Paul et Barnabas refusent les honneurs divins
En traversant la ville de Lystre, deux Apôtres rencontrent un impotent, et, voyant qu’il avait la foi pour être sauvé, le guérissent en prononçant une seule parole.
À la vue de ce miracle, la populace païenne croit reconnaître deux dieux dans les deux amis, et veut leur rendre les honneurs qui leur sont dus. Aussitôt Barnabas et son compagnon s’indignent, déchirent leurs vêtements et s’écrient: «Que faites-vous! nous ne sommes que des hommes soumis aux mêmes infirmités que vous; convertissez-vous au Dieu vivant qui a fait les cieux et la terre.»
On est à la fois surpris et charmé de cette humilité qui donne toute gloire à Dieu et jette la confusion à la face de l’homme, alors même que cet homme est un instrument béni, et que cette confusion retombe sur celui qui revêt cette humilité.
Paul et Barnabas ne disent pas: Tous les hommes sont soumis aux mêmes infirmités; mais bien: Nous, nous-mêmes ne sommes que des hommes soumis à vos infirmités; et ils le disent à l’instant même où l’on veut les adorer!
Voilà l’application à leur vie de ce qu’ils ont si souvent prêché aux autres, ou plutôt voilà la plus belle des prédications, la pratique de l’humilité.
Et ce n’est pas ici de la part de ces deux Apôtres une modestie exceptionnelle, fruit de leur caractère particulier; non, C’EST LA DISPOSITION DE TOUT VÉRITABLE CHRÉTIEN, celle de Pierre et de Jean, disant au peuple de Jérusalem, immobile d’admiration à la vue d’un autre impotent guéri: Pourquoi vous étonnez-vous de ceci, comme si c’était par notre propre paissance on notre piété que nous eussions fait marcher cet homme?
C'est celle d'un Moïse qu'on veut exciter à la jalousie contre deux Hébreux qui prophétisent, et qui répond: Plût à Dieu que tout le peuple fût prophète et que l’Éternel mit son esprit sur eux!
◦ Oui, rendre gloire à Dieu et à Dieu seul du bien qu’il nous est donné de faire est un des plus beaux traits de notre caractère de chrétien.
Le chrétien peut se réjouir d’avoir été un instrument actif et puissant dans la main du Seigneur, car il trouve dans cette bénédiction une preuve de la vérité de la foi chrétienne, une approbation de Dieu pour son œuvre personnelle, et enfin la douce satisfaction d’avoir été utile à ses frères.
Mais cette joie n’a rien de commun avec l’orgueil; elle est d’autant plus pure, d’autant plus vive que la gloire est plus complètement renvoyée à l’Auteur de toute grâce et de tout don parfait.
Cette disposition de cœur à renvoyer toute gloire à Dieu dans les succès spirituels est tellement dans l’essence du christianisme que nous la voyons chaque jour recommandée dans les discours de nos prédicateurs et dans nos propres conversations.
Ces mots: «il m’a été donné de faire;» — «Dieu s’est servi de moi;» — «par la grâce de Dieu et non par ma force propre,» et mille autres expressions semblables, journellement employées, prouvent que nous reconnaissons très bien que ce sentiment est conforme à l’Évangile.
Mais ces humbles paroles sont-elles l’expression de nos sentiments?
Il est bien à craindre que non; la précaution même que nous prenons de dire que nous ne nous attribuons aucune gloire dans nos succès montre que notre conduite prête à cette interprétation, et que notre conscience va d’elle-même au-devant d'une objection fondée qu’elle voudrait détruire.
◦ Si véritablement nous ne nous attribuons aucune gloire, pourquoi si souvent l’affirmer?
◦ Si cela était bien vrai, cela irait sans dire.
▪ L’homme véridique ne parle jamais de sa véracité; il n’y a que le menteur qui songe à déclarer qu’il dit toujours vrai.
▪ De même, c’est l’orgueil qui répète sans cesse: Je rends gloire à Dieu; je ne suis rien et je m’humilie. Non, vous vous enorgueillissez!
Oui, nous sommes témoins contre nous-mêmes; notre bouche nous condamne, et pour cette espèce d’hypocrisie nous méritons une nouvelle confusion.
Oui, nous disons vrai: toute force vient de Dieu, toute gloire doit retourner à lui;
METTONS DONC NOS PENSÉES EN ACCORD AVEC NOS LÈVRES.
Soyons sincères avec nous-mêmes, car nos illusions ne changeraient pas les faits.
Humbles avec nos frères, puisqu’ils verront toujours nos prétentions secrètes même à travers le voile de nos modestes paroles; humiliés devant Dieu, qui dès lors nous relèvera, lui qui fait grâce aux humbles et résiste aux orgueilleux?
Lisez Actes des Apôtres, XV, 1 à 29.
Notre tendance à remplacer le fond par la forme
On est à la fois étonné et affligé en voyant dès les premiers jours de l'Église reparaître, même dans des cœurs régénérés, cette funeste tendance du cœur naturel à substituer la lettre au sens, la forme au fond, la matière à l’esprit, la circoncision à la foi.
Cette disposition est si profondément enracinée dans notre nature, qu’on a vu et qu’on voit encore des chrétiens y tomber précisément à l’occasion de la mesure que prennent ici les Apôtres pour nous en éloigner.
En effet, c’est sur la décision du concile de Jérusalem que quelques chrétiens s’appuient pour s’abstenir avec soin du sang des animaux, comme si c’était pour eux un précepte évangélique.
Étudions donc de près ce que nous venons de lire, et nous nous confirmerons toujours plus dans cette pensée que dans l’Évangile tout est grâce, esprit et vie.
◦ Des pharisiens convertis à l’Évangile, mais encore trop faibles pour se défaire complètement de ce formalisme que Jésus reprochait si vivement à leur secte, viennent à Antioche et enseignent aux gentils convertis que pour être sauvés ils doivent se faire circoncire;
◦ d’autres chrétiens, sortis de la même secte, affirment en même temps à Jérusalem que les gentils doivent observer la loi cérémonielle de Moïse.
Contre cette prétention judaïque s’élèvent Paul, Barnabas, Pierre et Jacques, et ce dernier, après l’avoir déclarée intolérable, ajoute toutefois: Comme Moïse est prêché depuis des siècles dans toutes les villes, il faut que les gentils, tout en ne changeant pas le joug du mosaïsme, fassent cependant aux Juifs la concession de s’abstenir de manger tout objet sacrifié aux idoles et le sang répandu dans les sacrifices païens; et cela afin que les Israélites convertis, élevés dans l’observation de cette abstinence et empêchés par Moïse de manger avec ceux qui sont ainsi souillés, puissent sans scrupule manger et boire avec leurs nouveaux frères et surtout communier à la même table.
Ce n’était donc pas par précepte positif, obligatoire, que les gentils convertis devaient s’abstenir de sang, mais par cet esprit chrétien qui se fait tout à tout, et se prive même de l’exercice de son droit afin de ne pas scandaliser.
Mais remarquez quelle distance il y a entre s’abstenir d’une chose et pratiquer un rite.
◦ Celui qui s’abstient ne risque guère de se persuader qu’il y ait un mérite à ne pas faire,
◦ tandis que celui qui accomplit une cérémonie considérée comme nécessaire au salut est facilement conduit à la pensée qu'il mérite, et ainsi à se confier à sa propre justice.
Ainsi Saint-Paul, pour éviter le piège de l’orgueil, dit-il quelque part: «Je déclare à celui qui se fait circoncire que Christ ne lui sert plus de rien;» tandis qu’ici le même Apôtre donne son assentiment à l’abstinence du sang idolâtre, parce que ce conseil est une pure concession et qu’il n’ôte rien à la souveraineté de la grâce.
Admirons cette doctrine toujours conséquente avec elle-même:
◦ ici, déclarant que la grâce est tout;
◦ là, que l’œuvre n’est rien;
◦ ailleurs, que tout vient de Dieu;
◦ plus loin, que l’homme est impuissant;
◦ dans les Évangiles, que l’esprit vivifie;
◦ dans les Épîtres, que la lettre tue;
◦ dans telles de ses pages, que la loi cérémonielle n’est qu’une ombre;
◦ dans telles autres, ET QUE CHRIST EST LA GRANDE, L'UNIQUE RÉALITÉ.
Oui, admirons cette concordance des doctrines entre elles, mais admirons surtout l’accord parfait des vrais chrétiens; à ce que Jacques propose ici, tous consentent; ce qu’il dit, Pierre venait de le dire, et Paul arrive d’Antioche pour le confirmer.
Le renversement du mur qui séparait les Juifs des autres nations, voilà surtout l’esprit du concile de Jérusalem, et c’est précisément à quoi travaille Paul dans ses Épîtres, précisément ce que reconnaît Pierre devant Corneille, précisément enfin ce que dit Jésus, déclarant que Dieu ne veut plus des adorateurs sur l’une ou sur l’autre montagne, mais sur toute la terre en esprit et en vérité.
Oui, tout est esprit, tout est grâce dans l’Évangile; y voir autre chose, c’est l’humaniser, le souiller, le détruire; une seule cérémonie,
un seul acte déclaré indispensable au salut
est la tache qui tombe sur la pourpre royale;
elle gagne, s’étend et souille pour toujours le vêtement qui n’est plus bon à rien.
Lisez Actes des Apôtres, XV, 30 à 41.
Différend entre Paul et Barnabas
Nous ne sommes pas moins péniblement surpris à cette heure, en lisant l’altercation survenue entre Paul et Barnabas, que nous ne l’avons été hier à la vue des ces chrétiens judaïsant, jetant le trouble dans la conscience des païens convertis.
Nous sommes tellement habitués à chercher uniquement des leçons et des exemples dans la bouche et la conduite de Saint Paul, que cette circonstance nous afflige plus peut-être que nous n’osons le dire.
◦ Mais remarquez d’abord que la doctrine n’est pas responsable des fautes de ceux qui la professent;
◦ remarquez ensuite qu’il n’est dit nulle part ni que Paul ni qu’aucun chrétien ait atteint la perfection;
◦ CHRIST SEUL NOUS EST PRÉSENTÉ COMME EXEMPT DE PÉCHÉ.
La discussion qui s’élève entre Paul et Barnabas renferme donc elle-même d’abord cet enseignement: que ces deux chrétiens, qui brillaient parmi les plus grands, n’avaient pas atteint eux-mêmes la perfection, et que nous, qui comme eux pouvons y tendre, ayons à reconnaître qu’à plus forte raison nous n’y sommes pas arrivés.
En second lieu, cette contestation est elle-même une preuve de la sincérité de l’écrivain qui, ami de Paul, en confesse lui-même les faiblesses, et qui dès lors devient bien digne de foi quand il en raconte le dévouement et les miracles.
Mais cette contestation, étudiée plus en détail, nous paraîtra bien moins grave qu’on ne pourrait le supposer au premier abord.
Qui ne le sait?
La parenté et la patrie influent beaucoup sur nos jugements et risquent parfois de les fausser. Or Marc, dont il est ici question, était parent de Barnabas, et il ne l’était pas de Paul; on comprend donc déjà comment les deux amis ont pu différer à son égard.
Ensuite nous voyons, quand Paul s’est séparé de Barnabas pour l’accomplissement d’une même oeuvre, que l’un part pour la Cilicie et l’autre pour l’île de Chypre, Or Paul était de la première de ces contrées, et Barnabas de la seconde.
Chacun penche donc pour retourner évangéliser sa propre patrie.
Ne peut-on pas supposer aussi que la direction à prendre ait été peur quelque chose dans l’altercation?
Et quelqu’un aurait-il le courage de blâmer même un chrétien, d’avoir donné la préférence à sa patrie pour lui porter l’Évangile?
Mais ce qui réjouit bien plus que cette contestation n’afflige, c’est la conduite ultérieure de ces deux chrétiens.
L’affection qu’on découvre plus tard dans la vie de Paul pour Barnabas, et pour Marc lui-même, aurait paru tout ordinaire si l’on avait ignoré leur ancien différend; mais elle touche jusqu’au fond du cœur quand on sait que ces hommes, si vivement affectionnés entre eux jusqu’à leur mort, se sont jadis trouvés en opposition.
Lorsque plus tard Paul est à Rome dans les fers, Marc est auprès de lui pour soulager ses souffrances et l’aider dans son ministère; quand l’avancement du règne de Dieu les oblige à se séparer.
◦ Paul, dans sa lettre aux Colossiens, recommande son ami à cette église et dit: «S’il va vous voir, recevez-le bien.»
◦ Lorsque, trois ans plus tard, Paul subit à Rome un second emprisonnement et que cette fois son ami Marc est éloigné de lui, il se hâte d'écrire à Timothée: Prends Marc et l’amène avec toi, car il est fort utile dans le ministère.
◦ Et enfin, si vous désirez un dernier témoignage de cette chrétienne et complète réconciliation, comme une preuve de l’activité de Marc, lisez encore l’épître à Philémon, où Paul parle de Marc comme de son compagnon de travaux.
Hélas! comme Paul et Barnabas, nous avons eu plus d’une contestation avec nos frères en la foi.
Mais pouvons-nous dire que ces nuages se soient aussi vite et aussi complètement dissipés?
N’en reste-t-il rien dans notre cœur?
Et alors même que les convenances nous ont forcés à tendre la main par-dessus ces différends, pouvons-nous dire que nos cœurs se sont également rapprochés?
Ces souvenirs pénibles ne reviennent-ils pas à la plus légère provocation?
Oh! qu’une véritable réconciliation est chose rare, même entre les chrétiens qui devraient rester inséparables; et combien la contestation de Paul et de Barnabas, suivie jusqu’au bout, loin d’abaisser ces deux Apôtres devant nous, est propre à nous humilier devant eux!
Plût à Dieu que nous n’eussions eu d’autres faiblesses que les leurs, et surtout qu’elles fussent effacées chez nous par cette charité qui brillait dans toute leur vie!
Lisez Actes des Apôtres XVI, 1 à 15.
Nous manquons moins de connaissance que de volonté
Le récit que nous venons de lire laisse clairement apercevoir le fil directeur que Paul tient à la main et suit dans le cours de ses nombreux voyages: ce sont LES ORDRES DIRECTS DU SAINT-ESPRIT.
◦ En Galicie, l’Esprit dit à l’Apôtre de ne pas porter la parole en Asie, et l’Apôtre s’en abstient.
◦ Plus tard, quand Paul, suivant son impulsion propre, se dispose à pénétrer en Bithynie, l’Esprit l’en empêche positivement, et Paul s’arrête;
◦ enfin, comme l’apôtre ignore alors ce qu’il doit faire, l’Esprit Saint vient encore lui dire qu’il doit passer en Macédoine.
À la lecture de ces ordres si formels du Saint-Esprit, dirigeant Paul dans tous ses mouvements, on se surprend à regretter de n’être pas soi-même aussi clairement conduit dans cette vie.
On voudrait se sentir prendre par la main et placer dans la voie à suivre; on voudrait entendre cette parole de jadis: «C’est ici mon Fils bien-aimé; écoutez-le.»
Il semble qu’alors, sachant précisément que faire, en courrait dans les commandements de Dieu.
Mais n’est-ce pas là une illusion de notre part?
Est-il bien certain que, si le Seigneur frappait nos yeux et nos oreilles, nous obéirions mieux à ses ordres?
C’est douteux; bien plus, il y a des indices du contraire.
En effet, que demandons-nous en exprimant ce désir?
Des ordres clairs, précis, sans équivoques, de l’Esprit de Dieu pour nous-mêmes. Eh bien! ces ordres abondent clairs, précis, sans équivoques, à nous-mêmes adressés.
Dans la Bible, l’Esprit nous dit en tout autant de termes:
◦ «Soyez saints;
◦ aimez votre prochain comme vous-mêmes;
◦ priez sans cesse;
◦ fuyez l’impureté;
◦ soyez vigilants, sobres, prompts à rendre service;»
◦ et mille autres paroles toutes aussi formelles, toutes aussi directes.
Ces ordres nous réjouissent-ils beaucoup?
Les suivons-nous bien exactement?
Au contraire, celui qui nous les rappelle nous importune; aussi n’est-ce pas la Bible que nous allons consulter lorsque nous sommes indécis sur un parti à prendre.
Non, les ordres formels ne manquent pas;
ce qui manque, c’est le désir de les suivre!
