Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE VIII.

Travaillez-vous à répandre la Bible?

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Cette question est la conséquence de tout ce qui précède. Quiconque sent le besoin de lire la Bible doit vouloir la faire lire aux autres; car tous les hommes, ayant part à la même misère et à la même condamnation, ne peuvent être délivrés que par le même salut.

Aussi le devoir de répandre la Bible a-t-il été généralement compris de ceux qui ont puisé en elle une foi sincère et vivante.

Voilà, dans son expression la plus naïve, le langage de tout vrai disciple du Seigneur; c'est de la logique à la portée de tous les esprits. Concevrait-on un homme disant d'un côté: J'ai appris par les Écritures à connaître la voix de la délivrance en Jésus-Christ; et de l'autre: Je ne donnerai pas une seule obole, je ne prononcerai pas un seul mot pour mettre dans les mains de mes semblables ce livre qui m'a converti? Ne serait-ce pas là une flagrante contradiction?

Il faut choisir: ou renoncer aux privilèges des chrétiens, ou travailler par la dissémination de la Parole sacrée à étendre le règne de Christ.

Les plus solides motifs doivent nous faire adopter ce dernier parti; et il nous semble impossible qu'un homme réellement religieux, venant à y réfléchir avec une sage maturité, en se dégageant de toute prévention et de tout intérêt personnel, demeure longtemps incertain sur cette grande obligation.

Répandre la Bible, c'est entrer dans le plan de Dieu. Puisqu'il a jugé nécessaire de parler aux hommes, il est évident qu'il veut parler à tous. Et comme il n'agit que par des instruments, comme il daigne nous associer à ses desseins, il n'est pas moins évident que nous devons coopérer, selon nos forces, à l'accomplissement de cette œuvre de miséricorde.

Ne pas s'inquiéter de la propagation des saints livres, ce serait donc dire au Seigneur: Ma volonté est opposée à la tienne; ce que tu m'ordonnes de faire pour le bien universel et pour le mien propre, je ne le ferai point! Ne sentez-vous pas votre conscience trembler, votre cœur frémir à la pensée de cette révolte sacrilège?

Répandre la Bible, c'est se déclarer en faveur de la vérité; c'est faire acte de respect et d'amour pour elle. La vérité est dans les Écritures; elle n'est entièrement que là. Elle avance ou recule avec le livre qui est son organe dans le monde. Rester indifférent à la dissémination de la Parole de Dieu, ce serait donc trahir la cause de la vérité. «On n'allume point la lampe, dit le Seigneur, pour la mettre sous un boisseau, mais sur un chandelier, et elle éclaire tous ceux qui sont dans la maison (Matth., V, 15.)

Répandre la Bible, c'est montrer qu'on aime les hommes, non pas seulement en paroles, mais en réalité. C'est leur dire: Vous êtes mes frères, et j'agis comme un frère envers vous. Je sais que vous avez une âme à sauver, et voici le livre qui a les paroles de la vie éternelle. Ce qu'il a fait pour moi, il peut le faire pour vous, et combien je me réjouirais de vous voir partager ma joie et mes espérances!

Répandre la Bible enfin, c'est répandre les vertus qu'elle enseigne et inspire: la douceur, la patience, la tempérance, la débonnaireté, l'humilité, le renoncement.

C'est donc aussi travailler au bien commun de la société, qui a besoin de ces vertus pour être assise sur ses vrais fondements. On se plaint, et avec trop de raison, des vices qui règnent dans notre état social, de cet esprit de désordre, de cette ambition effrénée, de cette soif de jouissances matérielles, de tant de mauvaises passions qui ont pénétré dans toutes les classes du pays, et menacent de tout dévorer, jusqu'à ce qu'il ne reste plus que les débris d'un cadavre. On a imaginé bien des remèdes pour guérir cette grande plaie: aucun n'a réussi. La Bible est l'unique moyen, toujours efficace, toujours puissant, d'ordre, d'union, de charité, et, par conséquent, de civilisation durable. Elle est destinée à faire de chaque nation une famille, et de toutes les nations une plus grande famille, vivant dans l'unité de la foi et de l'amour.

