Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

NE SOMMES-NOUS PAS ENFANTS D’ABRAHAM?

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ÉTUDES BIBLIQUES.


Rien n’est plus opposé aux idées et aux instincts de l’homme que LA GRATUITÉ ABSOLUE DU SALUT. Tout son être se soulève avec antipathie lorsqu’il entend proclamer cette vérité. S’il consent à l’admettre ou du moins à l’écouter, lorsqu’il s’agit de l’œuvre de Dieu pour l’homme, ses répugnances se réveillent dès qu’il est question de la gratuité de cette œuvre en l’homme. Il se sent alors détrôné et son orgueil refuse d’abdiquer.

Quoi d’étonnant si l’établissement de cette grande et consolante doctrine de l’Évangile rencontre à chaque pas une opposition systématique et opiniâtre!

Si cette opposition ne se montrait jamais que chez des personnes étrangères à l'action de l’Esprit de Dieu sur l’âme, elle nous paraîtrait moins surprenante: un sourd peut-il croire à la puissance de la musique, un aveugle-né à celle des couleurs?

Mais le chrétien de fait, le disciple vivant de Christ manifeste encore trop souvent la même opposition, sous d’autres formes, il est vrai, et subit ainsi malgré lui, la loi de la propre justice, qui est celle du péché et de la chair.

Disons plus, le fidèle le plus vivant succomberait bientôt à cette tentation, si Celui qui agit en lui n’était pas plus puissant que celui qui agit dans le monde. Semblable à ces vices du sang héréditaires et invétérés, qui combattus sur un point reparaissent bientôt ailleurs en dépit des traitements les plus habiles, LA PROPRE JUSTICE reproduit sans cesse de nouveaux fruits et manifeste ainsi son action permanente dans le cœur de l’homme.

Autant ses racines sont profondes, autant ses formes sont variées.

Vaincu sur le terrain des actions extérieures et forcé de confesser que nul ne sera justifié par les œuvres de la loi, l’homme se retire sur celui des intentions et des désirs.

Convaincu de péché pour son individu, il réclame pour la famille, pour le peuple, pour l’humanité, les droits aux faveurs de Dieu.

N’osant invoquer sa valeur personnelle, on cherche dans les associations humaines, naturelles et conventionnelles, de quoi couvrir, en partie du moins, sa nudité devant Dieu.

On se reconnaît pécheur, condamné comme tel, et maudit; tous les hommes partagent le même sort; mais se reconnaître un grand pécheur, le plus grand des pécheurs, et sur tous les points; c’est une autre affaire.

Si l’on n’ose plus parler de sa valeur et de ses mérites particuliers ou généraux, on se glorifie d’appartenir à une famille pieuse, à une église évangélique, à un peuple religieux. On dit avec le Pharisien: Je te rends grâce, ô Dieu, de ce que je ne suis pas comme tel ou tel; puis, basé sur ces privilèges, on cherche à en déduire des droits à la grâce de Dieu et à ses bénédictions. — O race incrédule et perverse!

Nous irions loin s’il nous fallait énumérer toutes les variétés de la propre justice:

orgueil des riches et des pauvres, des sages et des ignorants, des puissants et des faibles, du clergé et des laïques;

la liste en est grande et le résultat toujours le même, celui de nier en définitive l’absolue gratuité du salut en Christ.

Arrêtons-nous à l’une des manifestations de la propre justice, qui pour être moins remarquée n’en est peut-être que plus fréquente: celle qui s’attache aux privilèges de la naissance.

Sous cette désignation générale on peut comprendre tous les avantages que l’on pense trouver dans la famille, dans la patrie, dans la société civile ou religieuse, et sur lesquels on cherche à établir une prérogative quant au salut.

Que dit la Parole de Dieu de pareilles prétentions?

Bornons-nous à citer quelques passages. Il en est un qui à lui seul devrait suffire pour dissiper de pareilles illusions.

St. Paul écrit aux Éphésiens (chap. II, 8,9):

«Vous êtes sauvés par grâce, par la foi;

cela ne vient point de vous, c’est le don de Dieu;

non point par les œuvres, afin que personne ne se glorifie.»

Ces paroles ont évidemment une portée beaucoup plus étendue qu’on ne le dit généralement. Elles peuvent s’appliquer non seulement aux œuvres comme produit de notre activité, mais encore à tout ce qui vient de nous; à nos souffrances, à nos dispositions naturelles, à notre éducation, aux événements de notre vie, à notre vocation.

