Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

LES PETITS ENFANTS PRÉSENTÉS À JÉSUS-CHRIST.

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ÉTUDES BIBLIQUES.

(Math. XIX, 13-15.)


Les pharisiens qui cherchaient sans cesse à embarrasser le Seigneur Jésus par des questions captieuses, lui en soumirent, un jour, une sur le divorce.

Dans la conversation les disciples partagèrent à quelques égards l’avis des pharisiens. Jésus répondit aux uns et aux autres en leur indiquant le principe qui devait les diriger, les faits consignés dans la création par le doigt de Dieu. Il termina la discussion par une application spirituelle au célibat, adressée surtout à ses disciples, dont le sens n’était pas facile à saisir.

L’espèce d’énigme qu’il leur proposait se terminait par ces paroles: Que celui qui peut comprendre ces choses les comprenne.

Les disciples étaient encore tout entiers à cette conversation, lorsque des femmes survinrent avec leurs nourrissons, pour réclamer de Jésus ses prières et sa bénédiction. Le moment n'était pas très bien choisi pour les disciples. Ce bruit d’enfants, cette importunité de femmes allaient mal à leur préoccupation. Ils avaient, pensaient-ils, bien autre chose à faire, dans ce moment, qu’à s'occuper de ces marmots. Allez, disaient-ils, allez, femmes; vous reviendrez une autre fois; ne nous importunez pas; on peut tout aussi bien imposer les mains à ces petits êtres et prier pour eux demain qu'aujourd’hui: ce sont d'ailleurs pures fantaisies et qu’en auront de plus vos enfants?

Qu’y a-t-il de plus naturel, de plus humain?

Les hommes les plus pieux, les chrétiens les mieux convaincus de l'intervention de Dieu dans les moindres événements, sont exposés à l’impatience et auraient probablement fait ce que firent alors les disciples. On ne les entend guère dire aux importuns qui les assiègent, sans trop d’égards, au milieu de leurs occupations: Venez; le Seigneur vous envoie.

Pour le Seigneur Jésus il n’y avait point de bagatelles!

Tout événement pouvait être utilisé à la gloire de son Père: il n’y avait point d’importuns; car II ÉTAIT VENU, NON POUR FAIRE SA VOLONTÉ, mais afin de donner sa vie et d’être le serviteur de tous.

Quiconque venait à lui, n'importe dans quel but, devait éprouver qu'il s'approchait des sources de la vie et s’exposait aux rayons du soleil de justice.

Ces mères apportaient leurs petits enfants et présentaient à Jésus ce qu’elles avaient en ce monde de plus cher. Elles réclamaient en leur faveur qu’il leur imposât les mains et priât pour eux; cette demande exprimait mieux que des paroles la nature des motifs qui les faisaient agir. Le bonheur de ces petits êtres avait dicté leur démarche.

Jésus connaissait le cœur maternel avec lequel il sympathisait.

Les disciples, préoccupés d'autre chose, ne s’apercevaient pas des souffrances que leur égoïsme infligeait à ces femmes qu’ils repoussaient; ils méconnaissaient le but de leur démarche et oubliaient que le Maître était dans le monde:

pour guérir les malades,

ressusciter les morts,

consoler les affligés,

secourir tous ceux qui étaient travaillés et chargés,

et non pour discuter des questions embarrassantes.

Ils perdaient de vue que la bénédiction de Dieu suffit à tout et que si celle d'un Isaac, d'un Jacob, d'un David, pécheurs et sauvés comme l’un de nous, s'accomplit sur leur postérité, celle du Fils de Dieu devait, ange tutélaire, reposer sur ces jeunes âmes.

En accordant la demande de ces femmes, Jésus faisait plus que répondre aux désirs du cœur, il exauçait, et ce motif était majeur, la foi qu'elles avaient en lui. Semblables aux hommes qui descendirent le paralytique par le toit d’une maison, elles plaçaient leurs enfants avec foi dans les bras du Sauveur, et Jésus, voyant leur foi, devait, comme toujours, exaucer leur requête.