Et remarquez cette importante différence entre les biens spirituels et les biens temporels. Ceux-ci sont bornés, et la part de l'un ôte nécessairement quelque chose à celle de l'autre; mais les biens spirituels n'ont point de bornes, et nul ne perd de ce que l'autre gagne. Loin de là: que le livre de Dieu soit dans toutes les maisons, et l'exemplaire qui est dans la vôtre ne servira que mieux à vous édifier, parce que l'action universelle des Écritures accroîtra leur action individuelle.

Dira-t-on que les sacrifices demandés pour la Bible diminueraient les ressources des pauvres? Rien de plus faux que cette objection. La Parole de Dieu apporte avec elle la pitié pour les malheureux, et la volonté de les secourir. Créez cette bonne volonté, et les aumônes ne vous manqueront point.

Une église, qu'il est inutile de nommer ici, était sans collectes pour les pauvres, ou celles qu'on y faisait étaient si exiguës qu'elles ne répondaient nullement aux besoins des nécessiteux. Tout à coup des Bibles se répandent dans cette contrée. Les fidèles font immédiatement plus d'attention à leurs devoirs de chrétiens; la voix de l'Évangile retentit.dans leurs cœurs. De là l'augmentation des aumônes, une richesse inaccoutumée dans le tronc des pauvres. L'ordre s'introduit dans la distribution des secours. Durant les rigueurs de l'hiver, on peut aider utilement plusieurs familles incendiées, fournir du bois aux indigents, nourrir des vieillards, babiller des enfants, distribuer du pain, et la caisse des malheureux n'est jamais vide.

D'ailleurs, la diffusion des Écritures vient en aide aux nécessiteux sous un autre rapport qui est le plus considérable de tous. La Parole de Dieu, bien lue et méditée avec prière, affranchit l'homme des vices qui font plus de pauvres que toutes les maladies et toutes les causes de misère ensemble. Elle le rend laborieux, économe, sobre, appliqué à ses devoirs. Elle lui fait désirer les avantages d'une éducation qui le corrige en le relevant. Que la France ait des millions de Bibles de plus, et elle aura des milliers d'indigents de moins.

Nous pouvons donc saisir cette objection même pour l'employer comme un de nos meilleurs arguments. Vous avez peur que le fléau du paupérisme, déjà si grand, ne se développe encore davantage. Eh bien! distribuez sans relâche, distribuez partout la sainte Écriture, et croyez-moi, vous aurez plus fait pour combattre les effrayants progrès du paupérisme que vous ne pourriez faire par aucun autre moyen, quel qu'il soit.

Quelqu'un répondra-t-il qu'il est lui-même trop à l'étroit dans ses affaires pour envoyer une souscription aux sociétés religieuses qui font vendre la Bible à bon marché, ou pour en acheter des exemplaires qu'il distribuerait gratuitement aux autres? Ce serait une excuse mal fondée, à moins qu'il ne fût dans un complet dénuement. Si vous avez peu, donnez peu; mais si vous ne donniez absolument rien pour la Bible, c'est votre manque d'amour qu'il faudrait en accuser.

La veuve d'un soldat ayant présenté pour cette œuvre pieuse une pièce de cinq francs, on lui demanda si ce n'était pas trop dans sa position: L'amour, répondit-elle, ne craint jamais de trop donner.

Un jeune homme qui avait à pourvoir aux besoins de sa mère, recueillit sur ses épargnes une somme suffisante pour acheter trois Bibles. Il garda l'une pour lui, remit l'autre à l'un de ses cousins, et la troisième à sa tante. Cela fait, il apporta encore sa souscription à une société religieuse, disant: — Pourquoi me priverais-je du plaisir de donner quelque chose, afin que de plus pauvres que moi puissent goûter à la lecture des saints livres la joie que j'y éprouve moi-même?

Un prêtre russe fit preuve pour cette cause d'une libéralité encore plus touchante. Il avait tout perdu à l'incendie de Moscou, en 1812, et était allé acheter un vieux lit de plumes pour sa maison. En levant la couverture, il trouva un paquet de billets de banque montant à environ 3500 francs. N'ayant pu en découvrir le propriétaire, il informa de sa découverte le gouvernement, qui lui laissa le tiers de la somme. Eh bien! cet homme respectable s'empressa d'envoyer sa part à des personnes pieuses pour être employée à la diffusion de la Parole de Dieu.