Tout ce qui vient de l’homme ne saurait se présenter devant Dieu pour motiver un seul regard de pardon: s’il fait grâce, et il aime à le faire, c’est pure miséricorde de sa part; RIEN NE PEUT CONSTITUER UN DROIT EN NOTRE FAVEUR que son amour même envers le pauvre pécheur.

Jean-Baptiste s’adressant aux Juifs, très pénétrés, comme l’on sait, de leurs prérogatives de famille, de tribu et de nation, leur déclare, et cela pour les préparer à recevoir l’Évangile, qu’être né d’Abraham ne signifiait rien, puisque Dieu pouvait tirer des pierres elles-mêmes, des enfants à Abraham. S’il eût dit cela des animaux, qui ont une volonté, des affections, une vie, l’assertion du Précurseur eût été déjà bien forte; mais des pierres, emblèmes de l’inertie, de l’indifférence et de la dureté! que devaient penser les Juifs d’un salut auquel ils n’avaient pas plus de droit que les pierres?

St. Paul enseignant aux Éphésiens qu’en Christ il n’y avait plus deux peuples distincts, l’un juif soumis à la loi, l’autre étranger à la république d’Israël, leur annonce que le Seigneur a réuni en soi-même, par un acte de création, ces deux peuples, pour en faire un homme nouveau.

Peut-on s’exprimer plus fortement que ne le fait l’apôtre, sur la nature de la fusion des deux peuples?

Cette fusion ne devait point reposer sur la continuation d’un ou de plusieurs des privilèges des Juifs, tels que ceux attachés à la descendance charnelle, à la possession d’une terre privilégiée, à la succession sacerdotale, etc.

Les païens n’étaient point appelés à se ranger sous la bannière des Juifs, pour jouir de quelqu’un de leurs avantages on en subir les conséquences. Il n’était pas davantage question de transporter aux nations, par une sorte d’hérédité, de pareils privilèges, parce que les Juifs s’en étaient rendus indignes en rejetant le Seigneur de gloire.

Non: le Christ créait en lui-même un homme nouveau; un homme aussi différent des deux autres, aussi élevé au-dessus d’eux que lui-même était différent de notre humanité et élevé au-dessus d’elle.

Le Fils du Dieu très haut se créait une épouse digne de Lui; ou plutôt il présentait aux hommes et aux anges celle qu’il aimait dès les temps éternels et qu’il portait sur son cœur bien avant l’existence des sociétés humaines de toute forme. Il la présentait à son Père aspergée de son sang, mais parée d’or d’Ophir (Ps. XLV, 9); sans taches, ni rides; glorieuse de la gloire de son époux.... Quel emprunt pouvait-il faire, dans cette création, aux conditions de l’existence terrestre, à part, sans doute, le manteau d’opprobre qu’il avait revêtu lui-même?

Il créait un homme nouveau: l’ensemble ainsi que chacun des individus qui le composent, l’Église comme chaque fidèle subissait une même loi, recevait une nouvelle vie, revêtait une nouvelle existence.

Pour cet homme nouveau, il n’y avait de prérogative ni pour le juif ni pour le grec; ni pour l’homme, ni pour la femme; car CHRIST ÉTAIT TOUT EN TOUS.

La naissance de cet homme nouveau donnait le coup de mort à l’ancien, tant juif que grec;

et son développement, en conformité de la stature parfaite de son Chef, ne s’opérait qu’en renonçant à celui qui l’avait précédé.

Le même raisonnement reparaît dans l’Épître aux Hébreux. Au chap. VIII, l’apôtre démontre, par le texte même des écrivains de l’Ancien Testament, que la première alliance étant imparfaite, Dieu en avait dès longtemps préparé une nouvelle beaucoup plus excellente. Après avoir montré, encore par les prophètes, en quoi ces deux alliances différaient l’une de l’autre, il ajoute: «Dieu, en disant une nouvelle alliance, envieillit la première, or ce qui devient vieux et ancien est près d’être aboli.» (En disant: une alliance nouvelle, il a déclaré la première ancienne; or, ce qui est ancien, ce qui a vieilli, est près de disparaître. V. Segond)

Si donc l’ancienne alliance a été dûment abolie par l’introduction de la nouvelle et qu’il ne puisse être question d’un remaniement, d’un rajeunissement de l’ancienne, de quelle autorité vient-on sans cesse faire revivre les privilèges attachés à la descendance charnelle, comme si nous étions encore en ce sens enfants d’Abraham?

Que l’on y regarde de près et l’on se convaincra bientôt que toute l’œuvre du papisme, dès son premier germe au temps des apôtres jusqu’à nos jours, se résume à reproduire le judaïsme sous la forme du christianisme.