Si nous en demandons d’autres, si nous disons parfois: «je voudrais bien connaître la volonté de Dieu à tel ou tel égard,» il est bien à craindre que cela ne signifie: «je voudrais que Dieu m’ordonnât ce que je désire, et que je pusse ainsi céder sans remords à l’attrait qui me sollicite.» Car, si nous étions sincèrement désireux de connaître la volonté du Seigneur, nous eussions déjà CHERCHÉ ET TROUVÉ UNE RÉPONSE DANS SA PAROLE ÉCRITE, sans regretter une parole articulée.
Oui, la Bible est assez claire à nos esprits, et Dieu parle assez haut dans nos consciences; ces ordres ne sont difficiles à comprendre que parce que nous les obscurcissons par une nuée de difficultés soulevées par nos propres convoitises.
Ne nous plaignons donc pas; c’est même une bonté du Seigneur de ne pas nous commander d’une voie plus haute; des ordres plus impératifs n’amèneraient probablement que des désobéissances plus criantes.
L’incrédule, aussi, demande pourquoi Dieu ne l’oblige pas à croire; le méchant, aussi, demande pourquoi Dieu ne le contraint pas à être bon.
Prenons garde, chrétiens, de ne pas imiter l’incrédule et le méchant, en demandant pourquoi Dieu ne nous conduit pas à la lisière, et ne nous soutient que juste autant qu’il le faut pour nous apprendre à marcher.
Dieu est sage et bon dans ce qu’il ne fait pas, comme dans ce qu’il fait; le degré de clarté qu’il nous accorde est précisément celui qui nous convient;
et cette lumière croîtra bien vite,
si nous voulons avancer vers elle, au lieu de reculer.
Lisez Actes des Apôtres XVI, 16 à 40.
Des miracles du N. T.
Nous avons déjà remarqué que les miracles du Nouveau-Testament portent dans leur utilité un signe révélateur de la divine origine du livre qui les proclame; mais une trace de divinité, peut-être encore plus profonde:
◦ C’est que cette utilité NE TOURNE JAMAIS AU PROFIT DE CELUI QUI OPÈRE CES MIRACLES.
Pour le montrer, considérons ceux dont il est ici question.
Depuis plusieurs jours, une femme possédée poursuit Paul de ses cris sur la voie publique; Paul chasse le démon; et cette servante guérie profite du miracle qui conduit l’Apôtre en prison.
Dans le fond de leur cachot que feront Paul et Silas?
Appelleront-ils le feu du ciel pour en entr’ouvrir les voûtes et s’enfuir?
Non; résignés dans leur épreuve, ils chantent les louanges de Dieu et prient en faveur des autres prisonniers; et en réponse à leurs prières, la terre s’ébranle, les murailles croulent, et le miracle jette la foi dans le cœur du geôlier; tandis que les instruments du prodige n’en profitent pas même pour recouvrer la liberté.
Enfin suivons les deux Apôtres dans la demeure du geôlier.
Par leurs prières ils ont obtenu un miracle qui convertit cet homme et sa famille; mais qu’obtiennent-ils de Dieu pour eux-mêmes?
Rien! pas même la guérison de ces membres endoloris par le contact de leurs fers; il faut qu’un simple homme, par un moyen tout ordinaire, leur apporte un léger soulagement en lavant leurs plaies!
Ainsi ceux qui disposaient en quelque sorte de la puissance divine, ceux dont une parole chassait les démons, dont les prières ébranlaient la terre et faisaient descendre l’Esprit-Saint dans les cœurs, ces hommes, armés de la force de Dieu, n’en profitent pas même pour s’épargner la flagellation, le cachot et la douleur.
Eh bien! si l’on y réfléchit un instant, il devait en être ainsi.
◦ Oui, Dieu devait faire des miracles:
non dans l’intérêt d’un seul être, mais pour la conversion du genre humain;
non pour soulager un corps malade, mais pour sauver une âme perdue.
◦ En faire pour moins, c’eût été prostituer sa puissance; une âme vaut un miracle, mais une vie de quatre jours ne le mérite pas, surtout quand, conservée ou perdue, cette vie est suivie d’une bienheureuse éternité.
Mais il y a plus ici qu’une convenance parfaite entre les moyens que Dieu emploie et les buts qu’il poursuit. Dans cette circonstance, que les Apôtres ne profitent pas eux-mêmes des miracles qu’ils opèrent, brille le signe d’un dévouement à leurs frères et d’un oubli d’eux-mêmes qui ne peuvent s’expliquer que par une influence divine sur leurs coeurs.
◦ Sans doute les Apôtres ne pouvaient raisonnablement se persuader que la puissance d’opérer des prodiges leur fût mise entre les mains, comme un jouet d’enfant, pour en user selon leur caprice.
Mais ne pouvaient-ils concevoir le désir d’en profiter dans leurs nécessités?
Cependant nous ne voyons rien de semblable: Paul ne demanda de miracles,
◦ ni pour faire tomber les chaînes qui le blessent,
◦ ni pour rétablir Onésime malade dont il a besoin,
◦ ni pour fortifier la poitrine délicate de Timothée, qui, guéri, pourrait mieux le seconder,
◦ ni pour se garantir lui-même du froid qu’occasionne l’oubli d’un simple manteau,
◦ ni pour suppléer sa mémoire, que ne nourrissent plus ses parchemins.
En tout, Paul consent à être traité comme le plus faible et le plus obscur des chrétiens.
Si vous ne sentez pas encore ce qu’il y a de beau, de sublime, de divin, supposez un moment que la puissance d’opérer des prodiges vous soit accordée à vous-même.
Pensez-vous que vous songeassiez d’abord à d’autres avant vous?
Et même en songeant à vous, n’est-ce pas à votre santé, votre bien-être, votre fortune, votre gloire peut-être, plutôt qu’à votre âme que vous appliqueriez la miraculeuse puissance?
Je ne sais si je me trompe, mais il me semble que vous et moi, tout à coup enrichis d'un pareil don, nous resterions un moment incertain sur le choix des biens que nous devrions appeler, et que nos vœux, parcourant la terre au lieu de s’élever vers le ciel, reviendraient sur nous-mêmes, loin de se répandre sur nos frères.
Tout cela n’est que trop probable, et cette réflexion fait mieux ressortir l’influence divine exercée sur les cœurs de Paul et de Silas, armés du miracle et n’en profitant pas, guérissant les autres et vivant eux-mêmes dans la maladie, passant par les fers et mourant sous la hache ou sur le bûcher!
Lisez Actes des Apôtres XVII, 1 à 15.
Haine des incrédules pour les croyants
La conduite des Juifs incrédules de Thessalonique est vraiment étrange.
S’ils se fussent bornés à ne pas écouter Paul, ou même à le combattre par les armes du raisonnement et par l’autorité de Moïse et des prophètes, nous les comprendrions; car, enfin, chacun doit manifester librement son opinion; c’est plus qu’un droit, c’est un devoir.
Mais ce dont on peut s’étonner avec raison, c’est de voir ces hommes poursuivre Paul et Silas, non pas de leur logique, mais de leur haine.
Ils ameutent contre eux cette lie de peuple qu’on trouve partout toujours prête à faire mal; ils violent le domicile de Jason pour s’emparer des deux Apôtres, que finalement ils forcent à quitter la ville.
Ce n’est pas assez pour eux: Paul et Silas obtiennent, à Bérée, les plus heureux succès; ces Juifs de Thessalonique l’apprennent, et, transportés d’envie, ils abandonnent leurs affaires, leurs familles, leur ville, font un voyage pour venir à Bérée soulever le peuple contre les prédicateurs de l’Évangile; et, pour la seconde fois, Paul et Silas ne trouvent de salut que dans la fuite.
Mais si cet acharnement des incrédules contre les croyants est étrange, il n’est cependant pas rare. Sans doute, chacun a déjà fait lui-même un rapprochement entre notre époque et celle où se passèrent les actes des Apôtres. Oui, de tout temps, en tous lieux, s’est manifestée cette inimitié contre Dieu, cette fureur de persécution contre les chrétiens inoffensifs, cette haine contre des hommes auxquels on ne reprochait que de manifester trop vivement leur amour pour les âmes!
Pourquoi cela?
Ces prédications chrétiennes violentent-elles l’incrédule?
Non, il est libre de ne pas venir les entendre. En amenant d’autres hommes à la foi, leur portent-elles à eux-mêmes quelque dommage?
Non, au contraire, elles moralisent le monde, leurs parents, leurs amis.
Enfin, pourquoi donc s’irriter contre des hommes qui ne sont à leur jugement que de pauvres esprits; contre des croyances qui ne sont, d’après eux, que d’innocentes illusions?
◦ Ah! c’est précisément parce que ces chrétiens sont dans le vrai, et parce que ces croyances sont des réalités, que ces incrédules s’irritent, s’emportent, haïssent et frappent.
On ne s’indigne pas contre des contes fantastiques; on ne se bat pas contre des ombres; quand un homme est convaincu qu'il n'existe aucun danger réel, il se rit des peureux et reste paisible; mais s’il court à la rencontre de ce qu’il appelle des fantômes et frappe de son glaive, c’est que, malgré les dénégations, il croit à la présence d’un être qui l’effraie.
Tel est l’incrédule moqueur, frappant de sa haine, de ses sarcasmes et de ses luttes, la vérité chrétienne qu’il dit ne pas exister. Il me persuaderait bien mieux de son incrédulité, s’il se tenait tranquille et si son immobilité même montrait qu’il ne redoute rien d’une croyance superstitieuse qui doit nécessairement tomber sous l’action du temps.
Mais non, il crie, tempête; c’est que sa croyance place devant lui la vérité, qu’il ne veut pas regarder. Il injurie, calomnie et combat les chrétiens; c’est qu’il ne veut pas leur laisser le temps de lui prouver qu’il a tort.
Telle est la destinée de l’erreur et du péché; ils servent encore à faire mieux comprendre et briller plus vive la vérité; l’incrédule ne me prouve pas moins l’existence de Dieu par sa haine que le croyant ne me la prouve par son amour, et je bénis le Seigneur de s’être ainsi rendu, comme la colonne de nuée, visible par la lumière et visible par l’obscurité.
◦ Oui, mon Dieu, tu règnes; oui, Jésus, tu vis; oui, Esprit, tu régénères, car l’univers entier s’occupe de toi.
Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit; ici pour te chercher, là pour te fuir; ici pour te croire, là pour te nier.
À nous donc, Seigneur, donne de prouver ta vie, ta bonté, ta puissance, par notre amour et notre sainteté!
Lisez Actes des Apôtres XVII, 16 à 34.
Paul devant l’aréopage
Quelle scène étrange et instructive nous présente Paul dans l’aréopage d’Athènes!
Voilà un homme sorti d’une pauvre petite nation, perdu au milieu d’une cité illustre sous le triple rapport des arts, des sciences et de la sagesse: c’est dans un tribunal, fondé par Solon, au milieu de statues sculptées par Phidias, au sein d’une foule instruite par les disciples de Socrate et de Platon, que le faiseur de tentes est appelé à développer sa croyance par des Athéniens oisifs qui désirent se distraire ou se moquer.
Il me semble voir un simple magister du plus humble de nos villages, transporté dans l’enceinte de l’Institut de France et interrogé par nos illustres académiciens.
Osera-t-il parler?
Et s’il parle qu’aura-t-il à dire?
Que peuvent apprendre les disciples de Socrate et de Platon de la bouche de l’élève de Gamaliel?
Eh bien, écoutez et comparez!
Les Athéniens admettent une multitude de dieux;
◦ Paul, au contraire, ne veut en admettre qu’un seul. Laquelle de ces deux opinions a été sanctionnée par l’autorité des sages et des savants modernes?
Les Athéniens adorent un dieu inconnu; bon ou méchant, n’importe.
◦ Paul, au contraire, s’efforce avant tout de connaître celui qu’il adore, et ne s’agenouille que devant un être doué de toutes les perfections.
Laquelle de ces deux adorations vous paraît selon la sagesse?
Et laquelle est entachée de folie?
Les Athéniens se font des dieux de bois et de pierre;
◦ Paul se fait un Dieu esprit qu’aucun lieu ne peut contenir et qui remplit l’univers.
Les Athéniens croient plaire à leurs dieux en leur offrant en sacrifice des fruits, des animaux, des trésors;
◦ Paul, au contraire, demande le sacrifice vivant de tout notre être à une sainte volonté.
Des deux services lequel vous paraît noble, pur, divin?
Selon les Athéniens, disciples d’Épicure, les dieux restent impassibles dans les cieux, laissant le monde se gouverner lui-même;
◦ selon Paul, Dieu, par sa Providence, dirige les astres au milieu des torrents de lumière, aussi bien que le pauvre aveugle dans les ténèbres.
De quel côté se trouve la plus juste notion de la Divinité?
Enfin, selon Saint Paul, Dieu ressuscite les morts...
Mais à ce mot les sages Athéniens ne peuvent plus se contenir, ils tournent en ridicule la croyance fondamentale de toute religion; et comme Félix, philosophe romain, ils disent à l’Apôtre: Nous t’entendrons une autre fois.
Ainsi, en nous résumant:
◦ les philosophes, dont la sagesse est devenue proverbiale, adorent des dieux de bois et de pierre, même des dieux inconnus, leur rendent un service matériel et nient la résurrection;
◦ tandis que le pauvre disciple de Gamaliel ne reconnaît qu’un Dieu, créateur des cieux et de la terre, Dieu esprit qui veut être servi en esprit, Dieu tout-puissant gouvernant le monde par sa Providence et jugeant au dernier jour les bons et les méchants.
Je le demande encore: de quel côté se trouve la vraie philosophie? de quel côté le bon sens, de quel côté la sainteté?
Mais en même temps comme ce contraste jette dans l'esprit une vive lumière sur la divinité de notre foi, et remplit le cœur d’une douce reconnaissance! Nous connaissons Dieu, sa volonté, sa miséricorde; nous savons qu’il nous a créés, qu’il nous conserve, et par-dessus tout qu’il nous sauve pour l’éternité; et tout cela, nous l’ignorerions, comme les savants d’Athènes, si Jésus n’était pas venu nous le révéler!
◦ Oh! Seigneur, béni sois-tu pour le don de ton Évangile, pour le don de ton Esprit, pour le don de ton ciel et de ta vie sans fin!
C’est quand nous comparons ta lumière aux ténèbres humaines que nous nous sentons surtout pressés du besoin de te rendre grâce, de t’aimer et de t’obéir.
Lisez Actes des Apôtres XVIII.
Le chrétien conséquent
Dans un port de mer, à Corinthe, ville commerciale de la Grèce, et en face de Rome, qu’ils viennent de fuir, vivent deux époux dont l’humble profession, connue de tous les temps, consiste à tisser de la toile.
Leurs travaux sont assez abondants pour occuper un certain nombre d’hommes, leur maison assez vaste pour servir à de grandes assemblées. Parmi leurs employés s’en trouve un de petite taille, de chétive apparence, malade, et toutefois prolongeant son tissage bien avant dans la nuit, quand il ne le conduit pas jusqu’au jour, pour gagner le pain qui doit le nourrir le lendemain. Cet ouvrier tisserand, c'est Saint Paul.
Vous êtes étonnés?
Et moi je suis réjoui!
– Oui, j’aime à surprendre le grand Apôtre dans les détails prosaïques de la vie, luttant avec le besoin, vivant de son travail, s’imposant des fatigues, des privations, pour se garder libres quelques heures du jour, qu’il ira donner ensuite à une pauvre veuve désireuse de connaître l’Évangile.
– Oui, j’aime voir ainsi Paul mettant en pratique cette humilité, ce renoncement que, dans quelques instants, il va recommander à ses frères.
– Oui, je suis profondément touché de la vue de cet artisan, recevant le vendredi soir son salaire de la main d’Aquila son maître, qui, le lendemain, jour du sabbat, viendra se mettre au pied de la chaire de son ouvrier tisserand, pour l’entendre discourir sur le salut des âmes!
Il y a dans ce mépris des circonstances terrestres, qui ne tient compte que des réalités célestes, une rigidité de conséquence qui fait du bien à l’âme, et qui montre que, pour Paul et Aquila, le monde et ses pompes n’étaient rien, le ciel et ses promesses tout!
Mais, si vous aimez de tels tableaux, portez vos regards sur la fin de ce chapitre.
Ici c’est un orateur, un savant, c’est Apollos, homme éloquent et puissant dans les Saintes Écritures, parlant avec ferveur et hardiesse, qu’une femme et son mari se chargent d’instruire au sortir de ses triomphes, et qui oublie son éloquence et son savoir pour écouter humblement le couple faiseur de toile, goûter ses doctrines, s’en pénétrer et les porter aussitôt dans la chaire où la veille il prêchait encore Moïse!