Au reste, le devoir de répandre la Bible ne demande pas seulement de nous des sacrifices pécuniaires. Il veut des efforts personnels. Nous sommes appelés, chacun dans sa sphère, à être des distributeurs du volume sacré; et, pour accomplir fidèlement cette mission, nous avons besoin d'être pénétrés de l'esprit même de la Bible. Par la foi, nous aurons tout ce qui nous est nécessaire: l'accent de la conviction pour enseigner aux autres quel est le prix des Écritures, le zèle pour agir avec force, la constance pour insister auprès des adversaires. Sans la foi, nous manquerions de tout dans cette sainte entreprise. On l'a souvent remarqué: il n'y a qu'un principe de vie au dedans de nous qui nous donne hors de nous la puissance de la persuasion.

Priez donc, et priez avec ferveur, en même temps que vous concourez à la dissémination de la Parole sacrée. Prenez exemple sur un humble chrétien, dont la fidélité et le dévouement méritent d'être signalés. Avant de commencer ses courses charitables, il se recommandait toujours par la prière, au souverain Dispensateur de tous les dons. Il y avait une si profonde ignorance de l'Évangile dans un grand nombre d'endroits que plusieurs de ceux à qui il offrait la Bible ou le Nouveau-Testament ne savaient pas même ce que c'était. Alors, il leur racontait l'histoire de la vie, de la mort et de la résurrection de notre divin Sauveur, et les disposait ainsi à acheter les saints livres. Dans un village on lui demanda pourquoi il les donnait à si bas prix. Il répondit: C'est afin que les pauvres puissent s'en procurer aussi bien que les riches. Souvent il disait à des mendiants, à des infirmes, à des malades qu'il trouvait sur ses pas: Voulez-vous entendre quelques chapitres de l'Évangile de notre Seigneur? Et, en pleine campagne, à l'ombre de quelques hêtres, il leur racontait, après une lecture, ce que le Seigneur a fait pour sauver les pécheurs qui croient en lui. Ces pauvres gens quittaient leur prédicateur rustique en le comblant de bénédictions. Dans les auberges mêmes il parvint à faire des lectures de là Parole de Dieu, et à captiver l'attention d'un certain nombre de personnes.

Une fois étant entré dans une maison pour y offrir la Bible, il y trouva une jeune fille, qui le renvoya en lui disant: Maintenant nous nous divertissons au bal (c'était la fête du village); revenez dans le carême: c'est l'époque où l'on se convertit; et moi aussi alors je vous achèterai un Nouveau-Testament. Mais ce zélé disciple de Christ lui répondit: Ne comptez pas sur le lendemain, parce que vous ne savez pas ce que le lendemain enfantera. — Il la détermina à se procurer du moins un petit traité d'édification, et la quitta en priant le Seigneur de bénir la lecture qu'elle en ferait.

Une autre fois, ayant été surpris par une nuit fort obscure, il s'égara dans un bois. Comme il avait cheminé longtemps sans découvrir aucune issue, il éleva son cœur vers Celui qui est le véritable guide des voyageurs, et qui seul peut en toute circonstance leur donner un secours efficace. Restauré par cette fervente prière, il continua d'errer dans les ténèbres, et trouva enfin un petit sentier qui le conduisit à une chaumière, où il fut accueilli avec une patriarcale hospitalité. Cette chaumière était habitée par une nombreuse famille, dont le chef, quoique dans la force de l'âge, était entièrement privé de la vue. L'entretien s'engagea sur des matières de religion, et l'étranger se mit à lire quelques morceaux de l'Évangile, en particulier le chapitre dixième de saint Marc, où il est parlé de la guérison de l'aveugle Bartimée.

Oh! quel bonheur pour ce pauvre homme, s'écria le père de famille; car il est bien triste d'être privé, comme je le suis, de la lumière du jour.

Sans doute, répondit le chrétien; mais apprenez, mon bon hôte, que si la privation de la lumière matérielle est si fâcheuse, la privation de la lumière spirituelle l'est infiniment davantage, puisqu'elle nous empêche de contempler le vrai Soleil de justice, qui seul porte la santé dans ses rayons. Isolés comme vous l'êtes dans ces contrées, il serait fort heureux qu'il y eût quelqu'un de vous qui pût lire dans ce livre divin; vous y verriez tout ce que le Sauveur a fait et ne cesse de faire en faveur de ceux qui ont le bonheur de le connaître et de se confier en lui, combien il est compatissant pour les infirmes, pour les malades de corps et d'esprit, puisqu'il les appelle tous, comme vous venez de l'entendre, à aller à lui pour être soulagés dans leur misère.

