Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE VIII.

Quelle méthode faut-il suivre dans la lecture de la Bible?

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L'état d'esprit et de cœur de celui qui lit les Écritures est la question essentielle. Mais il y a aussi des règles pratiques qu'il est bon de suivre pour étudier utilement le volume sacré.

En premier lieu, cette lecture doit être régulière. N'ouvrir la Bible que de loin en loin, selon les fantaisies de son imagination, c'est presque entièrement se priver des avantages qu'on pourrait en attendre. Une impression s'efface, avant qu'une autre soit produite. Ce qu'on avait fait, on le défait, et l'on a sans cesse à reconstruire un édifice entièrement nouveau.

La régularité est la condition du succès en toutes choses. C'est elle qui forme l'habitude, et l'habitude change nos devoirs en besoins, de sorte que nous accomplissons avec joie ce qui exigeait un certain effort dans les commencements. Lisez donc la Bible chaque jour, ainsi qu'il avait été ordonné à Josué sous l'Ancienne Alliance, et comme le firent les habitants de Bérée qui sont loués par le Saint-Esprit (Jos., I, 8; Act., XII, 11.).

Notre âme doit avoir tous les jours, aussi bien que notre corps, le pain dont elle se nourrit. «Comme la faim et le défaut de nourriture, dit saint Augustin, rendent notre corps sec et débile, de même l'âme qui néglige de se fortifier par le pain de la Parole de Dieu devient faible et aride, et n'est plus propre à aucune bonne œuvre Un autre Père de l'Église, saint Jérôme, écrivait à une dame romaine: «Apprenez tous les jours un certain nombre de versets de l'Écriture, et ne prenez point de repos que vous ne vous soyez acquittée de ce devoir envers le Seigneur.»

On rapporte que l'un des princes les plus puissants de notre siècle, l'empereur Alexandre, lisait journellement trois chapitres de la Bible: le premier dans les prophètes, le deuxième dans les évangiles, le troisième dans les épîtres. Excellent exemple qu'il a donné à ceux qui, moins surchargés d'affaires, négligent pourtant de lire un seul chapitre de la divine Parole dans tout le cours d'une journée.

Voulez-vous acquérir cette régularité si désirable? Ne permettez jamais qu'un livre humain ait plus d'intérêt pour vous que le livre de Dieu. Imitez la sage précaution du missionnaire Martyn, qui, dès qu'il observait qu'une autre lecture captivait trop son esprit, la discontinuait immédiatement pour retourner à sa Bible, et ne quittait la Bible elle-même que lorsqu'il en avait éprouvé de nouveau toute la vivifiante influence. Peut-être vous ne suivrez pas toujours cette méthode sans combat; mais plus vous aurez à combattre, plus la lutte vous sera nécessaire, car vous devez y voir une preuve que votre cœur s'était éloigné de Dieu.

Une deuxième règle non moins importante, c'est qu'il faut lire la Bible avec suite, livre par livre, chapitre après chapitre, pour arriver enfin à la connaître tout entière. La parcourir au hasard, jeter ça et là les yeux sur quelques passages, sans examiner ce qui précède, ni ce qui suit, c'est se condamner à n'en avoir qu'une intelligence très défectueuse, ou quelquefois même à tomber dans de graves erreurs. Tout est intimement lié dans les Écritures, et tout doit être lié dans l'étude que nous en faisons. Ne séparons pas ce que Dieu a uni.

Quelle partie de la Bible pourrait-on retrancher sans inconvénient de ses méditations? Les livres historiques de l'Ancien Testament! Mais ils nous racontent la création de l'univers, l'origine de l'homme, la cause de l'entrée du mal dans le monde, les premières migrations des peuples, tout ce qui doit intéresser le plus vivement la pensée humaine. Ils nous montrent Dieu se choisissant un homme, et après cet homme une nation, dans laquelle devaient s'accomplir ses desseins d'amour envers notre race déchue. Nous voyons dans ces écrits le Seigneur intervenant partout, non seulement par sa providence générale, mais par une providence particulière, soutenant ses serviteurs, punissant les rebelles, manifestant tour à tour, ou dans une seule et même dispensation, sa justice parfaite et ses insondables miséricordes. Que d'admirables enseignements qui ne se trouveraient nulle part ailleurs, et qui nous expliquent les énigmes de notre propre existence!

