Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

LE CULTE DOMESTIQUE

AOÙT

***


CCXIVe MÉDITATION.

Lisez Épître aux Romains V

La foi donne la paix


«Étant donc justifiés par la foi, nous avons la paix avec Dieu

Nous n’avons jamais pu lire ces paroles sans éprouver un bien-être intérieur; c’est qu’elles répondent à une expérience si douce qu’on est heureux de la voir confirmée en la sachant partagée par d’autres.

OUI, JUSTIFIÉS PAR LA FOI, nous sommes heureux, paisibles de cette paix qui surpasse tout entendement, de cette paix que rien n’altère, qui repose sur Dieu, qui s’élève jusqu’au ciel, et que ni Satan ni le monde ne peuvent nous ravir.

J’ai péché, c’est vrai, souvent péché dans ma vie; et cependant, je le déclare, ma conscience me laisse aujourd’hui tranquille.

Je n’éprouve aucune crainte: en vain on voudrait m’effrayer; je sens que toutes les menaces des hommes passeraient comme de vaines ombres devant mon esprit.


Je suis pardonné; bien plus: justifié, et justifié par Jésus-Christ.

Comment n’aurais-je pas la paix avec Dieu?


Avez-vous éprouvé quelque chose de semblable?

Alors, je ne crains pas de le dire: c’est le Saint-Esprit qui vous l’a témoigné.

Mais, au contraire, ce sentiment vous paraît-il une exagération?

Alors, je le dis avec non moins d’assurance, bien qu’avec tristesse: vous n’avez pas encore compris les vrais privilèges du chrétien.

Oui, mes chers amis, apprenez-le si vous ne le savez pas encore: il y a dans l’intime conviction que nous sommes justifiés devant Dieu par Jésus-Christ, et que rien ne peut nous ravir notre couronne, il y a là une paix, une joie indicibles!

Si cette paix, cette joie prenaient leur source en nous, seraient-elles donc si profondes et surtout si durables?

L’exaltation ou la simple préoccupation d’une erreur chérie peuvent bien maintenir pour un temps l’esprit dans un état de béatitude; mais cet état est plutôt une fièvre qu’une paix: cet état est surtout passager. Quand on y tombe, on réfléchit le lendemain. On se refroidit l’année suivante; on se détrompe bientôt et l’on finit par dédaigner ce bonheur pour en chercher un autre.

Mais non; croyez-le, chers amis, il n’en est pas ainsi de l’état produit chez le chrétien par sa justification: il est paisible et permanent.

S’il s’altère par intervalle comme le bleu du ciel s’obscurcit par moment, ce n’est que pour reparaître bientôt tout aussi profond, tout aussi vaste, éclairé par le soleil de l’Esprit.

Aussi Saint-Paul ajoute-t-il en des termes que je paraphraserai pour les rendre plus clairs: nous demeurons fermes dans l’espérance, et même nous nous réjouissons jusque dans les afflictions; car l’affliction produit la patience, et en étant patients nous faisons une épreuve de la réalité et de la divinité de notre foi, base de nos espérances:

Quoi! un ami, un époux, un enfant estimeront leurs sentiments fondés sur la nature, bien que peut-être ces sentiments aient été affaiblis par le temps ou les épreuves; et moi, qui trouve dans le fond de mon âme un sentiment de paix plus profond, plus inaltérable que l’affection d’un ami, d’un père, d’un enfant, je ne pourrais pas me fier à ce sentiment?

Plus il sera vif, plus il parlera haut, plus aussi je devrais travailler à l’étouffer et à l’éteindre?

Dieu m’aurait rendu plus évidente l’erreur qu’aux autres la vérité?

Plus chères à moi des illusions que des réalités à eux?

Et, pour tout dire, est-il possible que ce soit dans une erreur que je puise un bonheur que tous les biens terrestres n’ont pu me donner, et que je sois plus heureux sur un échafaudage de mon imagination creuse que dans les réalités de la création?

Non! mille fois non! ce que je sens vient de Dieu.

Cette paix vient de Dieu; cette joie vient de Dieu.

Je suis heureux et j’ai raison de l’être, parce que CELUI QUI ME JUSTIFIE EST BIEN LE FILS DE DIEU!

Oh! mon Sauveur, je ne te demanderai pas de me donner cette paix que j’ai déjà; mais je te demande de me l’augmenter, et de la donner à d’autres, afin que nous poissions plus nombreux te louer et te bénir!


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CCXVe MÉDITATION.

Lisez Épître aux Romains VI.

Pécherons-nous afin que la grâce abonde?


À la fin du chapitre précédent, Saint Paul a dit: «Où le péché a abondé, la grâce a surabondé;» ce qui le conduit à réfuter l’objection faite de son temps, comme du nôtre, que d’après cette doctrine il faut pécher afin que la grâce abonde.

À cela Paul ne répond pas par des raisonnements, mais par un fait: c’est que l’expérience dément l’objection.

En effet, quand même vous m’apporteriez des milliers d’arguments pour établir que la doctrine du salut gratuit doit conduire à l’immoralité, si je vous montre que, par le fait, il n’en est pas ainsi, tous vos arguments tombent devant l'expérience.

Or cette expérience est-elle bien ce que j’affirme?

Voilà toute la question.

Eh bien, je le demande à ceux qui soulèvent cette difficulté:

Je vais plus loin:

Serait-il téméraire d’affirmer que tous ceux qu’ils ont vus embrasser sincèrement cette doctrine s’efforcent au contraire, bien qu’à différents degrés, de vivre plus saintement, et que quelques-uns y sont parvenus?

Remarquez bien qu’il ne s’agit pas de décider si tous sont parfaitement saints, ni même si tel bourgeon de leur mauvaise nature a été mis en évidence par leur confiance absolue en la grâce.

Non; mais il s’agit de savoir si la vie de ces hommes, prise dans son ensemble, s’est montrée, depuis qu’ils croient à cette grâce, PIRE, LA MÊME OU MEILLEURE?

Nous ne craignons pas une réponse faite de bonne foi à cette question.

Or, si l’expérience est en faveur de la doctrine de la grâce, qu’est-ce que cela prouve?

Que cette doctrine vient de Dieu.

Et si l’on insiste sur la force, sur la logique de l’objection, si même nous concédons que l’objection est très forte et très logique, qu’est-ce que cela prouve encore?

Que, plus certainement que jamais, la doctrine de la grâce vient de Dieu, puisque malgré la force, malgré la logique de l’objection, l’expérience la renverse.

Plus vous me dites que le péché doit abonder, mieux vous prouvez que, la chose n’étant pas, il a fallu que Dieu y mît la main.

Mais il y a mieux à dire: à votre logique d’esprit j’oppose la logique de mon cœur, qui me dit que je serais un monstre, si je pouvais raisonner comme vous supposez que doit le faire celui qui croit a la grâce.

et précisément À CAUSE DE CELA, JE ME SENTIRAIS ENCOURAGÉ À RÉPÉTER LES MÊMES FAUTES POUR LE REMETTRE ENCORE EN CROIX?

Mais une telle pensée est satanique, infernale! Disons plus, elle est impossible!

Elle ne vous est montée dans l’esprit que parce que vous n’aviez pas la foi à cette grâce dans le cœur; moi, je vous dis:

Mais pardon, ô mon Dieu, d’avoir dépensé à raisonner les instants que nous aurions dû employer à sentir ton amour, à bénir ton nom.

Oui, Seigneur, NOUS SOMMES MORTS AU PÉCHÉ, nous vivons avec toi, tu es greffé sur notre plante, et, ensemble, nous ne faisons plus qu’un être.

Tu absorbes nos fautes pour les expier;

nous absorbons ta sainteté pour en vivre,

et ainsi purifiés par toi, nous devenons un avec toi en vie, en amour, en sainteté.

Hâte, hâte, Seigneur, par ton Esprit, la maturité de notre être; et que bientôt nous te soyons parfaitement semblables; alors le monde oubliera ses objections pour se convertir à ta grâce et à ton amour!


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CCXVIe MÉDITATION.

Lisez Épître aux Romains VII

Lutte entre le vieil homme et le nouveau


Dans la lutte spirituelle que décrit Saint Paul à la fin de ce chapitre, est-ce bien de lui, ou de l’homme en général, que parle l’Apôtre?

Et s’il parle de lui-même, est-ce de lui avant ou après sa conversion?

Enfin, s’il s’agit ici de Paul, et de Paul converti, comment se fait-il que la vie d’un grand apôtre soit aussi pécheresse que semble le décrire ce passage?

Essayons de répondre à ces questions.

C’est de lui-même, et de lui-même converti, que parle ici l’Apôtre; et si le tableau qu’il nous fait de sa conduite nous paraît si sombre, c’est qu’il se juge plus sévèrement que nous ne l’eussions jugé nous-mêmes.

L’œil spirituel au travers duquel il voit, plus pur, plus transparent, lui laisse voir des taches là même où nous n’aurions rien aperçu. Paul eût été saint à nos yeux, tout en restant souillé aux siens. Voilà ce qui explique en partie son jugement sur lui-même: c’est sa sainte sévérité.

Sentez-vous donc vivement le péché dans vos membres, et pour cela craignez-vous parfois de n’être pas un enfant de Dieu?

Rassurez-vous:

Rassurez-vous, vous êtes dans la foi, sous la grâce, et parvenu au salut.


Mais en vous rassurant, nous ne voudrions pas vous induire en erreur.

Vous pouvez n’être pas converti, et cependant avoir fait des expériences analogues à celle de Paul; par exemple, approuver le bien tout en faisant le mal, et même vous pouvez avoir lutté contre le péché.

Mais entre vos expériences et celles de l’Apôtre, se trouvent de profondes différences.

Au contraire, la loi sainte qu’aime le chrétien est celle de LA PAROLE ÉCRITE, et il l’aime dans toute son exigence; plus elle est sévère, plus elle lui paraît belle; en sorte que, l’admirant toujours plus, il se sent toujours plus coupable, à l’inverse de l'homme naturel, qui devient de plus en plus indulgent pour lui-même, parce qu’il fait de plus en plus fléchir devant ses goûts la loi de sa conscience.

Aussi, chez l’un la lutte ne dure-t-elle qu’un instant, le mauvais principe est bientôt vainqueur, et le vaincu, séduit, se livre bientôt, mains et pieds liés, à sa passion;

tandis que chez l’autre la lutte se soutient, l’aiguillon du péché s’enfonce toujours plus dans ses chairs; et jusque dans les bras de sa volupté, il combat, se déteste, et soupire après son Dieu.

aussi, quand le premier tombe, ne se sent-il que légèrement meurtri: aussi, oublieux de son regret, consentira-t-il bientôt à chuter encore;

tandis que le second pleure, souffre à chaque chute et ne se relève que pour tomber à genoux et prier.

Enfin une dernière différence:

«JE RENDS GRÂCES À DIEU PAR JÉSUS-CHRIST, NOTRE SEIGNEUR.»


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CCXVIIe MÉDITATION.

Lisez Épître aux Romains VIII 1 à 10.

L'Esprit de Dieu rend témoignage à notre esprit


«C’est ce même esprit qui rend aussi témoignage à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu.»

Aussi, dit Paul, et ce mot négligé dans quelques versions est assez important ici pour que nous le fassions remarquer.

Ce passage nous déclare de la manière la plus formelle que l’Esprit de Dieu peut être déposé dans son sein; car, si cet Esprit rend un témoignage au nôtre, ce sont donc bien deux esprits différents.

Beaucoup d'autres paroles bibliques établissent la même vérité, mais aucune ne le fait plus clairement que celle-ci. Et cependant ces déclarations de Dieu ne sont pas les seules preuves qui garantissent au chrétien la réalité de ce Saint-Esprit agissant en lui. Paul en indique trois autres dans ce même passage.

Et d’abord le Saint-Esprit lui-même se témoigne lui-même dans le cœur du chrétien. Ce témoignage, nul pour qui ne le sent pas, est tout-puissant pour celui qui l’a expérimenté; il ne se prouve, pas mieux aux incrédules que la vue ne se démontre aux aveugles; mais il n’en éclaire pas moins celui qui le possède.

C’est que l’Esprit-Saint n’est pas donné à un homme pour le montrer à d’autres, mais pour agir sur lui-même; comme les yeux ne nous sont pas donnés pour prouver à personne que nous voyons, mais pour nous éclairer et nous conduire.

Mais ce témoignage intérieur est accompagné d’un témoignage extérieur qui motive le mot aussi que nous avons fait remarquer: c’est la sainteté de vie.

Ces deux manifestations d’un même esprit sont inséparables; un homme ne peut pas sentir l’Esprit-Saint vivre en lui, sans que ses frères et lui-même ne voient au-dehors les mouvements de cette vie; et par contre l’action de l’Esprit-Saint ne peut pas se produire au-dehors sans se faire sentir à l’intérieur.

Ainsi, autorité de l’Écriture, témoignage intérieur de l’Esprit, fruits de sanctification, ne voilà-t-il pas bien assez de preuves que le Saint-Esprit est une réalité et que cette réalité est en nous?

Non; ce privilège est trop grand, trop extraordinaire pour que Dieu ne nous le confirme pas avec surabondance; et il nous donne un dernier témoignage plein de douceur dans l’expérience de nos frères qui ont senti comme nous, et qui viennent tour à tour mettre sous nos yeux par leur vie comme par leurs paroles la contre-épreuve de notre propre histoire.

En effet, Paul ne dit pas que le Saint-Esprit témoigne à son esprit, mais à «NOTRE ESPRIT;» il parle de lui et de ses frères, comme pour échanger avec eux un témoignage mutuel de cette importante vérité.

En effet, combien il est doux pour notre foi de voir des frères agir comme nous, penser comme nous et venir nous raconter de ces expériences intérieures, fidèles reproductions des nôtres; d’entendre résonner en eux la même fibre du cœur, mue sous le souffle du même Esprit; expériences fugitives, soupirs inexprimables, que Dieu seul peut exhaler en nous.

Il n’est pas jusqu’à l’impuissance du monde pour comprendre ces expériences, et jusqu’à son sourire incrédule quand on lui en parle, qui ne concoure à démontrer que ce ne sont pas les pensées naturelles à notre cœur, et que dès lors elles ont dû y être jetées par le Saint-Esprit.

Oui, l’Esprit-Saint est en nous, et voici ce qu’il y dit:

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CCXVIIIe MÉDITATION.

Lisez Épître aux Romains VIII 19 à 39.

L'assurance du salut


Combien nous sommes loin de posséder cette pleine assurance du salut qu’exprime ici l’Apôtre.

