d'un récit qui se donne comme historique et non point d'un mythe. Les découvertes archéologiques nous permettent d'en comprendre le détail.

Tout d'abord, il est manifeste que la région désignée par Moïse a été longtemps célèbre par son extraordinaire fertilité. Cette région, désignée surtout par les deux fleuves du Tigre et de l'Euphrate, était encore, au temps d'Hérodote, remarquable par sa richesse, surtout en céréales. Voici ce qu'il écrit à ce sujet : « De tous les pays que nous connaissons, celui-ci est le plus riche en grains. La récolte est souvent de deux cents et même de trois cents pour un grain. Ce que j'ai déjà écrit au sujet de la fertilité de la Babylonie peut paraître incroyable à ceux qui n'ont jamais visité le pays. Les palmiers abondent dans la plaine (1). »

 

C'est aussi le témoignage de Théophraste, disciple d'Aristote (Hist. Plant., VIII, 7, et de Zosime (Livre III, p. 173-179). Ammianus Marcellinus déclare qu'une végétation luxuriante s'étendait de la Babylonie jusqu'au golfe Persique.

Des quatre fleuves qui sont mentionnés au chapitre II de la Genèse, deux sont connus de tous : le Tigre et l'Euphrate. Le Tigre est désigné ici sous le nom de Hiddékel. Dans les inscriptions cunéiformes assyro-babyloniennes, ce fleuve est appelé Idiklat ou Diklat. Diklat devint, en syriaque, Diglâth ; en arabe, Digla ; en perse cunéiforme, Tigrâ et, en grec et en latin, Tigris. Seul Pline conserve l'orthographe ancienne sous la forme Diglito. (Hist. Nat. VI, 27). L'hébreu Hiddékel se rapproche beaucoup du cunéiforme primitif Idiklat ou I-dig-lat. Nous retrouvons la forme Hiddékel dans un autre passage de l'Ancien Testament : :« Le vingt-quatrième jour du premier mois, j'étais assis sur le bord du grand fleuve Hiddékel. » (Daniel, X, 4). L'Euphrate apparaît' dans les inscriptions assyro-babyloniennes sous la forme Purât ou Purâta ; dans les inscriptions perses sous la forme Ufratush ; d'où est venu le grec « Euphratès » ; en arabe, nous avons Furat au Frât. L'hébreu Perâth est très proche de l'assyrien Purât.

On est loin d'être d'accord en ce qui concerne les deux autres fleuves : Pischon ou Phison et Guihon ou Géhon. Cependant la précision du texte sacré ne permet pas de mettre en doute leur existence. Le premier de ces deux cours d'eau est « celui qui entoure tout le pays de Havila ». Ce terme désigne la partie de l'Arabie qui avoisine par le nord la Babylonie et qui longe à l'est le golfe Persique. Moïse indique clairement ce qu'il entend par le « pays de Havila » quand il ajoute: « OÙ se trouve l'or; et l'or de ce pays est le bon ; c'est là aussi que sont le bdellium et la pierre d'onyx. » Dans sa très intéressante étude sur le « pays de Pount et les Chamites », parue en 1926 dans la « Revue archéologique », Edouard Naville vient apporter une précieuse confirmation au texte biblique : « Havilah, joint à Séba et à Ophir (2), est certainement une partie de l'Arabie. Il produit le bdellium, une sorte de gomme résineuse, de myrrhe ou de baume; il appartient donc à la région des aromates, à la côte de l'Arabie, et l'inscription de la monnaie « bon or » veut dire or d'Arabie. Je serais tenté de croire que ce « bon or » d'Arabie est celui que Diodore appelle « apuros » et dont il dit qu'il n'est pas trouvé en petits morceaux qu'il faut joindre par l'action du feu, mais qu'il sort de la mine parfaitement pur, en lingots de la grandeur d'une châtaigne, et d'une couleur tellement brillante que quand les orfèvres s'en servent pour sertir les pierres les plus précieuses, cela fait des ornements de la plus grande beauté. »

Que doit-on entendre par le fleuve Pischon qui « entoure tout le pays d'Havila » ? Ce nom n'apparaît dans aucun autre texte. L'opinion générale est que ce terme désigne une branche de l'Euphrate, à l'ouest, qui bordait en effet le désert d'Arabie et allait se jeter dans le golfe Persique. Ce cours d'eau avait été aménagé par les hommes et avait été transformé peu à peu en une sorte de canal que les grecs appelaient « Pallakopas ».

