Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

Le Concile et la liberté religieuse

Le test
La liberté religieuse et la foi évangélique

Personne ne conteste l'énorme travail que représente un concile, ni la sincérité, ni la bonne volonté de beaucoup de « pères » conciliaires. Mais on aurait souhaité que tant d'efforts et de science théologique aboutissent à des transformations plus fondamentales et que l'unanimité se fasse sur des points de doctrine particulièrement néfastes pour le progrès de l'Evangile.

Il est vrai qu'on a parlé de beaucoup de choses (521 votes, 6.000 interventions écrites ou verbales, 16 textes publiés, 168 congrégations générales), mais rien ne risque d'ébranler le moins du monde l'édifice doctrinal de Rome. D'ailleurs, les « frères séparés » avaient été avertis mainte fois que pas une virgule ne serait déplacée dans la dogmatique romaine. Et c'est elle, précisément, qu'il eût été nécessaire de réviser à la lumière du Nouveau Testament. C'est le fondement de l'édifice qui est vermoulu, et c'est lui que l'on a essayé de consolider au lieu de le remplacer par la Parole de Dieu : « Quant au fondement, personne ne peut en poser un autre que celui qui a été posé : JESUS-CHRIST » (I Corinthiens 3 : 11).

Ainsi donc, même si le visage de l'Eglise catholique parvenait à changer, par la simplification prévue des rites et du décorum, elle n'en resterait pas moins l'Eglise des dogmes antibibliques et la négation même de l'enseignement évangélique.

Parmi les schémas qui avaient fait couler beaucoup d'encre et fait prononcer encore plus de paroles, figure celui de la liberté religieuse. Après plus de dix remaniements, beaucoup de protestations, de menaces de schismes qui ne se sont finalement pas produits, de déceptions aussi, le vote a pu être enfin obtenu. Mais l'Eglise de Rome peut-elle réellement considérer ce texte comme une grande victoire ? Peut-on dire qu'une liberté accordée aux consciences en 1965, donc avec un retard équivalent à toute la durée de l'histoire de la papauté, soit un grand triomphe ?

On se rappelle la pétition de la dernière chance, couverte d'un millier de signatures, portée au pape par trois cardinaux, à la fin de la 3' session :

« Très Saint-Père, nous vous supplions instamment, plus instamment, très instamment, d'accorder qu'un vote sur la liberté religieuse ait lieu avant la fin de la session, pour ne pas décevoir l'attente du monde chrétien et non chrétien. »

Mais le pape n'a pas accepté la demande. Le cardinal Browne, ancien Maître Général des dominicains, a même osé dire en pleine session conciliaire : « La diffusion d'autres religions dans les pays catholiques est une violation de la moralité publique. On doit l'interdire. »

A notre humble avis, l'Eglise du saint-office (lequel est en voie de réforme) a perdu une belle occasion de se montrer discrète et modeste, en adoptant sans longues discussions un schéma qui eût été infiniment plus utile au temps des Vaudois, des Albigeois et des Huguenots. Ils auraient tous béni Dieu si cette Inspiration était venue à l'Eglise quelques siècles plus tôt ! Tout bien considéré, ce texte est un jugement contre la Rome de l'inquisition. Car si l'Eglise était citée devant le tribunal de l'Histoire, sans doute serait-elle sévèrement jugée pour sa longue et impitoyable intolérance. Et voici que, siégeant en Cour suprême, elle décide - péniblement au surplus - d'octroyer la liberté religieuse que les consciences ont déjà prise depuis longtemps. Il faut le dire à l'honneur de la conscience, donnée par Dieu à ses créatures comme le plus sacré des biens.

En vérité, ce sont les influences nombreuses de notre monde qui ont obligé l'Eglise la plus intolérante de l'histoire à réviser ses idées sur la liberté et sur la tolérance. Mais il y a longtemps que les réformateurs, les chrétiens bibliques et aussi bon nombre d'incroyants intègres ont devancé Rome. Oui, certains athées, par leur idéal de liberté, ont surpassé dans cette voie l'Eglise catholique c'est une humiliante constatation, mais c'est la vérité.