Mais il y avait plus encore, plus que des cœurs maternels à gagner à l'Évangile, plus qu'une demande de la foi à exaucer; il y avait des âmes à sauver. Celui qui trouvait sa nourriture à faire la volonté de son Père, ne perdait jamais de vue ce grand but de sa venue, «Laissez venir à moi les petits enfants et ne les en empêchez point; car le royaume des cieux est pour ceux qui leur ressemblent.»

Ces petits enfants, disait-il par là à ses disciples et aux assistants, devraient vous rappeler d’autres petits enfants qui leur ressemblent et pour lesquels le royaume des cieux est préparé. Prenez garde d’éloigner ceux-ci de moi parce qu’ils vous paraissent impropres au salut, tout comme vous repoussez ces petites créatures qui n’ont pour vous rien d’attrayant. Souvenez-vous que si vous ne recevez pas le royaume de Dieu comme de petits enfants, vous n’y entrerez point.

Ces paroles de Jésus sont susceptibles de plusieurs interprétations qui ne s’excluent en aucune façon.

Dans un sens tout à fait général elles répètent, en d’autres termes, ce que Jésus disait de ceux qui écoutaient de préférence ses instructions: l’Évangile est annoncé aux pauvres: elles confirment ce passage: «De la bouche des petits enfants et de ceux qui tètent tu as tiré ta louange.» (Math. XXI, 46.)

Le monde, païen ou chrétien, eut de tout temps, en fait de dignité humaine et de piété, des principes entièrement opposés à ceux de l’Évangile. S’il eût été chargé de le prêcher, il se fût adressé avant tout (l’expérience l’a prouvé en Allemagne et en Angleterre) aux gens distingués et bien élevés (comme disent les rationalistes), aux prudents et aux habiles du siècle.

Dans le monde, l’instruction, l’habileté, la science, la connaissance des hommes et des choses passe pour la meilleure des préparations au salut. La décence dans les manières, la bonne éducation, le respect des convenances et des usages, tous les fruits d’une civilisation avancée, sont des marques de vraie piété.

Insensés qui ne voient pas sous ce vernis pharisaïque l’orgueil, la propre justice, la bonne opinion de soi-même, obstacles bien plus graves à la foi que tous ceux résultant d’un manque d’éducation et de développement intellectuel. L’enfance en fait d’éducation sociale est sœur, au dire du monde, de la crédulité et du bigotisme, et l’Évangile, selon lui, n’a pas de plus grands ennemis.

Aveugles et conducteurs d’aveugles, s’ils ont été à l’école du fils du charpentier, ils en ont bien peu profité. Le Maître que nous servons était aux yeux de la haute société de Jérusalem un ami des péagers et des gens de mauvaise vie; car il recrutait ses disciples parmi la populace. (Jean VII, 49.)

Son royaume était préparé pour les petits, les faibles, les gens sans éducation et sans apparence. Il choisissait ses amis et ses missionnaires parmi les pécheurs et les douaniers, et laissait de côté le clergé de Jérusalem et ses habiles docteurs.

Au lieu de stimuler l’émulation de ses disciples en leur parlant du rôle qui les attendait, dans le monde, il plaçait à côté d’eux un petit enfant, en leur disant que, pour entrer au royaume des cieux, ils devaient lui ressembler.

Ses vœux et ses félicitations n’étaient ni pour les riches, ni pour les grands, ni pour les sages; mais pour les pauvres en esprit, pour les débonnaires, pour les persécutés et les méprisés, pour les affligés et les malheureux.

Vit-on jamais différence plus complète dans les principes!

- C’était bien là placer les enfants au-dessus des hommes faits;

- renverser les puissants de dessus leur trône pour élever les petits;

- remplir de biens ceux qui avaient faim et renvoyer les riches à vide.

Dans une acception moins générale, ces paroles: «Laissez venir à moi les petits enfants et ne les en empêchez point, car le royaume des cieux est à ceux qui leur ressemblent,» nous rappellent encore que l’Évangile, cette sagesse divine, est une folie pour l’homme naturel.