Le Guihon devait être un autre canal très important « qui se détachait de l'Euphrate sur la rive gauche (orientale) et qui était aussi un bras naturel de ce fleuve ; il a reçu des Arabes le nom de Schat-en-Nil. Il arrosait toute là Mésopotamie inférieure (l'ancien Cusch asatique) et rejoignait l'Euphrate un peu au-dessus de son embouchure ». (Bible annotée. Livres historiques, I, p. 110).

Comme le récit sacré l'indique, un fleuve puissant sortait d'Eden, que nous pouvons considérer comme étant l'Euphrate à sa source et peu après sa source. Ce fleuve se subdivisait en quatre branches dont l'une s'appelait l'Euphrate proprement dit, et les autres le Pischon, le Guihon et le Hiddékel. Il parait étrange au premier abord que le Hiddékel, le Tigre, soit considéré comme l'une des branches du fleuve initial, l'Euphrate; mais il ne faut pas oublier que des changements ont pu se produire au cours des siècles dans l'hydrographie de cette région. Un savant assure qu'à un certain moment et en un certain endroit le Tigre et l'Euphrate ont mêlé leurs eaux.

Au reste on peut considérer le Tigre comme une branche de l'Euphrate puisqu'il reçoit, par des canaux, une partie des eaux de l'Euphrate.

La Genèse nous donne aussi un tableau de la vie d'Adam et Eve dans le Paradis. Elle nous montre leur bonheur parfait, au point de vue matériel, moral et spirituel. Ils ont tout en abondance; le monde végétal et le monde animal leur est soumis; ils sont en pleine harmonie l'un avec l'autre et, plus encore, en pleine harmonie avec le Seigneur. Ainsi, d'après l'Ecriture, le point de départ de l'humanité a été glorieux, lumineux, sans misère d'aucune espèce.

Il est intéressant, pour nous, de constater que cette félicité primitive a laissé des traces dans le souvenir des générations successives et que toutes les religions de l'Antiquité y font allusion. Mais, ici encore, nous avons affaire à des traditions déformées, entachées de conceptions païennes.

Toutes les mythologies placent l'âge d'or au début de l'histoire. Cette unanimité est remarquable et confirme les données bibliques. On connaît le fameux passage d'Ovide qui exprime poétiquement la foi commune. Il chante « les douceurs de la paix que goûtaient les nations tranquilles et sans armes, au temps où, ni le hoyau, ni le soc n'avaient déchiré un sol exempt de tribut et qui donnait tout de lui-même ». (Métamorphoses, 1, 3).


L'ARBRE SACRÉ

Ce qui est plus frappant encore, c'est l'allusion fréquente, dans les religions de l'ancien monde, à l' « Arbre de la connaissance du bien et du mal » dont parle la Genèse. on rencontre souvent, sur les monuments assyriens, un arbre sacré dont la forme conventionnelle rappelle tantôt le cyprès, tantôt « l'Asclepias acida », le « soma » sacré des anciens Aryas. Cet arbre a une forme pyramidale; il porte de nombreux rameaux, parfois terminés par un cône. « Cet arbre, écrit l'abbé F. Vigouroux, est incontestablement un des emblèmes les plus élevés de la religion. Il est toujours accompagné de personnages qui attestent sa haute importance ; ce sont tantôt des figures royales en adoration, tantôt des génies ailés, ordinairement à tête d'aigle ou de percnoptère, préposés à sa garde et lui présentant la pomme de pin. Souvent, au-dessus de la plante sacrée, plane l'image symbolique du Dieu suprême, Ilu, c'est-à-dire le disque ailé, surmonté ou non du buste humain ; quelquefois elle est entourée des sept étoiles de la grande-ourse, du soleil et de la lune (3). »

Nous retrouvons la mention de l'Arbre sacré dans les traditions de l'Inde, des Iraniens, des Perses, des Sabiens.