Quand le monde a-t-il offert de tels exemples de simplicité, de droiture, d’humilité?
Et cependant qu’y a-t-il là qu’il ne dût rigoureusement y avoir?
Toute l’éloquence et le savoir ne doivent-ils pas être tenus pour de la boue en comparaison de la doctrine qui donne l’éternel salut?
Oui, sans doute, ce n’est là, comme dans l’histoire de Saint Paul, qu’une conséquence rigoureuse de la vérité; mais, hélas! il s’en faut tant que notre conduite soit toujours en harmonie avec notre profession de foi, que, lorsque nous rencontrons çà et là des chrétiens conséquents jusqu’au bout, nous en sommes tout étonnés.
Il est de ces vertus chrétiennes, et, entre autres, précisément cette humilité, que nous ne prenons presque jamais au sérieux; elles sont pour nous des vertus de théorie;
◦ nous les admirons en Jésus et en ses Apôtres;
◦ nous les recommandons à nos enfants et à nos serviteurs;
◦ nous allons peut-être jusqu’à déplorer de ne pas les posséder nous-mêmes:
mais après tout cela nous ne songeons guère à les acquérir.
Il semble que ces vertus soient d’un autre siècle, d’un autre monde, et qu’elles n’aient été suspendues devant nous que pour être contemplées.
Oh! mon Dieu, comme notre vie chrétienne est pâle devant celle d’un Paul, d’un Apollos, qui eux-mêmes n’étaient rien devant Jésus-Christ?
Que serons-nous donc dans le Ciel à côté d’eux?
Aux pieds du Fils de Dieu, je comprends qu’un Paul puisse prendre place; aux pieds de Paul, je conçois qu’Apollos puisse s’asseoir; MAIS NOUS, OÙ NOUS PLACER?
À quelle distance ne sommes-nous pas de ces saints confesseurs de Jésus-Christ?
Mon Dieu! mon Dieu! Oh! donne-nous l’humilité, non pas seulement dans nos paroles, mais dans notre vie; et si c’est à la porte de ton Ciel qu’est marquée notre place, qu’en arrivant du moins nous n’en soyons pas trop étonnés.
Lisez Actes des Apôtres XIX, 1 & 20.
Les livres de magie brûlés devant l'Évangile
Un temple consacré à Diane s’élève dans Éphèse; dès lors, une population de prêtres et de dévots s’amoncelle autour de ses murailles; les uns offrent des sacrifices; les autres écoutent l’oracle; ceux-ci écrivent des livres sur les sciences occultes; ceux-là passent leur vie à les étudier.
Dès qu’un nouveau volume vient de paraître, des lecteurs accourent lui demander le grand secret de la vie; ils le lisent, le méditent et le déposent, sinon plus ignorants, du moins plus incertains que jamais.
Mais tout à coup cette population dévote apprend qu’un homme prêche dans la ville d’étranges doctrines; curieuse, elle vient l’entendre, goûte sa parole, s’y convertit; et le lendemain ces sages païens désabusés apportent par monceaux pour cinquante mille pièces d’argent de leurs livres sur la magie, et les jettent pêle-mêle sur un brasier ardent,
Voilà bien l’infaillible résultat de la foi chrétienne sur les cœurs!
Nous chrétiens du XIXe siècle, comme les philosophes d’Éphèse, nous avons jadis consumé bien des heures à la recherche d’un livre qui pût nous donner enfin l’explication de nos mystérieuses destinées.
Toujours déçus par le dernier volume parcouru, nous reportions nos espérances sur le nouveau qui nous restait à parcourir. Il nous semblait que tant de livres compulsés, comparés, devaient au choc de notre propre intelligence faire jaillir la grande vérité, restée enfouie pour les autres.
Fatigués de la longueur et de la vanité de ces poursuites, nous commencions peut-être à désespérer, lorsque l’Évangile est venu luire à nos yeux.
Comme les Éphésiens, nous l’avons étudié, compris, et dès lors tous les livres de sagesse ou de plaisir, écrits en dehors de l’influence chrétienne, nous ont paru insipides ou mensongers.
Lorsqu’accidentellement notre main a voulu les reprendre, elle n’a pu les soutenir; notre cœur s’est soulevé, notre esprit révolté, et le livre mondain est retombé dans sa poussière. C’est le vin généreux qui, une fois goûté, ne permet plus de retourner à la liqueur douceâtre dont jadis on s’était abreuvé.
Quel affront pour la sagesse humaine!
Comme cette expérience devrait humilier nos faiseurs de livres!
Jadis, ce paysan n’aurait pas osé consulter leurs ouvrages dans la crainte de n’y rien comprendre; maintenant converti, il les repousserait persuadé qu’ils n’ont rien à lui enseigner.
Nos philosophes écrivains peuvent bien dédaigner un tel juge, mais certainement pas plus que notre villageois chrétien ne dédaigne leurs livres. Qui donc a tort? Attendons la fin.
Toute science a pour but le bonheur: or, au terme de sa vie, lequel de ces deux hommes pourra dire avoir été le plus heureux:
◦ Ce villageois chrétien qui depuis longtemps vit en paix, jouit des promesses de l’Évangile,
◦ ou ce philosophe mondain, encore à la recherche de la vérité dans l’océan sans borne de la science?
Lequel est le mieux disposé à la mort, lequel est le plus calme en face des vicissitudes de ce monde; lequel, patient dans la maladie, résigné dans l’affliction, content de son sort et toujours prêt à bénir la Providence?
Et, des deux, lequel, en mourant, dira: J’ai fait un pas dans la vérité; et lequel répondra: Moi je l’ai trouvée?
Il n’est besoin de nommer personne; l’expérience a parlé, et si l’orgueil ne retenait ses lèvres, ce sage viendrait nous confesser ses mécomptes et ses regrets. Oui, on a vu plus d’un philosophe mourant avouer la vanité de leurs longues études, regretter cette foi que leur cœur desséché ne pouvait plus saisir, et cette conscience droite qu’ils avaient échangée contre une vaine aptitude à distinguer entre des formes et des fantômes, des abstractions et des idéalités, et tant d’autres subtilités qui n’ont d’existence que par les mots qui les expriment.
Oh! bénissons Dieu de nous avoir épargné de tels pièges, et surtout de nous avoir donné la science qui dispense, au besoin, de toutes les autres:
la science du salut et de la paix en Jésus-Christ.
Lisez Actes des Apôtres XIX, 21 à 40.
L’utile et le vrai en religion
Cette lutte entre le culte de Diane et le culte de Jésus-Christ met bien à découvert les deux voies habituellement suivies pour faire accepter une religion: prouver qu’elle est vraie, c’est ce que fait Saint Paul; montrer qu'elle est utile, c’est ce que tentent Démétrius et les Éphésiens.
Le vrai et l’utile, voilà donc réduits à deux mots les deux plus forts motifs qu’on puisse présenter à des hommes pour leur faire adopter une croyance religieuse. Mais ces deux motifs sont-ils également bons?
Nous allons en juger.
Écoutons d'abord le grand orfèvre:
«Il n’y a pas seulement du danger pour nous que notre métier soit décrié, mais il est même à craindre que le temple de la grande Diane ne tombe dans le mépris, et que sa majesté, que toute l’Asie et tout le monde révère, ne s’anéantisse aussi.»
Ce qui revient à dire: Diane nous est utile: donc Diane doit être conservée.
Écoutez ensuite les ouvriers de Démétrius:
«Grande, crient-ils, grande est la Diane des Éphésiens!»
Ce qui, dans leur bouche, veut dire: Cette idole fait la réputation de notre patrie, le gain de nos artisans, la fortune de nos prêtres, la consolation de nos dévôts: il faut donc la conserver.
Écoulez enfin le prévôt éphésien:
«Qui ne sait, dit-il au peuple, que l’image de Diane est descendue de Jupiter? Cela étant sans contradicteur, il faut donc vous apaiser.»
C’est-à-dire que, pour obtenir la dispersion de l’émeute, le magistrat ment à sa conscience et flatte la superstition du peuple; car il sait bien que les contradicteurs ne manquent pas, puisque c’est effrayée par leur nombre que la populace se soulève.
Mais le prévôt de la ville juge ce mensonge nécessaire à la conservation de l’ordre public; il ment donc, et sacrifie le vrai à ce qu’il croit utile.
C’EST AINSI QU’AU NOM DE L’UTILE ON PRÉTEND LÉGITIMER L’ERREUR, et que par l’erreur on arrive à tous les maux, jusqu’à ce qu’on reconnaisse que cette utilité était illusoire, et que le vrai seul est finalement bon.
◦ C’est en se disant que la religion est utile que les législateurs, les philosophes, les poètes ont enfanté le paganisme;
◦ c’est en se disant que les temples sont utiles, que les prêtres païens ont fait élever celui de Diane, à Éphèse, comme par le même principe ils ont persuadé au peuple, contre leur propre persuasion, que leur idole était tombée du ciel;
◦ c’est en disant que la religion est utile, que Démétrius et ses ouvriers ont reproduit par milliers les images de Diane, et, par ces images, répandu au loin une impure superstition.
Oui, mais tous ces hommes, en se disant qu’il fallait garder la religion parce qu’elle était utile, ne pouvaient pas se défendre intérieurement de cette réflexion que, pour être obligatoire pour eux-mêmes, il faudrait qu’elle fût vraie... et ce n’était pas là ce qu’ils avaient reconnu.
Au contraire, par cela même qu’ils la recommandaient en vue de son utilité, ils laissaient deviner qu’ils ne connaissaient pas à son culte de motif plus valable. Dès lors la foi est impossible pour de tels spéculateurs.
◦ Ils prennent la religion selon les circonstances et le degré d’utilité qu’ils lui supposent; mais toujours pour les autres, jamais pour eux-mêmes.
Comme chacun d’eux fait ce calcul en secret, et pense être seul à le faire, il arrive que tous prêchent et que personne ne croit. Aussi, chacun se plaint que la foi ne soit pas plus agissante, que les mœurs ne soient pas plus pures, enfin, que les autres ne se conduisent pas à son égard en vrais croyants.
Véritable association dont chaque membre s’indigne que ses compagnons de vol sur le grand chemin ne soient pas honnêtes hommes envers lui dans la caverne. Aussi, dans cet état de société:
◦ le temple d’Éphèse est debout,
◦ Diane adorée,
◦ Démétrius enrichi,
◦ ses ouvriers occupés,
◦ les magistrats obéis;
et, demain peut-être, cette société minée à l’intérieur croulera par sa base; l’on ne verra plus ni ville, ni temple, ni déesse, ni commerce, ni ouvrier; et une immense ruine viendra dire que cette religion, d’une si grande utilité, n’était qu’un grand mensonge.
Ah! ce n’est pas ainsi que Paul prêche l’Évangile; son premier souci c’est de savoir s’il existe vraiment un Dieu, un Christ, une éternité.
Mais si tout cela est utile pour huiler les rouages de la famille ou de l’État, c’est ce dont il ne s’inquiète guère, bien convaincu que le vrai produira toujours le bon, comme la semence porte nécessairement son fruit.
Est-il nécessaire d’indiquer ici les applications modernes des vérités que nous venons d’entendre, et de chercher Démétrius, ses ouvriers et le magistrat éphésien dans notre siècle, dans notre patrie, à nos côtés?
Non, et si quelqu’un de nous est dans ce tableau sans avoir su s’y reconnaître, ce n’est pas la lumière qui lui manque, C’EST LA VOLONTÉ.
Lisez Actes des Apôtres XX, 1 à 16.
Une nuit passée en prière et en méditations
Comme les fidèles de Troas sont réunis le premier jour de la semaine pour rompre le pain, Paul, sur le point de partir, vient leur faire un dernier discours.
II n’est pas dit à quel instant précis commença la réunion; mais il est dit, du moins, que ce fut de jour et que Paul parla jusqu’à minuit.
À cette heure survient un grave accident, réparé par un miracle, et Paul reprend la parole jusqu’au matin.
Ainsi donc, une nuit entière fut consacrée à ce pieux entretien.
Admettons, comme tout porte à le croire, que cette longue séance ait été partagée par une de ces agapes où l’on prenait la communion du Seigneur, toujours reste-t-il que Paul et les chrétiens de Troas s’entretinrent environ douze heures sur des sujets de piété.
Ce discours, ou, si vous voulez, cette conversation sur la foi chrétienne ne vous semble-t-elle pas bien prolongée?
◦ Toute une nuit!
◦ Toute une nuit parler de Dieu!
◦ Toute une nuit tenir l’oreille attentive au nom de Jésus-Christ!
◦ Toute une nuit répéter les mêmes vérités!
Encore une fois, n’est-ce pas du mysticisme, ou du moins un zèle exagéré?
Supposons que la réponse à cette question nous fût faite par un homme du monde, il nous semble qu’elle reviendrait à peu près à ceci: Passer, le dimanche, une heure dans un temple à écouter un discours, et la moitié de ce temps dans sa maison en lectures pieuses; causer parfois, dans la semaine, quelques instants sur des matières religieuses, cela se conçoit, c’est bien, il n’y a rien à dire.
Mais, douze heures d’horloge, ressasser des idées religieuses, prier, chanter des cantiques, prêcher; prier encore, chanter encore, prêcher encore, et cela, durant tout le temps qu’il faut au soleil pour faire la moitié du tour de la terre, et cela, tandis que tout le monde se livre au repos dans la ville, alors que la fatigue et la chaleur sont telles, dans la salle haute, qu’on homme dans la vigueur de l’âge s’endort malgré lui sur le bord d’une fenêtre et tombe mort!
Oh! ce n’est pas du zèle: c’est de la folie! Ce n’est pas de la foi: c’est du fanatisme!
À notre tour, interrogeons celui qui vient de nous répondre, et demandons-lai quels sont, selon lui, les objets dont on peut raisonnablement s’occuper une nuit entière.
La vie de ce sage mondain va répondre:
Pour qu’un discours vaille la peine d’être écouté jusqu’à minuit, il faut qu’il se prononce sur un théâtre; et le seul objet pour lequel on puisse veiller jusqu’au malin, c’est une fête, un bal, une orgie!
Cela est-il vrai?
Ces hommes qui crient à l’exagération, et qui certes n’ont jamais passé une nuit à écouter un sermon, n’en ont-ils jamais passé une dans une salle de danse ou de festin?
Et pour cela croient-ils être des fanatiques du plaisir et du péché?
Non. Eh quoi!
◦ On peut être sage en se vautrant dans la boue une nuit entière,
◦ et l’on est fou parce qu’une nuit entière on prie Dieu?
Ah! ce simple rapprochement montre de quel côté est le fanatisme, et de quel côté est la sagesse.
Oui, nous le savons: pour nous, comme pour la plupart des chrétiens, une nuit passée en prières et en méditations serait chose presque impossible; nous ne prétendons donc l’imposer comme un devoir à personne.
Mais nous voudrions du moins qu’on sentit que la faute en est à nous, trop tôt fatigués, et non à la nuit trop longue, que nous eussions trouvée courte dans de vaines dissipations.
Admirons Paul et, les chrétiens de Troas, loin de les accuser; que leur zèle nous serve à mesurer notre froideur; et au lieu de nous recrier et peut-être de sourire à la pensée de douze heures de prières, frappons-nous la poitrine...,
Et demandons à Dieu de nous apprendre à prier sans cesse,
et sans cesse avec un nouveau plaisir.
Lisez Actes des Apôtres XX, 16 à 38.
L'humilité chrétienne et la gloire humaine
Quelle opposition entre les idées chrétiennes et les pensées mondaines!
À côté de Paul, exposant le passé qui fait sa gloire aux yeux du Seigneur, placez un grand de la terre, narrant ce qu’il estime faire sa gloire aux yeux des hommes, et comparez.
Paul se glorifie d’avoir servi, et servi avec humilité.
◦ Le grand du monde, au contraire, se vante d’avoir eu des serviteurs, et, s’il a jamais eu un maître, de l’avoir servi, non pas avec humilité, mais avec honneur.
Paul avoue qu’il a versé beaucoup de larmes au milieu des embûches que les Juifs lui ont suscitées.
◦ Le grand du monde, au contraire, s’enorgueillit d’avoir vaincu les obstacles, sans faiblesse, sans larmes; il aurait honte de pleurer!
Paul déclare qu’il n’a pas seulement prêché du haut de la chaire de Moïse, mais qu’il est allé de maison en maison instruire les petits et les pauvres, consoler l’orphelin et la veuve.