Il semble même que nous ayons peur de l’exprimer, peur de l’accepter.

Le monde nous a tant dit que se croire certain de son salut était de la présomption que, pour ne pas paraître présomptueux, nous comprimons nos élans dans la foi. Et peut-être nous-mêmes pensons-nous qu’en effet il y a quelque témérité à se dire assuré du ciel, certain d’être dès à présent et pour toujours sauvé; peut-être, avant de croire à ce salut inévitable, attendons-nous que notre vie soit plus sanctifiée.

Quelle que soit la raison de ce défaut de confiance, il n’en est pas moins contraire à l’Évangile et injurieux pour le Seigneur.

En effet, suivons les idées de Saint Paul.

Notre salut, du commencement à la fin, vient de Dieu.

Si nous y entrions pour quelque chose, nous pourrions craindre de renverser finalement les bonnes intentions du Sauveur à notre égard. Mais non, le salut est sans participation de notre part;

Dieu nous appelle, nous élit, nous pardonne, nous justifie, nous sanctifie; en un mot, nous sauve.

Que pourrions-nous donc craindre d’imparfait dans l’œuvre d’un tel Sauveur?

Ensuite, ce n’est pas d’hier que notre salut est arrêté.

Une décision, prise dans le temps, pourrait paraître à notre esprit de nature à être avec le temps révoquée. Nous pourrions supposer que Dieu, resté des siècles sans penser à nous, pourrait bien dans la suite des âges nous oublier ou se repentir.

Non, notre salut est arrêté de toute éternité; il fait partie des décrets de Dieu; il n’a pas de date.

Antérieur au monde, à l’univers, l'univers et le monde ont été créés pour lui. Si Dieu nous avait élus depuis une certaine époque, on pourrait dire qu’à cette époque il y a eu en lui variation; mais, au contraire, Dieu, depuis des siècles sans nombre, a poursuivi ses plans à notre égard; pourquoi donc supposer qu’il cessera de les poursuivre?

Il ne faudrait pas un miracle pour nous sauver, mais un miracle pour nous perdre; disons mieux: il faudrait une impossibilité!

Mais quels sont les gages que Dieu nous donne, dès ici-bas, de cette vérité?

D’abord, ce Saint-Esprit qui vit dans notre cœur.

Or, conçoit-on que l’Esprit-Saint soit venu en nous pour laisser son œuvre imparfaite, et qu’il puisse un jour être réduit à déclarer son impuissance?

Sans doute, s’il dépendait de nous de l’arracher de notre sein, nous pourrions craindre; mais non, il est scellé dans notre cœur.

Sans doute, s’il nous laissait une partie de sa tâche à faire, nous pourrions trembler de la laisser inachevée; mais non, il produit en nous, non seulement l’exécution du bien, mais encore le simple bon vouloir. Dire que notre salut court encore un danger, ce n’est pas nous défier de nous, c’est nous défier de Dieu.

Insistera-t-on encore, et nous dira-t-on que Dieu peut changer ses décrets, nous retirer son Esprit?

Mais ce serait dire qu’il nous mesure son amour, qu’il veut bien nous aimer jusque-là, nous pardonner jusque-là, mais qu’il ne peut aller plus loin.

Admettez cette limite: soit; mais quel est le don qui la marque?

Le don de Jésus-Christ!

Le don du Fils unique de Dieu!

Dites, après cela, que peut-on donner encore? Ou plutôt, quand un père aime jusqu’à donner son enfant, que ne donnerait-il pas?

Oh! mon Dieu, nous sommes accablés de tes bienfaits; tu nous environnes des témoignages de ton amour; tu nous fais répéter sous mille formes que nous ne pouvons pas te perdre, que tu nous tiens dans ta main, que tu nous aimes de toute éternité, que pour nous ton Fils est mort, et que pour nous il prie; et cependant nous ne voulons pas nous croire encore pleinement assurés de notre salut!

Mon Dieu ! mon Dieu ! pardonne cette dureté de cœur; nous te jugeons d’après nous-mêmes; tes dons sont si magnifiques que notre esprit ne peut les embrasser ni notre cœur les concevoir.

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CCXIXe MÉDITATION.

Lisez Épître aux Romains IX 9 à 24.

L'élection


Il est impossible d’établir plus positivement la doctrine de l’élection. Et toutefois, bon nombre de ceux qui reçoivent la Parole de Dieu repoussent cette doctrine. C’est qu’ils ne la comprennent pas.

Efforçons-nous donc de l’éclaircir dans leurs esprits.

On présente cette objection:

il est injuste de prendre, sur une masse d’hommes semblables, une partie pour lui donner gratuitement le ciel, une partie pour la plonger en enfer.

Oui sans doute l’objection serait fondée, si Dieu plongeait gratuitement en enfer, comme il porte gratuitement en paradis; mais ce n’est pas là ce que dit la Bible.


Dieu donne un ciel gratuit, mais un enfer mérité!


Il ne pousse pas l’homme à la condamnation: il l’y laisse aller de son propre gré.

Il y a plus:

Voilà donc la différence:

Ce Dieu a prédestiné les élus à la vie, mais personne à la mort;

les uns peuvent donc le remercier, mais personne s’en plaindre.


Cette distinction dans la manière dont les uns sont disposés à la mort et les autres à la vie n’est pas une pure supposition de notre part; elle est établie par Saint Paul lui-même.

En parlant des vaisseaux (des vases) de COLÈRE longtemps supportés avec patience, il dit qu’ils sont «préparés pour la perdition».

Préparés par qui?

L’Apôtre ne le dit pas; mais en tout cas ce ne peut être par Celui qui les attend patiemment; c’est donc par eux-mêmes résistant à cette longue patience.

Mais quand Paul parle des vaisseaux (de vases) de MISÉRICORDE, il ne dit plus qu’ils sont préparés, mais que Dieu «les a préparés».

Ici la grâce intervient; et qui pourrait s’en plaindre?

En sorte qu’envers les premiers Dieu use de support, envers les seconds, de miséricorde; est-ce donc la faute de Dieu si sa longue attente est méprisée?

Faudra-t-il qu’il pousse à coups de fouet les impénitents dans les bras de Jésus-Christ?

Peut-être dira-t-on: Dieu est encore injuste en traitant des coupables avec des degrés différents de faveur, les uns avec patience, les autres avec miséricorde; pour être juste, il aurait dû tous les sauver.

Poussons jusqu’au bout les conséquences de cette plainte contre Dieu, répandant inégalement ses grâces.

Cette plainte revient à dire:

ce n’est pas tout:

Allons jusqu’au bout:

l’homme né de nos jours pourra se plaindre de n’être pas né dès la création du monde et d’avoir été ainsi privé de dix-neuf siècles d’existence;

En reprenant de plus bas l’échelle des êtres, toutes les créatures sensibles au-dessous de l’homme pourront aussi se plaindre: celles-ci, de ne vivre qu’un jour; celles-là, qu’un siècle, tandis que l’homme est appelé à l’immortalité.

Faut-il pousser encore plus loin ces justes conséquences, pour montrer l’injustice du principe?

Ah! il me semble qu’au jugement dernier, moi, créature coupable, je ne songerai guère à réclamer de mon Dieu la stricte justice; mais que, l’oreille tendue, le cœur palpitant, j’écouterai si mon nom ne va pas sortir de sa bouche avec le mot de GRÂCE! GRÂCE!

Eh bien, de même si nous sentons aujourd’hui notre péché et la justice de notre condamnation, comment pouvons-nous songer à discuter en face de notre Dieu qui nous apporte le livre de vie et qui nous crie: «JE PARDONNE....»

Écoutez, écoutez les noms qui vont sortir de sa bouche; écoutez les noms inscrits sur le livre: «Je pardonne quiconque, quiconque, l’entendez-vous? Quiconque se confie à mon amour; je pardonne quiconque ne repousse pas mon pardon.»


C’est à vous de dire si vous voulez être oui ou non pardonnés!


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CCXXe MÉDITATION.

Lisez Épître aux Romains IX 25 à 33.

Triomphe du Christianisme sur tous les obstacles


Reportons-nous au temps où parlait Saint Paul, alors que le christianisme n’était guère encore qu’en germe sur la terre, et demandons-nous ce que, nés païens ou juifs, mais en tous cas restés étrangers à la foi chrétienne, nous aurions présagé de l’avenir de cette religion.

Cependant de ces deux prévisions, si probables, aucune ne s’est réalisée: le christianisme n’a pas été anéanti comme le pensait le Juif; il ne s’est pas développé chez les Juifs comme le supposait le païen; mais il a triomphé, contre la prévision de l’enfant d'Israël, et c’est chez les gentils qu’il a transporté son empire.

Ce fait historique est en lui-même déjà bien digne d’attention; mais voici ce qui le marque d’un sceau divin.

Ce phénomène a été prédit par Saint Paul à l’heure même où personne ne l’attendait, lorsqu’il était improbable et à des siècles de distance du jour où il s’est accompli. Qu’un événement trompe toutes les prévisions humaines, on le conçoit; mais qu’un fait improbable et lointain soit prédit et se réalise, c’est ce qu’on ne saurait concevoir sans admettre l’intervention de Dieu.

Oui, ce malheureux peuple, aujourd’hui rejeté de Dieu, méprisé des hommes, repoussant l’Évangile avec horreur; ce peuple est un témoin vivant de la divine inspiration de l’Apôtre qui nous parle, et ainsi un témoin de la divinité du christianisme.

On a tout employé pour l’amener, si non toujours à la foi, du moins dans l’Église; on l’a persécuté, payé, prêché, menacé, flatté; et rien auprès de lui n’a réussi!

Tous ses intérêts mondains lui conseillaient de se faire baptiser:

Le Juif s’est fait esclave ou mendiant plutôt que de se faire chrétien.

Il a vu d’un œil indifférent le monde entier venir chercher un Dieu dans sa nation, tandis que lui est resté impassible, livrant, sans orgueil ni honte, son frère Jésus à l’adoration de l’univers et ne voulant pas l’adorer!

C’est là le prodige le plus éclatant qu'on puisse concevoir et qui cependant reçoit encore plus d'éclat de cette circonstance, que Paul l’avait prédit.

Ah! que son histoire nous serve non seulement de preuve à l’appui de notre foi, mais surtout d’avertissement pour la direction de notre vie. Le motif pour lequel Dieu a rejeté le peuple Juif, c’est

Cette prétention nous semble bien ridicule chez les Juifs; mais la jugerons-nous encore ainsi, lorsque nous découvrirons qu’elle est aussi en nous?

Eh bien, oui;

mais prenons garde de ne pas confondre l’Église selon la chair et l’Église selon l’Esprit.

Tous ceux-là ne sont pas israélites qui sont d’Israël, dit l’Apôtre; de même TOUS CEUX-LÀ NE SONT PAS DE CHRIST QUI SE NOMMENT CHRÉTIENS, sont baptisés chrétiens et communient à une table chrétienne.

Ces vérités sont devenues triviales à force d’avoir été répétées; mais nous pourrions bien, même après avoir évité ce piège dans l'Église où nous sommes nés, y être tombés dans l’Église où nous sommes entrés.

Tel qui ne compte pour son salut ni sur son baptême, ni sur ses communions, ni sur la foi de sa famille, y compte peut-être parce qu’il s’est joint à des croyants, parce qu’il a adopté leurs formules, parce qu’il s’est choisi une Église orthodoxe et vivante, tout en restant incrédule de cœur et mort dans sa conduite.

Prenons-y garde, nous sommes de notre nature rusés et désespérément malins;


CHANGER D’HABITS CE N’EST PAS CHANGER DE CORPS.


Examinons donc si notre être est véritablement renouvelé par le Saint-Esprit, et non si notre langage est modifié par nos alentours, ou l’entraînement, et peut-être par la vanité ou l’intérêt!


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CCXXIe MÉDITATION.

Lisez Épître aux Romains, X.

Devoir d'évangéliser les païens


De l’appel des gentils, Saint Paul tire pour nous l’obligation de leur porter l’Évangile.

Oui, L’OBLIGATION, ce mot n’est pas trop fort, et c’est précisément parce que nous regardons nos sacrifices pour les missions chrétiennes comme facultatifs, et presque comme des libéralités, que nous faisons si peu pour elles.

En effet, si Dieu veut que les païens soient appelés, de quelle voix se servira-t-il si ce n’est de la nôtre?

Attendons-nous que Christ revienne sur la terre dire à nos semblables ce que nous savons déjà?

Les anges descendront-ils du ciel pour donner à nos frères un Évangile qui est entre nos mains?

Non, nous sommes les seuls agents dont Dieu puisse se servir; nous porterons le salut aux païens, ou les païens périront!

Oui, périront! et c’est là le motif le plus impérieux qui puisse nous être présenté.

S’il s’agissait d'envoyer aux peuples barbares les mesquins avantages de notre civilisation, de nos arts, de nos sciences, je comprendrais qu’on pût hésiter à exposer sa vie ou à s’imposer des sacrifices; mais non,

Voilà ce dont il s’agit. Que deviennent, en face d’une telle œuvre, nos petites affaires, nos petites souffrances, nos petites gênes de quelques francs donnés chaque année pour évangéliser ces païens?

Quand on veut se dispenser d’accomplir un devoir, on parle d’un devoir plus prochain. Ainsi, pour refuser nos secours spirituels aux païens, on a dit que nous avions assez à faire d’annoncer l’Évangile autour de nous, et que, alors même que nous dépenserions toutes nos forces et toutes nos ressources sur notre patrie, nous n’y suffirions pas.

Pour sentir la frivolité de ce raisonnement, poussez-le jusqu’au bout; s’il faut convertir sa patrie entière avant de travailler à la conversion du monde, il faudra de même travailler à convertir toute son église particulière avant de songer à sa patrie.

Ce n’est pas tout:

La conclusion est absurde, parce que le principe a été posé par l’égoïsme. «Oui, dit Jésus lui-même, ce sont là les choses qu’il fallait faire sans pour cela négliger les autres

Si nous étions absolument contraints de choisir entre le champ du monde païen et celui de la chrétienté pour y répandre l’Évangile, c’est au monde païen que nous devrions la préférence.

Cela résulte de la nature de l’Évangile lui-même; c’est un levain qui fait lever toute la pâte; c’est la plus petite des semences qui produit un grand arbre. Il faut donc porter cette semence au loin, la jeter au vent, la disperser sur tous les coins du globe, afin que chaque grain en produise trente, cinquante ou cent, qui, semés à leur tour sur le vaste champ encore inculte, puissent le faire fleurir.