Les erreurs qu’il a conservées à lui seul et celles qu’il a léguées à ses divers descendants, ne se sont maintenues et propagées qu’à la faveur du vêtement emprunté à l’ancienne alliance dont il habillait la nouvelle. Cette œuvre habile devait lui réussir d’autant mieux qu’il trouvait déjà dans la primitive église les matériaux nécessaires aux fondements de son édifice: le mystère d’iniquité se formait à cette époque. En s’y prenant de la sorte il pouvait d’ailleurs faire croire qu’il employait dans la construction de l’Église les pierres mêmes dont Dieu s’était servi.

Citons encore les paroles du Seigneur aux habitants de Capernaüm. Pénétrés de leurs propres mérites, ils ne recevaient pas son message, estimant qu’ils n’avaient rien à apprendre du fils d’un simple charpentier, d’un homme qu'ils connaissaient dès son bas âge.

Pour les faire rentrer en eux-mêmes et les disposer à écouter sa prédication, leur dit-il que les privilèges dont ils se vantaient comme descendants d’Abraham et des pères étaient grands et qu’ils les méprisaient en agissant de la sorte à son égard?

Relève-t-il à leurs yeux les avantages de l’adoption, de la gloire (schechina), des alliances, de l’ordonnance de la loi, du service divin et des promesses?

Leur parle-t-il du bonheur d’appartenir au peuple d'où devait sortir le Christ, le désiré des nations, l’oint de l’Éternel?

Fait-il peser sur eux la responsabilité de leur profession extérieure comme citoyens du peuple de Dieu, enfants de Jacob, le vainqueur de Dieu dans la lutte de la foi?

Nullement. Sachant que toutes les prérogatives dont ils étaient fiers allaient prendre fin, d’un seul coup il les frappe au vif et mortifie leur orgueil de naissance et leurs privilèges de famille.

«Il y avait plusieurs veuves en Israël, du temps d’Élie, lorsque le ciel fut fermé trois ans et six mois, de sorte qu’il y eut une grande famine par tout le pays: néanmoins Élie ne fut envoyé vers aucune d'elles; mais seulement vers une femme veuve, dans Sarepta de Sidon. Il y avait aussi plusieurs lépreux en Israël, du temps d’Élisée le prophète; toutefois pas un d’eux ne fut guéri; mais seulement Naaman, qui était syrien.» (Luc IV.)

Objecterait-on, peut-être, que ces gens de Capernaüm étaient des impies, des meurtriers qui voulaient précipiter le Seigneur Jésus du haut d'un rocher?

Que leurs cœurs pervertis et leurs consciences endurcies eussent été insensibles à des considérations morales d’un ordre plus relevé?

Un homme dont la piété ne peut être suspectée se chargerait de la réponse. St. Paul, parlant de lui-même, écrit aux Philippiens (chap. III) qu’il pourrait bien aussi se confier en la chair, qu’il le pourrait même mieux que tout autre homme;

- puisqu’il avait été circoncis le 8e jour,

- qu’il appartenait à la race d’Israël,

- qu’il était né de la tribu de Benjamin,

- qu’il était hébreu, né d’hébreu, pharisien quant à la religion, etc.;

mais que ce qu’il avait envisagé comme un avantage, il le regardait comme lui étant nuisible, et cela pour l’amour de Christ: et certes, ajoute l’apôtre, ces choses et toutes les autres, je les considère comme m’étant nuisibles en comparaison de l’excellence de la connaissance de Jésus-Christ, mon Seigneur, pour l’amour duquel je me suis privé de toutes ces choses, et je les estime comme de l'ordure, afin que je gagne Christ... De l’ordure! du fumier! l’expression est crue; serait-elle exagérée?

L’apôtre se laisse-t-il emporter?

N’est-elle pas plutôt l’énoncé profondément senti de l’horreur que toute idée de propre mérite, appuyée sur les prérogatives de la naissance, de l’éducation, de la profession, des bonnes intentions ou des bonnes mœurs, inspirait à St. Paul, dès qu’il s’agissait de gagner Christ et d’être trouvé en lui?

Est-ce donc à dire que toutes les choses dont parle l’apôtre soient de nulle importance et que le chrétien doive les traiter comme les balayures des rues?

Loin de nous pareille pensée: l’apôtre ne l’exprime en aucune façon. Si ces choses sont pour lui de l’ordure, ce n’est que placées en regard du Christ ET INTRODUITES DANS LES CONDITIONS DU SALUT.

Être né du temps de Jésus, au milieu du peuple juif, était un avantage que des rois et des prophètes avaient envié.