◦ L’orateur mondain, au contraire, croirait avoir prostitué sa parole en la jetant de porte en porte dans le réduit de l’indigence ou devant un humble auditoire d’ignorants. Il aime à citer les auditeurs illustres auxquels il a toujours parlé; il rougirait d’être surpris pérorant en face de quelques pauvres et rares campagnards.
Paul met sa gloire à servir aussi bien les Grecs, étrangers, que les Juifs, ses compatriotes.
◦ Le savant, le guerrier, le citoyen se vantent d’avoir consacré leur génie et leur courage uniquement à leur pays; un service rendu à l’étranger serait une honte à leurs yeux, alors même qu’il ne nuirait en rien à leur patrie.
«Je n’ai désiré ni or ni argent,» ajoute l’Apôtre.
◦ Ici l’homme du monde ne dit rien; mais il étale sa fortune pour se faire valoir aux yeux de la foule étonnée.
«Ces mains ont fourni à tout ce qui m’était nécessaire,» dit enfin Paul.
◦ Je ne suis jamais descendu à un travail manuel, dirait plutôt le grand seigneur, et mes ancêtres n’ont jamais dérogé.
Pauvre grandeur humaine, que tu es ridicule! mais non; voyons plutôt combien elle est funeste au bien de l’humanité. Quelle que soit la véritable grandeur, on conviendra que tous les hommes doivent y tendre.
Qu’on se représente donc une société dont tous les membres, à l’exemple de ce grand seigneur,
◦ se vanteraient d’avoir su retenir leurs larmes,
◦ de n’avoir servi personne,
◦ de ne se produire qu’en face d’une haute société,
◦ de mépriser tout ce qui n’est pas dans sa patrie,
◦ de ne jamais s’abaisser à un travail manuel,
◦ enfin d’avoir depuis leur plus tendre enfance mené une vie oisive et opulente.
Je le demande, quel enfer ne serait pas une telle société, arène toujours ouverte de combats, de haines et d’humiliations?
Mais représentes-vous, au contraire, une réunion d’hommes semblables à Paul,
◦ se servant les uns les autres avec humilité,
◦ secourant le pauvre, le malade, le prisonnier et même l’étranger;
◦ travaillant afin de n’être à charge à personne,
◦ exhortant avec larmes amis et adversaires à se convertir au Seigneur;
supposez une société formée de tels hommes, et dites-nous si ses membres s’entrechoqueraient, se haïraient? ou si plutôt ce ne serait pas un monde où régneraient la paix, la joie, l’amour et le bonheur?
Oui, nous ne serons heureux que dans l’humilité qui est à la portée de tous, dans le dévouement dont la voie est toujours ouverte; dans le travail toujours accompagné du contentement d’esprit.
Alors, il est vrai, nous ne serons pas glorieux aux yeux des princes de ce monde, personnages si grands que leurs regards passent par-dessus nos têtes; mais alors nous serons vus des petits, si nombreux sur la terre, et vus du seul Grand dont le regard pénètre jusqu’au plus humble des hommes, comme les rayons de son soleil vont jusqu’au fond des plus basses vallées.
Lisez Actes des Apôtres XXI, 1 à 16.
Jusqu'où va l'action du Saint-Esprit sur l'homme
Le Saint-Esprit avertit par trois fois que des liens attendent Saint Paul à Jérusalem:
◦ à la première, l’Apôtre lui-même;
◦ à la seconde, les disciples de Tyr:
◦ et enfin, à la dernière, le prophète Agabus.
Et cependant ces trois avertissements semblables agissent de diverses manières sur ceux qui les reçoivent:
◦ Paul persiste à se rendre à Jérusalem;
◦ les disciples de Tyr voudraient l’en empêcher,
◦ et Agabus ne pousse ni ne retient l’Apôtre.
Ces trois conduites différentes, tenues par des hommes inspirés par le même Saint-Esprit, méritent donc d’être étudiées.
Remarquez d’abord que l’Esprit-Saint révèle une même chose dans les trois circonstances; c’est que Paul doit être chargé de liens; mais là se borne l’action divine.
Si les disciples retiennent l'Apôtre, c’est de leur propre mouvement (Le conseil des disciples de Tyr, au verset 4, semble inspiré par l’Esprit-Saint lui-même. Mais ce n’est là qu’une apparence. Voici le véritable sens: instruits par le Saint-Esprit que Paul avait à souffrir à Jérusalem, et poussés par leur affection pour lui, ils lui conseillèrent de ne pas y monter. Autrement le Saint-Esprit se contredirait lui-même, puisque, XX, 21, Paul dit que c’est lié par l’Esprit qu’il monte dans cette ville. Dans les deux cas, l’Esprit instruit, mais ne contraint pas);
si Agabus se tait, c’est qu’il le veut bien; ni les paroles des compagnons de Paul, ni le silence d’Agabus, ne nous sont présentés comme inspirés, en sorte que l’Esprit qui éclaire et qui par cela seul réchauffe, comme le soleil qui ne saurait faire l’un sans l’autre, ne contraint cependant pas;
◦ il laisse Paul libre de marcher,
◦ les disciples libres de le retenir,
◦ le prophète libre de ne faire ni l’un ni l’autre.
Oui, l’action divine éclaire l’esprit, réchauffe le cœur,
mais ni sa lumière, ni sa chaleur ne vont jusqu’à la contrainte.
Sans le secours de l’Esprit-Saint, l’homme ne progresserait pas; mais malgré lui l’homme peut encore ralentir le pas et même s’arrêter, car, si nous ne sommes pas la force motrice, nous sommes parfois la pierre du chemin qui entrave; c’est ce que suppose l’Évangile en nous disant: «N'éteignez pas le Saint-Esprit.»
Ces réflexions ne sont peut-être pas inutiles à une époque où l’on abuse du langage chrétien pour dissimuler sa propre lâcheté, et où l’ou va jusqu’à dire: «Il ne m’a pas été donné de vaincre mes passions,» tandis qu’il eût été plus juste d’avouer qu'on a poussé le secours destiné à les vaincre; à une époque où l'on dit «le Seigneur ne m'a pas permis,» et où il faudrait dire: «Je n'ai pas permis au Seigneur!»
Si du moins notre résistance était du genre de celle dont il nous est ici parlé, si c’était à d'autres et non à nous que nous voulussions épargner des afflictions, on pourrait encore nous excuser, car dans ce récit la charité et la fidélité sont aux prises, et l’on ne sait qui l’on doit le plus admirer, de Paul qui court au-devant du danger ou des disciples qui veulent l’en éloigner.
Si notre résistance était, comme celle des compagnons de l’Apôtre, d’abord faible, bientôt vaincue, et enfin terminée par cet élan de cœur: «Eh bien, que la volonté de Dieu soit faite!» À la bonne heure, car Jésus lui-même n’a pas vaincu sans lutte; à Gethsemané il a dit: que cette coupe s’éloigne de moi, toutefois que ta volonté soit faite et non la mienne!
◦ Mais non, nos résistances contre l’Esprit se prolongent, remportent la victoire; et ce qu’il y a de pire, nous reprochons ensuite à Dieu de ne pas nous avoir vaincus!
Ah! prenons garde d’imputer au Seigneur notre péché.
Si nous ne pouvons réclamer aucune gloire pour le bien qu’il nous est donné de faire, ce n’est pas un motif pour rendre Dieu responsable de celui que nous ne faisons pas.
N’attendons pas la contrainte pour obéir, mais marchons à l’éclat de la lumière et sous l’impulsion de l’amour, alors nous serons dans le vrai, dans la paix, dans la joie, et nous avancerons véritablement dans la sainteté.
Lisez Actes des Apôtres XXI, 17 à 40.
Joie de Paul et de Jacques sur leurs succès réciproques
La réunion à Jérusalem de Paul et de ses compagnons de voyage d’un côté, avec Jacques et ses collègues de l’autre, tous serviteurs d’un même Maître, tous occupés, sur divers points, d’une même œuvre et animés d’un même Esprit, cette réunion fraternelle et les discours qui s’y prononcent, laissent dans le cœur les plus douces impressions.
Paul raconte les merveilleux progrès que l’Évangile a faits au loin par ses efforts, et les frères de Jérusalem s’en réjouissent.
De leur côté, les chrétiens de Jérusalem, en montrant à Paul les milliers convertis par leur ministère, l’engagent, pour se bien faire venir des faibles, à se joindre au vœu que vont accomplir quatre Israélites.
Quoique cet Apôtre n’attribue aucune valeur à de telles cérémonies, il se hâte d’acquiescer à la demande des frères de Jérusalem, et, aussi, approuve leurs vues et leurs travaux.
Ainsi, chacun a travaillé de son côté, et, quand tous se réunissent, chacun se réjouit des succès de ses frères.
Dans un sens, cela est bien simple, car tous ont travaillé à la même œuvre, celle du Seigneur; ils doivent donc tous se sentir heureux de la voir prospérer, n’importe par quelles mains.
Cependant, cette conduite si simple est en même temps si rare, que sa peinture rappelle à chacun de nous des exemples du contraire:
◦ plus d’une ville où l’on est jaloux des travaux d’une autre ville;
◦ plus d’une église où l’on s’afflige des succès d’une autre église,
◦ plus d’une société, plus d’un simple chrétien secrètement peinés des travaux évangéliques d’une autre société, d’un autre chrétien.
Oui, disons-le clairement, depuis quelques années les œuvres chrétiennes se sont multipliées au milieu de nous; à ne tenir compte que des buts avoués, ce spectacle est vraiment réjouissant; mais ces œuvres, jugées sur les motifs secrets, seraient peut-être bien tachées.
Sans doute, c’est un bien que l’activité chrétienne se décentralise, que des rayons plus courts et plus vifs se dirigent sur des points plus nombreux, plus rapprochés. Cette multiplicité d’œuvres prouve le zèle, en même temps qu’elle le développe: il est peut-être bon aussi que chaque besoin senti cherche, autour de ceux qui l’éprouvent, le moyen de se satisfaire, et que, selon le précepte de l’Apôtre, on songe d’abord à sa famille, à ses alentours.
Mais, est-ce bien là le motif qui a inspiré la plupart des petites conceptions d’un seul individu ou d’une étroite coterie?
Non, et nous en prenons à témoin précisément l’absence, dans notre monde chrétien, de cette joie de Jacques et de Paul au récit des succès de l’un et de l’autre; nous en prenons à témoin cette tristesse, cette amertume à la nouvelle que d'autres nous ont devancés, omis, oubliés.
Soit, donnons notre cœur à notre œuvre spéciale; mais, au nom du Seigneur! Sachons faire place à l’œuvre de nos frères.
Un mondain rougirait d’éprouver nos sentiments, lui qui, cependant, avoue qu’il travaille pour lui-même, parce qu’un instinct de générosité lui fait repousser la jalousie comme basse et honteuse; mais nous, nous chrétiens, nous qui disons travailler pour Dieu, nous qui faisons profession de dévouement, nous qui prions pour l’avancement du règne de Christ sur toute la terre, nous serions jaloux de nos frères se dévouant aussi, accomplissant ce que nous négligeons ou ce que nous ne pouvons étreindre?
Nous serions peinés d’apprendre que nos prières ont été exaucées sans notre concours?
Oh! J’ai honte d’avoir à sonder de telles plaies sur le corps de l’Église de Jésus-Christ, et je détourne la tête, je ferme les yeux; mais je tombe à genoux et je prie Dieu de nous pardonner!
La jalousie
Aussi longtemps que Paul ne touche pas à la prééminence que les Juifs s’attribuent sur tous les peuples, ces Juifs lui laissent poursuivre ses discours et raconter sa conversion. Mais dès que l’Apôtre prononce le nom des gentils, dès qu’on peut deviner qu’il va les mettre sur la même ligne que les Israélites, la foule s’agite, secoue ses vêtements et pousse des cris de mort!
Absurde jalousie, qui va chercher sa nourriture dans la faim de ses frères, et qui ne nous permet de trouver de saveur à l’eau d’un fleuve qu’à condition que d’autres n’y boiront pas aussi!
Hideuse jalousie, qui fait de chacun de nous l'antagoniste de tout le genre humain, et nous crée des chagrins d’autant, plus vifs que nos adversaires sont plus près de nous et devraient nous être plus chers; qui n’est heureuse que des pleurs d’autrui et qui pleure des joies de ses frères; qui creuse un abîme autour de nous et nous rend haïssables, même à l’ami, au parent, qui lit au fond de notre cœur!
Oh! rongeante frénésie, d’autant plus malheureuse que Dieu est plus généreux dans ses dons; qui souffre, parce que d’autres sont heureux; qui doit s’attendre à souffrir toujours davantage, puisque Dieu ajoute à chaque heure des mondes à sa création et des âmes à son Église!
Désolante jalousie, qui ne pourrait supporter la vue du ciel où sont tant de bienheureux, et qui, pour se sentir apaisée et satisfaite, aurait besoin de plonger du regard, du haut de son ciel, dans les gouffres de l’enfer, pour y voir souffrir des créatures privées du bonheur dont elle jouit!
Grâces à Dieu, ce sentiment, si naturel au coeur humain, est le premier affaibli, sinon éteint par l’Évangile.
Et en effet, comment serions-nous jaloux quand nous avons appris que nous ne sommes dignes de rien, que le don de Dieu pour nous est l’éternité, et que l'éternité donnée â nos frères n’abrégera pas la nôtre?
Comment serions-nous jaloux, lorsque nous avons appris à puiser notre joie dans l’amour qui nous dépersonnalise, ou qui plutôt répète notre personnalité dans chacun de nos frères, en sorte qu’il ne peut rien leur arriver d’heureux que notre cœur n'en ressente le contre coup?
Comment serions-nous jaloux en voyant se multiplier les amis de notre Maître, les habitants bénis de notre future demeure, les éternels compagnons de notre félicité?
L’histoire raconte que deux frères jumeaux naquirent et vécurent inséparablement unis par la main. Quelle misère devait être celle de ces deux êtres, s’ils étaient jaloux l’un de l’autre, et quelle ne devait pas être leur joie, s’ils s’aimaient véritablement?
Eh bien, telle est l’image des chrétiens, tous invinciblement unis par la main. Quelle ne serait pas leur misère ici-bas, et même dans le ciel, s’ils pouvaient être jaloux les uns des autres, et quelle ne sera pas leur joie si, dans le ciel comme ici-bas, ils savent s’aimer à tel point que leurs sourires et leurs larmes se confondent?
Non, il faut bien nous le dire:
◦ Il n’y a de bonheur possible, pour nous que dans l’extirpation radicale de cette racine d’amertume qui bourgeonne encore dans notre cœur, et que chaque bonheur étranger, comme un nouveau printemps, fait refleurir.
◦ Il faut aller au fond, il faut l’extirper tout entière; il n’y a de bonheur chrétien qu’à ce prix.
Jusque-là notre dévouement, notre zèle seront douloureux; mais dès lors le zèle et le dévouement deviendront doux à notre cœur. Il est vrai que Dieu seul peut faire cela; mais aussi rappelons-nous que, pour qu’il le fasse, c’est nous qui devons le vouloir et le demander.
Lisez Actes des Apôtres XXIII, 1 à 15.
Le vrai et le faux zèle dans le prosélytisme
Si l'on eût demandé à Paul, parcourant le monde l’Évangile constamment sur les lèvres, quel était le mobile de sa vie, il aurait pu répondre que c’était son zèle pour la cause du Seigneur.
Si l’on eût demandé aux Juifs poursuivant Paul de ville en ville, le glaive à la main, quel était le motif de leur conduite, ils auraient répondu sans doute aussi: C’est notre zèle pour la loi du Seigneur.
À vrai dire la réponse des Juifs paraîtrait à un étranger aussi juste que celle de l’Apôtre. Oui, de part et d’autre, il y avait du zèle; mais:
◦ Ici un zèle selon Dieu,
◦ et là un zèle selon la chair.
Et pour savoir de quel zèle nous sommes nous-mêmes animés, étudions les caractères de celui de l’Apôtre et de celui des Israélites, afin que chacun de nous puisse, en silence et en secret, prononcer auquel des deux ressemble son propre zèle.
Paul veut amener les hommes à sa foi; quel moyen emploie-t-il?
Uniquement la persuasion: tantôt il explique, tantôt il prie. Ici, il tonne avec force; là, il parle avec douceur; mais dans toutes les circonstances ses armes sont la parole et la plume, c’est-à-dire toujours la simple persuasion.