Quelques poignées de blé dispersées peuvent couvrir le monde de moissons en peu d’années, tandis que, gardées à la maison, elles ne nourriront pas une seule famille. De même, quelques chrétiens réunis s’édifieront eux seuls, et rien de plus; semés sur la terre, ils peuvent convertir le monde!

Eh! que serions-nous donc aujourd’hui nous-mêmes si Paul fût resté confiné dans la Judée jusqu’à ce qu’il eût converti toute la nation juive?

Descendants des druides sanguinaires de la Gaule, nous brûlerions peut-être dans ce moment, victimes humaines, en l’honneur des faux dieux, ou, ce qui est pire, nous allumerions le bûcher sous les pieds de nos frères!


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CCXXIIe MÉDITATION.

Lisez Épître aux Romains, XI, 5 à 21.

Élection et réjection du peuple juif


La Bible fait deux déclarations qui semblent se contredire: Dieu a choisi le peuple juif pour toujours et l’a ensuite rejeté.

Pour que ces deux déclarations s’accordent, il suffit de leur enlever le caractère d’absolu dont notre esprit les revêt à tort.

Les Juifs, comme peuple, peuvent être appelés à de grandes faveurs, et cependant quelques individus dans leur nombre ne pas y participer; comme ils peuvent être rejetés temporairement en tant que nation et toutefois quelques-uns d’entre eux être sauvés: avec cette explication tout se concilie.

Israël est appelé en masse sans que pour cela Dieu soit obligé de sauver les incrédules qui s’y trouvent; comme en masse Israël est rejeté sans que Dieu manque à sa promesse: car il réserve un levain qui plus tard pénétrant la pâte la fera lever dans toute son étendue. Ainsi trois mots suffisent pour faire l’histoire du peuple juif: APPEL, REJET et RÉTABLISSEMENT; et ces trois faits peuvent se coordonner entre eux dès qu’on les applique à la grande majorité de la nation et non à sa totalité absolue.

Maintenant, admirez comme ces trois phases harmonisent bien avec les plans miséricordieux du Seigneur envers le genre humain:

Tout cela fut obtenu par le choix d’un peuple mis à part depuis le siècle d’Abraham jusqu’à celui de Jésus-Christ. Voilà le salut préparé par le genre humain.

Jésus arrive et l’heure sonne où les grands projets du Seigneur, couvés par le peuple hébreu, vont éclore et voler sur toutes les nations.

Mais ces Juifs, devenus orgueilleux d’une préférence imméritée, s’indignent à la nouvelle d’un salut gratuit, d’un salut pour tous; en sorte que parmi eux ceux qui repoussent Christ veulent encore empêcher les Apôtres de l’annoncer aux gentils; et ceux qui l’acceptent prétendent conserver des privilèges jusque sous l’économie évangélique.

Que fera donc le Dieu, père de tous les peuples, et qui, en choisissant un peuple, avait tous les peuples en vue?

Il fera voler en éclats la masse de cette nation orgueilleuse, comme on brise un vieux vase dont on s’est longtemps servi, et il fera couler les eaux de sa grâce sur tout le genre humain. Voilà le salut porté à l’univers.

Mais l’infidélité des Juifs ne pouvait pas anéantir la fidélité de Dieu; les promesses de bénédictions à perpétuité doivent donc encore s’accomplir.

C’est à cette dernière phase que nous marchons.

Depuis deux mille ans le peuple juif sert l’œuvre de Christ en esclave aveugle qui agit pour les autres et sans voir ce qu’il fait; il témoigne de la malédiction qui pèse sur un peuple déicide; il conserve avec respect les prophètes qui proclament notre Messie; il lit la loi qui le condamne, et ainsi le peuple juif est, malgré lui, le notaire incorruptible qui conserve les titres de Jésus-Christ a la confiance de toutes les nations.

Ainsi un seul peuple est appelé; mais c’est pour le bien de tous; il est rejeté momentanément, mais c’est pour ouvrir la porte au genre humain; il est enfin rétabli dans la faveur divine, et les promesses seront accomplies.

Oh! admirable sagesse de Dieu dont les bords seuls nous éblouissent!

Adorable fidélité du Seigneur dont les voies nous confondent!

Comment ne pas nous confier au Dieu qui, à travers les siècles, conduit les peuples rebelles comme un troupeau docile, et qui fait concourir à la garde de ses brebis jusqu’aux lions rugissants de la forêt?

Oui, Seigneur, ta sagesse est insondable, ta puissance sans borne; aussi comptons-nous sur ton immuable fidélité!


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CCXXIIIe MÉDITATION.

Lisez Épître aux Romains, XI, 26 à 36.

Toutes choses sont de lui, par lui et pour lui


Ici se termine l’exposition du plan de la rédemption que Paul avait commencé avec l’épître et qu’il résume dans cette admirable parole:


«TOUTES CHOSES SONT DE LUI, PAR LUI ET POUR LUI


En d’autres termes:

Par ces mots: «toutes choses,» Paul n’entend pas seulement l’univers matériel, mais encore et surtout le monde moral, l'homme en particulier.


Le but final de notre création ce n’est pas nous, c’est lui.


Quand on y réfléchit bien et que dans un juste sentiment d’humilité on se tient à sa place, on reconnaît qu’il doit en être ainsi.

En effet, quelle comparaison établir entre la créature et le Créateur, entre l’homme et Dieu, entre l’être passager et l’Éternel?

Quelle proportion entre celui qui a fait des milliers de mondes et celui qui végète sur un coin imperceptible d’un seul de ces mondes, incapable de former même un grain de sable ou de comprendre un brin d’herbe?

Aucune, aucune!

Et il faut que l’orgueil de notre cœur soit incommensurable comme la création, pour oser nous croire nous-mêmes le but final de notre existence.

Cependant cette incroyable prétention nous l’avons tous plus ou moins.

Si nous reconnaissons tous que nous venons de Dieu, tous déjà nous ne pensons pas être entièrement par lui; quelques-uns aiment à se figurer qu’ils aident le Seigneur, qu’ils entrent pour leur part dans l’œuvre qui les conduit du berceau à la tombe, et de la tombe au ciel.

Encore bien moins croyons-nous avoir été créés pour lui.

Bon nombre d’hommes et même de chrétiens, tout en avouant qu’ils ont été créés et sauvés uniquement par Dieu, restent cependant assez infatués d’eux-mêmes pour s’imaginer que le but final de leur existence est leur propre félicité, et que Dieu les appelle dans son ciel pour travailler à leur propre bonheur.

Folie de l’orgueilleux qui déplace l’univers pour s’en faire le centre, et qui ne comprend pas que, simple et pauvre créature perdue dans la multitude des êtres, il n’est qu’un atome qui ne brille que sous un rayon de soleil!

L’atome brille, mais ce n’est pas lui que l’œil intelligent admire; c’est l’astre du jour; l’atome brille, non pour être remarqué lui-même, mais pour manifester le roi de la création; l’atome brille, non pour lui, mais pour le créateur!

Rentrons donc dans le vrai, et sachons que nous ne sommes et ne serons jamais rien de nous-mêmes et pour nous-mêmes.

Anéantissons-nous, à la lettre, anéantissons-nous devant Celui de qui, par qui et pour qui sont toutes choses; et dans cette humiliation, en face de sa gloire, dans celle poussière de ses pieds nous trouverons plus de joie que dans la recherche la plus subtile de nous-mêmes. Toute joie puisée dans l’orgueil est acre, parce qu’elle est fausse; toute joie puisée dans l’humilité est suave, parce qu’elle est vraie; et nous ne serons véritablement heureux que lorsque du cœur nous nous écrierons avec l’Apôtre:


«À lui soit la gloire dans tous les siècles! Amen!»


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CCXXIVe MÉDITATION.

Lisez Épître aux Romains, XII.

Donner lieu à la colère


Après une telle lecture, nous ne savons plus que dire.

Le tableau est si parfait que nous craignons, en y ajoutant nos réflexions, d’en affaiblir l’effet sur ceux qui l’ont contemplé. Un chapitre comme celui-là vaut tout un traité de morale, et mieux; car on y sent si bien le cœur de l’écrivain, qu’on regretterait en vérité que ce fût autre chose qu’une simple lettre.

Toutefois, telle est la tournure de notre esprit que, après avoir savouré goutte à goutte ces onctueuses exhortations de l’Apôtre, notre attention a été détournée par le conseil qu’il nous donne d’amasser des charbons ardents sur la tête de nos ennemis et d’attirer sur eux la colère divine.

Voilà bien ce que nous sommes lents à nous émouvoir devant les plus grandes beautés morales; prompts à nous effrayer devant les plus petites difficultés. Mais enfin attachons-nous à résoudre celle-ci, bien que ce ne soit pas la tendance habituelle de nos Méditations.

Avec plus de confiance à la sainte Parole, nous aurions pu nous dire qu’après avoir poussé les Romains à la patience, à la douceur, au pardon des injures pendant une page entière de sa lettre, il était impossible que Paul leur conseillât de se venger.

Au reste, notre étonnement lui-même à la lecture de ce passage prouve déjà que le sens que nous lui avons attribué n’est en accord ni avec la Bible en général, ni avec l’esprit de Paul en particulier.

Conduit par cette pensée, qu’il est impossible que l’Apôtre recommande la haine et la vengeance, nous aurions relu le passage et peut-être alors y aurions-nous reconnu ce qui suit: «Donner lieu à la colère,» ou, comme on pourrait le dire sans s’éloigner du texte et dans une locution mieux appropriée au génie de notre langue, faire place à la colère, laisser passer la colère, se rapporte à la colère de notre ennemi et non à celle de Dieu.

Nous-mêmes, chaque jour, à ceux qui nous demandent conseil sur la conduite à tenir envers un homme irrité, ne disons-nous pas: laissez passer sa colère? Voilà donc la première difficulté anéantie par la plus simple des explications.

Restent maintenant ces mots: «En faisant cela (c’est-à-dire, en pardonnant), tu lui amasseras des charbons ardents sur la tête.»

Pour comprendre cette comparaison, prenons-la strictement à la lettre.

Que ferait un homme sur la tête duquel nous amasserions de véritables charbons ardents?

Quelque obstiné qu’il fût, il me semble qu’il changerait de place, car il lui serait impossible de rester immobile.

Eh bien, voici un homme haineux qui se raidit contre un chrétien, il l’injurie, s’oppose à ses projets, lui barre le passage. Le chrétien, loin de lutter avec lui, suit le conseil de l’Apôtre: il lui donne à manger s’il a faim, à boire s’il a soif; en un mot, lui rend le bien pour le mal.

N’est-ce pas amasser des remords sur la conscience de cet homme, de la honte dans le cœur, et comme des charbons ardents sur sa tête?

Un ennemi, quelque irrité qu’il soit, résistera-t-il longtemps au feu allumé dans son sein par des bienfaits?

Non, non. Tous nous avons éprouvé quelque chose d’analogue au sentiment qui ne peut manquer de s’élever dans le cœur de cet homme.

Quand on a répondu par un sourire à nos bouderies, par une douce parole à nos aigres répliques, nous n’avons pu y tenir, nous avons été vaincus, l’amour avait amassé des charbons ardents sur notre conscience.

Voilà ce que l’Apôtre nous conseille à l’égard de nos frères; qu’on nous dise maintenant s’il n’est pas d’accord avec lui-même et avec toute la Parole de Dieu!

N’est-ce pas exactement ce qu’il avait dit quelques lignes plus haut: «Bénissez ceux qui vous persécutent, bénissez-les et ne les maudissez point?»

Oui, Seigneur, ta Parole est toute harmonie!

Notre ignorance seule y jette parfois du désaccord. Donne-nous donc plus d’amour et plus de confiance; alors nous comprendrons mieux, et peut-être à notre tour aiderons-nous les autres à comprendre

(En supposant même qu’au verset 19 il fût question de la colère de Dieu, on pourrait également trouver à ce passage un sens chrétien; il suffirait de traduire ainsi: «Ne vous vengez point, laissez cette affaire à Dieu, è qui seul appartient la vengeance; quant à vous, surmontez le mal par le bien.»).


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CCXXVe MÉDITATION.

Lisez Épître aux Romains, XIII.

Obéir aux puissances établies selon la conscience


L’homme penche presque toujours à droite ou à gauche; mais l’Évangile le redresse toujours.

Ainsi, dans l’obéissance due à l’autorité humaine, tantôt l’homme dépasse le but, tantôt il reste en deçà.

Voyons donc la règle posée par Saint Paul.

Le précepte de l’Apôtre revient à ceci: OBÉIR AU MAGISTRAT ET LUI OBÉIR PAR CONSCIENCE.

Les hommes, au contraire, parlent,

Mais remarquez la supériorité du précepte évangélique sur ces deux interprétations.

Si c’est à la loi seulement que l’homme est tenu d’obéir, il en reste donc l’interprète, et lorsque le magistrat lui paraîtra en fausser l’application, il sera, lui, en droit de désobéir.

Dès lors sa révolte est légitime, non seulement toutes les fois que le magistrat se trompe, mais encore toutes les fois qu’il lui paraîtra se tromper.

Ce n’est pas là ce que dit l’Apôtre:

La loi elle-même n’oblige ni n’empêche; elle ne récompense ni ne punit. C’est donc au magistrat, interprète de la loi, qu’est due l’obéissance, pour que la loi ne soit pas illusoire.

Mais d’autres tombent dans l’excès contraire et veulent qu’on obéisse dans tous les cas, uniquement parce que la puissance ordonne d’obéir.

Mais Paul, loin de là, par un seul mot, pose des bornes à l’obéissance, tout en paraissant occupé de la motiver. Il veut que notre soumission ait pour principe la conscience.

Ce n’est pas parce que le magistrat le veut que le chrétien doit obéir, mais parce que:


DIEU VEUT QUE LE CHRÉTIEN OBÉISSE AU MAGISTRAT.


Mais puisque la soumission doit avoir pour mobile la conscience, elle doit avoir aussi la conscience pour barrière;

Dieu ne peut pas se contredire, et, par exemple, dans sa Bible, nous dire de l’honorer, et, dans la même Bible, d’obéir au magistrat qui nous défendrait d’honorer Dieu!

Tous les martyrs de la primitive église ont refusé d’obéir à César ou à ses délégués qui leur demandaient de blasphémer le nom de Jésus-Christ; et tous ces martyrs en sont loués dans l’Apocalypse.