Aujourd'hui ou déclare que c'est le Saint-Esprit qui a (enfin !) conduit le concile à voter ce texte. Comment l'Esprit de Vérité serait-il en retard sur les hommes dans une déclaration de cette importance ? Ne lui faisons lias cet affront, car tous les écrits apostoliques, rédigés sous son inspiration, insistent sur le respect des consciences et parlent explicitement de la liberté du pécheur de croire ou de ne pas croire, et de décider lui-même de son avenir éternel. Et l'Eglise de Rome, où foisonnaient les théologiens de toute époque, n'a pas reconnu cette réalité an cours de sa longue histoire ?

Pourtant, que de larmes et de sang auraient pu être évités, si Rome avait écouté plus tôt la voix de l'Esprit Saint ! Sans doute faut-il se réjouir de tout progrès accompli dans ce domaine, mais il serait exagéré de l'attribuer à la grande charité des prélats romains. C'est la situation mondiale qui a arraché à l'Eglise cette concession qu'elle aurait dû faire librement depuis longtemps. Mais le principe d'autorité lui était alors indispensable pour établir ici-bas sa domination sur les esprits, les peuples et les rois.

Un journal catholique que nous avons sous les yeux a ainsi commenté ce texte :

« Le fondement du droit a la liberté religieuse réside dans la doctrine catholique de lit dignité de la personne humaine, doctrine amenée à maturité par les papes au cours des dernières décennies. La dignité de la personne exige que l'homme recherche la vérité, y adhère et y conforme sa vie de façon libre et responsable. » (Antilles-Presse, 13.11.65».

La seule réponse qui s'impose en face d'une telle présomption qui essaie de faire de Rome le défenseur de la dignité de la personne humaine, est de rappeler à cette Eglise qu'elle a découvert un peu tard ce « droit à la liberté ». Il est impossible de sauver les apparences et l'Eglise a perdu une grande part de son autorité pour parler au nom de la liberté et de la vérité. Les vrais chrétiens catholiques sont naturellement indemnes, seul le système néfaste dans lequel ils sont obligés de vivre est en cause.

En réalité, cette proclamation de la liberté religieuse, aussi bien faite soit-elle, ne peut être mise au compte de la magnanimité des souverains pontifes. C'est sous la pression des consciences que ce document a été finalement adopté, non pas par obéissance à l'Esprit de grâce et de vérité. C'est très important, et cela prouve que le concile était une entreprise humaine qui regarde non pas le christianisme apostolique, pour parler et agir en son nom, mais seulement l'Eglise de Rome.

Cependant, il faut le reconnaître, une plus grande liberté d'expression se fait jour chez les écrivains et théologiens catholiques. Donnant libre cours à ses sentiments, le R.P. Congar a écrit, dans son livre « Le Concile au jour le jour » (en parlant des évêques) :

« Certains n'ont pas manqué l'occasion de lancer des pointes contre l'idée de collégialité épiscopale, en revenant - jusqu'à la nausée - au Tu es Petrus, de Matthieu 16, 18, au point qu'un évêque américain a relevé la chose avec énergie. Une minorité risque ainsi d'exaspérer la majorité. » (p. 149).

Et à propos du voyage du pape en Palestine

« En Terre Sainte, nous retrouvons le roc d'où nous sommes issus, tout revient à l'essentiel, tout se recentre sur la Parole de Dieu et sur Jésus-Christ, qui est cette Parole faite chair ; nous trouvons la seule grâce de Dieu dans la pauvreté de l'homme. Quand on a connu le pays pauvre des Patriarches et de Jésus, les dorures de Saint-Pierre et tout le clinquant Renaissance de la cour pontificale, malgré leur qualité esthétique et le poids de l'histoire dont ils sont chargés, ne sont plus que gêne et insupportable encombrement... » (p. 155).


Le test

Ce n'est pas la France, pays de liberté, qui fournira la preuve de l'application du schéma sur la liberté religieuse. Il faudra attendre et voir comment le clergé et le gouvernement espagnols respecteront ces textes. Il faudra observer aussi certains pays d'Amérique du Sud où la liberté du culte n'existe pas partout, et puis le Canada français.