Vivement touché par ce discours, le pauvre aveugle pria l'étranger de lui céder le livre qui venait de verser dans son cœur des consolations et une joie telles qu'il n'en avait jamais éprouvées de semblables. — J'ai un de mes enfants établi dans le voisinage, dit-il, qui a le bonheur de savoir lire; et, par la lecture qui m'en sera faite, ce livre contribuera, non seulement à mon édification, mais à celle de toute ma famille. — Réjoui de ces bonnes dispositions, l'étranger lui vendit le Nouveau Testament, et lui recommanda, au nom du Seigneur, d'en faire une lecture journalière.

Nous avons choisi ces traits entre mille autres du même genre. Il est indubitable que de pareilles tournées, faites dans un esprit de foi, de prière et d'amour, produiront des fruits abondants pour la conversion des incrédules et la consolation des malheureux.

Les femmes peuvent aussi bien que les hommes participer à ces actes de charité. Elles possèdent même à un plus haut degré l'art si nécessaire d'adresser des exhortations aux gens du monde sans les blesser, et de dire précisément à chacun ce qu'il a besoin d'entendre. Si les femmes vont dans les hôpitaux et dans les prisons soulager les souffrances humaines, jugeraient-elles moins important d'introduire, avec la Bible, dans les demeures de l'ignorance et du vice, la lumière et la piété? Elles doivent, comme le remarquait un évêque, se souvenir que la Bible est la charte de leurs droits, et leur plus solide rempart contre la dégradation.

Nous n'indiquerons pas les moyens à employer dans la pratique de cette bonne œuvre. La charité saura bien en trouver quand elle le voudra sérieusement. On a vu des personnes du plus haut rang apporter la Bible de cabane en cabane; et, d'un autre côté, de pauvres femmes, qui gagnaient leur vie en parcourant les marchés, placer au fond de leur panier des exemplaires de la Parole de Dieu, et les offrir à leurs connaissances, non pour y faire aucun bénéfice, mais pour avancer le règne de leur miséricordieux Rédempteur. N'attendez pas qu'on vienne vous demander la Bible. S'il est permis d'attendre, quand il s'agit de secours matériels, il ne l'est pas pour les secours spirituels; car l'homme sent ordinairement d'autant moins ce qui manque à son âme qu'elle est plus dépourvue et plus misérable. Allez donc au-devant des besoins religieux, et ne prenez point de repos que vous n'ayez réussi à les exciter par vos pieux avertissements.

Il est vrai que tous ne sont pas obligés de se mettre en voyage pour distribuer les Écritures. La position sociale, l'âge, ou d'autres causes peuvent nous rendre cette tâche impraticable. Mais je ne connais guère de situation où l'on ne puisse placer quelques exemplaires des saints livres. On le fera, sans quitter son foyer, en se renfermant dans le cercle de ses relations habituelles, pourvu qu'on y apporte de la charité et de la persévérance. Un proverbe anglais dit: Où il y a une volonté, il y a une voie.

Réfléchissez que, dans certains cas, vous êtes peut-être le seul homme dans le monde qui puisse faire lire la Bible par telle personne. C'est l'un de vos amis; il est accoutumé à vous écouter avec une entière confiance; vous lui avez rendu quelque grand service; vous aurez à le servir encore; que sais-je? les circonstances font que cet homme-là est disposé à suivre vos conseils, tandis qu'il repousserait avec dédain toute démarche venant d'une autre part. Quelle redoutable responsabilité pèserait sur votre tête, si vous ne profitiez pas de l'entrée que vous a ouverte la main du Seigneur! Arrêtez-vous devant cette réflexion; cherchez bien dans vos souvenirs: n'y a-t-il aucun de vos parents ou de vos amis sur qui vous pourriez exercer cette salutaire influence?