Pierre et Jean refusèrent d’obéir au sanhédrin, qui leur défendait d’annoncer l’Évangile, et cependant Pierre et Jean étaient animés de l’esprit de Dieu.

Donc, encore une fois, LA CONSCIENCE EST LA RÈGLE; quand elle n’est pas compromise, en son nom même nous devons obéir; si l’on veut au contraire nous obliger à l’enfreindre, en son nom encore nous devons résister.

Il est vrai qu’on peut abuser de cette règle et alléguer la conscience quand la conscience ne parle pas.

Mais de quoi n’abuse-t-on pas?

Cet abus n’est possible que pour les méchants! C’est à des chrétiens que nous nous adressons. Si ces chrétiens se trompent dans l’application, l’affaire est entre eux et le Seigneur. Nul n’a le droit d’intervenir pour les blâmer.

Mais non; les chrétiens, s’ils sont chrétiens, ne s’y tromperont pas; le bien et le mal sont faciles à distinguer. Nous ne sommes pas de notre nature tellement dévoués et courageux, qu’il soit bien probable que pour obéir à Dieu nous nous hasardions sans nécessité à désobéir aux puissances. Le contraire est bien plus à craindre! Toutefois, prenons-y garde, notre cœur est rusé; Satan est adroit, et nous pourrions bien, pour des motifs subtils de vanité, d’entêtement, faire l’abandon de biens plus grossiers, et résister quand il faudrait obéir, comme obéir quand il faudrait résister.

Ici, nous ne pouvons que poser une règle générale; les applications particulières ne sont possibles que pour la conscience de chacun.

Nous devons à la fois nous réjouir de la liberté et trembler de la responsabilité que nous donne l’Évangile. Il est dit que les Apôtres «furent tout joyeux d’avoir été trouvés dignes de souffrir pour Jésus-Christ;», mais prenons garde, quant à nous, que ce soit bien pour Jésus-Christ!


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CCXXVIe MÉDITATION.

Lisez Épître aux Romains, XIV.

Que chacun agisse selon sa persuasion


Quels que soient le nombre, la clarté, la précision des préceptes évangéliques, ils ne peuvent être aussi nombreux, aussi variés que les positions incessamment modifiées de notre vie; et ainsi, au delà du terrain précis du commandement, doit nécessairement se trouver un terrain vague, laissé à la conscience de chacun; par exemple, la distinction des jours et des aliments dont parle l’Apôtre.

Ici la loi, c’est la liberté pour tous, mais la liberté réglée par la foi de chacun.

Que chacun donc fasse ce qu’il voudra, mais qu’il ne le fasse qu’autant qu’il est persuadé que cela est selon la volonté du Seigneur.

Cette règle est aussi douce qu’admirable; elle suffit à tous les cas restés en dehors des préceptes posés par la loi. Pour mieux l’apprécier, comparez-la à ce qu’on a mis à sa place dans d'autres religions, hélas! même dans certaines communions chrétiennes.

Qu’a-t-on inventé pour régler la conduite sur les points minutieux et délicats où se tait la Bible?

Deux choses: des casuistes et des confessionnaux; c’est-à-dire que des ouvrages humains ont essayé de résoudre un à un tous les cas de conscience, de telle sorte qu'il faudrait une vie entière pour en étudier la longue liste, et sans trouver finalement dans cette étude une solution qui s’appliquât exactement au cas particulier du lecteur.

On a fait ainsi de la vie chrétienne une science immense, impossible, comme le botaniste qui étudierait toutes les fleurs des champs et qui donnerait à chacune un nom particulier pour la distinguer de toutes les autres, au lieu de lui assigner une place dans la classification générale.

À cette étude difficile, impossible, des casuistes écrits, on a substitué, pour les petits, des livres vivants à consulter de vive voix sur les cas qui embarrassent les fidèles.

Remarquez que, s’il fallait recourir à ce moyen toutes les fois que les événements nous jettent dans une indécision, il faudrait passer la moitié de sa vie à consulter et l’autre à agir d’après les consultations.

Mais ce n’est pas là peut-être le plus grave inconvénient de cette méthode machinale; en suivant l’avis d’un homme différent de vous-même, que faites-vous?

Vous substituez non pas la lumière divine à la lumière humaine, mais tout simplement une persuasion d’homme à une autre persuasion d’homme; autant aurait valu suivre votre propre persuasion.

Que dis-je, autant?

Cent fois mieux; car alors vous auriez agi avec foi, avec sincérité, ce qui est tout, et enfin, avec plus d’énergie; tandis qu’en accomplissant même à la lettre tout ce qu’un homme vous prescrit, vous agissez lâchement, sans ressorts, sans plaisir, par obligation, avec peine, avec ennui, soupirant après votre affranchissement du devoir.

Oh! combien est plus douce cette règle posée par l’Apôtre:

Que chacun agisse selon sa propre persuasion; ce qu’on fait sans foi est un péché; mais ce qu’on fait par principe de foi est agréable à Dieu.


Oui, chrétiens, pour diriger notre vie, consultons d’abord la Parole de Dieu.


Si elle se tait sur notre cas particulier, ce qui sera fort rare, consultons ce même Dieu par la prière, et alors, sous l’influence de son Esprit, suivons, en toute liberté, notre propre inspiration.

Mais, si tel est notre droit, remarquons bien que tel est aussi le droit de tous nos frères.

Nous qui avons sans doute lu ou écouté l'exposition de cette liberté chrétienne, nous l’avons acceptée pour nous-mêmes; mais en accordons-nous aussi toujours le privilège aux autres?

Ne sommes-nous pas, au contraire, tellement jaloux de notre liberté propre, que nous prétendons parfois l’exercer jusque sur le domaine de celle de nos frères et les pousser par notre blâme à agir, non pas selon qu’ils sont, mais selon que nous sommes persuadés? «Qui es-tu, dit Saint Paul, toi qui juges le serviteur d’autrui?»

Puisque nous voulons agir selon notre propre persuasion, laissons donc les autres agir selon leur persuasion propre. Notre censure seule est un empiétement, comme notre exemple serait un scandale.

Respectons chez autrui cette liberté dont nous sommes si jaloux; sachons que Dieu seul est maître et que nous, alors même que nous n’exigerions qu’un seul pas, fait à notre ordre, nous serions déjà des tyrans!

Oui, rien n’indigne, n’exaspère, ne révolte, comme ces prétentions de semblables à conduire leurs semblables. Aussi de tels hommes n’ont-ils d’action que sur des âmes molles, incapables de supporter la liberté évangélique que Dieu leur accorde.


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CCXXVIIe MÉDITATION.

Lisez Épître aux Romains, XV, 1 à 13.

Ayez un même sentiment


Accorder à nos frères la liberté que nous en réclamons, c’est peu; Paul demande plus, il veut que nous ayons pour ceux mêmes qui sont en désaccord de pensée avec nous une affection véritable. Il ne nous dit pas d’avoir en tout avec eux une même opinion, mais un même sentiment; il faut que, séparés par l’esprit, nous restions unis par le cœur; si bien que d’une seule voix nous puissions glorifier Dieu, notre père commun.

Quelle distance entre de telles dispositions et ce que le monde libéral appelle de la tolérance!

De la tolérance! Mais à le bien prendre, ce mot est une insulte; on tolère ce qui est mauvais et non ce qui est bon; dire qu’on tolère un homme, c’est déjà le blâmer, et s’ériger soi-même en maître.

Non, personne n’a le droit de tolérer, parce que ce droit suppose celui de juger les opinions et au besoin de retirer sa tolérance.

Loin de nous poser en protecteurs, Paul nous place presque comme protégés, et veut que nous recevions les outrages avec patience. Il ne nous conteste pas nos droits, mais il nous exhorte à nous en relâcher au besoin par un esprit de charité; il ne nous demande pas de tolérer personne, mais il nous impose l’obligation chrétienne d’aimer même ceux qui diffèrent avec nous d’opinion.

Si l’on parle de tolérance dans le monde, on parle de support parmi les chrétiens; et bien que le mot soit changé, la pensée reste la même. La conduite est peut-être pire.

Quand avez-vous entendu dire: Moi et les miens nous l’avons pas de support? Jamais; et où avez-vous ouï dire: Nos voisins sont étroits dans leurs idées? Partout! en sorte que chacun réclamant le support de la part de tous, sans songer à l’accorder lui-même, tous se sentent froissés et refusent ce qu’eux-mêmes demandent.

Ainsi, les cœurs se rétrécissent, se replient sur eux-mêmes, ne conservent de chaleur que pour les régions les plus voisines, et ne laissent circuler l’amour, ce sang de la vie chrétienne, que rare, pauvre et lent dans les extrémités du corps de Jésus-Christ.

Qu’on nous comprenne bien, ou plutôt qu’on écoute bien l'Apôtre: il ne nous demande pas l'abandon de nos idées particulières; au contraire, il ne veut pas même que nous acceptions un aliment ou que nous observions un jour contre notre persuasion.

Ainsi restons entiers, absolus dans notre opinion. Mais que, selon le précepte de Paul, les esprits les plus divers viennent s’unir en un seul cœur; car enfin toutes nos diversités partent d’un principe commun: l’obéissance au même maître.

Prenons-y bien garde!

La foi qui désunit les cœurs n’est pas une foi qui vienne de Dieu; elle ne peut donc donner la paix et la joie par le Saint-Esprit; elle témoigne contre elle-même et contre nous.

Sondons-nous bien à cet égard; ne récriminons pas toujours, et sachons nous accuser nous-mêmes, nous avouer que c’est nous dont le cœur est étroit, et, par conséquent, que c’est à nous qu’il est dit d’avoir un même sentiment avec nos frères, et non pas seulement à nos frères d’avoir un même sentiment avec nous.


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CCXXVIIIe MÉDITATION.

Lisez Épître aux Romains, XV, 14 à 33.

Humilité et douceur de Saint Paul


Quelle humilité et quelle douceur dans ce Paul, si zélé, si ardent lorsqu’il s’agit de défendre les droits de son maître!

Il vient d’établir avec force la doctrine chrétienne; pour cela, il a dû déclarer pécheurs coupables, corrompus, Juifs et païens, et leur montrer le salut, non dans leurs œuvres mauvaises, mais dans la pure grâce de Dieu;

enfin il a terminé par les plus pressantes exhortations à vivre saintement; et maintenant, comme s’il craignait de paraître s’attribuer quelque supériorité morale sur les chrétiens de Rome, comme s’il avait peur de les avoir blessés, il ajoute:

Je sais que vous êtes pleins de bonté et de toute sorte de connaissances, et que vous êtes bien en état de vous exhorter vous-mêmes. Ce n’est donc pas pour vous apprendre, mais pour vous remettre en mémoire ces choses que vous savez, et même ce rappel que je vous fais de votre foi et de votre devoir ne vient pas de moi-même, mais de la grâce qui m’a été donnée par Dieu pour être serviteur de Jésus-Christ.

Voilà le langage humble, timide presque, que tient un apôtre élevé jusqu’à des visions célestes et mis en possession d’une puissance miraculeuse; voilà le langage de celui qui avait tellement rempli l’Asie de ses travaux qu’il songe maintenant à passer en Europe!

Oh! oui, l’Esprit de Dieu était bien réellement dans un tel homme pour accomplir les prodiges de son apostolat; car l’Esprit de Dieu seul est capable de maintenir dans un cœur d’homme, après de tels succès, une telle modestie, une telle douceur.

Et comment les chrétiens de Rome, lisant les dernières lignes de cette lettre, ne se seraient-ils pas sentis enclins à se soumettre aux enseignements qu’ils avaient peut-être d’abord trouvés un peu durs à écouter?

Oui, quand on est persuadé que c’est l’amour qui parle, qu’il parle pour notre bien, qu’il parle sans orgueil; quand les exhortations sont tremblantes d’humilité; oh! alors, l’esprit de celui qui les écoute est vite subjugué; il vole de lui-même au-devant de ce qu’on veut lui faire recevoir; il vous vient en aide; il vous aime, il est gagné!

Puissante influence de la douceur et de l’humilité! Pourquoi faut-il qu’elle soit si rarement exercée, et pourquoi faut-il que ceux qui exhortent prennent si souvent à contresens les moyens qu’ils ont de gagner les cœurs?

Pourquoi ce ton de supériorité, d’orgueil, d’autorité qui blesse et repousse?

Aussi, voyez combien difficilement nos exhortations sont reçues, combien rarement elles sont efficaces, et combien souvent au contraire elles soulèvent des récriminations contre le médecin qu’on renvoie se guérir lui-même!

Au reste, il faut le reconnaître, Saint Paul appuyait son droit d’instruire et de reprendre sur son apostolat et sur l’onction qu’il avait reçue de l'Esprit.

Mais en même temps il est une espèce de supériorité qui peut devenir celle de tous, de l’enfant, du serviteur et du simple fidèle, et qui leur donnera même le droit de s’adresser à leurs supérieurs selon la chair: C’EST LA SUPÉRIORITÉ DE LA PIÉTÉ.

Et celle-là s’exerce même dans le silence, même à l’insu de son possesseur. La vie sainte parle, persuade, entraîne, et quand elle ne suffit pas, elle autorise à joindre la parole à l’exemple.

Voulez-vous donc que vos exhortations soient entendues même de vos supérieurs?

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CCXXIXe MÉDITATION.

Lisez Épître aux Romains, XVI.

Salutations de Saint Paul aux Romains


Je me représente le premier ministre d’un puissant monarque traçant dans son cabinet une dépêche adressée d’abord dans une ville de la province, lue ensuite dans toute l’étendue du royaume, et destinée à devenir une loi pour les générations présentes et futures.

Il se trouve, auprès du gouverneur qui recevra la missive, quelques employés subalternes qui jadis ont connu le ministre d’État; je me demande si ce grand dignitaire en terminant sa lettre songerait à les faire saluer?

Je ne le pense pas; sa personne est trop haut placée, ses affaires trop importantes pour qu’il s’abaisse à de telles pensées.

Eh bien, voici Saint Paul, un des premiers ministres du Très-Haut, écrivant une épître à l’église de Rome sur le salut des âmes, destinée à tous les âges de l’Église chrétienne; il a traité de la vie et de la mort, de la condamnation éternelle et de l’éternel salut; et maintenant il termine en saluant avec la plus touchante simplicité Priscille et Aquilas, faiseurs de tentes; Andronique et. Junia, jadis prisonniers, et une foule d’autres personnages parfaitement inconnus à la postérité. On se lasse presque d’en lire la liste, mais Paul ne se lasse pas de la tracer. Tous viendront l’un après l’autre prendre place sous sa plume au fur et à mesure que leur souvenir s’élèvera dans son cœur; chacun recevra une louange, une caresse, un témoignage d’affection.