Par ailleurs, que les jésuites espagnols rendent tout de suite à sa famille le pasteur Lacueva, arrêté par ruse, drogué et séquestré dans un couvent d'Espagne ! Si toutefois il est encore en mesure de recouvrer sa santé !

Mais les représentants de l'Eglise romaine recourent parfois à de très curieuses interprétations des textes bibliques... Bien qu'il date de 1950, l'ouvrage intitulé « Unité chrétienne et tolérance religieuse » (Editions du Temps Présent) peut être cité à titre d'exemple. Dans ce livre des prêtres et des pasteurs essaient de s'entendre au sujet de l'intolérance religieuse. Voici comment l'abbé Paul Couturier a expliqué aux protestants pourquoi le pape ne peut arrêter les persécutions dans les pays fanatiquement catholiques :

« L'Eglise catholique est une famille. Le pape est un père, et les évêques partagent avec lui celle paternité. L'amour est au principe de tout (!). Or, un père se rappelle le mot de saint Paul : « Ne provoquez pas vos fils à la colère ! » Les fidèles sont des fils de milieux, de races bien différents. Il en est d'audacieux... et d'attardés. Ils ne sont pas tous au même stade dans la marche du progrès. Ils ne vont pas tous à la même allure. C'est pourquoi sa paternité le fait temporiser, se documenter, saisir les opportunités et même les rechercher pour rétablir l'harmonie, non seulement entre les catholiques, mais aussi bien entre les catholiques et les non-catholiques qu'il aime tendrement comme les aime son Maître, le Christ... Les évêques espagnols doivent veiller sur la foi de leurs fidèles. Leur vigilance est habituée à des conceptions anciennes, où le spirituel recourait au temporel, et, dans son ensemble, le peuple vit encore dans cette mentalité... » (p. 138-139).

Ainsi donc, si le pape demandait à ses fils restés intolérants de ne plus persécuter des innocents (c'est de cela qu'il s'agit), il les provoquerait à la colère ! Et le pape pense qu'il s'agit là de fidèles disciples de Jésus-Christ ! Simplement parce qu'ils ont été baptisés ? De tels « arguments » prouvent que la masse des baptisés est loin d'avoir compris le christianisme. Il serait donc temps de changer de méthodes, et au lieu de baptiser les enfants il faudrait appeler les pécheurs à une véritable conversion. Le concile n'a-t-il donc pas vu que c'est là que tout devrait commencer ! Pourquoi les « pères » n'ont-ils pas écouté le Saint-Esprit, qui le leur aurait dit sans l'ombre d'un doute s'ils avaient voulu l'entendre ?

Cependant, les plus hauts dignitaires de l'Eglise semblent ne tenir aucun compte de ces égarements et parlent sans cesse de leur institution romaine comme si elle se composait de « saints innocents »...

Enfin, voici quelques lignes du cardinal Tisserant qui figurent dans la préface de l'ouvrage en trois volumes de l'« Histoire illustrée du catholicisme » de Paolo Brezzi, 1964 :

« L'histoire de l'Eglise, dans les dix-neuf siècles de son existence, a été dominée par deux textes de l'Evangile : la déclaration établissant saint Pierre comme son fondateur et la réponse de Notre Seigneur aux pharisiens qui essayaient de le mettre en conflit avec les autorités romaines.

« Tu es Pierre. » Voilà ce qui justifie l'organisation monarchique de l'Eglise catholique. « Rendez à César ce qui appartient à César. » Voilà ce qui lui interdit de se compromettre dans des aventures politiques.

Ceux qui se sont détournés de Pierre y ont perdu de leur tranquillité et de leur liberté. Les opinions condamnées par les papes ont affaibli les communautés qui les ont adoptées, car elles se sont privées elles-mêmes de la seule autorité qui aurait pu rendre acceptable une décision en matière de foi... »

Chacun sait que l'Eglise de Rome a régné sur toute l'Europe pendant de longs siècles, précisément en faisant de la politique. On peut donc rappeler à ce « prince de l'Eglise » - ce qu'il sait d'ailleurs mieux que quiconque - que les papes n'ont pas « rendu à César ce qui appartient à César », mais en prenant leur place ils se sont simplement approprié ce qui était aux Césars. Au reste, beaucoup de « souverains pontifes » étaient des autocrates plus intransigeants que les pontifex maximus de l'empire romain.