Quel est, d’un autre côté, le moyen mis en œuvre par les Juifs pour empêcher Paul de prêcher l’Évangile?
La violence:
◦ ils le chassent de Philippe,
◦ le poursuivent à Bérée,
◦ soulèvent la populace contre lui à Thessalonique,
◦ le frappent à Lystre,
◦ l’épient à Jérusalem
◦ et jurent de lui donner la mort;
et tout cela, remarquez-le bien, par zèle religieux, sous l’invocation d’un serment religieux!
En second lieu, le zèle de Paul se manifeste surtout par l’amour qu’il témoigne à ceux qu’il veut convertir, et par l’amour qu’il conserve même pour ceux qu’il ne convertit pas.
Lorsque, par la persuasion, il a conduit les hommes à croire en Jésus-Christ, il les adopte comme ses enfants, leur écrit en particulier ou collectivement, et ne termine pas ses lettres sans adresser à chacun une salutation particulière, un mot de caresse ou d’éloge.
Si ses auditeurs ont repoussé sa prédication, il conserve encore pour eux la plus vive affection; il prie et pleure pour obtenir de Dieu leur conversion; il va jusqu’à dire qu’il consentirait, si la chose était possible, à être anathème, pour amener ses frères au Seigneur.
Le zèle des Juifs, au contraire, se manifeste sous la forme de la haine.
◦ Ils grincent des dents,
◦ déchirent leurs habits,
◦ persécutent, emprisonnent, lapident,
◦ en un mot haïssent leurs opposants autant que Saint Paul aime les siens.
Enfin le zèle de Paul se porte sur tous les hommes, Juifs et Gentils. Depuis qu’il connaît Christ, il n'y a pour lui ni Scythes, ni Barbares, ni Grecs, ni Romains; il se donne à tous.
Mais les Juifs, au contraire, exercent d’autant plus leur zèle amer contre la foi d’un homme que cette foi diffère moins de la leur. Qu’il y ait au loin ou près d’eux des païens, peu leur importe; ils ne songent ni à les convertir ni à les haïr. Et ils appelaient probablement cela tolérance, largesse d’esprit. Mais les hommes qui réveillent leur zèle violent, ce sont les Samaritains, auditeurs respectueux de la loi, mais qui vont l’entendre lire à Garizim et non à Jérusalem; ce sont les chrétiens, adorateurs du même Dieu, croyant les mêmes prophéties, mais qui diffèrent sur un point de leur accomplissement.
Oh! ces Samaritains et ces chrétiens, ils s’en occupent et préoccupent sans cesse; ils traverseraient les mers pour faire un seul prosélyte, et s’ils ne peuvent le convertir, ils feront de longs et pénibles voyages pour le mettre à mort ou en prison; eux qui laissent bien tranquilles les grossiers idolâtres que Paul va chercher en Asie et en Europe.
Ai-je été compris?
Je le pense.
Que chacun de nous donc cherche s’il est animé du zèle persuasif, aimant et vaste, de l’Apôtre, ou de ce zèle violent, haineux, étroit des Juifs, adorateurs de la lettre, et fanatiques pour les bancs de la synagogue.
Lisez Actes des Apôtres XXIII, 16 à 25.
Paul en prison à Jérusalem
La conduite de Paul, dépositaire du secret de ses criminels ennemis, est à la fois simple et noble.
Un enfant vient lui dire que quarante hommes ont fait serment de l’assassiner; et lui, loin de faire appeler le tribun, ou de se transporter auprès de lui, pour révéler ce qu’il vient d’apprendre, afin de jeter de l’odieux sur ses accusateurs, et de faire sentir ainsi son innocence, ce qui nous eût paru bien légitime, Paul fait conduire cet enfant vers son juge.
Si, du moins, il lui recommandait de tout dire, de bien dire; s’il lui faisait la leçon pour se disculper, sans sortir de la vérité; mais non; rien. Il fait venir un centenier, et le prie de conduire ce jeune homme au tribun.
On ne sait vraiment si, dans cette simple précaution pour faire échouer une coupable tentative, Paul n’a pas tout autant pour but d'épargner un crime à ses adversaires, que de se dérober lui-même à leurs poignards. En tout cas, il était impossible de faire moins contre eux, ni de faire mieux pour la justice.
Pour mieux le faire sentir, demandons-nous si nous eussions agi de même?
S’il faut en juger par notre conduite dans des occasions analogues, il est bien à craindre que non.
Dès qu’un homme nous outrage, nous devenons habiles à faire ressortir ses torts, à les grossir, à lui en découvrir de nouveaux en fouillant dans sa vie passée.
Alors, nous examinons à la loupe ces mille petits riens, qu’en temps ordinaire nous n’eussions pas même aperçus, et nous les étalons avec plaisir dans nos récriminations.
Aussi, sommes-nous prompts à dérouler la vie coupable de notre ennemi à qui veut nous entendre, à narrer, grossir et noircir les torts qu’il nous a faits, et à le jeter en pâture au mépris et à la haine de l’opinion publique.
Oh ! qu’il y a loin de cette conduite à celle de Paul ! Aussi, comme la sienne nous charme et nous surprend !
◦ Et cependant, n’est-ce pas dans ces petits détails de la vie,
n’est-ce pas dans ces vertus obscures, et par cela même empreintes du cachet chrétien,
n’est-ce pas dans de tels détails et de telles vertus que nous devrions exercer notre christianisme parce que la pratique en revient tous les jours?
Parce qu’ils jetteraient sur les rouages de la famille, de la société, cette huile onctueuse qui les ferait marcher sans effort et sans bruit?
Parce que c’est à cela, surtout, que Dieu nous appelle, et non à ces œuvres d’éclat qui perdent, hélas! trop souvent, leur valeur et leur parfum en s’évaporant au grand jour?
Oui, j’admire plus une servante faussement accusée, qui se tait pour conserver la paix, que son maître, qui disserte éloquemment sur l’insubordination des serviteurs; la conduite de l’indigent qui reçoit, sans se plaindre, l’aumône et la réprimande, me touche plus que celle du riche qui lui fait la réprimande et l’aumône.
Plus une vertu est humble, plus elle est chrétienne; plus elle est obscure, plus elle brille aux yeux de Dieu. Sachons donc ne pas les mépriser, et, au lieu d’attendre de grandes occasions pour nous montrer chrétiens, saisissons les petites qui se présentent chaque jour.
◦ Soyons, comme Paul, modérés, charitables, même envers ceux qui manquent à notre égard de modération et de charité; et, quand nous aurons fait cela, n’allons pas le crier sur les toits !
Paul devant Félix et Drusille
Pour bien comprendre la scène de Paul, comparaissant devant Félix et Drusille, il faut d’abord connaître ces deux derniers personnages.
◦ Félix, d’après le témoignage des historiens, était un tyran dont les exactions et la cruauté avaient tellement exaspéré la province, que les Juifs demandèrent enfin son rappel à Néron.
◦ Drusille, déjà coupable pour s’être mariée, elle juive, à un païen, l’était encore pour avoir commis un adultère en abandonnant Azizus, son légitime époux.
Voici donc un puissant gouverneur romain désirant, pour distraire sa femme et satisfaire sa propre curiosité, faire causer un humble prisonnier qui arrive, chargé de fers, dans son palais.
Si nous eussions été spectateurs de cette scène, et qu’on nous eût demandé lequel de ces deux sorts était le plus digne d’envie, de celui du prince sur son trône, ou du prisonnier lié de chaînes; en jugeant sur les apparences, n’eussions-nous pas cent fois préféré le siège de Félix aux liens de Paul, le palais de Drusille au cachot de l’Apôtre? Toutefois, avant de choisir, écoutez.
Ce prisonnier, mandé comme un histrion (Acteur et spécialement mime qui jouait, accompagné à la flûte, les premières farces importées d'Étrurie puis des farces grossières, les satires - https://www.cnrtl.fr/definition/histrion), satisfait aux questions qu’on lui adresse, et continue même à parler au delà de ce qu’on lui demande; peu à peu il relève la tête; ses réponses se changent en interpellations, il oublie ce qu’il est, ou plutôt il se rappelle qu’il est un envoyé de Dieu, et il parle avec le courage que donne une bonne conscience.
◦ D’accusé, il se fait accusateur; à cet homme injuste,
il parle de justice; à cette femme impure,
il parle de tempérance; à tous deux, criminels,
il parle de jugement.
Voilà ce qui se passe au fond de son cœur; voilà la réalité, ces chaînes ne sont que de vaines apparences.
À l’ouïe de ce discours, aussi vrai qu’inattendu, Félix se réveille, Drusille s’étonne; ils n’ont pas eu le temps de se précautionner contre cet orage, et la foudre de la parole éclate avant qu’ils se soient mis à l’abri.
Alors, ramenés malgré eux à la vérité, ils oublient aussi les vaines apparences de la pourpre et rentrent dans la réalité de leur conscience.
Paul ne les a pas nommés, il a parlé en général de justice, de tempérance; mais eux, coupables, se sont nommés eux-mêmes, dans le secret de leur cœur, et maintenant ils tremblent à l’ouïe du seul mot de jugement.
Aussi, Félix tout effrayé, nous dit saint Luc, Félix tout effrayé ne peut plus longtemps soutenir cette lutte, et au lieu de répondre, ou de punir, selon la violence de son caractère, Félix, épouvanté, dit à Paul: Assez! assez! pour le moment; va-t’en; une autre fois je te rappellerai.
Étrange spectacle! l’accusé est libre par sa parole; le juge est tremblant sur son siège; Paul, calme, ferme, hardi; Félix, souffrant, n’osant se plaindre, renvoyant le prisonnier, s’excusant même de ne pas l’écouter plus longtemps et promettant de le rappeler.
Dites, maintenant, de ces deux places, laquelle vous fait envie?
◦ Le trône et son remords, ou ces chaînes et leur foi?
◦ Félix, prince coupable, ou Paul, prisonnier innocent?
Eh bien! de même, dans vos circonstances actuelles, vous avez ce choix à faire.
Vous, comme tous les hommes, avez à choisir, aujourd’hui comme toujours, entre l’apparence des choses extérieures et la réalité de la conscience: être heureux par la matière ou par le sentiment; par ce qui ne satisfait que par intervalle, en présence du monde, ou par ce qu’on porte avec soi, toujours et partout: une conscience pure, ou du moins purifiée, une vie sainte ou du moins qui se sanctifie.
En vain vous obtiendriez des succès dans toutes vos circonstances terrestres: si vous n’avez pas ces biens spirituels, vous ne serez pas plus heureux que Félix et Drusille, princes et angoissés;
◦ mais, fussiez-vous dans la misère, avec ces richesses chrétiennes vous resterez libres, heureux, satisfaits, comme Paul, enchaîné à des anneaux de fer, mais enchaîné encore au service de son Dieu.
Ces vérités sont si simples qu'elles sont triviales, et, cependant, elles n'en sont pas moins négligées; il était donc bon de nous en rappeler, comme il est bon de demander à Dieu de
nous enseigner à faire bien plus que les comprendre,
mais encore à les pratiquer,
Espérer contre toute espérance
Le Seigneur nous fait, dans sa Parole, sous mille formes différentes, la promesse formelle de ne jamais nous abandonner; et cependant, dès qu’une difficulté s’élève, dès qu’une affliction tombe sur nous, nous voilà tremblants, inquiets, demandant comment Dieu pourra nous tirer de ce mauvais pas.
Oui, c’est sérieusement que nous sommes embarrassés pour le Seigneur;
◦ nous manquons de foi, non à sa bonté, mais en quelque sorte à sa puissance;
◦ nous croyons le cas trop difficile, et parce que nous ne saurions pas en sortir, il nous semble que Dieu ne sera pas assez habile pour nous en tirer.
Cette illusion est ridicule à force d’être absurde; mais, puisqu’elle existe, essayons de la dissiper: pour cela, revenons sur l’histoire que nous venons d’entendre.
Dans l’avant-dernier chapitre, nous avons vu le Seigneur faire à Paul cette promesse: Aie bon courage, il faut, que tu me rendes témoignage à Rome.
Mais quelle chance y a-t-il que Saint Paul arrive jamais en Europe?
◦ Quarante hommes veulent l’assassiner lorsqu’il est entre les mains du tribun,
◦ d’autres lorsqu’il est remis entre celles du gouverneur;
◦ les prêtres veulent le faire remonter à Jérusalem;
◦ Festus désire le garder à Césarée;
◦ quant à l’Apôtre lui-même, il ne songe qu’à retourner à ses travaux.
De toutes ces volontés, aucune ne pousse Paul vers la capitale de l’Empire romain!
Reportez-vous donc à ce moment, et dites-nous si devant le siège judicial de Césarée, en face de Festus qui désire retenir Paul, des prêtres qui cherchent à l’emmener à Jérusalem, de l'Apôtre lui-même qui ne veut rien, vous n’auriez pas désespéré de voir son voyage à Rome s’accomplir ?
Et cependant vous allez voir la nécessité de ce voyage jaillir de ces difficultés elles-mêmes; et cela, sans rien changer au cours naturel des événements; cela, en respectant toutes les volontés contraires.
Il se trouve que Paul est né d’un père grec, investi du titre de citoyen romain, et cette seule et minime circonstance va tout concilier.
Voici comment:
Festus, qui, après avoir retenu Paul par prudence, veut l’abandonner aux Juifs par politique, Festus dit à l’Apôtre; Veux-tu monter à Jérusalem pour y être jugé de ces choses devant moi?
Et c’est précisément cette question subite de la part du gouverneur, inattendue pour Paul, réjouissante pour les prêtres, enfin cette question qui pousse Paul à Jérusalem, c’est précisément celte question qui le conduit à Rome; car elle provoque son appel au jugement de César. «J’en appelle à César,» dit l’Apôtre.
Ce mot change tout de face; le conseil, étranger à tout ce qui vient de se passer, le conseil de Festus, ignorant des plans de la Providence, prononce le renvoi à l’empereur, lève ainsi tous les obstacles et concourt en aveugle à l’accomplissement de la volonté de Dieu; en sorte que ni l’Apôtre, ni les Juifs, ni le gouverneur aujourd’hui, ni le roi Agrippa demain, ne pourront ensemble changer le décret du conseil, accomplissant le décret du Seigneur.
Qui pouvait prévoir ce dénouement, il y a une heure?
Personne.
Eh bien! si nous avions plus de foi, n’en serait-il pas ainsi à l’instant pour nous-mêmes?
Nos difficultés sont-elles plus inextricables que celles que nous venons de voir se débrouiller sous le doigt de Dieu?
Non; et ce que nous avons vu dans l'histoire de Paul, si nous voulons y réfléchir, nous l’avons vu dans notre propre histoire.
Mais notre cœur perd si facilement la mémoire des délivrances passées!
Ah! confions-nous, croyons; bien mieux, SOYONS ASSURÉS, et le Seigneur tiendra ses promesses contre toutes les apparences et toutes les forces humaines; encore une fois:
CONFIONS-NOUS, CROYONS, SOYONS CERTAINS!
Lisez Actes des Apôtres XXVI, 1 à 18.
Paul devant Agrippa
Agrippa invite Paul à prendre la parole pour sa propre défense; Paul, au lieu de se justifier, parle de Jésus et en vue d’Agrippa.
Cet oubli de soi-même pour songer à son Dieu et à ses frères paraît si simple de la part de l’Apôtre que nous ne songeons pas même à le remarquer. Oui, cela est vrai, cette abnégation est toute naturelle chez Paul; mais c’est parce que toute la vie de Paul n’est qu’une longue abnégation.
En effet, étudiez cette vie dans la scène qui est sous nos yeux: un roi et sa sœur témoignent le désir de voir l’Apôtre et de l’entendre; dès qu’il entre, Agrippa l’invite à parler pour sa défense.
Certes, jamais occasion plus favorable ne fut offerte à un prisonnier de recouvrer la liberté, et cependant ce prisonnier n’y songe même pas.
Il est vrai que Paul, en ayant appelé à César, doit supposer son voyage à Rome désormais inévitable; mais il pourrait solliciter du moins les bons offices du roi auprès de l’empereur; il pourrait exciter sa pitié, lui faire sentir son innocence, enfin lui recommander sa cause, d’autant plus que c’est une voix amie, celle d’un compatriote et d’un ancien coreligionnaire, qui l’engage à parler, afin de transmettre lui-même, s’il est possible, sa justification à son juge en dernier ressort.
Eh bien! malgré toutes ces circonstances favorables, Paul ne se défend pas; il raconte sa conversion, prêche Jésus-Christ et cherche à convertir Agrippa.