Il n'est pas toujours nécessaire d'adresser des exhortations en forme pour faire accepter la Bible. Quelquefois ce ton de prédicateur, au lieu de vous mener au but, vous en détournerait. C'est encore à l'amour chrétien à vous guider. Un mot prononcé dans un moment favorable, une exhortation venant à propos dans un jour de deuil ou de délivrance, un bon exemple, la profession franche et ingénue de vos convictions, valent souvent mieux que de longs discours.

Une jeune chrétienne fit plus. Elle était sur son lit de mort. Un ecclésiastique priait avec elle, et lui offrait toutes les consolations de l'Évangile.

J'ai une demande à vous faire, dit tout à coup la jeune fille. Il s'agit de quelque chose que je vous prierais de donner de ma part: c'est vous qui serez l'exécuteur de ma dernière volonté.

Le ministre de la religion supposa qu'elle avait fait quelques épargnes, et qu'elle l'avait choisi pour les distribuer aux pauvres. Mais il fut détrompé quand la jeune chrétienne, levant la main, et montrant sa Bible, lui dit: Je désire que vous présentiez cette Bible à ma sœur, lorsque je serai morte; car je crains qu'elle ne s'applique pas à la lire autant qu'elle le devrait.

Le même jour elle mourut, et son vœu fut accompli. L'ecclésiastique donna la Bible avec solennité, devant toute la famille, à la sœur qui survivait, et ce dernier présent de celle qui lui était si chère fit sur elle une impression profonde. Voilà ce qu'inspire le véritable amour; voilà comment on emploie la mort même à rendre les vivants plus attentifs aux appels de Dieu.

Gardez-vous de vous rebuter dès les premiers obstacles; ne soyez pas plus impatients que le Seigneur, qui vous a mille fois appelés, avant que vous ayez répondu à ses tendres invitations. Le cœur de l'homme est lent à confesser ses misères, et il l'est plus encore à s'en dépouiller. Il résiste, il s'emporte; mais le jour vient pour plusieurs où leur orgueil se brise, et où ils s'approchent avec larmes de Celui qu'ils avaient dédaigné. Ne désespérez de personne, avant que la pierre du sépulcre soit scellée sur sa poussière.

Offrirai-je la Bible à ce moqueur? 0ui, vous la lui devez offrir, à moins que vous n'ayez la certitude qu'il la foule aux pieds. L'impie déclaré n'est pas toujours aussi loin du royaume des cieux que le formaliste qui croit avoir mérité le salut par ses minutieuses observances.

Quelques hommes d'une position sociale élevée avaient coutume de se réunir pour tourner la Bible en dérision. Ils résolurent enfin de la brûler solennellement pour n'avoir plus à s'en occuper. Le jour fixé arrive; une Bible est posée sur la table, et l'on choisit pour cet acte sacrilège un jeune homme distingué par sa naissance et par son esprit. Il prend le volume sacré, et se dispose à le jeter au feu, lorsqu'il est saisi d'un violent tremblement dans tous ses membres. La figure décomposée, il replace la Bible sur la table, et dit d'une voix grave: «Nous ne brûlerons ce livre, que lorsque nous serons devenus meilleurs.» On ajoute qu'il fut converti plus tard par la lecture de cette Parole qu'il avait tant calomniée.

Une société religieuse avait adopté la résolution de remettre un exemplaire de la Parole de Dieu a toutes les familles d'une localité. Le distributeur vint dans une maison où il fut très mal accueilli. — Je ne me soucie pas de votre Bible, lui dit le maître avec aigreur. — Et comme le distributeur insistait: Déposez-la donc dans ma grange, continua-t-il, si vous voulez absolument la laisser quelque part. — Dans la grange, soit, répondit l'agent de la société; notre Sauveur lui-même a bien reposé dans une étable! Et il y alla déposer l'exemplaire des saints livres, en priant avec ferveur pour celui qui avait refusé de le recevoir dans sa maison. Tant de patience et de charité frappa l'esprit de l'incrédule. Il se reprocha son brutal emportement. Après deux ou trois jours, son angoisse devint si vive qu'il chercha dans la grange le volume qu'il avait si durement rejeté. Il y lut d'abord ce qui est écrit sur la naissance de Jésus. D'amères larmes coulèrent de ses yeux. Il se repentit, et la Parole de Dieu ne fut pas seulement reçue dans sa maison, mais dans son cœur.