Retrancherait-on les livres poétiques de l'Ancien-Testament? Mais sans parler du livre de Job, qui résout le mystérieux problème des souffrances du juste; ni du livre des Proverbes, dont un homme pieux disait que lorsqu'il était embarrassé sur la manière de remplir un devoir, il ne manquait jamais d'y trouver la solution de ses doutes; sans parler du livre de l'Ecclésiaste qui mesure les hauteurs et les abîmes des choses de la terre, et les juge, sous la direction de l'Esprit, avec une sagesse infiniment plus sûre que la nôtre: quel incomparable recueil que celui des Psaumes!

Ce sont les aspirations d'une âme fidèle, qui, après tant de siècles, réveillent encore dans notre cœur de profonds échos. Ce sont d'intimes expériences qui n'ont rien perdu de leur fraîcheur et de leur vérité, parce que les enfants de Dieu se ressemblent toujours dans les grands traits de leur caractère. Est-il un seul sentiment de peine ou de joie, d'abattement ou de ravissement spirituel, que le Psalmiste n'ait exprimé? Nul autre livre de la Bible n'est plus cher à ceux qui aiment le Seigneur; car nul autre ne sait mieux peindre leurs émotions, leurs tentations, leurs angoisses, et relever leurs espérances.

L'exclusion porterait-elle enfin sur les livres prophétiques de l'Ancien-Testament? Mais ils prédisent avec une telle abondance de détails la venue et les actions du Messie, que tout l'Évangile y est comme écrit d'avance d'une main ferme et infaillible. Dieu y parle de l'avenir avec l'autorité calme et assurée d'un Être qui voit d'un seul regard tous les temps, et gouverne lui-même les événements qu'il annonce. Quoi de plus utile, pour nous fortifier dans la foi, que de comparer l'histoire évangélique avec la prophétie, et de compléter l'une par l'autre?

D'ailleurs, les livres prophétiques sont pleins d'avertissements et de promesses qui s'adressent à nous non moins qu'aux Israélites, si l'on s'applique à découvrir, sous des usages maintenant abandonnés, le fonds des idées. «Toutes les choses qui ont été écrites auparavant, dit saint Paul, l'ont été pour notre instruction, afin que, par la patience et par la consolation des Écritures, nous ayons espérance (Rom. XV, 4.)

Ne nous arrêtons pas sur les avantages de la lecture du Nouveau-Testament: il ne peut venir à la pensée d'aucun homme sérieux d'en négliger aucune partie. Les Évangiles sont le fondement de notre foi, et, après avoir servi à nous conduire à Christ, ils doivent servir encore à nous sanctifier par la méditation de son exemple. Ils sont donc importants, et pour celui qui entre dans la carrière du salut, et pour celui qui achève de la parcourir. Les Actes des Apôtres nous font assister aux premiers pas du christianisme dans le monde, et à l'établissement de la grande société chrétienne.

Les Épîtres viennent ensuite avec leurs doctrines fortes, avec leurs excellents préceptes, nous affermissant dans la connaissance de toutes les vérités religieuses, et nous faisant contempler, sous toutes ses faces, la vie de l'homme transformé à l'image de Dieu.

Enfin, les révélations de saint Jean, cette grande prophétie de la nouvelle alliance, renferment, outre des oracles qui vont s'accomplissant d'époque en époque, les plus graves exhortations, dont nous pouvons et devons profiter aussi bien que les anciennes églises de l'Asie-Mineure.

Je cherche le livre qu'on pourrait s'abstenir d'étudier, sans qu'il en résultât du vide pour notre science du salut ou pour notre sanctification, et je ne le trouve point. Je dis plus: y a-t-il dans toutes les Écritures un seul chapitre que le Seigneur n'ait employé, dans une occasion ou dans une autre, à éclairer une âme, ou à la convaincre de péché, ou à la détourner d'une faute, ou à la consoler? Que savons-nous donc si nous n'en profiterons pas à notre tour?

On entend demander par quelques personnes: À quoi bon tels détails contenus dans les Écritures? quelle utilité, quelle édification puis-je en retirer? Certains naturalistes ont aussi demandé d'un ton présomptueux: à quoi sert telle plante, tel animal, telle œuvre de la création? Et dans leur témérité, ils osaient les juger inutiles. Plus tard ils ont été forcés de reconnaître que ces œuvres de Dieu avaient leur nécessité dans l'ensemble de l'univers. Appliquez cette remarque à votre opinion sur quelques parties de la Parole sacrée. Lisez-les avec attention, et vous confesserez un jour qu'elles étaient nécessaires, non seulement pour former la chaîne des révélations divines, mais pour vous enraciner vous-mêmes dans la piété.