L’enfant n’est pas un homme, a dit un écrivain.

Le chrétien vivant n'est pas non plus un homme pour le monde, parce qu'il place le chrétien au-dessus de l’homme: le monde, s’il veut être chrétien, place toujours l’homme au-dessus du chrétien.

Le chrétien de fait passe dans le monde pour avoir des idées fixes, pour manquer de sens, pour être incapable de gérer ses affaires. S’il est conséquent dans sa conduite, il fera, en effet, fort peu de cas de la terre et de ses biens, si ce n’est pour acquérir des amis qui le reçoivent dans les tabernacles éternels; tandis qu’il mettra tous ses soins aux choses invisibles, que le monde traite de chimères.

En faut-il davantage pour faire du chrétien vivant un enfant déraisonnable, un insensé au premier chef?

Telle est en ce monde la condition de salut qu’impose l’Évangile.

Chez tous les peuples les enfants restent étrangers à la vie civile et ne sont pas envisagés comme membres actifs de la société. Les Juifs n’étaient portés sur les registres du dénombrement qu’à l’âge de vingt ans.

Avant d’être admis à exercer des droits civils les enfants sont mineurs et frappés d’incapacité.

Vive image de ces pauvres en esprit, de ces débonnaires que Jésus accueille et préfère, mais que les hommes, s’ils les tolèrent, prennent en pitié pour avoir un motif de support à leur égard.

Si vous en doutez, si cette condition des chrétiens vous paraît invraisemblable, voyez plutôt de qui se composaient les églises que fondèrent les apôtres:

«Considérez votre vocation, écrivait St. Paul aux Corinthiens» (1 Cor. I, 26-28); vous n’êtes pas beaucoup de sages selon la chair, ni beaucoup de puissants, ni beaucoup de nobles; mais Dieu a choisi les choses folles de ce monde pour confondre les fortes; et Dieu a choisi les choses viles de ce monde et les méprisées, même celles qui ne sont point, pour abolir celles qui sont.»

Et St. Jacques ,

«Dieu n’a-t-il pas choisi les pauvres de ce monde, riches en la foi, et héritiers du royaume qu’il a promis à ceux qui l’aiment?» (Jacq. II, 5.)

Et si vous dites que telle n’est plus la position des chrétiens sur la terre, voyez si votre objection n’accuse pas le christianisme d’avoir faibli plutôt que le monde d’avoir changé.

QUOI QU’IL EN SOIT, AUJOURD’HUI COMME JADIS,

si vous ne recevez le royaume de Dieu comme de petits enfants,

vous n’y entrerez point.

Mais il est un troisième sens, tout à fait individuel, plus précis et plus évident que les précédents: «Laissez venir à moi les petits enfants et ne les en empêchez point;», car le royaume des cieux est à ceux qui leur ressemblent.»

Jésus disait dans une autre circonstance (Math. XVIII, 3, 4) à ses disciples: «Si vous n’êtes changés et si vous ne devenez comme de petits enfants vous n’entrerez point au royaume des cieux; c’est pourquoi quiconque devient humble comme ce petit enfant, celui-là est le plus grand au royaume des cieux.»

La leçon est précise.

Pour entrer au royaume des cieux,

IL FAUT ÊTRE CHANGÉ EN PETIT ENFANT,

ET CE CHANGEMENT CONSISTE À DEVENIR HUMBLE.

Il n’est donc pas ici question du caractère général des enfants: la confiance enfantine que l’on a parfois décorée du titre de foi, la simplicité, la débonnaireté, la crédulité, la franchise des enfants n’appartiennent pas au modèle placé devant nous: IL S’AGIT ICI DE L’HUMILITÉ SEULE. C’est elle qui doit nous instruire.

Pourquoi l’humilité du petit enfant et non l’humilité en général?