Une telle conduite peut paraître insensée à l’homme d’affaires, habitué à tirer parti de tout pour lui-même; oui, mais cette conduite insensée selon l’homme du monde est pleine de sagesse, mieux que cela, pleine de charité aux yeux du chrétien qui, comme Paul, s’est plus d’une fois senti entraîné à s’oublier lui-même pour parler de son maître à de pauvres pécheurs qui ne le connaissaient pas.
Comment un homme clairvoyant, jeté au milieu d’une troupe d’aveugles qui lui demandent de les entretenir de frivolités dans une maison en flammes, pourrait-il répondre à leur désir et ne pas les instruire du danger?
◦ De même, comment un chrétien, mis en face d’hommes qui vont, les yeux fermés, à la mort éternelle, et se sachant lui sur le chemin de la vie, ne les conjurerait-il pas de s’arrêter?
La pensée de Dieu et de l’éternité domine tellement toutes les autres qu’à son insu cet homme, invité à parler de la terre, s’élève au ciel; encouragé à se défendre lui-même, il prend en main la cause de ses juges et se trouve avoir offert la liberté de l’âme à ceux qui pensaient avoir à lui donner la liberté du corps.
Or, il est à remarquer que ce caractère ne s’est jamais rencontré que chez les chrétiens.
Les hommes généreux selon le monde cessent presque toujours de l’être dès qu’ils se trouvent eux-mêmes dans le besoin.
Ils vous feront part de leur superflu; mais leur nécessaire, ils ne le partageront jamais.
Ils vous consacreront leur temps, leurs soins en état de santé; mais ils se croiraient fous que de se dépenser dans un état de souffrance.
Le chrétien seul peut se donner en toutes choses, se donner tout entier, se donner sans hésitation, parce que pour lui Christ s’est ainsi donné.
Oui, voilà le secret de la charité,
c’est que le chrétien, quoi qu’il donne, ne peut s’appauvrir.
Le sacrifice qu’il fait de quelques heures de vie sur la terre est plus que compensé par ces mêmes heures passées dans le ciel.
◦ Il aura une éternité pour recevoir, mais il n’a que quatre jours pour donner.
◦ Il vivra au siècle des siècles avec des anges déjà bienheureux; mais il n’a qu’un instant à vivre avec des hommes qui sont encore à sauver.
Mais hélas! il faut en convenir, c’est là ce qui devrait être, bien plus que ce qui est. Les saints Paul sont rares! Rares sont même ceux qui marchent de près sur ses traces; comme si nous n’étions pas sauvés par le même Dieu et dotés de la même éternité!
Lisez Actes des Apôtres XXVI, 19 à 32.
L'heure décisive dans la vie
Quelle pressante charité que celle de Saint Paul!
Oh! que ne pouvons-nous le voir des yeux de notre corps, tel qu’il apparut devant ce roi, cette princesse, ce gouverneur, cette cour brillante et nombreuse, lui pauvre prisonnier, sortant de son cachot, les vêtements souillés et les mains fléchissant sous des chaînes!
Agrippa le contemple, d’abord avec étonnement; puis l’écoute avec émotion; et, quand la sainte éloquence de l’Apôtre lui arrache cette exclamation: «Tu me persuades presque d’être chrétien,» Paul, levant avec peine ses bras où pendent et bruissent des anneaux de fer, pousse cette aspiration, partie du fond de son âme: «Plût à Dieu qu’il s’en fallût peu, et même qu’il ne s’en fallut de rien du tout, que non seulement toi, mais aussi tous ceux qui m’écoutent aujourd’hui; ne devinssiez tels que je suis, à la réserve de ces liens!»
Noble, admirable, divine charité!
Quand l’éloquence humaine a-t-elle inventé un tel mouvement oratoire?
Quand l’homme naturel a-t-il éprouvé de tels sentiments?
Et, si l’art ne peut trouver de semblables paroles, si le cœur humain n’a jamais ressenti de pareilles émotions, c’est donc bien par l’Esprit de Dieu que l’Apôtre qui parle ici a été inspiré.
Aussi, dès que Paul eut dit cela, le roi se leva.
Troublé dans sa conscience, mal assis à côté de la femme, complice de ses crimes, Agrippa se hâte de secouer ces pensées importunes.
Il ne peut nier, comme le lui dit Saint Paul, ce qui s'est passé de son temps, sous ses yeux, à Jérusalem:
◦ La vie de Jésus,
◦ les miracles des Apôtres,
◦ les conversions de tant de milliers d’Israélites et de païens.
◦ Il ne peut nier non plus les prophètes, étudiés par lui dans l’enfance, lus dans sa famille, et consultés par son aïeul à l’occasion des Mages.
Aussi, les paroles de l’Apôtre portent-elles le trouble dans le cœur d’Agrippa. L’évidence le presse de toutes parts, mais il se débat contre elle.
Paul tente un dernier effort;
◦ le roi résiste;
◦ se lève
◦ ET TOUT EST FINI SANS RETOUR!
Il y a ainsi, dans la vie de tout homme, de ces heures qui décident d’une destinée; vient un instant où la lutte entre la conscience et le péché ne peut plus se prolonger, et où l’on sent que, cette fois:
le vaincu le sera pour toujours;
le vainqueur, pour l’éternité.
Cette lutte est donc dans vos jours déjà passés, ou dans ceux encore à venir.
Si elle est accomplie, pour qui vous êtes-vous prononcés?
Si elle est à venir, sachez bien qu’elle est inévitable.
Il faut qu’un jour on un autre ces angoisses de la conscience vous saisissent et vous serrent; Dieu vous aime trop pour vous laisser mourir de la mort éternelle, sans vous avertir par l’avant-coureur d’une douleur salutaire; et, dussiez-vous y échapper jusqu’à votre dernière heure, à cette dernière heure, cette crise viendrait encore vous forcer à choisir.
Songez-y donc dis à présent.
Une fois que vous vous serez levés comme Agrippa, il ne sera plus temps d’y revenir!
Le sort en sera jeté; Paul sera parti, emportant avec lui son Évangile, et vous, perdu comme Agrippa restant à Bérénice!
Songez-y, aujourd’hui où vous êtes encore calme, encore assis, encore devant Paul, et où peut-être vous vous écriez: «Tu me persuades presque d’être chrétien!»
Lisez Actes des Apôtres XXVII, 1 à 26.
Paul au milieu de la tempête
Quelle terrible position que celle de ces navigateurs, ballottés à la surface d’un abîme dont quelques planches mal jointes seules les séparent; plongés dans des ténèbres de jour et de nuit, et tellement découragée qu’ils se laissent aller, privés de gouvernail et de voiles, partout où le vent les emporte!
Oh! comme dans ce moment les matelots devaient envier à Paul la foi qui lui faisait dire: «Ne craignez rien, mes amis; un ange de Dieu m'est apparu cette nuit.» Que n’eussent-ils pas donné alors pour posséder cette assurance de l’Apôtre, si paisible au milieu de la tempête!
Eh bien! ce vœu stérile qu’ils formaient dans ce moment, si nous ne sommes pas encore dans la foi, nous le formerons aussi un jour.
Oui, un jour, un de nous peut être à la surface des flots, un autre sur le bord d’un précipice, un troisième dans les étreintes de la maladie; nous déplorerons certainement de n’avoir pas alors une foi plus vive.
Le danger porte vers Dieu, comme, hélas! la sécurité en éloigne.
Les compagnons de Paul, qui l’écoutent quand ils pensent n’avoir aucune autre ressource, l’oublient, l’abandonnent dès qu’ils se croient sûrs de toucher au rivage! Telle est notre misérable nature, qu’il nous faut trembler devant le danger pour nous conduire à nous confier en Dieu.
Mais si maintenant, à l’abri de tout malheur, nous sentons si bien le prix de la foi pour l’heure du péril, comment ne la cherchons-nous pas dès cette heure avec plus d’ardeur?
Comment ne mettons-nous pas de l’huile dans nos lampes, tandis qu’il fait jour?
Comment ne prenons-nous pas nos précautions contre la tempête, pendant le calme?
Sans doute ces réflexions sont très sages; certainement chacun de nous les approuve, et cependant il est bien probable que la plupart n’en profiteront pas.
Ah! remarquez que les regrets des matelots durent être d’autant plus vifs que Paul, avant de partir, les avait avertis; et qu’à nous de même, au jour de l’épreuve, reviendront, avec amertume, les avertissements que nous négligeons à cette heure; nous serons contraints de nous dire:
◦ j’ai senti jadis le prix de la foi et je ne l’ai pas cherchée;
◦ tel jour on m’y a fait réfléchir,
◦ j’ai goûté les réflexions présentées, mais je les ai volontairement laissées fuir;
◦ on m’a mis d'avance sous les yeux les regrets que j’éprouve, et je n’ai rien fait pour les éviter!
◦ On ne pouvait rien me dire de plus, et moi je ne pouvais rien faire de moins, en sorte que c’est à moi seul à me frapper la poitrine!
Voilà la disposition d’esprit dans laquelle tôt ou tard, pour un motif ou pour un autre, vous devez inévitablement vous trouver, à moins qu’à l’heure même vous ne preniez la résolution d’y échapper.
N’attendez rien de plus!
Si Paul, au départ, avait longuement argumenté pour vaincre l’obstination de ses compagnons de voyage, ils eussent dit peut-être que cet homme voulait les contraindre. Aussi l’Apôtre n’insiste-t-il pas le moins du monde, et dès qu’il voit que le centenier ajoute plus de confiance à la parole du pilote qu’à la sienne, il se tait, laissant à l’expérience de le persuader.
Eh bien, de même Dieu ne veut pas vous contraindre.
Après vous avoir invités à vous confier en lui, il vous laisse le temps d’examiner les fondements de la foi qu’il vous demande.
Il a donc placé devant vous la Bible, la réflexion, la prière et les tristes expériences de vos frères; ne vous plaignez pas; Dieu ne violente personne; il ne veut pas une foi aveugle, une obéissance tremblante.
Entre son premier et son dernier avertissement, s'écoule assez de temps pour lire, réfléchir et prier, comme, avant de s’abandonner aux flots, le maître du navire avait eu le loisir de rentrer dans le port et d’y jeter l’ancre.
Nous ne pouvons donc pas plus reprocher aujourd’hui à Dieu de nous trop presser, que nous ne pourrons plus tard l’accuser de ne nous avoir pas assez bien avertis.
◦ Nous sommes appelés, mais libres de nous consulter avant de répondre;
◦ nous sommes avertis, mais libres de résister à nos périls et risques.
Quoi qu’il arrive, Dieu pourra toujours nous dire, comme Paul aux matelots: «Certes, en me croyant, vous eussiez évité la tempête!»
Lisez Actes des Apôtres XXVII, 26 à 44.
Se confier comme si Dieu faisait tout, agir comme s’il ne faisait rien
Il est certain que l’équipage ne pouvait périr, puisque Dieu avait déclaré que Paul paraîtrait devant César, et qu’il lui avait donné tous ses compagnons.
Toutefois, l’Apôtre, inspiré par ce même Dieu, dit au centenier et aux soldats que, si les matelots quittent le navire, ils ne pourront eux-mêmes se sauver. Ainsi le même fait est présenté comme arrêté par Dieu, et cependant comme subordonné à la volonté de l’homme.
Nous ne chercherons pas à expliquer ici comment se concilient le décret immuable du Créateur et la liberté de la créature; car nous avons déjà plus d’une fois fait remarquer l’admirable sagesse de Dieu faisant fléchir et contourner le fil dés événements sans gêner personne dans ces détours.
D’ailleurs, ce que nous dit la Bible, notre expérience nous l’a souvent confirmé:
◦ après avoir agi; nous avons reconnu que nous avions été dirigés,
◦ bien qu’avant d’agir nous nous fussions sentis libres.
Nous aimons donc mieux nous occuper de déduire de ce fait une règle de conduite.
Dieu avait déclaré que l’équipage serait sauvé, l’équipage devait donc garder un coeur paisible. Mais les vents soufflaient avec furie, le navire s’inclinait sur l’abîme;
◦ l’équipage devait donc veiller à son salut,
◦ se confier, comme si Dieu était au gouvernail,
◦ et manœuvrer cependant, comme si la plus simple négligence devait tout engloutir.
On, pour parler de nous-mêmes, nous devons nous confier COMME SI DIEU FAISAIT TOUT, et agir COMME S’IL NE FAISAIT RIEN; le prier comme prierait un malade impotent dans son lit, et travailler avec l’énergie que se sent un homme robuste, en pleine santé.
Si l’on vous dit que cette règle de conduite implique contradiction, répondez que la contradiction n’est qu’apparente, et que, d’ailleurs, l’important pour vous n’est pas d’expliquer comment tant d’astres peuvent se croiser dans l’espace sans jamais se heurter; mais bien de vous guider sur l’aspect qu’ils présentent à vos yeux.
Quant à nous, nous estimons au contraire cette conduite très sage; d’abord, parce qu'elle est conforme aux préceptes de la Bible, nous disant, dans deux mots qui se complètent: «PRIEZ et VEILLEZ;» ensuite, parce que la conduite opposée a bien des fois eu sous nos yeux les plus tristes résultats.
◦ Oui, nous avons vu souvent des chrétiens, sous prétexte que rien ne pouvait arriver sans la volonté de Dieu, rester dans une coupable inaction, répétant toujours qu’il n’arriverait rien que ce Dieu n’ait voulu.
Cela n’est pas.
Arrivent aussi bien des choses que Satan désire, et le nier c’est faire Dieu auteur du mal.
Il peut dire commode à notre paresse d'attendre l’événement, agréable de s’épargner la peine de réfléchir; mais certes ce n’est pas là ce que fait Paul, avertissant le centenier de retenir les matelots, engageant tout le monde à prendre de la nourriture, et relevant les courages par ses exhortations.
Mettez à la place de Paul un de ces chrétiens répétant sans cesse qu’il n’arrivera que ce que Dieu voudra, qu’aurait-il fait?
Assis à la tête du navire,
laissant les matelots s’enfuir dans la chaloupe,
les soldats massacrer les prisonniers,
les passagers tomber d’inanition,
il aurait attendu le calme et le rivage les bras croisés; car, qu’y avait-il à craindre?
Dieu n’avait-il pas dit que personne ne devait périr?
Agir ainsi, eusse été se confier en Dieu?
Non, Ç’EÛT ÉTÉ TENTER LE SEIGNEUR, et, sans changer son décret, ATTIRER SES PUNITIONS.
Jonas, qui dort sur le navire et qui fuit le devoir, arrive cependant à Ninive; mais vous savez comment!
À l’œuvre donc, à l’œuvre; pensons, méditons, agissons; après avoir prié, car le but unique, déterminé par Dieu d’avance, peut être atteint par deux voies différentes: Celle de la prospérité et celle de l’épreuve; et en admettant même que nous soyons des élus qui ne peuvent perdre le salut, nous pouvons toutefois arriver au ciel chargés de l’or et des pierreries de nos œuvres, faites de bon cœur sous l’influence de l’Esprit-Saint; ou n’y parvenir qu’après avoir laissé nous échapper bien des grâces, et en passant comme à travers le feu de ta justice divine!
Lisez Actes des Apôtres XXVIII, 1 à 15.
L'activité dans l'amour
On peut dire de Paul, comme de son maître, qu’il allait de lieu en lieu faisant du bien. Voyez, en effet: à quelque heure que nous le prenions, il est toujours occupé d’une bonne œuvre; ce n’est pas seulement dans la chaire d’une synagogue qu’il prêche, c’est encore dans un cachot à Philippe, dans les fers devant Félix, du milieu d’un naufrage; et maintenant, c’est au sein des barbares qu’il exerce son active charité.
◦ Telle est, en effet, l’activité chrétienne; c’est une vie, elle ne peut se suspendre; c’est un cœur, il faut qu’il batte et que le sang y circule.
◦ Le corps qui le renferme peut être jeune ou vieux, malade ou bien portant, libre ou enchaîné, n’importe: le cœur bat toujours, le sang circule toujours, tant que dure la vie.
Malheureusement, ce n’est pas sous l’image d’une vie qu’on se représente d’ordinaire l’activité chrétienne, c'est bien plutôt sous celle d’une tâche, et cette notion emporte avec elle l’idée de fatigue et de repos.
Bien des chrétiens font pour leur âme ce qu’ils font pour leur corps: ils travaillent un certain nombre d’heures pour amasser des gains qui leur donnent ensuite le droit de se reposer.