Descendre d’Abel et non de Caïn, de Japhet et non de Cham, de Jacob et non d’Esaü en était certes un très grand.

Nous n’en sommes pas à proclamer les avantages de l’instruction sur l’ignorance, du protestant sur le papiste, du chrétien sur le mahométan et le Chinois.

Nous exalterons bien haut, si l’on veut, ceux dont jouissent les membres d’églises fidèles, les enfants nés de parents chrétiens et élevés sous la discipline de l’Évangile.

Que l’on accumule ici les citations et les exemples, nous en serons charmés; mais de là au salut il y a toute la distance qui sépare la chair de l’esprit, le monde de la gloire céleste, l’homme né de femme du Dieu béni au-dessus de toutes choses. Amen.

Et c’est en nous plaçant avec St. Paul dans cet espace incommensurable et en face du trône de la grâce, que nous disons de toutes les prérogatives de la naissance, de l’éducation et de la position: ELLES NE SONT QUE DE L’ORDURE ET DU FUMIER DANS LA GRANDE ET SÉRIEUSE AFFAIRE DU SALUT.

Qu’êtes-vous allés voir au désert?

Un roseau agité du vent?

Mais qu’êtes-vous allés voir?

Un homme vêtu de vêtements précieux?

Voici ceux qui portent des habits précieux sont dans les maisons des rois.

Mais, qu’êtes-vous allés voir? Un prophète?

Oui, vous dis-je, et plus qu’un prophète. C’est celui dont il a été écrit: Voici, j’envoie mon messager devant ta face, lequel préparera ton chemin, devant toi.

En vérité, je vous dis que, entre ceux qui sont nés de femmes, il n’en a été suscité aucun plus grand que Jean-Baptiste. — Ainsi plus grand qu’Abraham, que Jacob, que Daniel, que David et que Salomon. —

Toutefois celui qui est le plus petit au royaume des cieux est plus grand que lui.

Où retrouver ici la moindre trace de privilèges liés à la naissance?

Il est enfin, dans l’Évangile, une émouvante histoire où la lutte de la foi contre les prérogatives de la naissance se produit de la manière la plus extraordinaire.

Une femme grecque, syrophénicienne de nation, avait une petite fille misérablement tourmentée par un démon; cette femme vint se jeter aux pieds de Jésus implorant de ses compassions bien connues, la guérison de sa pauvre enfant. En vain expose-t-elle au Sauveur le but de sa requête, celui-ci, au lieu de l’accueillir, ne lui répond pas un mot. Puis obligé en quelque sorte de parler par les sollicitations de ses disciples, il explique son silence et son refus apparent par d’étranges paroles: «Laisse premièrement rassasier les enfants: il n’est pas raisonnable de prendre le pain des enfants pour le jeter aux petits chiens: je ne suis envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël.»

Le refus était positif et catégorique; il se basait sur des faits bibliques et divins: il sortait d’une bouche qui ne dit jamais un oui pour un non.

Les Juifs avaient, comme descendants d'Abraham, d’immenses prérogatives. Tout l’Ancien Testament les proclamait.

Cette femme grecque ne l’ignorait point; aussi ne s'en étonna-t-elle pas: elle ne fit valoir auprès du Sauveur, ni ses grandes douleurs, ni son amour maternel, ni ses droits d’homme et de créature de Dieu; elle ne cherche point à émouvoir celui auquel elle s’adresse; elle n’a qu’un mot de réponse: Cela est vrai, Seigneur!

Puis, relevant la tête, elle ne réclame pas le pain de la table des enfants; elle ne demande pas ce qui ne lui revient point; elle ne demande que ce qui tombe de la table à terre, les miettes, ce que personne ne dispute aux chiens.

Elle respecte et reconnaît les prérogatives des enfants; mais à côté de ces prérogatives n’y a-t-il rien, absolument rien, pour celle qui n’en est pas digne?

O, femme, ta foi est grande; quoique morte tu nous parles encore par elle!

Dis- nous le secret de ton humilité, vivifiant ta foi et de ta foi agissant en humilité.

Apprends-nous à démêler et à saisir les gratuités et les compassions du Christ au milieu des contradictions et des obscurités qui embarrassent notre chemin.

Enseigne-nous à vaincre avec larmes comme Jacob, à espérer contre espérance comme Abraham, à saisir, par delà les apparences et les incertitudes de la vie présente, cette vie éternelle qui nous échappe si aisément.

En présence de la victoire que la foi de cette femme remporte sur les prérogatives les plus légitimes de la chair, pourrions-nous encore faire valoir devant le Seigneur les mêmes prétentions?