Quant à la tranquillité et à la liberté que ceux qui se sont détournés de Rome auraient perdues, il faut espérer que l'un ou l'autre des protestants qui hantent la « ville éternelle » saura prendre la liberté de répondre au cardinal académicien.

En définitive, il faut souhaiter que les chrétiens évangéliques témoignent beaucoup de bienveillance a leurs amis catholiques, mais qu'ils restent extrêmement prudents à l'égard de l'institution millénaire de Rome qui n'est pas novice en diplomatie. C'est aussi l'avis de ceux qui ont quitté l'Eglise catholique, dont voici un écho :

« Si, aujourd'hui, la tactique de l'église romaine est différente à l'égard des non-catholiques, il ne faut pas être dupes, car C'est pure politique. Cette attitude, certes, est un progrès sur le plan de la charité et de la compréhension mutuelle ; on convertit mieux les hérétiques de cette manière qu'en les envoyant au bûcher. Mais elle est inefficace sur le plan de la Vérité, car le but est bien de ramener les égarés dans le giron de l'église-mère et d'obtenir d'eux l'acceptation inconditionnée du credo romain, seule expression valable et infaillible de la Révélation divine. » (Pasteur Pierre FATH, extrait de sa Lettre à M. le Doyen de la Faculté de Théologie protestante (1949), P. 260 de son ouvrage « Du Catholicisme romain au Christianisme Evangélique).

A la fin du concile, tous les évêques ont reçu un document les invitant a prendre l'engagement solennel de pauvreté absolue. On a donc parlé aussi, sinon de la pauvreté de l'Eglise, du moins de l'Eglise des pauvres. Et comme premier signe de bonne volonté il a été demandé aux évêques de supprimer les améthystes de leurs anneaux épiscopaux. )lais pendant ce temps l'Eglise accumule des richesses fabuleuses partout dans le monde, surtout aux Etats-Unis d'où proviennent les principales ressources du Vatican. Rome possède en Amérique plus de biens immobiliers que toutes les autres religions réunies. D'ailleurs, les affaires romaines y sont très prospères, puisque les protestants cèdent du terrain dans tous les domaines devant l'offensive du catholicisme. Les yeux vont-ils s'ouvrir avant qu'il ne soit trop tard ?


La liberté religieuse et la foi évangélique

Si l'Eglise catholique était restée fidèle à l'enseignement des apôtres, elle aurait évité les humiliantes discussions de Vatican Il sur la liberté religieuse. Car un tel problème ne se serait jamais posé pour elle, puisque les apôtres respectaient cette liberté et l'accordaient généreusement autour d'eux.

Il est très évident que le christianisme a largement démontré depuis ses origines que ses fondements sont assez sûrs pour laisser une entière liberté à l'homme pour l'examiner, le scruter, le raisonner, le juger même, afin de pouvoir se prononcer ensuite en toute connaissance de cause, pour ou contre lui. Cela peut paraître exorbitant aux esprits étroits, déformés par l'intolérance religieuse. Mais Jésus-Christ est un Maître infiniment respectueux de la conscience humaine, et le plus injuste affront que l'on puisse lui faire est de lui attribuer l'intolérance et les persécutions des temps de fanatisme, que tous souhaitent à jamais révolus. Jésus a réprouvé, au contraire, toutes les formes de contrainte ainsi que les textes évangéliques l'attestent. Il y a le cas précis des disciples qui voulaient faire descendre le feu du ciel sur un bourg samaritain qui avait refusé de les recevoir. Jésus leur dit ceci : « Vous ne savez de quel esprit vous êtes animés ; car le Fils de l'homme est venu, non pour perdre les hommes, mais pour les sauver ! » (Luc 9 : .55-56).