Quelle tendre charité! Quelle humble condescendance! et quel cachet de vérité!

Cette conduite, par le contraste, met involontairement sous nos yeux celle que nous tenons nous-mêmes dans des circonstances analogues.

Dès qu’une affaire de quelque importance nous est confiée, nous nous élevons à sa hauteur; je dirai volontiers, nous nous gonflons à son volume, et nous nous croyons en droit d’oublier les petits devoirs qui, jusque-là, nous avaient occupés tout entiers.

Pour prendre un exemple dans le sujet qui nous occupe, voyez ces chrétiens appelés à une œuvre quelque peu étendue d’activité chrétienne; ils délaissent aussitôt la même tâche dans leur intérieur; et s’ils ont, comme Saint Paul, une lettre à écrire aux Romains, il est douteux qu'ils se souviennent de Priscille et d’Aquilas.

Mais ce qui frappe non moins que les salutations personnelles de l’Apôtre, c’est l’épithète qu’il ajoute au nom de chacun.

Ce que Paul se rappelle de ses frères, c’est ce qu’ils ont de bon. Il est probable que chacun des personnages par lui nommés avait son défaut de caractère, qui sans doute n’avait pas échappé à Paul; l’Apôtre aurait pu le mentionner ici et y ajouter une exhortation.

Mais non, CES DÉFAUTS NE LUI VIENNENT PAS À LA PENSÉE; c’est la face aimable de leur caractère qui se présente à son souvenir; il aime à redire ce qu’il doit à Priscille et à Aquilas, qui lui ont sauvé la vie; à Phœbé, qui l’a assisté dans ses besoins. D’Hérodion, qui n’a rien fait pour lui, il dira du moins qu’il est son parent; de la mère de Rufus, qui ne lui est rien, qu’il la regarde comme la sienne.

Par contraste encore, cette conduite de Paul rappelle la nôtre.

Ce qui nous revient d’abord en mémoire dès qu’il s’agit d’un frère, ce sont ses défauts; c’est le sujet qui s’échappe le plus vite de nos lèvres, qui coule le plus facilement de notre plume.

Nous ne nous souvenons de leurs qualités qu’après leur mort, juste châtiment de la conscience qui se venge de nos injustices lorsqu’il n’est plus temps de les réparer.

Hélas! moi-même en traçant ces lignes, comme en écrivant ce culte tout entier, ne suis-je pas tombé dans le tort que je signale?

Ne me suis-je pas trop vivement rappelé les travers des chrétiens?

N’ai-je pas trop oublié ce qu’il y avait de bon en eux?

Quelques paroles caressantes, plus affectueuses, ne les auraient-elles pas mieux gagnés que les efforts, brusques et violents, faits quelquefois pour enlever le bandeau qui couvrait leurs plaies?

Oui, mon Dieu, le tort de nos frères est aussi le nôtre, leur plaie saigne aussi dans notre cœur. Mais maintenant qu’elle est découverte à leurs yeux et aux nôtres:


RÉPANDS-Y, SEIGNEUR, LE BAUME TRANQUILLISANT DE TON SAINT-ESPRIT.


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CCXXXe MÉDITATION.

Lisez 1ère Épître aux Corinthiens I, 1 à 16.

Les disciples de Paul ou d'Apollos


Paul était le fondateur de l’Église de Corinthe. Après son départ, des philosophes païens et des docteurs juifs, les uns et les autres convertis au christianisme, vinrent dans cette église, et, au lieu d’y continuer l’œuvre de pure évangélisation, ils y répandirent chacun sa doctrine particulière.

Aussi les Corinthiens se divisèrent-ils bientôt entre eux, et se groupant autour de leurs chefs respectifs ils se disaient les uns aux autres: Moi je suis disciple de Paul; — moi, disciple d’Apollos, — et moi de Jésus-Christ.

Cette conduite des Corinthiens, condamnée par Saint Paul, a si souvent été mise sous les yeux de ceux qui dans l’Église chrétienne se groupent en partis, qu’aujourd’hui les chrétiens divisés se garderaient bien d’employer le même langage; aucun ne voudrait dire: je suis de Paul, je suis d’Apollos; tous disent de même: nous sommes de Jésus-Christ.

Mais le fait a-t-il changé avec le langage?

Non; car on se dit volontiers en s’accusant les uns les autres: moi je suis pour telle doctrine, moi pour telle autre; et là-dessus on se blâme, s’accuse, se dispute, non moins vivement que les Corinthiens.

Voilà notre progrès:

Toutefois remarquons-le bien: ce que Paul demande, ce n'est pas que nous renoncions à nos opinions particulières, aussi longtemps qu’elles reposent sur la base commune du salut par Jésus-Christ. Mais ce qu’il demande, c’est qu’en gardant nos persuasions diverses nous n’ayons tous les uns envers les autres qu’un même sentiment: le sentiment qui unit, l’amour et le support.

Cette exhortation est si conforme à l’Évangile que tous la répètent, disciples de Paul, disciples d’Apollos et disciples de Christ; et pourquoi tous la répètent-ils, si ce n’est parce que personne ne l’écoute?

Oui, ce fait même que tous se prêchent les uns aux autres prouve que tous, à cet égard, ont besoin d’être prêchés. On demande du support aux autres, et on le demande avec une telle insistance, avec une telle vivacité, qu’il devient évident qu’on en manque soi-même.

Vous avez tort d’être de Paul, crient les uns; ce qui signifie, vous devriez être, comme nous, d’Apollos.

Si vous voulez croire comme Apollos, répondent les autres, du moins ne nous haïssez pas comme des hérétiques; reproche fait sur un ton et dans des termes qui montrent assez qu’on manque soi-même d’amour.

Oh! que Paul était bien plus large dans ses idées et dans ses affections!

C’était peu pour lui d’exhorter les Corinthiens à ne pas se dire disciples de tel ou tel docteur; mais il les exhortait encore à ne pas se dire ses propres disciples, il se réjouissait de n’avoir pas baptisé, dans la crainte qu’on pût se croire baptisé en son nom, et il voulait que lui, comme les autres, fût oublié pour qu'on se rappelât que Christ seul avait été crucifié.

Exhortons donc ainsi nos frères, non seulement à ne pas marcher sous la bannière de nos adversaires, mais encore à ne pas s’attacher à la notre propre et personnelle; appelons-les tous sous le seul étendard de Jésus-Christ.


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CCXXXIe MÉDITATION.

Lisez 1ère Épître aux Corinthiens I, 17 à 31.

La folie de l'Évangile


A le bien prendre, il n’est pas étonnant que l’Évangile rencontre tant d’opposition parmi les hommes, car l’Évangile anéantit toute prétention humaine devant la souveraine sagesse de Dieu.

Paul revient constamment à cette pensée.

Après avoir blâmé les Corinthiens pour s’être dits disciples de tel ou tel docteur, il condamne ces docteurs eux-mêmes et déclare que leur sagesse, véritable folie, annule la croix de Christ.

Ainsi aucune prétention de notre part, pas même la mesquine prétention de bien dire, ne peut se concilier avec le droit souverain de Dieu. «Où est le sage profond de ce siècle?» dit Paul; ce sage devant Dieu n’est qu’un fou! Fous sont ces Juifs qui désirent voir des miracles; fous ces Grecs qui aiment à se bercer de paroles sonores; il n’y aura de salut pour ces Grecs comme pour ces Juifs que lorsqu’ils adopteront la folie de la croix.

Et cependant cet Évangile, qui paraît d’abord aux hommes une folie et un scandale, devient aux yeux de ceux qui lui donnent ensuite leur cœur une doctrine pure, admirable, divine.

Ces hommes, qui jadis passaient leur temps à étudier la sagesse, emploient aujourd’hui leur vie à la pratiquer; autrefois ils spéculaient, maintenant ils agissent; ils trouvent en Christ la force pour devenir justes, saints et heureux.

Or, pour atteindre ce résultat, ils n’ont qu’une chose à faire: s’humilier eux-mêmes pour glorifier Dieu.

Mais c’est précisément cette humiliation qui est pénible à l’homme naturel, et aussi longtemps qu’il ne voudra pas courber la tête sous ce joug, il ne verra la gloire ni ne comprendra la sagesse de Dieu.

Il existe dans la nature de vastes grottes dont l'accès est cependant difficile. À l'intérieur on voit un lac immense, des voûtes élevées, des colonnades colossales et mille autres objets à grandes proportions, se détachant à l’approche du flambeau.

Mais à l’entrée, des rochers anguleux se rapprochant du sol obligent le voyageur à se coucher par terre et ne le laissent pénétrer qu’après avoir déchiré ses vêtements qu’ils retiennent par lambeaux. Le visiteur se fait petit, s’enfonce dans la poussière, souffre à cet étroit passage, mais il le traverse enfin, et ce n’est qu’alors que le plus magnifique des spectacles se déroule à ses yeux.

Voilà l’image du royaume de Dieu;


PERSONNE N’Y PEUT ENTRER SANS S’ABAISSER,

SE DÉPOUILLER ET SOUFFRIR.


Quand un homme y est parvenu, il le contemple à son aise, le parcourt et l’admire aux clartés du Saint-Esprit. Qu’on lui crie du dehors qu’il est dans une grotte obscure, qu’il ne vaut pas la peine de subir tant d’angoisses pour se plonger dans les ténèbres; on ne le persuadera jamais; il est entré, il voit, il touche ce que vous au dehors ne soupçonnez même pas!

Ainsi la vérité de l’Évangile se prouve bien mieux par l’expérience que par des raisonnements.

Vous ne serez convaincus que lorsque vous aurez renoncé à vos prétendus mérites; c’est à vous de voir si votre vie est trop pure pour être soumise à l’humiliation d’un salut gratuit, ou si votre sagesse est trop grande pour avoir besoin d’une révélation; c’est à vous surtout de juger si ceux qui se sont abaissés à leurs propres yeux n’ont pas été moralement relevés aux yeux de Dieu; s’ils ne sont pas plus purs, plus saints et plus heureux.

Pourquoi ne feriez-vous pas la même expérience?

Pourquoi n’avoueriez-vous pas cette corruption de votre cœur que vous mettez tant d’art à dissimuler?

Ah! croyez-moi, vous ne gagnerez personne: ni Dieu qui vous a faits, ni les chrétiens qui vous savent mauvais, ni les incrédules qui (vous crussent-ils bons) vous porteraient envie au lieu de vous admirer.

Croyez-le donc:

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CCXXXIIe MÉDITATION.

Lisez 1ère Épître aux Corinthiens II.

Le chrétien régénéré par le Saint-Esprit


Pour faire mesurer aux Corinthiens toute la distance qu’il y a entre lui et les faux docteurs qui les troublent, Paul leur apprend que dans sa grande activité il n’a pas été mû par son esprit naturel, mais dirigé par l’Esprit de Dieu, de telle sorte que l’Apôtre inspiré peut très bien juger et comprendre ces docteurs humains, tandis que ces docteurs ne peuvent ni le juger ni le comprendre.

Tel est le sens de cette parole: «L’homme spirituel juge de toutes choses et il n’est jugé, c’est-à-dire bien jugé de personne.»

Cette double expérience se répète de nos jours parmi nous et nous donne la preuve que l’Esprit qui agissait en Saint Paul est bien celui qui agit en nous-mêmes.

«L’homme spirituel juge de toutes choses.»

En effet, le chrétien éclairé par le Saint-Esprit voit non seulement sa vie se sanctifier, mais encore son intelligence s’élargir.

Mais l’Esprit de Dieu ne nous dévoile pas seulement le cœur humain; en nous donnant l’amour des choses spirituelles, il nous amène encore à une juste appréciation des choses d’ici-bas.

Telle action, tel projet, tel spectacle qui éblouissent l’homme du monde laissent impassible le chrétien qui juge mieux de leur vanité; il ne sera jamais déçu par eux, car il ne s’en est jamais enthousiasmé. Et que d’illusions, que de mécomptes le chrétien s’épargne ainsi!

Ce qu’il y a de plus remarquable, c’est que cette juste appréciation des hommes et des choses que donne le Saint-Esprit est aussi bien le partage du chrétien illettré que du chrétien savant. Tous deux ont une nouvelle vue, un nouveau sens; vue plus ou moins pénétrante, sens plus ou moins développé, mais sens et vue apportant des impressions analogues à ces deux esprits différents. Quoi d’étonnant puisque ces deux hommes jugent sous l’influence du même Saint-Esprit?

Mais ce n’est pas tout: cet homme spirituel qui juge de toutes choses, ne saurait être bien jugé par personne.

En effet, dès qu’un homme embrasse la foi, ses alentours s’en étonnent, ne le comprennent plus, le trouvent bizarre; une fosse se creuse toujours plus large et plus profonde entre lui et eux.

Les gens du monde seront les premiers à vous dire en parlant de cet homme qui jadis partageait leurs goûts et leurs plaisirs; «On ne le comprend plus! Ses idées sont changées; on ne sait comment lui parler pour être d’accord avec lui; à chaque pas fait à ses côtés on se heurte avec lui. Aussi ne le voyons-nous plus, car nous ne le comprenons pas.»

D’autres fois ce langage est moins bienveillant, on interprète l’homme qu’on ne comprend plus et on lui fait penser ce qu’il ne pense pas; en sorte que sa vie, jugée sur de faux motifs, est faussement jugée. Aussi ce monde a-t-il pour lui d’abord de la froideur, ensuite de l’éloignement, bientôt des jugements téméraires, et, enfin, des calomnies. Paul l’avait dit: il ne peut être bien jugé par personne.

Êtes-vous ce chrétien?

Réjouissez-vous, car l’Esprit de Dieu est bien en vous, et vous pouvez vivre en paix vous qui avez la pensée de Christ.

Êtes-vous au contraire un de ceux qui s'effraient à l’approche d’un homme spirituel, qui s’étonnent à l’ouïe de son langage et qui le condamnent par cela seul qu’ils ne comprennent pas sa conduite?

Reconnaissez-vous donc dans ce tableau et croyez que si votre portrait y est fidèlement dépeint, celui de l’homme spirituel n’y est pas moins fidèlement tracé; que dès lors il existe bien un Saint-Esprit, déjà reçu par d’autres et à vous encore offert.