Ce n'est pas à dire, cependant, parce que nous insistons sur le devoir de sonder la Bible tout entière, que nous désapprouvions ceux qui en choisissent des portions spéciales, selon les besoins de leurs âmes. Au contraire, nous faisons de ce choix une troisième règle dans la manière de lire les Écritures, et une règle capitale. Bien à plaindre serait celui qui ne se sentirait jamais pressé, en étudiant les saints livres, d'y chercher quelque endroit correspondant à son état spirituel! Ce défaut prouverait qu'il ne possède pas encore, ou ne possède qu'à un bien faible degré, la vie de la foi.

Les deux méthodes d'une lecture faite avec suite et d'une autre lecture faite avec choix doivent se coordonner. «À toutes choses, dit l'Ecclésiaste, sa saison, et à toute affaire sous les cieux son temps (Ecclés., III, 1.).» Qu'il y en ait un, celui du culte domestique, par exemple, pour lire les Écritures avec ordre. Qu'il y ait un autre temps, celui de la méditation du cabinet surtout, pour y puiser ce qui répond le mieux aux besoins de notre cœur. La Bible, sous ce nouveau point de vue, est comme un immense banquet, où les convives intelligents prennent ce qu'ils jugent le plus propre à les nourrir.

S'il est bon de choisir pour soi-même, il l'est aussi d'indiquer à ceux dont l'état moral nous est bien connu des passages de la Bible qui peuvent les rapprocher du Seigneur.

Un vénérable chrétien avait pour fils unique un jeune homme aux élégantes manières, à l'esprit cultivé, mais qui faisait profession de mépriser la Parole de Dieu. Voyant la mort s'approcher, il appela ce fils incrédule pour le rendre témoin de ses derniers instants. Il lui prit la main, et, tenant les yeux fixés sur lui, le conjura par la solennité de cette scène funèbre de songer sérieusement à sa propre fin. Mais le jeune homme, devenu maître d'une grande fortune, ne s'occupa bientôt plus qu'à la dépenser joyeusement avec ses amis. Cependant il avait trouvé dans les papiers de son père une note qui lui recommandait de lire le quinzième chapitre de saint Luc dans la chambre même où il l'avait vu mourir. Cette note fut oubliée comme le reste. Mais un jour, le jeune homme était entré dans cette chambre, en attendant de se joindre à une partie de plaisir. Là était la couche sur laquelle son père avait échangé les douleurs de son corps mortel pour la joie des saints glorifiés. Là était la table où la vieille Bible de famille était posée pour le culte domestique. Là était le fauteuil où son père avait coutume de s'asseoir, quand il expliquait avec tant de gravité et d'onction la sainte Parole du Seigneur. Au-dessus était son portrait, dont le sourire semblait mêlé de tristesse.

Mille souvenirs se pressèrent à la fois dans l'esprit du jeune incrédule. II crut voir ses iniquités se lever l'une après l'autre devant lui, pour lui crier de la part du Seigneur: Jugement! jugement! Il se rappela les dernières exhortations de son père, et la note qu'il lui avait laissée. Aussitôt il se mit à lire ce quinzième chapitre de saint Luc, et y trouva les touchantes paraboles de la brebis perdue et retrouvée, et de l'enfant prodigue réconcilié avec son père. — Il y a donc, s'écria-t-il, il y a encore un pardon pour moi! — Il n'alla point vers ses amis; il se prosterna devant Dieu, et pleura. Pendant plusieurs semaines, il se consacra entièrement à l'étude des Écritures; et ayant été béni de Dieu, il rendit bientôt sa vocation honorable par une vie d'amour et de dévouement.

Une quatrième règle qu'il importe de suivre dans la lecture de la divine Parole, c'est d'expliquer la pensée du Saint-Esprit par le Saint-Esprit lui-même, en examinant les textes parallèles des Écritures, La Bible est le meilleur de ses interprètes.

Ce qui vous paraît obscur ici, vous le trouverez ailleurs parfaitement expliqué; ce qui n'est que rapidement esquissé dans un lieu, vous le verrez plus loin dans tout son développement. Les épîtres expliquent les évangiles, et les évangiles les épîtres, et chaque évangéliste vous fera mieux pénétrer dans les récits des autres. On a dit que la Bible se répète; non, elle se complète; car les mêmes doctrines et les mêmes commandements ne reparaissent qu'avec des différences de fond ou de forme, qui servent à nous en donner une pleine intelligence.