Nous possédons un fragment d'un ancien hymne Accado-Sumérien, auquel est attaché une traduction en babylonien sémitique. Il y est question d'un jardin sacré près de Eridu, dans la région du golfe Persique. Voici le début de ce cantique :

« En Eridu un palmier avait poussé, donnant son ombre. Dans un lieu saint il devint vert ; sa racine plongeait vers l'abîme, avant que le dieu Ea n'eut grandi en Eridu, qui regorge de fertilité. Son siège était le centre de la terre ; son feuillage était la couche de Zikum, la mère primordiale. Dans le coeur de sa sainte maison qui répandait son ombre comme une forêt, aucun homme n'est jamais entré. C'est la demeure de la puissante Mère qui passe par-dessus le ciel. Au milieu de cet arbre était le dieu Tammuz. »

Il est fait mention de « l'Arbre sacré d'Eridu » dans des inscriptions babyloniennes antiques. C'est ainsi qu'une inscription de Eri-Aku, de Larsa, parle de l'attachement de ce roi au culte de l'Arbre. Voici la traduction de ce curieux document: « Au dieu Nin-Girsu, son roi, Eri-Aku, le berger des possessions de Nipur, l'exécuteur de l'oracle de l'Arbre sacré d'Eridu, le berger d'Ur et du temple de E-Ud-daim-tigga, roi de Larsa, roi de Sumer et d'Accad; le jour où Anu, Bel et Ea, les grands dieux, remirent entre mes mains l'ancienne ville d'Erech, j'ai bâti au dieu Nin-Girsu, mon roi, le temple de Duggasummu, la demeure de son plaisir, pour la protection de ma vie. »


LA CHUTE

Le fait si terrible de la Chute apparaît aussi dans les religions païennes. Un antique cylindre babylonien représente un arbre aux rameaux horizontaux, avec deux gros fruits devant lesquels sont assis un homme et une femme. Derrière la femme on voit un serpent dressé, qui ne rampe pas encore. Au reste le rôle néfaste joué par le serpent se retrouve en Egypte, aux Indes et jusqu'au Mexique et dans certaines îles de l'Océanie. En plusieurs textes sumériens il est fait mention du « mauvais serpent » ou encore du « serpent des ténèbres ».

Il n'est pas jusqu'au rôle joué par les chérubins « qui, placés à l'orient du jardin d'Eden, agitent une épée flamboyante pour garder le chemin de l'Arbre de vie » (4), auquel l'Antiquité ne fasse allusion. L'allusion est surtout évidente dans les temples assyriens. A l'entrée de ces sanctuaires se dressent fréquemment d'énormes taureaux ailés à face humaine appelés tantôt « Alapi », tantôt « Kirubi ». Ils représentent les divinités protectrices du temple. Loin de prétendre comme on l'a fait que le récit biblique est inspiré des croyances assyriennes, il faut dire bien plutôt que les Kirubi de pierre ne sont que l'expression du souvenir lointain et confus de la tradition primitive et sûre telle que la rapporte la Genèse. Ici encore la déformation païenne est une confirmation du fait lui-même, d'un fait qui s'est réellement produit et que la Bible seule nous fait connaître dans sa vérité et dans sa signification profonde.

 

D'ailleurs, quel contraste entre la noble conception de l'Ecriture et la misérable contrefaçon païenne! Les Kirubi assyriens sont les gardiens d'un culte polythéiste et grossier ; les chérubins de la Genèse sont les serviteurs du Dieu Unique et trois fois Saint. Quand plus tard Moïse bâtira sur l'ordre du Seigneur l'Arche de l'Alliance, il placera sur le propitiatoire deux chérubins le couvrant de leurs ailes étendues. Mais ces chérubins ne seront point, comme les Kirubi, des représentations de divinités protectrices, moitié animales, moitié humaines; ce seront les symboles du culte en esprit et en vérité, de l'adoration des anges plongés dans la contemplation du mystère de la Rédemption, représentée par le propitiatoire. Les Kirubi du paganisme sont l'image de la superstition brutale ; les chérubins du lieu Très-Saint sont l'image de la Révélation sublime. Les « Kirubi » dominent par la force orgueilleuse sur l'idolâtrie immorale et cruelle ; les chérubins tournent leurs faces (5) vers le mystère d'un Dieu qui « ôte le péché du monde ». Comment peut-on dire que les chérubins dérivent des « Kirubi » ? N'est-il pas évident que les « Kirubi » sont la déformation païenne d'une conception divine ?

1) HERODOTE, livre 1er, p. 195.

2) Genèse, X, 28.

3) F. VIGOUROUX, La Bible et les Découvertes modernes. tome I, P. 199.

4) Genèse, chap. III, 24.

5) Exode, chap. XXV, 20, comparer avec 1 Pierre, 1, 12.

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