Pour vous comme pour eux, le moyen est facile: priez et vous recevrez; si vous ne recevez pas le premier jour, priez encore et vous recevrez plus tard; si Dieu, pour éprouver votre foi, vous fait attendre de nouveau, priez toujours, priez sans cesse, et infailliblement vous recevrez le Saint-Esprit.


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CCXXXIIIe MÉDITATION.

Lisez 1ère Épître aux Corinthiens III.

Qui plante n'est rien, qui arrose n'est rien: Dieu seul est tout


Celui qui plante n’est rien! celui qui arrose n’est rien ; «Dieu seul est tout!»

Voilà la pensée à laquelle Paul revient toujours, et à laquelle nous-mêmes devons sans cesse revenir.

Quand nous étions encore dans le monde, pleins de notre propre justice, fiers de nos vertus, et presque fiers de nos vices ; quand nous avions la prétention de mériter l’approbation des hommes dans le temps et le séjour du ciel pendant l’éternité, alors l’Évangile nous a dit:

Cette vérité, dure à notre cœur, nous l’avons cependant admise, contraint que nous y étions par l’action qu'exerce sur nous le Saint-Esprit.

Aujourd’hui nous reconnaissons en effet que, dans notre vie passée, nous avons fait uniquement le mal, et que, si quelque bien se trouve dans notre conduite actuelle, ce n’est pas à nous, mais à Dieu qu’il est dû.

Mais l’Évangile ne craint pas de nous répéter cette vérité jusqu’à satiété, et il nous dit maintenant à nous, qui sommes régénérés, sanctifiés et conduits par l’Esprit-Saint:

Voilà la base de la doctrine chrétienne.

Les vertus que nous avons, même les vertus les plus réelles dans la foi, sont toujours des vertus d’emprunt; des plus brillantes, nous ne pouvons pas nous glorifier ; et même à le bien prendre, il n’y a pas dans le christianisme des vertus brillantes ; il n’y en a que de vraies ; le mot héroïsme est rayé du dictionnaire évangélique ; le chrétien peut se dévouer pendant un siècle, terminer sa vie par le martyre; il peut faire tout cela par amour pour ses frères et pour son Dieu! il ne sera pas encore un héros, il ne le sera jamais! il y a incompatibilité entre sa gloire et la gloire de Dieu!

Nous le sentons par nous-mêmes: ce sont là des vérités qui matent notre esprit, qui l’écrasent et contre lesquelles se révolte notre homme naturel tout entier.

Nous aimerions bien mieux tenter l’impossible si on nous le demandait, mais qu’au moins quelque petite chose nous fût attribuée à nous-mêmes, ne fût-ce qu’un iota! Aussi, voyez comme notre orgueil, dompté à notre entrée dans la foi, s’est vite relevé de l’autre côté de ce passage étroit; et comme après être convenus que nos vertus humaines ne valaient rien, nous avons été prompts à nourrir notre propre vanité des vertus chrétiennes, dont l’Esprit-Saint nous avait donné une faible lueur!

Oh! ruse de Satan! serpent subtil et venimeux, qui de ses plis inextricables enlace notre cœur, quand des deux mains pourrons-nous l’arracher et sous nos pieds écraser sa tête!

Nous le savons, cette annihilation du mérite humain semble à quelques-uns contraire même à l’Évangile. On craint de décourager l’homme, on parle de ses nobles instincts non complètement étouffés, et l’on exprime la crainte que cette compression puissante et soutenue au nom de l’humilité ne finisse par aplatir ou rompre notre ressort vers le bien.

Nous ne savons ce qu’il en est précisément pour ceux qui tiennent ce langage ; mais ce que nous savons bien, c’est ce qu'il en est pour nous-mêmes.

Dès que, par un côté ou par un autre, nous avons laissé un peu d’air à nos prétentions naturelles, notre orgueil a repris vie et s’est relevé, tandis que, plus bas nous nous sommes humiliés, mieux nous avons senti le besoin de prier.

Et qu’on nous le dise:

Faites-les aussi petites que vous voudrez, ne seront-elles pas toujours des prétentions à nous grandir nous-mêmes et par conséquent à rapetisser l’œuvre de Dieu en nous?

Ah! c’est précisément parce que ces prétentions me plaisent que je les crains!

Et j’aime mieux m’en fier à la Parole divine qu’aux instincts de ma nature déchue ; or, cette Parole me dit:


«Celui qui plante n’est rien ; celui qui arrose n’est rien! Dieu seul est tout!


Oui, mon Dieu, donne-moi de ne vouloir être quelque chose que par toi, donne-moi de pratiquer ces vertus humbles, secrètes, ces vertus de chaque jour, et de rapporter encore ces vertus à ta gloire. Alors le monde ne m’admirera pas ; alors je ne me nourrirai pas de ma satisfaction; mais alors je serai réchauffé et heureux au soleil de ta propre gloire!


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CCXXXIVe MÉDITATION.

Lisez 1ère Épître aux Corinthiens IV.

L'âge de notre vie chrétienne


Paul, depuis longtemps instruit dans les doctrines de l’Évangile et doué des grâces abondantes du Saint-Esprit, avait depuis peu communiqué cette instruction évangélique et ces dons spirituels aux Corinthiens.

Ainsi, à l'heure où il écrivait cette épître, l’Apôtre était donc un chrétien vieilli dans l’expérience, s’adressant à des frères nouveau-nés.

À ces deux âges dans la foi, voyez quelles sont les deux conduites qui correspondent:

Quel contraste entre ces Corinthiens, convertis d’un jour, et ce Paul, façonné depuis longtemps au joug du Seigneur!

Et remarquez que de ces humiliations elles-mêmes il ne se glorifie pas. «Je ne vous écris pas tout cela, dit-il aux Corinthiens, pour vous faire honte; mais je vous exhorte comme mes chers enfants!» Quel amour, et quelle humilité!

La conduite de l’Apôtre et celle des Corinthiens peuvent nous aider à reconnaître à quel point nous en sommes de la foi et de la vie chrétienne.

Sommes-nous encore des enfants en Christ, montrant à tous les membres de la famille les dons que nous avons reçus et nous en glorifiant intérieurement?

Ou bien sommes-nous déjà assez spirituels pour être surtout frappés de ce qui nous manque, et pour le confesser avec humilité?

Avons-nous assez bonne opinion de nous-mêmes pour exiger l’approbation de l’Église, après avoir renoncé à celle du monde?

Ou bien savons-nous nous passer de toute approbation, pourvu que nous ayons celle du Seigneur?

Enfin, reconnaissons-nous que, quel que soit le dédain des hommes pour nous, nous n’avons pas le droit de nous en plaindre, puisque nous valons encore moins que ce que nous nous montrons à ces hommes?

Oh! que nous sommes loin d’accepter la position acceptée par Saint Paul! Oh! combien nous blesseraient profondément les épithètes de «balayures des rues et de rebut du monde,» si on nous les jetait à la figure, comme Saint-Paul se les applique à lui-même!

Et combien nous serions rancuniers envers l’Église, oublieuse de nos soins, orgueilleuse de sa science et passant sous la conduite d’autres conducteurs, en nous dédaignant, nous leur père spirituel!

Comme nous serions amers contre ces Corinthiens, que Paul censure, en les nommant ses chers enfants!

Oui, nous sommes encore faibles en la foi, jeunes dans la vie chrétienne; ou, si nous sommes convertis depuis de longues années, notre tort n’en est que plus grave, pour être restés en Christ de tout petits enfants.

Depuis longtemps,

Prenons-y garde! le Seigneur nous dit, comme Paul aux Corinthiens: «Lequel aimez-vous mieux que j’aille à vous avec une verge ou avec un esprit de douceur?»

Oh! ne rendons pas ses rigueurs nécessaires; si nous ne voulons pas nous abaisser de notre propre mouvement, DIEU NOUS HUMILIERA LUI-MÊME SOUS SA MAIN PUISSANTE; et alors cette coupe d’humiliation sera d’autant plus amère que nous la boirons par contrainte et avec répugnance; tandis que l’humilité, VOLONTAIREMENT acceptée, doit devenir, contre notre attente, pleine de douceur: méprisés du monde, nous nous sentirons approuvés de Dieu; oubliés des hommes, nous vivrons dans la société du Seigneur.

Malheur à nous si nous n’apprécions pas une telle félicité, et si ces paroles ne nous semblent que le vain son d’une cymbale retentissante!

Mais bienheureux sommes-nous si leur doux son trouve un écho dans les expériences de notre cœur!


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CCXXXVe MÉDITATION.

Lisez 1ère Épître aux Corinthiens V.

La répréhension du pécheur scandaleux


Au milieu des Corinthiens, si fiers de leurs dons spirituels, vivait un homme, incestueux sans remords, et toléré dans l’Église sans y exciter l’étonnement de personne.

Paul, après leur avoir fait sentir cette énormité par cette seule parole: «Et vous êtes enflés d’orgueil! et vous n’êtes pas plutôt dans l’affliction!» leur commande de retrancher du milieu d’eux le méchant, en livrant un tel homme à Satan, par la destruction de la chair, afin que l’esprit soit sauvé au jour du Seigneur Jésus- Christ.

En quoi consistait cet abandon d’un homme à Satan?

Qu’était-ce que retrancher le méchant du milieu de soi?

C’est ce que nous ne saurions dire avec précision, et c’est peut-être ce qu’on a eu tort de vouloir préciser.

Pour nous qui ne sommes pas des conducteurs d’églises, mais de simples fidèles, nous n’avons à chercher ici qu’une règle de conduite envers nos frères tombés dans un péché scandaleux.

La première circonstance qui me frappe dans la conduite recommandée par Saint Paul envers l’incestueux, c’est que son résultat doit être de ramener le pécheur; car l’Apôtre dit: «afin de sauver l’esprit.»


Ayons donc toujours ce but devant les yeux:

il ne s’agit pas de punir, mais de ramener celui qui s’égare.


Les moyens devront donc varier avec les personnes; il faudra reprendre vivement celui-ci, exhorter doucement celui-là, parler avec charité à tous, faire fléchir et déplacer le glaive de la parole jusqu’à ce qu’il trouve la jointure et pénètre dans le cœur.

S’il faut user de tels ménagements dans son langage envers le coupable, combien plus faudra-t-il être doux, précautionneux, prudent dans la conduite à tenir à son égard!

L’Apôtre présente comme la plus grande extrémité à laquelle on puisse en venir, de ne plus se mettre à table avec un tel homme; en d'autres termes, de n’avoir plus avec lui aucun rapport de société.

Comme il y a loin de là à la persécution faite au nom de l’Évangile! de là à la censure publique! de là à l’expulsion violente du sein d’une Église!

Aussi voyez de ces interprétations cruelles ce qu’il est résulté: quand un homme a été censuré, excommunié, puni, est-il souvent revenu de lui-même pour que son esprit fût sauvé?

Pour vous en tenir à l’expérience de la vie privée, lorsque vous avez vivement repris un enfant, un serviteur, s’est-il humilié?

A-t-il baisé votre main?

Est-il rentré dans le devoir?

Non, il s’est révolté, et votre seule gloire est peut-être aujourd'hui de l’avoir éloigné sans retour.

Tel fut aussi le tort dans lequel tombèrent les Corinthiens en recevant la lettre de Paul; et, dans une seconde épître, l’Apôtre est obligé de leur dire: «C’était assez que cet homme eût été repris par plusieurs. Vous deviez plutôt lui faire grâce et le consoler.»

Prenons donc, envers le coupable la voie de la douceur; je ne dis pas celle de l’indulgence qui tolère le mal au lieu d’y porter remède, mais celle de la douce charité, ingénieuse pour se faire écouter, et dont les accents inimitables sauront tôt ou tard gagner les cœurs.


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CCXXXVIe MÉDITATION.

Lisez 1ère Épître aux Corinthiens VI.

Tout m’est permis, mais il n'est pas toujours bon de le faire


Sans adresser aux chrétiens de Corinthe des reproches directs, Paul les exhorte à fuir l’ivrognerie, la gourmandise et l’impureté.

Ces trois vices ont un lien commun: ILS SOUILLENT LE CŒUR; aussi sont-ils graves aux yeux de l'Apôtre, tandis que les Corinthiens semblent vouloir les excuser, et dire qu’à l’égard de notre propre corps tout est permis, pensée qui revient à celle de nos jours qu’on peut se permettre tout ce qui ne fait de tort à personne; par exemple, les jouissances sensuelles.

Écoutons donc avec un redoublement d’attention la réponse de Saint Paul à une erreur assez vivace pour avoir résisté depuis les Corinthiens jusqu’à nous.

Paul, acceptant pour un moment ce point de départ: «Tout m’est permis,» répond: oui, «mais il n’est pas toujours bon de le faire, et je ne me rendrai esclave de rien.»

Voilà son premier motif pour fuir la sensualité, c’est qu’elle nous rend son esclave.

Les appétits de notre corps en effet subjuguent notre âme, la dégradent, la rapetissent, la dégoûtent et l’éloignent de la sainteté.

Nous ne sommes pas des esprits purs; malgré nous et nos précautions, notre corps réagira toujours sur notre âme et l’entraînera dans la boue, ou la laissera s’élever plus libre vers les cieux.

De ces deux influences du corps sur l’âme et de l’âme sur le corps, la première est bien plus facile, rapide, impérieuse; elle se change bien vite en tyrannie, et, selon l’expression de Saint Paul, accorder au corps tout ce qui lui est permis, suffirait pour devenir son esclave.

Mais ce corps n’était pas seulement uni à notre âme; notre être tout entier étant uni au Sauveur par sa rédemption, il s’en suit que notre corps est un membre de Jésus Christ.

Sans doute nous ne pouvons pour l’heure définir cette union; toutefois nous savons qu’elle est réelle.

Dès lors, comment ne serions-nous pas retenus par cette pensée, que notre sensualité jette en quelque sorte un manteau de souillure sur le corps de notre Sauveur?

Ces yeux qui se lèveront vers sa face; ces lèvres qui chanteront ses louanges?

Mais Paul nous donne un motif plus prochain: c’est que dans ce monde notre corps est devenu le temple du Saint-Esprit.

Certes, si le monarque qui gouverne notre patrie venait aujourd’hui fixer sa résidence dans notre maison, nous croirions l’insulter en laissant notre demeure en désordre et souillée.

Comment donc n’éprouverions-nous pas une honte semblable à souiller la demeure de l’Esprit du monarque des cieux?

Pour être invisible à nos yeux, cet Esprit est-il moins réel, moins présent?

Ne le sentons-nous pas vivre et s’agiter en nous, quand nous l’écoutons dans le silence des sens, et au milieu des ravissements de la méditation ou de la prière?