On peut donc se passer des commentateurs humains. Non que nous en blâmions l'usage, quand on y a recours avec discernement et réserve. Les interprétations des éminents serviteurs de Dieu ne doivent pas être dédaignées; elles nous aideront à comprendre des passages difficiles, et rectifieront ou féconderont nos propres idées sur des questions de dogme et de morale. Mais il y a dans l'emploi trop fréquent de ces intermédiaires des écueils contre lesquels on ne saurait trop se prémunir.

Tout commentateur tient plus ou moins à un parti religieux; il s'enferme, puisqu'il est homme, dans des bornes plus étroites que celles du livre de Dieu, et nous expose à y être enfermés avec lui.

Ce n'est pas tout: l'habitude de recourir continuellement aux interprètes de la Bible nous désaccoutume de réfléchir. Nous chargeons les autres de penser pour nous, ce qui fait que nous perdons souvent le fruit des passages qui s'appliqueraient le mieux à notre situation personnelle. C'est avec son propre cœur, et non avec le cœur d'autrui qu'il faut s'approcher de Dieu. Mais ce qu'il y a peut-être de plus dangereux dans l'usage excessif des commentateurs, c'est qu'on est aisément tenté de préférer le commentaire au texte, et les idées de l'homme à celles du Seigneur. L'homme est toujours, dans un certain sens, plus près de nous; il s'accommode mieux à nos faibles conceptions, et sur cette pente glissante on risque de tomber dans une idolâtrie subtile; car c'est être idolâtre que de substituer dans sa confiance, dans son attachement, la créature au Créateur.

Soyez donc prévoyants. Que le livre du Saint-Esprit ne cesse d'avoir la haute place qui lui appartient dans vos études et vos affections. La Bible vous guidera mieux à elle seule que tous les autres livres ensemble.

Un homme avait été jeté en prison sur l'accusation de fanatisme. Il y resta plusieurs années, ne pouvant lire que sa Bible. On supposera peut-être que, n'ayant aucun ouvrage humain pour le diriger, il devait être moins bien instruit que ceux qui jouissent des secours d'une vaste bibliothèque. Ce fut le contraire qui arriva. Étant redevenu libre, ce chrétien a composé des écrits qui témoignent, non seulement d'une étude consommée du texte sacré, mais encore de la connaissance la plus étendue des ruses du cœur et des tentations de la piété. Jamais observateur placé dans le centre des affaires, jamais prédicateur appelé à vivre au milieu du monde, n'a sondé l'homme et les hommes plus avant que l'auteur du Voyage du chrétien vers l'éternité. La Bible lui avait tout appris, et admirablement appris. C'est qu'il y a en elle des trésors qui ne sont que dans ses profondeurs, comme les perles les plus précieuses sont au fond des abîmes de l'Océan.

Aussi le dernier conseil que nous vous donnerons sur la méthode à suivre dans l'étude de la Bible, c'est qu'après l'avoir beaucoup lue, vous devez sans cesse la relire.

On s'imagine quelquefois que, pour avoir parcouru les Écritures d'un bout à l'autre, on en a retiré tout ce qu'on en pouvait attendre. Fatale erreur: dans le monde moral comme dans le monde matériel, il y a toujours de nouvelles découvertes à faire, de nouveaux fruits à recueillir. Vous serez surpris à la deuxième lecture de la Bible, que dis-je? à la vingtième, d'y rencontrer une foule de choses excellentes, qui n'avaient pas auparavant fixé votre attention.

On cite les noms de plusieurs chrétiens qui, à force d'étudier les saints livres, en avaient retenu une grande partie.

Constance louable, pourvu qu'elle n'ait rien de pharisaïque. Évitez ce qui ne serait qu'un vain mécanisme, ou une frivole parade d'érudition. N'étudiez pas la Bible pour vous glorifier de l'avoir étudiée, mais persistez à la sonder, jusqu'à ce qu'elle vous soit devenue parfaitement familière. De toutes les relations que nous pouvons former, la société de Dieu est la meilleure, la plus douce, la seule toujours bonne et assurée; et cette sainte société de Dieu, nous en jouirons dans sa Parole. «Approchons-nous de lui, et il s'approchera de nous.»


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