Offrirai-je la Bible à cet homme si ignorant, si abruti? Pourquoi non? «Le témoignage de l'Éternel est assuré, dit le roi David, donnant la sagesse au simple (Ps. XIX, 7.). n S'il fallait une grande pénétration d'esprit et une vaste science pour profiler des saints livres, à quel petit nombre d'hommes ne seraient-ils pas adressés? Mais toute créature humaine, quel que soit son degré de culture intellectuelle, peut librement puiser à la source des révélations divines; et le Seigneur, pour déployer à la fois sa justice et sa miséricorde, se plaît à relever les humbles et à rabaisser les superbes. Dans l'étude des Écritures comme dans la vie chrétienne, les derniers sont souvent les premiers, et les premiers les derniers (Matth., XIX, 30.).

On avait remis un exemplaire du Nouveau-Testament à un pauvre artisan. Il désira bientôt avoir la Bible tout entière. L'ayant reçue, il s'écria: Par où dois-je commencer? je crains de perdre quelque chose de ce trésor des trésors; indiquez-moi une méthode à suivre. Puis, cet homme se mit à lire les Écritures à la lueur d'une petite lampe jusqu'à une ou deux heures du matin. Il compara une partie de la Bible avec l'autre; et, en quelques mois, à l'âge de soixante-dix ans, il acquit une si grande connaissance du livre de vie qu'il surpassa celui qui avait entrepris de l'instruire.

Quand il découvrit la doctrine de la justification par la foi en Christ, il en fut transporté, et, dans ses naïves convictions, il s'imagina que personne ne l'avait encore trouvée, du moins aussi clairement que lui. Une dame l'ayant interrogé sur sa foi, il répondit: Vous raconterai-je, Madame, comment ma faible intelligence explique le mystère de la rédemption? Dieu avait créé un monde parfait; le malin esprit en a flétri la beauté, de sorte que Dieu ne pouvait plus dire: Cela est bon. Cependant il aimait encore son propre ouvrage, et il dut le renouveler. C'est ce qu'il a fait par l'intermédiaire de son Fils. Voilà mes pauvres idées. — Pauvres, non, mais justes; et plût à Dieu que tous nos ouvriers et tous nos villageois eussent des vues semblables sur la bonne nouvelle du salut en Jésus-Christ!

Allons jusqu'au bout. Non seulement les ignorants, mais les vicieux mêmes, les criminels les plus dépravés ne doivent pas être déshérités de la lecture des saints livres. Qui pourrait affirmer que la Bible sera impuissante à les conduire par le chemin de la repentance au pied de la croix! N'y a-t-il pas eu un pardon pour le brigand crucifié à côté de Jésus?

Combien de malheureux, longtemps plongés dans les excès d'une ignoble intempérance, en ont été affranchis par la sainte Parole de Dieu! Que de malfaiteurs ont été retirés par elle de la voie du crime, transformés en hommes nouveaux, et rendus capables de glorifier par leurs bonnes œuvres Celui qui les avait sauvés! Le Seigneur a des trésors de miséricorde et fait des miracles d'amour qu'il ne nous appartient pas de renfermer dans l'étroite mesure de nos conceptions.

À diverses reprises et dans plusieurs contrées, on a observé qu'après une abondante distribution de Bibles le nombre des criminels avait diminué. On a vu dans les bagnes des forçats endurcis, et qui semblaient ne plus laisser aucune espérance à la charité, rentrer en eux-mêmes, et se sentir comme transpercés par la Parole, qui est l'épée de l'Esprit. Ils étaient morts, et ils sont revenus à la vie; ils étaient perdus, et ils ont été retrouvés (Ephés., VI, 17.; Luc, XV, 32.).