Et puis, écoutons-le, dans soit sermon sur la montagne:

« Aimez vos ennemis, bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à ceux qui vous haïssent, et priez pour ceux qui vous persécutent, afin que vous soyez fils de votre Père qui est dans les cieux ! » (Matt. .5 : 44-45). « Ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le de même pour eux... Soyez miséricordieux, comme votre Père est miséricordieux. »

Ainsi, c'est la tolérance et le respect d'autrui que Jésus a enseignés et pratiqués. Quant à ses apôtres, aucun d'eux n'a jamais persécuté qui que ce soit, et les deux disciples mis en cause plus haut, sont devenus, un peu plus tard. des modèles de bienveillance et d'amour fraternel. Ils ont alors subi eux-mêmes les outrages et les persécutions, en se heurtant aux traditions sectaires de leur propre milieu, hostile à l'Evangile. Ce n'est que plus tard, lorsque par une irréparable erreur, la religion chrétienne devint religion d'Etat, qu'elle se fit intolérante. Alors, fatalement, petit à petit elle devint « romaine », et les institutions humaines prirent la place des institutions divines.

C'est pourquoi, en face des accusateurs de Jésus-Christ et face à tous les fanatismes, politiques et religieux, nous affirmons que non seulement l'Evangile respecte la liberté de conscience, mais il en est l'initiateur et le défenseur. A tel point même que Jésus ne veut pas engager à son service des disciples sans qu'ils aient eu clairement connaissance des conditions de la vie chrétienne. Souvenons-nous des exemples de l'homme qui veut construire une tour et qui prend la peine d'en calculer la dépense, et puis du roi qui délibère avant d'entreprendre une action qui comporte des risques graves (Luc 14 : 28-32).

Il en résulte que nul ne devrait s'engager dans la vie chrétienne sans avoir pris soin, au préalable, d'en étudier soigneusement l'enseignement. Car, n'est-il pas plus honnête de ne pratiquer aucune religion, plutôt que de suivre par simple coutume, sans la comprendre ni l'aimer, une croyance que l'on renie à la moindre difficulté ? Au fond, n'y a-t-il pas plus de sincérité dans le comportement d'un loyal incroyant, qui ne peut croire, par motif de conscience, à la religion de son milieu, que dans l'attitude indifférente de celui qui accepte de croire n'importe quoi, simplement pour faire comme « tout le monde » ? La conscience étant notre bien le plus précieux, il ne faut sous aucun prétexte accepter qu'elle soit blessée par des dogmes extravagants. Car c'est dans ce domaine, à juste raison, que le sens moral se révèle d'une extrême sensibilité.

Au surplus, il est prouvé qu'un grand nombre d'honnêtes sceptiques ne pratiquent aucune religion parce qu'ils ont été scandalisés par la dogmatique de leur Eglise et par son intolérance. Cependant, de nos jours, la formule « Hors de l'Eglise pas de salut » n'inquiète plus personne. Car aujourd'hui une foule de catholiques savent que l'on peut parfaitement obtenir son salut en dehors de l'Eglise. Avec beaucoup plus de certitude même, jour dire toute la vérité.

Ainsi donc, le christianisme de Jésus-Christ, sûr de ses origines, de son enseignement et de ses moyens, ne redoute pas l'étude approfondie, le raisonnement des gens raisonnables, ni non plus les attaques de ceux qui ne le comprennent pas. Ses motifs absolument purs, ses moyens irréprochables, ses intentions nobles et foncièrement loyales, le mettent à l'abri de toute critique. Cette foi apostolique, infiniment consciencieuse, est tellement généreuse, bienveillante, forte de sa vérité, qu'elle peut largement accorder toute liberté aux consciences, sans crainte ni pour sa doctrine ni pour son avenir. Cette religion toute divine, qui procure la paix, le bonheur et le salut à l'humanité, se présente simplement au coeur et à l'esprit de l'homme, sans menaces ni violence. Car elle trouve toute sa force dans le seul pouvoir persuasif de la vérité.