◦ Le moins qu’on peut faire n’est que le mieux; plus la tâche est rendue courte et légère, plus on se réjouit;
◦ et si l’on peut même l’accomplir par une main étrangère ou par le secours d’une machine ingénieuse, on s’en estime d’autant plus heureux.
Oui, voilà la notion du travail matériel...,
Et malheureusement une trop juste image de l’œuvre chrétienne,
comme on l’entend souvent parmi nous.
Mais il n’en est ainsi ni de Jésus, ni de Paul, agissant sans cesse et ne se fatiguant jamais. Si leur corps succombe, cependant leur esprit veille et agit; si leurs membres sont liés, leur cœur prie; leur mort elle-même est encore un exemple vivant de charité.
Cette activité incessante, cette joie dans l’action, ce dévouement heureux, tout cela n’est possible qu’inspiré par l’amour.
LE CHRÉTIEN N’OBÉIT PAS; IL AIME; car l’obéissance suppose dans celui qui l’accorde une volonté propre à laquelle il renonce avec plus ou moins de peine; tandis que l’amour n’a pas de volonté ou plutôt il s’en fait une de la volonté de Dieu; il s’approprie la pensée, le plan, l’œuvre de l’objet aimé, et ainsi transforme la créature à l’image du créateur.
Cet être renouvelé ne s’aperçoit pas qu’il a cessé de vivre, car il vit encore, et mieux, il vit de la vie du Seigneur!
Nous ne voudrions pas dire que ce fût là, sans intermittence, la vie qui circule dans le chrétien; non; mais aussi qu’on ne s’imagine pas que nos paroles ne peignent qu’une vaine idéalité: si l’on n’a rien éprouvé de semblable soi-même, il faut tout simplement s’avouer qu’on est encore étranger à la vie et à la foi du chrétien; car c’est certainement là ce que Jésus a réalisé, Paul suivi et bien d’autres renouvelé; c’est là surtout ce que demande la Parole de Dieu, et nous ne pouvons pas admettre qu’elle demande l’impossible.
Oh! que la vie chrétienne ainsi comprise est belle et douce!
Comme la peine s’y transforme en joie, l’épreuve en bénédiction, et comme cette joie est féconde en bonnes œuvres!
Comparez ce qu’a fait Paul avec ce que nous avons accompli nous-mêmes, et dites-nous si dix, vingt vies, semblables à la nôtre, réunies présenteraient ensemble les travaux de la sienne?
Dites-nous aussi si toutes nos joies, tous nos bonheurs, ont jamais égalé les joies et le bonheur de Paul, s’écriant jusqu’à la veille du martyre:
Christ est ma vie et la mort m’est un gain!
Lisez Actes des Apôtres XXVIII, 16 à 31.
Paul prêchant dans les chaînes
Voilà un spectacle véritablement étrange: un homme entravé d’une chaîne, gardé à vue, apparaissant à tous ceux qui le rencontrent comme un malfaiteur, et qui toutefois prêche de maison en maison, tient des assemblées, exhorte, explique et convainc pendant deux ans d’autres hommes dans tous les rangs de la société, et jusque sur les marches du trône!
Mais que pouvait-il donc leur dire, quelles preuves leur donner, quelle perspective terrestre leur offrir?
Rien; et cependant les disciples nombreux et puissants, sortis même de la maison de César, se rangent autour d’un maître, si peu redoutable aux yeux de l’autorité romaine et de la synagogue juive, que ni l’une ni l’autre ne daignent s’inquiéter de son activité!
Si jamais le bras de Dieu soutenant une œuvre s’est montré à découvert, c’est bien dans cette circonstance; et l’on comprend comment Paul, reportant ses souvenirs sur un ministère si plein de succès, dit:
◦ «Dieu a choisi les choses viles du monde, même celles qui ne sont pas, pour confondre celles qui sont, afin que personne ne se glorifie.»
Cette préférence que Dieu donne aux faibles instruments doit nous encourager et faire naître chez les plus petits d’entre nous la douce espérance qu’eux aussi peuvent beaucoup dans la main puissante de Dieu.
Ce serait donc à tort qu’un chrétien arguerait de sa faiblesse pour se tenir à l’écart et rester dans le repos.
À bien prendre, SA FAIBLESSE EST UN MOTIF POUR QUE DIEU SE SERVE DE LUI.
Mais prenons garde que ce motif d’encourager ment ne se transforme pas en un piège d’orgueil. Oui, de grandes choses peuvent se faire par nous, mais c’est dans l’humilité dès que nous prétendrions nous élever nous-mêmes, nous ne serions plus les petits dont Dieu se plaît à se servir.
Cette prédilection de Dieu pour les faibles instruments donne aussi une utile leçon à ceux de nous qui se plaisent à compter, pour réussir, sur les moyens extérieurs, de fortune, d’influence ou de savoir.
Ce n’est pas que tous ces biens ne puissent être mis au service du Seigneur; mais ce qu’il faut éviter, c’est de faire reposer sur eux nos espérances de succès; d’y voir, non des outils, mais des ouvriers remplaçant le chrétien, seul, ouvrier AVEC Dieu.
◦ Que le riche se serve de son or, le savant de sa science, le puissant de son autorité pour avancer l’œuvre de Dieu;
mais que tous se servent de ces roseaux sans s'appuyer sur eux, et s’en servent surtout avec prière;
◦ que tous agissent dans leurs circonstances élevées, comme le pauvre, l’ignorant et le faible, attendant de Dieu seul la victoire, alors même qu’ils mettraient à son service une armée de Goliaths, les trésors d’un Ezéchias, et la sagesse d’un Salomon.
Compter sur des ressources terrestres, c’est la voie la plus sûre pour aboutir à la ruine, parce qu’alors Dieu, dans son œuvre même, travaille contre nous et consume ce chaume entre nos mains.
Mais des réflexions qui naissent de ce récit, la plus importante, puisqu’elle s’applique aux faibles comme aux puissants, c’est que dans toutes les positions, même dans les chaînes et l’humiliation de Paul, il est toujours possible d’agir avec activité, et d’obtenir des succès.
Combien de chrétiens qui, mis à la place de l’Apôtre, se seraient dit: Voici une grande ville plongée dans l’idolâtrie; c’est un beau champ de travail où l’Évangile sera proclamé par ma bouche dès que cette chaîne sera tombée de mes mains; mais jusque-là je puis m’occuper de moi-même, de mon procès à terminer, de ma liberté à recouvrer.
Non, ce n’est pas ce que fait l’Apôtre: d’abord l’œuvre de Dieu; la liberté viendra quand elle pourra; il ne semble pas même y songer, car, trois jours après son arrivée, Paul assemble déjà des principaux Juifs, et au bout de deux ans il enseigne encore Jésus-Christ; tandis que nous, en renvoyant l’œuvre de Dieu du jour au lendemain, nous arriverons, avant de commencer, au lendemain de notre mort!
Lisez Épître aux Romains I, 1 à 18.
Qu'est-ce que la justice de Dieu dans l'Épître aux Romains?
«JUSTICE DE DIEU.» Cette expression de Saint Paul peut servir de clef à toutes les difficultés de son Épître aux Romains; et, comprise pour la première fois par le moine Luther, cette expression fit de lui le grand Réformateur. À ce double titre, elle mérite donc bien d’être étudiée.
Mais resserré dans un si court espace, nous affirmerons ici plus que nous ne prouverons.
Le mot justice, qui dans son sens propre désigne une disposition de l’âme, signifie plutôt dans l’Ancien Testament les œuvres qui découlent de cette disposition, et même la récompense due à ces œuvres; dans ces deux sens, il serait plus clair de dire la justice qui vient de l’homme.
En suivant cette analogie, on comprendra que «justice de Dieu» signifie justice qui VIENT de Dieu, soit qu’on entende par là les œuvres qui méritent la récompense ou la récompense elle-même.
Maintenant l’homme n’ayant pas de justice propre,
Dieu y suppléera par le don de la sienne,
C’est-à-dire par le don de ses propres œuvres, ou par le don de la récompense méritée par les œuvres; et, dans les deux cas, c’est toujours la justice qui VIENT de Dieu, mise À LA PLACE de la justice de l’homme.
Cette courte explication bien comprise, la lecture de l’Épître aux Romains en sera singulièrement facilitée.
Il en est de même de quelques autres expressions qui reviennent constamment dans la Bible; bien interprétées, elles jettent une vive lumière sur tout le reste et donnent en quelques mots l’intelligence de l’Évangile.
Ce qu’il y a de plus remarquable, c’est que ces expressions diverses, ainsi entendues, se confirment les unes les autres, se fondent en une seule idée.
◦ Telles sont, par exemple, les mots: grâce, rédemption, foi, salut, régénération.
◦ Telles sont la doctrine de la corruption radicale de l’homme, de la divinité éternelle de Christ, de la régénération par le Saint-Esprit.
Et, en effet, si l’homme est RADICALEMENT CORROMPU, on comprend qu’il doive être RADICALEMENT RENOUVELÉ; et puisque le mal est le plus grand possible, le remède devra l’être aussi;
◦ ce n’est donc pas trop que le Fils de Dieu pour racheter notre passé, ni que l’Esprit-Saint pour sanctifier notre avenir.
Remarquez maintenant l’harmonie qui règne entre ces mots: grâce, salut, rédemption, foi, régénération.
◦ À qui fait-on grâce?
À un criminel condamné.
◦ Qui sauve-t-on?
Un homme perdu.
◦ Qui rachète-t-on?
Un esclave.
◦ Qui régénère-t-on?
Un mort, ou du moins celui dont rien, ni le corps, ni l’esprit, ni le cœur, ne peuvent plus par eux-mêmes se conserver.
◦ Qui appelle-t-on à croire, à se confier?
L’enfant dans son berceau, le malade dans son lit; en tout cas, l’être impuissant à rien faire lui-même.
Eh bien, ces expressions: criminel condamné, homme perdu, esclave, mort, être impuissant, ne peignent-elles pas les faces diverses d’une même idée, et, par conséquent: grâce, salut, rachat, régénération, foi, n’en sont-ils pas toujours le même verre diversement colorié, qui montre le même objet?
Oui, sans doute, et, pour recevoir un dernier trait de lumière, jetons un regard sur le grand et beau mot d’Évangile.
ÉVANGILE SIGNIFIE BONNE NOUVELLE.
Or, qui mérite mieux la qualification de bonne nouvelle pour un condamné que sa grâce?
Pour un homme perdu que son salut?
Pour un esclave que son rachat?
Pour un mourant que sa résurrection?
Pour un être incapable que l’action d’un Dieu l’appelant à se confier en lui?
Telle est la bonne nouvelle, la nouvelle par excellence, la nouvelle qui, une fois bien entendue, réjouit le cœur, l’émeut, l’attendrit et l’enseigne à aimer.
Oui, Seigneur, tout vient de toi, la grâce et le pardon, la force et l’amour, la vie et la régénération:
Donne-nous donc ton Esprit pour le sentir, t’aimer et nous sanctifier.
Lisez Épître aux Romains I, 19 à 32.
Aimer le bien, n'est pas le faire
Paul, après avoir posé la foi comme base du salut, va montrer que les hommes ne peuvent en effet mériter le ciel par leurs œuvres, puisque ces œuvres sont mauvaises; et d’abord la fin de ce chapitre est consacrée à retracer la conduite des païens à son époque.
Quel hideux portrait que celui mis sous nos yeux par l’Apôtre!
Comme on se sent honteux d’appartenir à la race qui en a fourni le modèle! Et même, après avoir réfléchi, comme on trouve de ressemblance entre les païens de cette époque et ceux de tous les siècles!
Disons tout: comme après avoir scruté son propre cœur, on trouve d’analogie entre cette figure et celle de tout le genre humain! On se reconnaît pour être de la famille; vainement on cherche des différences de traits, de taille et d’allure, toujours perce cette ressemblance d’une race restée la même depuis Adam jusqu’à nos jours.
Le dernier trait, buriné par l’Apôtre sur ce portrait, trait qui lui donne la ride la plus profonde, est peut-être celui qu’on remarque le moins, précisément parce qu'on le porte soi-même sur la figure; ce trait est celui-ci:
L’HOMME FAIT LE MAL, TOUT EN APPROUVANT CE QUI EST BIEN.
Juifs, païens, déistes, athées, tous ont ou se font une conscience; ceux mêmes qui se vantent de leur incrédulité, ceux qui disent attendre le néant, les fanfarons du vice eux-mêmes ont leur point d’honneur, bien ou mal placé, sans doute, mais enfin un point d’honneur qu’ils regardent comme une honte de trahir et qu’ils trahissent!
◦ Non, il n'est pas de méchant, quelque endurci qu’il soit, qui ne distingue entre le juste et l’injuste;
◦ il n’est pas de voleur de grand chemin qui ne s’indigne consciencieusement d’avoir été volé par un de ses compagnons!
Eh bien, chose étrange, cette connaissance de ce qui est bien, cette lumière naturelle que tout homme apporte en venant au monde, cette conscience, habile moraliste qui témoigne contre nous pendant notre vie, et qui sera pour nous un accusateur après notre mort, est précisément le témoin dont quelques-uns font leur avocat.
Oui, il est des hommes qui, parce qu’ils aiment ce bien qu’ils ne font pas, parce qu’ils détestent ce mal qu’ils accomplissent, parce qu’ils s’indignent de bonne foi devant une injustice, et pleurent d’attendrissement an récit d’une belle action; il est des hommes qui se savent bon gré de tout cela, s’en félicitent, et disent, en écoutant battre leur cœur ou sentant couler leurs larmes: JE NE SUIS DONC PAS SI MAUVAIS!
Dites donc que vous n’êtes pas excusable!
Vous approuvez le bien, c’est vrai; mais le pratiquez-vous?
Voilà la question!
Vous aimez la vertu, c’est vrai; mais êtes-vous vertueux?
Voilà ce qu’il faudrait savoir.
Eh! c’est précisément parce que vous connaissez le bien, aimez la vertu, que vous êtes coupable, pécheur, criminel, et que:
Plus vous avez de connaissance et d’amour du bien ;
Plus grande est votre culpabilité.
Ah! sachons donc enfin distinguer entre savoir et faire, entre dire et pratiquer, et comprenons que notre prétention elle-même à une grande sensibilité morale s’élève contre nous comme LA PLUS TERRIBLE DES ACCUSATIONS.
◦ Nous avons connu la volonté de notre père sans le faire:
◦ Nous sommes donc dignes d’être battus de plus de coups.
Acceptons donc cette justice de Dieu donnée à quiconque croit en Jésus-Christ, et que Paul offre ici aux Romains.
C'est notre dernière, notre unique ressource; car toute notre justice propre n’est qu’un linge souillé, et bien heureux sommes-nous que Dieu veuille ne pas nous la compter!
Sera-t-on excusable pour n’avoir pas connu l'Évangile?
Il était assez facile d’obtenir des païens l’aveu des péchés que leur reprochait déjà leur conscience, mais difficile d’arracher la même confession aux Juifs qui avaient transformé leur loi, conscience écrite et par là inflexible, en un privilège qui leur tenait lieu de justice.
C’est cependant ce que Paul fait d’une manière admirable dans ce chapitre en leur montrant que, pour les Juifs comme pour les païens, la connaissance de la loi ne fait qu’ajouter au péché quand cette loi a été violée.
Le raisonnement de l’Apôtre se réduit à ceci:
◦ Les païens désobéissent à leur conscience, vous désobéissez au Décalogue;
vous êtes donc les uns et les autres transgresseurs de la loi de Dieu, et, par conséquent, TOUS dignes de punition.
Mais l’homme agit sous l’inspiration d’un cœur si rusé, qu’après avoir apporté sa connaissance théorique du bien comme un mérite, il se retourne au besoin et s’excuse en alléguant son ignorance; Il semble vouloir entrer dans le plan de Dieu et dit: Oui, celui qui connaît l’Évangile est coupable de ne pas le suivre; mais le païen qui l’ignore reste innocent; et Paul déclare lui-même que les hommes qui n’auront pas eu la loi seront jugés sans la loi.
Ceux qui font ce raisonnement s’inquiètent trop ici des païens pour que nous puissions croire à la sincérité de leur charité; et s’ils ignorent encore la pensée secrète qui leur dicte ce langage, nous allons la leur révéler.
Savez-vous quel mobile caché vous pousse à décharger les païens de toute responsabilité par leur ignorance de l’Évangile?
C’est le désir de vous en décharger vous-mêmes.