Dans une contrée voisine, un homme et deux femmes vinrent, un soir, frapper à la porte d'un maître d'école, en le priant de les loger pour la nuit. L'instituteur était au moment de célébrer son culte domestique, et avait la Bible ouverte devant lui. Il fit un affectueux accueil aux étrangers, puis il lut d'une voix lente et grave le deuxième chapitre de l'épître aux Éphésiens. Les visiteurs paraissaient très attentifs, en particulier le jeune homme dont la contenance indiquait une violente agitation. La lecture finie, il demanda quel était ce livre. Son hôte lui dit que c'était la Parole de Dieu. Il devint encore plus agité; et, après avoir fait l'aveu qu'il n'en avait rien connu jusqu'alors, il s'informa de la signification de quelques passages qui l'avaient frappé: «Vous étiez morts en vos fautes et en vos péchés. — Vous avez marché autrefois, suivant le train de ce monde. — Nous étions de notre nature des enfants de colère comme les autres, etc.» À toutes ces questions, le maître d'école répondit avec clarté et simplicité. Le jeune homme écoutait avec la plus grande attention, et demanda encore des explications sur plusieurs autres endroits de la Bible qui pouvaient éclaircir ce qu'il avait entendu.

Enfin, les yeux fixés sur son hôte, il lui dit du ton le plus sérieux: C'est la Parole de Dieu, en effet; tout y est vrai; j'y vois mon état dépeint avec une rigoureuse exactitude. J'ai marché dans cette voie de perdition depuis mon enfance; et maintenant encore c'est pour le service du dieu de ce monde que j'ai entrepris le voyage qui nous a conduits ici, ma femme, ma sœur et moi. Ah! que nos âmes soient enfin délivrées de cette mort dans nos péchés et dans nos fautes! Depuis longtemps je n'ai fait que tromper indignement de pauvres ignorants dans les foires et dans les marchés, en leur donnant de la fausse monnaie que je fabrique moi-même, et nous avions le projet de recommencer à la foire de demain. Oh! puissions-nous nous convertir à Dieu! puissions-nous obtenir miséricorde pour ce péché et pour tous ceux que nous avons commis!

Étonné de coite franche confession, et heureux de voir que le Seigneur parlait à la conscience de ce malheureux, l'instituteur lui lut encore des passages où la Bible relève par de miséricordieuses promesses les pécheurs qui se repentent. Le jeune homme le pria de lui vendre un exemplaire de la Parole de Dieu. J'en ai grand besoin, dit-il, et je sais lire; je l'achèterai de tout mon coeur. — Le maître d'école lui répondit qu'il en aurait un gratuitement.

Le lendemain, au lieu de partir pour la foire voisine, les étrangers se conformant à ce précepte de l'Apôtre: «Que celui qui dérobait ne dérobe point (Ephes., IV, 28.),» apportèrent à leur hôte tout ce qu'ils avaient de fausse monnaie pour le jeter au feu, et exprimèrent la résolution de se procurer dorénavant de plus honnêtes moyens d'existence.

Faites-vous donc une sérieuse obligation de répandre la Bible, selon vos moyens, autour de vous, dans votre province, dans votre patrie, dans l'humanité, sans excepter volontairement aucun être humain. Ayez pitié de tant d'âmes immortelles, qui n'ont pas encore les Écritures, et ne connaissent pas le Dieu-Sauveur. On les compte, hélas! non par milliers, mais par millions.

Dussiez-vous, pour aider à la diffusion des Écritures, vous imposer de pénibles sacrifices, endurer de lourdes privations, être en butte aux moqueries d'un monde incrédule, ne le ferez-vous point? Cette nouvelle alliance de la rédemption que Dieu a préparée par tant de prophéties, sanctionnée par tant de miracles, et pour laquelle il nous a donné son Fils unique; cette alliance qui est depuis l'origine des temps, et qui sera jusqu'à la consommation des siècles, la grande œuvre du Père, du Fils et du Saint-Esprit, ne mérite-t-elle pas que nous y consacrions, dans la sphère qui nous est assignée, nos pensées, nos prières, nos forces, toute notre vie? Et quel moyen plus simple et tout ensemble plus efficace avons-nous pour y réussir que de répandre la Parole qui rend témoignage de Christ!

Hâtons-nous donc, pendant qu'il est jour, d'accomplir la tâche que nous a imposée le Seigneur; car la nuit vient dans laquelle personne ne peut travailler. Beaucoup de chrétiens se sont repentis à l'heure de la mort d'avoir trop peu fait pour la dissémination de la sainte Écriture: aucun s'est-il jamais repenti d'en avoir trop fait? Le temps est court, l'éternité est à la porte: heureux les serviteurs que le Maître trouvera veillants, quand il arrivera l

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