La foi chrétienne, ou évangélique, sollicite l'attention, demande que l'on approfondisse avec soin ses objectifs, et puis elle laisse chacun libre de l'accepter ou de la rejeter sous sa propre responsabilité. C'est ainsi que Jésus se présente à nous, dans les Ecritures : « Me voici ! Je me tiens à la porte et je frappe ; si quelqu'un entend ma voix et m'ouvre la porte, j'entrerai chez lui... » (Apoc. 3 : 20). Ce qui veut dire qu'il ne force pas l'entrée du coeur humain et qu'il n'impose à personne de diriger sa vie, si cela n'est explicitement demandé. Comme nous sommes loin de la contrainte et des menaces de la « Sainte Inquisition » ! Comment donc l'Eglise qui a institué ce tribunal odieux a-t-elle osé parler an nom de Jésus-Christ ? Et comment peut-elle s'indigner aujourd'hui et se demander pourquoi il y a tant d'ennemis (le la religion sur terre !

Or, le vrai christianisme n'a d'ennemis que ceux qui ne l'ont jamais examiné. Car, sagesse de Dieu, défenseur de la justice et du droit, artisan du véritable bonheur et de la paix la plus sûre, « l'Evangile est, dans le monde, l'immortelle semence de la liberté ! » (Vinet).

Cependant, pour lui permettre de remplir sa noble mission, il faut remonter jusqu'à ses origines. Il faut respirer le souffle vivifiant qu'il nous apporte des cieux, dans l'entourage même du Fils de l'homme. Il faut le rejoindre, en esprit, sur la montagne des Béatitudes, et là, toutes les autres voix faisant silence, n'écouter que la sienne et ne le suivre que lui seul !

Pour tout résumer, Dieu offre à toute créature de bonne volonté de revenir sur le droit chemin. D'abord il l'affranchit de ses fautes et de ses erreurs, pour l'engager ensuite au service de la vérité, avec toutes les responsabilités d'une créature librement soumise aux lois supérieures du Royaume des Cieux.

Chacun comprendra qu'un tel engagement ne peut se faire sans mûre réflexion et sans la liberté de conscience. Suivre le Christ est le résultat d'un choix capital qui exige la participation, au plus haut degré, de la volonté, de l'intelligence et du coeur. Rien de tel, sans doute, dans l'expéditive cérémonie du « baptême » des nourrissons, ni dans la communion infantile, où la magie du sacrement opère, dit-on, le changement de coeur que le Saint-Esprit et la foi réfléchie pouvaient seuls produire du temps des apôtres ! Il est évident que l'Eglise qui dispose ainsi des enfants inconscients, donc non consentants, commet la plus flagrante violation de la conscience, qu'aucune citation, biblique ne vient justifier. Autrement, qu'on nous la fournisse, nous tiendrons ces textes pour décisifs !

Qu'on ouvre les Ecritures et l'on verra comment les apôtres ont prêché le glorieux Evangile et comment les premières églises, triomphantes dans les pires épreuves, ont été constituées. Il est donc facile de conclure que Jésus-Christ a raison et qu'il reste, au milieu de la foule des « directeurs de conscience » qui s'offrent à nous, le plus qualifié, donc le meilleur des maîtres !

Après tout cela nous pouvons souscrire aux paroles d'Agénor de Gasparin, qui seront la conclusion de ce chapitre :

« Entre gens qui croient fortement, règne le respect. Ce sont des consciences en présence. Me voici, moi convaincu, vis-à-vis d'un douteur consciencieux. Est-ce que je vais le traiter du haut en bas ? Est-ce que je ne sens pas déjà une relation naissante entre lui et le Dieu de vérité ? Est-ce que ces efforts d'une âme sincère en quête vrai ne me remuent point ?

Me voici, moi protestant, en face d'un catholique consciencieux. Est-ce qu'il n'y a rien de commun entre nous ? Est-ce que nous ne servons pas le même Sauveur ? Est-ce que nous ne cherchons pas la même lumière ?... Nous ne trouvons pas que le faux vaille le vrai, qu'il y ait des erreurs ou salutaires ou indifférentes. Non, nous ne disons ni ne pensons cela. Et précisément parce que nous ne le pensons pas, nous nous rapprochons La conscience maintient sa protestation contre l'erreur qui sépare, elle maintient son témoignage en faveur de la vérité qui unit. » (La Conscience, p. 14-15).


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