L’objection du Seigneur était forte et fondée; Jésus parlait vrai; il était venu premièrement pour les brebis perdues de la maison d’Israël; mais c’était afin de réunir en un seul troupeau nouveau, ces brebis perdues et celles qu’il devait tirer d’entre les nations.

Cette femme sans doute ne pouvait pas alors se rendre raison de ces choses invisibles; mais sa foi n’avait pas besoin de raisons; saisissant l’amour de Jésus pour le pécheur, elle réalisait, sans le savoir, comme Abraham, Isaac, Jacob, Moïse, etc., la victoire de la foi sur la vue.

La comparaison faite par le Seigneur, entre les enfants de la maison et les chiens, exprimait toute la distance qui, selon la chair, existait entre un juif et un païen. Les uns sont chez eux, sous le toit paternel; ils y jouissent du bonheur et des avantages de la vie de famille; les autres ne sont que tolérés dans la maison, s’ils incommodent on les pousse du pied et on les chasse.

Frappante allusion à la manière dont le peuple juif avait été introduit dans son pays et aux procédés qu’il devait employer envers les Amorrhéens, les Cananéens et les Jébusiens pour les déposséder. — Jamais il n’exista, jamais il n’existera sur cette terre une position aussi exceptionnelle, aussi privilégiée.


Tous les avantages que d’autres peuples, étrangers à la descendance d’Abraham, voudraient faire valoir comme enfants de nations, d’églises, de familles fidèles, ne sont rien à côté de ceux des Hébreux.

Eh bien, ces privilèges excellents perdent tout leur éclat en présence de la foi de la Cananéenne

le plus petit au royaume des cieux

se montre ici plus grand que le plus grand des prophètes.

Son humilité et sa foi ont résolu les problèmes les plus difficiles de la science théologique, en réduisant à leur juste valeur les avantages du juif en fait de salut, tout aussi bien que le linceul divin (Act. X, 11-15) proclama pour St. Pierre l’adoption des nations. Sans s’en douter cette femme résume dans un seul acte de vie chrétienne le sens principal et le but de l’épître de St. Paul aux Hébreux; car elle voit et saisit le Souverain sacrificateur selon l’ordre de Melchisédec et non selon l’ordre d’Aaron.


Terminons, il en est temps, par une question que nous ne pouvons retenir.

D’où venait chez une païenne cette remarquable clairvoyance de la foi?

Le récit de l’apôtre nous l’indique en passant. — La douleur de cette femme était grande, son cœur maternel était déchiré par la vue des souffrances de son enfant; elle ne pouvait plus y tenir; elle voulait être délivrée à tout prix; elle était décidée à tout tenter pour obtenir une délivrance; elle acceptait d’avance les sacrifices, les refus, les humiliations, les insultes même s’il en fallait subir. Il est, disait-elle, un puissant libérateur en Israël; il faut qu'il m’écoute, qu’il m’exauce; lui seul le peut, je cours à Lui.

C’est là ce qui manque à notre foi: nous ne trouvons pas en nous-mêmes la petite fille misérablement tourmentée du démon.

LES IMMENSES BESOINS DE NOTRE ÂME, les souffrances incessantes que lui inflige le péché, la soif de connaître la vérité et d’en jouir, la faim de la communion de Dieu et de la possession de la vie éternelle, NE NOUS POURSUIVENT PAS.

Nous vivons au contraire satisfaits et contents; nous nous garderions bien de nous préoccuper de pareils soucis; nous croirions ainsi donner prise à des doutes impies sur la suffisance de la foi qui nous sauve.

Loin de trouver dans la Parole de Dieu des motifs d’humiliation, NOUS Y CHERCHONS DES APPUIS À NOTRE CONTENTEMENT, POUR NE PAS DIRE À NOTRE INDIFFÉRENCE.

Comment alors naîtraient dans nos âmes, cette hardiesse, cette ferveur, cette insistance, ces cris, ces larmes et cette adoration humble de la femme phénicienne?

Tant que notre christianisme se composera de froides convictions, appuyées sur des démonstrations scripturaires, logiques et claires sans doute, mais dépourvues de ce nerf dont le cœur seul est la source... :

NE NOUS IMAGINONS PAS QUE LES GRANDES VÉRITÉS DE L’ÉVANGILE ÉTALERONT À NOS YEUX TOUTES LES RICHESSES D’UNE PLEINE CERTITUDE D'INTELLIGENCE ET DE CONNAISSANCE DU MYSTÈRE DE DIEU ET DE CHRIST.

J. L.
Le chrétien évangélique 1858



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