Parce que cette humilité revêt chez lui des caractères particuliers. Elle n’est pas dans les dispositions de l’âme ou dans les sentiments du cœur, puisque la conscience (je ne parle pas de la crainte) est encore muette chez le jeune enfant. Bien moins encore gît-elle dans la nature de leurs dispositions morales, dans une prétendue innocence relative; car de tous les vices de l’enfance, le plus hâtif, le plus naïf, le plus franc est, sans contredit, la disposition opposée à l’humilité, l’orgueil, la bonne opinion de soi-même. Ceux qui ont écrit le contraire ont, comme souvent, fait de la poésie.

L’humilité des petits enfants que Jésus met ici en saillie est tout entière dans leur position vis-à-vis du monde extérieur; dans leur incapacité.

Incapacité de marcher,

incapacité de se nourrir,

incapacité de se défendre,

incapacité, en un mot, de vivre et de se tirer d’affaire sans le secours d’autrui.

Telle est aussi l’humilité que doit revêtir celui qui vient à Christ; humilité née de la connaissance de notre vraie position devant Dieu en fait de salut.

Pour être sauvé, l’homme doit tout d’abord reconnaître et confesser son incapacité en fait de salut. Il ne saurait même la mesurer à celle du petit enfant; car l’homme naturel sur ce point se trouve en dessous de lui. Tandis que celui-ci possède au moins les éléments de la vie active qui l’attend; celui-là ne les a pas même à sa disposition, il est incapable de choisir le chemin qui mène à la vie, incapable de comprendre les choses de Dieu; il est entièrement mort dans ses fautes et ses péchés.

Dès que l’homme confesse du cœur cette incapacité, il est changé en petit enfant; il est bien disposé pour le royaume de Dieu, et il reçoit, s’il le demande, le salut comme un don de Dieu et la vie éternelle comme une pure grâce.

Le bon Berger le prend dans ses bras comme la brebis boiteuse et blessée, qu’il veut guérir et garder dans son bercail.

Plus le fidèle reconnaît son incapacité et revêt les dispositions qui en sont la conséquence, mieux il est disposé pour le royaume des deux; le plus humble devient le plus grand; le plus incapable, le plus fort; le plus pauvre, le plus riche; le plus repentant, le préféré.

Quelqu’un verrait-il peut-être une contradiction entre les enseignements de Jésus et ceux des apôtres, lorsque ceux-ci nous exhortent à croître et à grandir? St. Paul écrit aux Corinthiens (1ère Epit. XIV, 20): «Mes frères, ne soyez point des enfants en prudence; soyez de petits enfants en malice; mais quant à la prudence soyez des hommes faits.»

S’adressant aux Éphésiens, il leur écrit que l’édification du corps de Christ et l'état d’homme fait, à la mesure de la parfaite stature du Christ, préserve les fidèles de rester des enfants flottants et emportés çà et là à tout vent de doctrine. (Eph. IV, 14.)

St. Pierre nous exhorte aussi à désirer ardemment, comme des enfants nouvellement nés, le lait spirituel de la parole, afin que nous croissions par lui. (1 Pier. II, 2.)

Tous ces enseignements ne sont point opposés à ceux du Seigneur.

Les paroles des apôtres ne s’adressent qu’aux seuls chrétiens; celles de Jésus à tous les hommes.

Les premières nous exhortent à revêtir le nouvel homme créé à l’image de Dieu dans une véritable sainteté; les secondes nous appellent à dépouiller le vieil homme corrompu en devenant de petits enfants quant au salut.

Bien loin de se contredire, ces deux enseignements se complètent l’un l’autre. Tout disciple du Christ est appelé, comme Jean-Baptiste, à diminuer, tandis que Jésus croît.

Notre développement spirituel implique la destruction du moi.

Nous ne grandissons en Christ qu’en juste proportion du dépérissement de l’homme naturel en nous. C’est pourquoi quiconque devient humble comme un petit enfant est réputé le plus grand au royaume des cieux.

Celui qui se soumet à cette loi parfaite accepte avec reconnaissance la discipline, souvent fort douloureuse, à laquelle Dieu nous soumet pour opérer en nous cette double transformation.

J. L.
Le chrétien évangélique 1858



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