«Si des sauvages, ignorant Christ, pensez-vous, peuvent cependant être sauvés, pourquoi nous, avec la même ignorance, ne le serions-nous pas?»
À la faveur de ce sophisme, vous vous consolez de ne pas croire à cet Évangile, afin de n’être pas obligés de le pratiquer; ou du moins vous êtes bien aises de n’en pas trop savoir, afin de n’avoir pas à répondre sur trop d’articles au dernier jour.
Pauvres raisonneurs dont le cœur aveugle l’esprit et qui ne comprenez pas que vous vous condamnez vous-mêmes en excusant les païens ignorants de l’Évangile que vous n’ignorez pas!
Eh, ne voyez-vous pas que s’ils sont excusables, même d’après vous, ce n’est pas pour n’avoir pas connu, mais bien pour n’avoir pas pu connaître?
Ce n’est pas parce qu’ils sont restés dans l’ignorance, mais bien parce qu’ils n’ont pas eu les moyens d’en sortir?
Or, de vous il en est précisément le contraire!
Vous pouvez savoir; l’Évangile est sous vos yeux, Christ vous est prêché; l’excuse que vous fournissez aux païens, vous ne l’avez pas; ce qui les absout vous condamne; leur ignorance est invincible, la vôtre est volontaire!
Il semble que nous ayons tout dit, et cependant nous n’avons pas encore abordé la vraie réponse à faire.
Ce passage de Saint Paul, toujours cité à la décharge de l’ignorance, ne dit pas du tout que les païens seront jugés sans la loi, mais bien qu’ils périront sans la loi.
Juger suppose qu’ils pourront être absous;
périr montre qu’ils ne le pourront pas.
Ainsi, d’après votre propre autorité, tout païen, ignorant de l’Évangile, périra, non pour avoir ignoré la loi de l’Évangile qui ne leur avait pas été porté, mais pour avoir violé la loi de leur conscience qu’ils portaient en eux-mêmes.
Et d’ailleurs, si vous y aviez réfléchi, vous auriez vu que:
◦ l’Évangile n’est pas une loi imposée, c’est une grâce offerte;
dire qu'il n’est pas applicable aux païens qui l’ignorent, c’est donc prouver le contraire de ce que vous voudriez faire entendre, et nous estimons raisonner plus juste en disant:
puisqu’ils ne connaissent pas cet arbre précieux, qu’on se hâte donc de le transplanter sur leur sol inculte; quant à vous-mêmes, qui le regardez toujours de loin et qui n’en voyez que l’écorce et le feuillage, approchez-vous donc, cueillez-en le fruit dans le pardon de vos péchés et le don d’une éternité!
Lisez Épître aux Romains III, 1 à 20.
Personne ne sera justifié devant Dieu par les œuvres de la loi
Dans les deux premiers chapitres, Paul avait établi qu’il n’y avait de salut que par la foi, parce que les Juifs et les gentils étaient les uns et les autres tombés dans le péché.
Maintenant l’Apôtre va redire la même vérité dans des termes généraux qui puissent se rapporter également aux Israélites et aux païens:
◦ «Il n’y a pas un juste, non pas même un seul; il n’y en a point qui fasse le bien, non pas même un seul;»
et voici sa conclusion:
◦ «Personne ne sera justifié devant Dieu par les oeuvres de la loi.»
Certes, si des esprits disputeurs et orgueilleux n’avaient pas tordu ces paroles pour les empêcher de signifier qu’il n’y a jamais eu un seul homme qui ait fait le bien et mérité par ce bien la faveur de Dieu, nous ne songerions pas à éclaircir des déclarations déjà si claires; nous serions absorbés dans un sentiment de honte devant Dieu, et nous lui crierions en nous frappant la poitrine: «Aie pitié de moi qui suis pécheur.»
Mais on a prétendu, pour diminuer la portée des paroles de l’Apôtre, voir ici deux restrictions.
On a dit d’abord que les œuvres de la loi impuissantes à mériter le salut étaient les œuvres cérémonielles, telles que la circoncision, les sacrifiées et tous les rites mosaïques. Dix réponses pour une se présentent.
– Non, il n’est pas ici question de la loi cérémonielle, mais bien de la loi morale, à moins qu’on ne prétende que n’être pas juste, être corrompu, ne pas faire le bien, avoir du venin sur la langue, répandre le sang, ce soit ne manquer qu’à des cérémonies.
– Non, il n’est pas question de la loi cérémonielle, car il serait absurde de faire aux gentils le reproche de n’avoir pu observé la loi qu’ils n’ont pas connue, tandis que, si vous entendez par œuvre de la loi l’observation de la loi morale dont la conscience tient lieu à ceux qui n’ont jamais ouï le Décalogue, la conclusion générale tirée par Paul contre les gentils et les Juifs est tout à fait logique.
– Non, enfin il ne s’agit pas des cérémonies judaïques, par la raison bien simple que Paul ne les nomme même pas, et que, quand il veut en parler, il sait bien trouver des mots, et les qualifier, par exemple, dans l’épître aux Hébreux, «de cérémonies charnelles» qui avaient été imposées pour un temps et qui ne pouvaient purifier la conscience.
Mais il s’agit bien de la loi morale, car c’est faire mieux que la nommer que citer six articles violés sur les dix qu’elle prescrit: ne pas craindre Dieu, mentir, tuer, tromper, être impur, médire.
Il ne manque là du Décalogue que l’oubli du Sabbat, qui ne pouvait être reproché aux gentils; l’idolâtrie, qui ne pouvait l’être à cette époque aux Juifs; et enfin la révolte contre les parents, que Paul avait déjà mentionnée.
◦ Évidemment, c’est ici la loi morale qui, violée par les Juifs et les gentils, les jette tous condamnés devant le Dieu auteur de la conscience et de la loi de Sinaï.
Mais, vaincu sur ce point, l’orgueil se réfugie sur un autre et prétend que l’effrayant tableau que Saint Paul trace ici de la nature humaine ne doit la vivacité de ses couleurs qu’au langage oriental des prophètes ou à la poésie du Psalmiste. C’est, en effet, dans les prophètes et dans le Psalmiste, que Paul a pris les traits épars dont il forme un portrait complet; mais, il put le dire, ce sont des prophètes et un psalmiste inspirés cités par un Apôtre inspiré; en sorte que sur ces paroles Dieu a deux fois posé le sceau de l’Esprit-Saint.
Si, malgré tout cela, on s’obstine à ne voir ici que la peinture d’une corruption qui n’est pas radicale, nous demanderons quelles expressions il aurait fallu employer pour décrire une corruption complète: quoi de plus positif, de moins oriental et de plus fort que ces mots:
«Il n’y a pas un seul juste, non pas même un seul;
Il n’y en a pas un qui fasse le bien, non pas même un seul?»
Il faut en convenir, si ces paroles laissent encore quelque place à la justice de l’homme, il ne reste plus de mots dans aucune langue pour l’exclure tout à fait; et si Paul eût voulu dire qu’il n’y avait en nous absolument rien de bon, il n’aurait pas pu s’exprimer autrement
Non, mais il aurait pu ajouter d’autres traits et dire après Jérémie:
«Le cœur de l’homme est désespérément malin;»
Après Moïse:
«Son imagination et ses pensées ne sont que mal en tout temps;»
Après David: «J’ai été conçu dans le péché.»
Et pour faire encore plus que tout cela, il aurait suffi à Paul de repasser sa vie, comme les objectants et nous-mêmes pourrions nous borner à fouiller dans la nôtre!
Oui, je me sens pécheur, coupable, criminel devant Dieu, et je ne sache aucun des articles de sa loi que je n’aie violé dans sa lettre ou dans son esprit, et c’est précisément parce que je sens ainsi ma complète indignité, ma perte certaine, que je m’élance vers Jésus, mon Sauveur
POUR ÊTRE PAR LUI SEUL COMPLÈTEMENT SAUVÉ!
Lisez Épître aux Romains III, 21 à 31.
Christ est une victime expiatoire
Christ est une victime propitiatoire par la foi en son sang.
Le nœud du christianisme est là; oui, le nœud, dans les différents sens figurés de ce mot.
◦ Là, se rattachent Dieu et l’homme, séparés par le péché;
◦ Là, s’allient la miséricorde et la justice divines, et s’unissent la gloire du créateur et l'humilité de la créature;
mais c’est encore le nœud du christianisme, dans ce sens qu’il est difficile, impossible même, de trancher cette difficulté avec le glaive émoussé de notre intelligence.
Comment Dieu peut-il accepter la mort d’un être en satisfaction du crime d’un autre être?
Nous convenons que c’est là la folie de la croix.
Mais tout doit-il être expliqué par Dieu pour dire admis par l’homme?
Et ne peut-on pas apprécier un phénomène physique et une doctrine religieuse par leurs circonstances extérieures et leurs résultats?
Qui de nous a sondé l'astre du jour et peut dire comment il nous réchauffe et nous éclaire?
Personne; mais ce que chacun saura dire, c’est que tous les peuples ont estimé le soleil une admirable créature; ce que tous diront, c’est qu’il féconde nos champs, ranime nos cœurs, réjouit nos esprits; et dès lors, sans discuter comment il éclaire et chauffe, nous affirmons que l’astre du jour est bien une œuvre de Dieu.
C’est ainsi que nous pouvons juger la grande doctrine de l’expiation des péchés de l’homme par l’effusion du sang de Jésus-Christ.
CETTE DOCTRINE EST VRAIE, parce qu’elle a été pressentie par des peuples étrangers à la révélation.
Presque partout l’homme a deviné et pratiqué le sacrifice et même le sacrifice expiatoire par le sang.
Est-ce donc le hasard qui, d’un pôle à l’autre, a donné aux hommes, différents de mœurs et de langages, une même pensée?
Non, pas plus que le hasard n’a donné à tous les peuples la notion d’un Dieu et d’un avenir.
Et d’ailleurs, les résultats n’ont-ils pas justifié l’origine divine que supposait cette prédisposition générale en faveur du sacrifice?
N’est-il pas étrange, pour la sagesse humaine, que des milliers d’hommes aient pris pour dieu un crucifié?
Sans doute, mais ce fait étrange pour le philosophe s’explique pour nous qui voyons dans le sacrifice de Christ l’expiation après laquelle soupirait le genre humain.
Et maintenant, admirez comment cette seule doctrine difficile, une fois admise, fait disparaître une foule d’autres difficultés: l’homme avait péché, Dieu devait le punir et cependant il ne le voulait pas.
Qu’on nous indique un moyen de sortir de là, sans violer la justice ou sans manquer à l’amour?
◦ Pardonner à l’homme sans motif, c’était violer la loi, la faire mépriser, et finalement déconseiller la sainteté.
◦ Punir l’homme sans pitié eût été pire que de le renvoyer dans le néant; citait lui donner la vie pour souffrir. Que fallait-il donc faire?
Je le demande aux plus habiles; que fallait-il faire pour respecter la loi et préserver l’amour, pour, à la fois, punir et pardonner?
L’Évangile répond: qu’il fallait pardonner l’homme et punir Jésus-Christ.
Dieu l’a fait, et l’événement a justifié sa sagesse.
Cet homme pardonné, cet homme justifié gratuitement, cet homme s’est senti en même temps ému et humilié, il a pleuré sur lui et levé un regard sur Jésus; et alors, rassuré en même temps que confondu, il s’est trouvé heureux de croire, heureux d’aimer, heureux de se sanctifier pour celui qui s’était donné pour lui.
Enfin, remarquez le dernier et admirable résultat de cette rédemption toute gratuite: l’homme qui par elle voit ses prétendus mérites anéantis, laisse désormais briller plus éclatante la gloire de Dieu, éprouve plus vivement le besoin de se rapprocher de lui pour y puiser sa force comme pour le bénir; et, résultat que nous ne saurions trop admirer!
L’homme puise précisément dans cette humilité qui semblait devoir l’écraser, l’élan et la vigueur qui l’élèvent vers les cieux; il prie, il aime, il adore, et surtout il agit toujours plus en s’humiliant toujours davantage; or, ce résultat était si bien prévu que Saint Paul nous apprend que la fin du salut gratuit est que personne ne se glorifie.
Harmonie des écrivains sacrés
Après avoir établi que le salut est par la foi, Paul montre que cette doctrine était déjà celle d’Abraham et de David, celle de Moïse et des prophètes: «Abraham crut, dit-il, et cela lui fut imputé à justice.»
C’est du bonheur de l’homme, auquel la foi tient lieu de justice, que parle David, ajoute l’Apôtre, quand le Psalmiste s’écrie: «Bienheureux celui dont les péchés sont pardonnés.»
Enfin, c’est à cette justice par la foi, avait dit Paul au chapitre précédent, que rendaient témoignage la loi de Moïse et les écrits des Prophètes.
Cette concordance parfaite de tous les écrivains de la Bible, hommes différents de siècles, d'instructions et d’habitudes, est bien digne de remarque; elle devient...
◦ La preuve qu’un seul et même Esprit soufflait dans leurs cœurs et dirigeait leurs plumes, et, ainsi, un nouvel indice de la divinité de notre foi.
Si ces hommes avaient répété les mêmes pensées dans les mêmes termes, on pourrait supposer qu’ils se sont copiés; mais non, cette parfaite identité de doctrine se trouve enchâssée dans les formes les plus diverses, et ce n’est qu’un lecteur attentif qui parvient à la découvrir.
Il faut avoir lu, médité, goûté, qu’on nous permette le mot, il faut avoir digéré la Genèse, les Psaumes, les Évangiles et les Épîtres, pour reconnaître qu’au fond C’EST LA MÊME NOURRITURE DIVERSEMENT PRÉSENTÉE.
Donnons un exemple de cette unité dans la diversité, et que ce soit précisément un caractère en rapport avec le salut gratuit que Saint Paul nous présente ici.
Quelle est la première disposition que Moïse exige des Hébreux, pour obtenir la protection de l’Éternel? C’EST UNE CONFIANCE SANS BORNES.
Pour n’en citer qu’un exemple: Aza suivant l’Arche de l’Éternel et la voyant pencher sur le char qui la porte, ose craindre qu’elle ne tombe, et cette crainte, qui suppose un doute, est punie de mort! Aza tombe raide à côté de l’Arche restée debout!
Que voulait donc l’Éternel de la part d’Aza? Une confiance à toute épreuve; en d’autres termes, la foi!
Quelles sont, dans les Psaumes, les expressions qui reviennent le plus souvent?
N’est-ce pas celle de confiance en Dieu, de la gratuité de l’Éternel, celle d’iniquités effacées?
Et qu’est-ce donc que cette confiance, sinon la foi?
Qu’est-ce que cette gratuité sinon la grâce?
Qu’est-ce que ces iniquités effacées, sinon le pardon?
Passez aux Évangiles et bornez-vous à suivre Jésus-Christ:
◦ il n’a de guérisons et de miracles que pour ceux qui ont la foi;
◦ il n’offre son salut et sa mort qu’à ceux qui croient;
ce qu’il reproche à ses auditeurs, c’est d’être une race incrédule;
à ses Apôtres, d’être tardifs à croire; et toujours, toujours la foi.
Enfin, que prêche Paul?
L'examen est superflu pour quiconque a lu une seule page de sa première ou de sa dernière Épître. Nous en avons assez vu de celle aux Romains, ouvrons celle aux Hébreux:
◦ C’est par la foi, dit l’Apôtre, qu’Abraham offrit Isaac;
◦ c’est par la foi qu’Isaac donna sa bénédiction à Jacob;
◦ c’est par la foi que Jacob bénit les deux fils de Joseph;
◦ c’est par la foi que Joseph, que Moïse... et toujours la même répétition.
Je le demande: que faut-il de plus pour nous convaincre qu’il n’y a de salut pour nous que par la foi, afin que ce soit par grâce?
Ah! ce qui m’étonne le plus, c’est qu’il faille tant et tant lui répéter que le salut est gratuit pour que l’homme veuille bien ne pas le repousser; ce qui m’étonne, c’est que Dieu offrant le ciel, la terre, le temps, l’éternité, son Fils et le souverain bonheur, ait tant de peine à se faire écouter et croire...
Mais non, cela ne m’étonne pas, car cela confirme encore les deux grandes vérités qui servent de base à la doctrine de la grâce:
◦ C’EST QUE L’HOMME EST RADICALEMENT MAUVAIS; il n’est donc pas étonnant qu’il repousse le bien pour rester dans le mal, son élément;
et d’un autre côté,
◦ C’EST QUE L’ESPRIT DE DIEU SEUL convertit, seul fait croire, seul sauve et sanctifie.
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