Et d’un autre côté, cet Esprit ne semble-t-il pas fuir devant l’épouvantail de nos impuretés?

N’est-il pas contristé quand nos appétits charnels se réveillent? éteint quand nos sens s’allument?

NON, DIEU ET SATAN NE PEUVENT HABITER LE MÊME TEMPLE, vivre à côté l’un de l’autre dans le même corps.


Il faut qu’un des deux soit chassé.

C'est à nous de choisir!


Mais non; si nous avons véritablement reçu l'Esprit de Dieu, notre choix est déjà fait, et cette exhortation doit produire en nous une force nouvelle pour vaincre les puissants attraits de la sensualité.

Nous nous rappellerons que NOUS AVONS ÉTÉ RACHETÉS À GRAND PRIX, et nous glorifierons Dieu dans notre corps et dans notre âme, qui tous deux lui appartiennent, en attendant que nous le glorifions dans son ciel, autour de son trône, durant l’éternité.


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CCXXXVIIe MÉDITATION.

Lisez 1ère Épître aux Corinthiens VII, 1 à 24.

Que chacun demeure dans l'état où Dieu l'a appelé


«Oh! que n’ai-je les ailes de la colombe!» disait en soupirant le Psaliniste.

Oh! que n’ai-je les ailes de la colombe, répétons-nous après lui, dans notre désir d’échapper à la condition où nous sommes, et je volerais au-devant des ordres de mon Dieu!

Que ne suis-je libre, je vaquerais à tant de travaux; que je néglige!

Que ne suis-je uni à un second moi-même; alors, plus heureux, je travaillerais avec plus de plaisir!

Que ne suis-je plus jeune, j’emploierais mieux mes années passées!

Que ne suis-je plus âgé, j’accomplirais plus vite mes grands projets!

Oui, tous, jeunes et vieux, libres ou mariés, habitants des villes ou des campagnes, hommes du Nord ou du Midi, tous nous avons de ces heures d’illusion où nous pensons que le bien est doux et facile dans la position opposée à celle où nous sommes; et c’est sérieusement que, à deux pas de distance, deux êtres semblables forment mutuellement le vœu d’être à la place l’un de l’autre!

Qu’ils en changent et restent quelques heures où des souhaits ardents et des efforts soutenus les ont portés, et là encore, se rappelant leur passé, ses douceurs, ses facilités, et comparant le tout aux difficultés de l’heure présente, ils s’écrieront encore en regardant ailleurs: «Oh! que n’ai-je les ailes de la colombe!»

Funeste illusion! ou plutôt ruse coupable de notre cœur, heureux de s’exagérer les difficultés de notre position actuelle POUR NOUS JUSTIFIER DE NE LES AVOIR PAS SURMONTÉES, et presque glorieux des hauts faits que nous accomplirions dans un poste où nous ne serons jamais.

Alors nous faisons du dévouement à bon marché, et nous nous croyons quelque chose, précisément à l’heure où nous avouons que nous ne faisons rien.

Que vous dirai-je donc pour vous détromper?

Que d’autres ambitionnent les ailes que vous avez, tandis que vous désirez celles qu’ils portent?

Non, vous croyant plus sages qu’eux, vous les appelleriez fous, sans voir même que vous pensez comme eux.

Mais je vous dirai: contemplez-vous vous-mêmes dans les diverses phases de votre existence, et voyez si vos désirs n’ont pas toujours été pour un âge, un lieu, une condition où vous n’étiez pas.

Voyez ensuite si, lorsque vous y êtes parvenus, vous n’avez pas encore déplacé vos désirs pour les porter plus en avant; ou peut-être, hélas! à votre confusion, plus en arrière, précisément sur le point que vous avez traversé?

N’avez-vous pas désiré ce que vous n’aviez plus, aussi vivement que ce que vous n’aviez jamais eu?

Et s’il en a toujours été ainsi de vos souhaits passés, n’en doit-il pas être de même de vos désirs présents?

Jugez-vous par vous-mêmes; comparez-vous à vous-mêmes; si vous êtes sincères, vous serez les premiers à vous condamner.

Dieu ne nous demande pas d’accomplir la tâche de l’état dans lequel nous ne sommes pas, mais bien la tâche de l’état dans lequel nous sommes; s’il nous est impossible de faire telle œuvre, bonne, mais hors de notre portée, eh bien! ne la faisons pas. Dieu ne l’exige pas; mais alors faisons celle qui se trouve à nos pieds; elle est aussi une œuvre du Seigneur.

Pourquoi donc ne nous plaît-elle pas?

Peut-être même ne l'avons-nous pas aperçue parce que nos regards portaient trop haut; c’est donc bien la nôtre, car elle aura de plus l’avantage de nous humilier.

Ah! si nous étions poussés par un véritable zèle, nous nous dirions qu'il vaut mieux bien faire l’œuvre à laquelle nous sommes déjà exercés que d’en tenter une nouvelle plus difficile, au risque de la voir échouer entre nos mains.

Si Dieu nous voulait ailleurs, ne saurait-il pas nous y appeler?

Prenons donc garde, dans son silence, de ne pas nous adresser nous-mêmes vocation, et songeons bien que dans une œuvre nouvelle nous aurions moins d’aptitude, par cela même qu’elle serait nouvelle, et plus de responsabilité par cela seul que nous l’aurions recherchée.


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CCXXXVIIIe MÉDITATION.

Lisez 1ère Épître aux Corinthiens VII, 25 à 40.

Se marier selon le Seigneur


Au droit de tout chrétien libre de se marier, Paul met cette restriction: «Pourvu que ce soit selon le Seigneur;» c’est-à-dire pourvu qu’on s’unisse à une femme ou à un mari dont le cœur soit tourné vers Dieu.

C’est donc à des personnes elles-mêmes CONVERTIES que ces paroles s’adressent.

La règle est claire, et n’eût-elle pas été posée par l’Apôtre qu’elle serait sortie de toute conscience chrétienne.

En effet, comment choisir pour époux ou pour épouse une personne qu’on croit encore sous la condamnation?

Comment lui donner son affection, unir son sort au sien ici-bas, et consentir d’avance à s’en voir séparé pour l’éternité?

Non, cela est impossible. Aussi accepte-t-on la règle sans contestation...., aussi longtemps qu’on n’a pas intérêt à contester.

Mais survienne une convenance de fortune, de famille, ou toute autre plus frivole encore qui soit en opposition avec cette règle générale, et chacun saura, dans son cas particulier, y trouver une légitime exception.

Nous croirions beaucoup plus à la sincérité de ces motifs, si on les eût toujours présentés; mais inventés hier pour le besoin d’aujourd’hui, ils ne nous paraissent guère sérieux, surtout en nous rappelant que la personne qui les emploie les eût jadis réprouvés. Toutefois, admettons cette sincérité et voyons ce que valent ces tristes raisons.

Nous ne demandons pas à quelle église appartient celle on celui qu’on songe à prendre pour compagne ou pour compagnon de sa vie; non, parce qu’il se trouve des personnes converties dans toutes les communions.

Mais nous demandons si cette personne appartient à l’Église universelle des rachetés de Jésus-Christ?

Si c’est véritablement un croyant?

Or, vous convenez que non.

Quelle est donc votre pensée?

Quoi! vous pouvez sans frémir rechercher une union dont un jour les deux parties séparées seront données, l’une à Satan, l'autre à Dieu?

Jetées l’une dans le ciel, l’autre en enfer?

Non, vous ne pouvez pas penser cela, et si vous acceptez cette union, c’est que vous ne devez pas être désunis après la mort, car vous consentez à vous unir pendant la vie.

Vous ne croyez pas à la condamnation, vous ne croyez pas au salut! C’est impossible!

Mais je comprends: vous espérez la conversion de cet être encore inconverti.

Vous l’espérez! Et pourquoi?

Et pour obtenir de Dieu cette bénédiction, commenceriez-vous donc par désobéir à sa loi, qui vous dit de choisir selon le Seigneur? Vous l’espérez!

Vous l’espérez!

Mais enfin ce n’est qu’une espérance, et vous-même êtes obligé de reconnaître qu’elle peut être déçue.

Ainsi, c’est bien volontairement que vous acceptez la chance d’être lié à un corps mort pendant votre vie entière, et de n’en être séparé que pour le voir reprendre vie pour d'éternels tourments dans un abîme au-dessous d’un ciel où vous comptez trouver, vous,

l’éternelle félicité!

Voilà la chance que vous acceptez..... Non, je n’hésite pas à le dire: vous ne croyez ni à la condamnation, ni au salut!

Ces réflexions ne s’adressent peut-être à aucune des personnes qui les lisent ou les entendent; mais il est probable que tôt ou tard elles s’appliqueront à plusieurs d’entre nous.

Que tous donc les méditent, pour leur présent ou pour leur avenir; et s’il en était quelques-uns pour qui elles fussent trop tardives, que ceux-ci se rappellent cette parole du même Apôtre: «Que sais tu, femme, si tu ne sauveras point ton mari?» Ici le devoir est donc tout autre, mais tout aussi bien tracé: c'est de travailler à convertir par ses paroles et surtout par sa vie la seconde moitié de soi-même, si l’on veut vivre tout entier dans l’éternité.


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CCXXXIXe MÉDITATION.

Lisez 1ère Épître aux Corinthiens VIII.

Ne pas scandaliser


On comprend mal d'ordinaire ce que l’Évangile appelle scandaliser son frère: on croit que scandaliser signifie seulement faire en présence d’une personne ce qu’elle désapprouve; mais ce n’est là qu’une partie du scandale.

Pour en compléter la notion, il faut se dire que c’est encore conduire par l’exemple cette personne à faire contre sa conscience ce que nous faisons avec l’approbation de la nôtre; ainsi:

Le sentiment que Paul nous demande ici est donc bien délicat; c’est celui qui nous fera RESTREINDRE NOTRE LIBERTÉ CHRÉTIENNE uniquement pour ne pas exposer nos frères à nous imiter contre leur conscience; et c’est précisément parce que ce sentiment est si délicat qu’il est si rare.

Il semble même qu’on se fasse un plaisir de tourner en ridicule ce qu’on appelle l’étroitesse des autres, et qu’on mette une certaine gloire à les en faire revenir par la discussion, ou, s’il le faut, par l’exemple, sans songer que, aussi longtemps qu’on ne les aura pas persuadés, les pousser à agir, c’est les pousser à pécher.

Soyons donc graves, réservés envers les scrupules même exagérés de nos frères; traitons-les comme importants, parce qu’ils le sont en effet dès qu’ils sont dictés par la conscience; et le meilleur moyen de mettre ces frères au large, comme nous, c’est de NOUS METTRE UN MOMENT À L’ÉTROIT AVEC EUX, de nous placer à leur point de vue, d’en partir pour raisonner et les gagner enfin à la liberté du chrétien.

Il y a dans notre faible nature, alors même qu’elle est restaurée par la grâce, un tel penchant au mal qu’il ne nous faut souvent qu’un prétexte pour y céder. Or, un des prétextes dont elle s’accommode le mieux, c’est celui de l’exemple.

L’exemple, surtout l’exemple au mal, a sur le cœur humain une puissance presque irrésistible. Dès lors, mesurons l’étendue du scandale que nous occasionnons par une seule faute connue de tout un public; comptons ensuite les mauvaises pensées, les mauvais projets, les mauvaises actions que nous avons ainsi provoqués à notre insu dans toute notre vie! Calcul impossible!

Toutefois, pour nous en faire une idée, rappelons-nous que nous ne sommes presque jamais tombés nous-mêmes dans les pièges du péché sans y avoir été attirés par un exemple funeste ou une parole légère.

Disons-nous que ce qui nous est arrivé arrive également à nos frères; en sorte que nous sommes tous, les uns pour les autres, des instruments de perte, tous des occasions de chute, tous des pierres d’achoppement; et cela chaque fois que nous faisons le mal.

Ainsi, ce n’est pas nous seuls que nous blessons dans nos chutes, c’est encore ceux qui en sont les témoins et qui, entraînés par nos exemples, iront à leur tour porter à d’autres et multiplier à l’infini les tristes résultats de notre première faute.

La somme des maux ainsi semés par nous est effrayante, et son énormité doit nous épouvanter si nous avons véritablement à cœur le salut des âmes!

Retournons donc contre Satan l’arme puissante de l’exemple:

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CCXLe MÉDITATION.

Lisez 1ère Épître aux Corinthiens IX.

Avantage du laïque sur l’ecclésiastique pour annoncer l’Évangile


Quelle vie de dévouement que la vie de Paul!

Prédicateur de l’Évangile et fondateur de plusieurs églises, entre autres de celle de Corinthe:

Il aimerait mieux mourir! dit-il, que si quelqu’un lui ôtait ce sujet de gloire.

Nous ne venons pas ici proposer cet exemple de désintéressement aux ministres de Jésus-Christ; ils sont en trop petit nombre parmi nos lecteurs; d’ailleurs, l’organisation actuelle de notre société les oblige presque toujours à accepter un salaire; nous venons plutôt faire sentir aux laïques certains avantages qu’ils ont sur les pasteurs pour annoncer efficacement l’Évangile.

Dès qu’un ministre de Christ se présente pour parler de son Maître, une objection monte aussi dans l’esprit de ses auditeurs mal disposés; CET HOMME FAIT SON MÉTIER, SE DISENT-ILS, ET DÈS LORS LA PAROLE DU PRÉDICATEUR SE TROUVE FRAPPÉE DE STÉRILITÉ.

Mais cet inconvénient n’existe plus pour le simple fidèle annonçant l’Évangile de grâce; aucun soupçon de ce genre ne peut planer sur ses paroles; il est évident, pour les plus stupides, qu’il parle et qu’il pourrait se taire; qu’il parle parce qu’il est convaincu.

Un serviteur de Christ, dont l’extérieur ne rappelait en rien le ministère, avait rencontré en voyage des personnes qui l’écoutaient avec intérêt parler de l’Évangile, mais qui s’efforçaient en même temps de deviner qui il pouvait être. Il le leur dit enfin, et dès lors ce fut une longue exclamation de la part de ses auditeurs, dont l’étonnement venait de cesser: «Vous prêchez donc, lui dit-on; maintenant nous comprenons!»

Eh bien, voilà l’arme qu’on ne peut pas retourner contre vous, simples fidèles; voilà celle dont vous pouvez, sans en parler même, frapper vos adversaires.

Sachez donc en profiter; parlez, prêchez, exhortez, on ne pourra pas du moins vous dire que vous faites un métier, et votre conviction, devenue évidente, passera dans l’esprit de vos auditeurs.

Mais alors même que le désintéressement du ministre de Christ serait clairement démontré aux esprits les plus prévenus, resterait encore une seconde objection aussi tirée du ministère: «Cet homme, dit-on, a fait de la religion l’étude de toute sa vie; il n’est pas étonnant que ce sujet remplisse son esprit; chacun est naturellement préoccupé de sa profession.»

Et précisément parce que cette objection n’est plus aussi grossière, on se persuade qu’on est mieux en droit de la faire; mais on n’en conclut pas moins contre la foi.

À cet égard encore le laïque est dans une admirable position. Il a une profession de son choix qui remplit sa vie; on peut supposer aussi qu’il l’aime; et s’il résiste à ses attraits pour s’occuper de l’Évangile, il ne peut plus être soupçonné de suivre l’ornière de ses pensées, de caresser son étude favorite; il devient évident que s’il parle de Christ ce n’est pas conduit par l’habitude, mais entraîné par son cœur, et que pour arriver à cette conviction lui-même a dû la chercher.

Oui, votre position de laïque est précieuse pour parler de l’Évangile, et d’autant plus précieuse que les hommes de notre siècle, peu habitués à entendre professer autour d’eux des convictions religieuses, seront, ne fût-ce que par étonnement, bien disposés à vous écouter.

À la vérité, ils oublieront peut-être dès demain vos paroles; mais ce n’est pas votre affaire; ici celle de Dieu commence; LA VÔTRE EST D’ABORD DE PARLER.


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CCXLIe MÉDITATION.

Lisez 1ère Épître aux Corinthiens X, 1 à 23.

La liberté chrétienne


Il m’est permis d’user de toutes choses; voilà la liberté chrétienne que Paul met à la place de la servilité judaïque.

Apprécions donc la liberté chrétienne, mais n’apprécions pas moins la limite qu’y met l’Apôtre. «Toutes choses me sont permises, dit-il, MAIS toutes choses n’édifient pas;» et l’on peut ajouter que pour nous-mêmes il n’est pas toujours bon d’user de toute notre liberté.

Cette liberté, qui, je le répète, est tout à fait dans l’esprit de l’Évangile, risque cependant, appliquée par nous, d’être détournée de son but et mise au service de nos convoitises.

On se dit volontiers qu’il faut savoir être large et qu’il suffit d’aimer pour être bien inspiré. Sans doute, il suffirait d’aimer si nous étions des anges; mais, bien que devenus chrétiens, nous restons encore hommes et dès lors exposés à abuser même des grâces de Dieu.

Aujourd’hui, c’est avec une sainte ferveur que nous nous mettons en marche, sous la bannière de cette liberté chrétienne; nous sommes bien décidés à ne nous en servir que pour mieux nous garder dans le sentier du devoir; mais dès demain peut-être nous perdrons de notre sainte ferveur et nous retiendrons cependant entier notre principe de liberté.

Plus tard encore notre ferveur sera complètement éteinte, et nous garderons toujours notre esprit d’affranchissement jusqu’à ce que, dans cette marche descendante, nous arrivions à être libres pour accomplir le mal.

Alors, effrayés nous-mêmes de l’abus que nous avons fait de la plus belle de nos prérogatives, celle d’agir sous la seule inspiration de l’amour, nous devenons tremblants; la sainteté de la loi nous donne des terreurs; nous reculons, nous ne voulons plus de cette liberté chrétienne, nous nous cramponnons à la loi, à chacun de ses articles, presque à chacun de ses iota.

Plus de spontanéité, plus de joie; mais une obéissance craintive, jusqu’à ce qu’enfin la pesanteur de ce joug devienne intolérable et nous fasse soupirer après notre ancienne liberté.

Telle est notre faiblesse, que nous ne pouvons nous servir d’un appui, sans peser dessus jusqu’à le rompre. Mais, il faut le dire, c’est peut-être aussi dans cette alternative d’inclinations, tantôt vers la liberté chrétienne, tantôt vers l’obéissance minutieuse, qu’est notre sauvegarde.

Nous marchons en boitant des deux côtés, mais enfin nous avançons.

Il est donc bon d’avoir contemplé un instant les deux écueils entre lesquels est tracée notre route pour nous apprendre à voguer à l’avenir, la main plus vigilante au gouvernail et toujours droit devant nous, avec cette liberté que donne l’amour et cette fidélité qui inspire la reconnaissance.


La liberté convient mieux à des saints;

l’obéissance mieux à des enfants:


C’est à nous à juger si nous sommes déjà des saints ou encore des enfants en Jésus-Christ!


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CCXLIIe MÉDITATION.

Lisez 1ère Épître aux Corinthiens X, 24 à 33.

Faites tout à la gloire de Dieu


«Soit que vous mangiez, soit que vous buviez, soit que vous fassiez quelque autre chose, faites tout à la gloire de Dieu.»

Allez proposer cette règle de conduite à un homme du monde, et il sourira de pitié. Si vous l’obligez à s’expliquer, il vous dira que la vie nous a été donnée pour en jouir, et qu'il ne conçoit pas de plus grande exagération que de prétendre avoir toujours l’esprit fixé sur un seul objet, un objet qui nous est étranger, un objet qui exige un sacrifice douloureux et constant de nous-mêmes, un objet enfin, aussi lointain, aussi abstrait que la gloire de Dieu.

Mais retracez à cet homme l’histoire d’un de ces vieux soldats qui, sur le champ de bataille, ont généreusement exposé leur vie, et qui, de retour dans leurs foyers, ont parlé sans cesse et sans cesse rêvé de la gloire de leur chef, général ou empereur; et ce même homme du monde admirera ce dévouement presque fanatique du vieux guerrier.

Ensuite, interrogez le vieux soldat lui-même, et il vous dira que ce culte, rendu à un grand homme, fait le bonheur de sa vie; que c’est avec ivresse que tel jour il s’est jeté entre le glaive ennemi et la poitrine de son maître; que c’est avec une joie toujours nouvelle qu’il parle de son magnanime souverain, et que, y penser seulement, revoir son image, la montrer à ses enfants, fait encore battre son cœur.

Mais que fais-je ici?

N’est-ce pas en quelque sorte profaner le nom du roi des rois, que de le prêter à un tel rapprochement?

Et s’il y a des raisons nobles et douces pour sacrifier sa vie au service d’un homme, ces raisons ne seront-elles pas cent fois plus nobles, mille fois plus douces quand il s’agira de consacrer sa vie à la gloire d’un Dieu?

N’y aura-t-il pas de l’enivrement à s’élever à une telle hauteur, à oublier la poussière du monde pour se perdre dans la poussière des rayons de la gloire divine?

Conçoit-on un but plus digne de captiver un être raisonnable, plus capable de féconder son esprit et son cœur?

Ah! si de telles pensées nous sont étrangères et nous semblent étranges, ce n’est pas qu’elles soient fausses; c’est que notre esprit est faussé; ce n’est pas qu’elles soient exagérées, c’est que notre cœur est trop étroit pour les contenir. Nous n’aurions besoin que de les contempler plus souvent pour les mieux apprécier.

Aussi ne pouvons-nous faire ici qu’une chose: exhorter ceux qui sont peut-être moins éloignés de comprendre cette vérité, à essayer de la mettre en pratique, et ils finiront par être convaincus.

Qu’ils se proposent en tout et partout UN SEUL BUT: LA GLOIRE DE DIEU, et ils sentiront la vie s’arranger, se coordonner autour d’eux. Ainsi leur règle de conduite se simplifiera, loin de devenir, comme ils le pensent, tendue et compliquée.

Oui, mon Dieu, pénètre-nous toujours plus de ta grandeur, de ta bonté, afin que toujours plus aussi nous cherchions ta gloire, et que nous finissions par la faire briller jusque dans les plus petits détails de notre vie, jusque dans le manger et dans le boire, persuadés que nous te devons entière la vie..... qui doit nous introduire dans l’éternelle félicité!


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CCXLIIIe MÉDITATION.

Lisez 1ère Épître aux Corinthiens XI, 1 à 16.

La décence


Paul demande ici deux choses:

1. Il veut que dans l’église la femme soit couverte,

2. Et que l’homme ne le soit pas.

Pour faire mieux sentir la convenance de la première recommandation, il fait remarquer que se découvrir, pour la femme, était presque l’équivalent de se raser la tête, signe de honte infligé par les mœurs de cette époque à des femmes impudiques; et pour faire mieux apprécier l’à-propos de la seconde, l’Apôtre en appelle à ce qu’indique la nature.

Ainsi donc, les règles de la décence se puisent à deux sources:

1. les coutumes du temps où l’on vit

2. et les indications de la nature elle-même.

Aussi peut-on dire à un homme et à une femme, sans autre explication:


VOUS SAVEZ FORT BIEN CE QUI EST ET CE QUI N’EST PAS DÉCENT.


Mais, ce que chacun des deux ignore, c’est le mal que peut produire sur l’un l’immodestie de l’autre; le poison qu’il jette dans le cœur, la convoitise qu’il allume par les yeux, et finalement les âmes qu’il expose à leur perte.

Ah! si la femme chrétienne, si l’homme chrétien pouvaient deviner ce qu’un costume, une parole, un geste, un regard immodestes ont de dangereux, certes ils comprimeraient mieux la petite vanité du vêtement et de la langue.

Pour juger du mal qu’il peut faire, que chacun regarde à celui que lui font les autres par ce venin que lance dans son propre cœur une mise ou une parole trop libre.

Il faut le dire: à tous ces égards, bon nombre de chrétiens et de chrétiennes de nos jours ont encore des habitudes coupables.

On comprend que le criminel cache la marque du fer chaud imprimé sur ses chairs par l’infamie. Mais on ne comprend pas que le chrétien efface la honte glorieuse de la croix imprimée sur son front.

Si l’on nous montre du doigt pour notre rigorisme de vêtement et de langage, tant mieux; ce sera peut-être un lien de plus pour nous attacher à la sainteté, un obstacle de plus pour nous éloigner de la souillure; et de ces liens, comme de ces obstacles, nous n’en aurons jamais de trop nombreux, ni de trop forts.

Mais les égards mutuels que nous nous devons, la forme du vêtement et le choix du langage, ne sont pas les seuls motifs que Saint Paul présente.

Pour nous mieux imposer la décence, il ajoute ces paroles un peu obscures: «à cause des anges.»

Nous ne voulons pas discuter ici la valeur des diverses interprétations qu’on a données de ces paroles, mais seulement faire remarquer qu’elles supposent que les anges nous voient sur cette terre, et en particulier qu’ils nous regardent dans l’église.

Ne pressons pas ces quelques mots, dans la crainte de leur faire dire plus qu’ils ne renferment; mais puisons du moins des motifs de vigilance à la pureté, dans cette pensée que des êtres spirituels, purs, saints, habitants du ciel et peut-être des airs, nous suivent du regard et peuvent être contristés ou réjouis par notre conduite.

Oui, Saint Paul nous dit de lui-même: «Qu’il a été donné en spectacle au monde, aux hommes et aux anges;» NOUS LE SOMMES DONC COMME LUI.

Que cette pensée grandisse à nos yeux l’importance de nos plus petites actions, de notre simple mise, de nos moindres paroles, et que nous nous sentions responsables, en quelque sorte, des influences que nous exerçons sur tout un monde spirituel qui nous environne.

Semblables aux ondulations sonores que notre voix jette dans les airs, et qui courent et retentissent au loin dans l’espace, nos actes, nos paroles, nos mouvements et notre simple mise agitent aussi l’atmosphère spirituelle des anges qui nous enveloppe sans que nous nous en doutions.

Veillons donc, et surtout veillons en songeant que le regard de Dieu est constamment sur nous.


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CCXLIVe MÉDITATION.

Lisez 1ère Épître aux Corinthiens XI, 17 à 34.

Qu'est-ce que la communion?

Nous voyons ici établie, depuis les temps apostoliques, la sainte pratique de la communion du Seigneur.

Les chrétiens se réunissaient autour d’une table où reposaient un pain et une coupe; et là, ils se distribuaient cette nourriture et ce breuvage en souvenir du corps brisé et du sang répandu pour la rémission de leurs péchés.

Tel est du moins ce que Saint Paul approuve.

Mais, dès les temps apostoliques aussi, cette institution avait dégénéré dans l’Église au milieu de Corinthe en véritable festin, où la lettre, tuant l’esprit, avait converti une occasion de recevoir une grâce de Dieu en un piège où le communiant venait tomber pour sa condamnation.

Et cependant les Corinthiens, arrivés à cet excès, étaient enflés d’orgueil spirituel!

Ils se vantaient de leurs docteurs!

Ils croyaient donc, au milieu de ces repas désordonnés, accomplir un devoir et obtenir la faveur de Dieu. En d’autres termes, ils s’imaginaient que cette communion matérielle, ce manger et ce boire, avaient une valeur intrinsèque dont profitait tout participant, quelles que fussent d’ailleurs ses dispositions morales.

C’est là ce que Paul appelle boire et manger sa propre condamnation.

Cette funeste pensée, qu’une œuvre matérielle a une valeur en elle-même, appliquée à la communion en particulier, a été renouvelée sous plus d’une forme dans les églises chrétiennes depuis le temps des Corinthiens, et, quelles que soient ces formes, nous voyons dans l’esprit de ce passage leur condamnation; condamnation, du reste, qui se trouve écrite dans les conséquences rigoureuses qu’on a si souvent tirées de cette erreur.

Ainsi, les uns sont arrivés à croire qu’il suffisait de communier pour devenir saint, ils se sont relâchés de leur vigilance; d’autres, pensant que la communion fait descendre forcément une grâce du ciel, en ont conclu qu’il fallait fréquemment communier.

Ceux-ci se sont dit que, puisque la communion était la répétition réelle du sacrifice qui expie les péchés, on pouvait en même temps préméditer une faute et la communion qui devait l’effacer, comme le criminel, avant de rougir ses mains de sang, pense peut-être à la fontaine où il pourra ensuite les laver.

Sans doute, on n’a pas partout et toujours tiré toutes ces conséquences du principe; mais le principe ne les porte pas moins toutes en lui; pour être encore à la cime d’une pente, on n’en est pas moins exposé à rouler dans l’abîme.

Paul le dit, et nous voulons nous en tenir strictement à son dire:

Voilà la communion chrétienne; car non seulement l’Apôtre dit, mais il répète ces paroles prononcées par le Sauveur:


«Faites ceci en mémoire de moi.»



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